L’orientation et le genre
Dans un rapport pour l’OCDE de 1975 sur les tendances de la recherche en orientation, Bacher et Reuchlin affirment qu’on « ne peut sans doute adhérer sans réserve à l’affirmation selon laquelle toute différence entre sexes est nécessairement et entièrement déterminée par des facteurs culturels ». Le processus d’orientation est par conséquent forcément influencé par le genre. « Le travail est sexué, les savoirs et les compétences sont sexués, donc l’orientation est sexuée ». Un phénomène qui n’est pas une exception française mais s’opère à l’échelle mondiale. Les choix d’orientation opérés par les filles et les garçons sont pratiquement toujours les mêmes d’un pays à l’autre et marqués par de claires disparités. La division sexuée est une affaire planétaire. A l’issue de la troisième, 78% des garçons vont dans le secteur de la production alors que 88% des filles optent pour le secteur des services. Selon les statistiques internationales de l’UNESCO qui concernent 36 pays, les filières majoritairement féminines sont l’enseignement, le littéraire, les arts, la communication et la santé. Alors que les filières perçues comme masculines sont davantage les maths, les sciences de l’ingénieur, l’architecture, la production industrielle, les transports et l’agriculture. « La diversité des filières professionnelles et des métiers connotés « masculins » est plus étendue que celle des filières et professions connotées « féminines ». La question de l’orientation doit également être abordée par l’observation de la répartition des filles et des garçons dans une filière donnée et non pas seulement en fonction de la proportion de filles représentées dans la filière. Dès que l’offre de formation se diversifie dans le système scolaire les filles et les garçons n’investissent pas les mêmes filières. Contrairement aux idées reçues, la section S est largement préférée par les filles, or 69% des élèves sont des garçons. Par conséquent, alors que filles et garçons se représentent le même modèle de hiérarchisation des filières, si presque 81% des élèves de la série L sont des filles est-ce réellement la résultante de leur choix ou bien le fait que les garçons n’envisagent presque jamais cette orientation ? La prédominance du masculin ou du féminin dans une filière ne serait-elle pas davantage due à l’évitement par l’autre sexe de cette même filière et non pas systématiquement à un choix massif de préférence. Cependant pour la grande majorité, la division sexuée de l’orientation ne se pose pas en tant que question puisqu’elle est vue comme l’expression normale des différences propres à chaque sexe. En d’autres termes, les inégalités sexuées d’orientation sont la conséquence d’une absence de réflexion autour de la question de la mixité.
Le besoin de reconnaissance
Le contexte économique actuel particulièrement difficile rend la question de l’orientation particulièrement sensible. La peur du chômage est omniprésente et particulièrement chez les moins de 24 ans et, parmi eux, ceux qui ne sont pas ou qui sont peu diplômés16. Le diplôme est plus que jamais un garant de l’insertion professionnelle et d’une carrière réussie. Les parents sont d’autant plus concernés qu’ils craignent le déclassement socioprofessionnel et voir leurs enfants connaître un avenir moins serein que celui qu’ils ont vécu. Un climat d’anxiété néfaste à une orientation pleinement choisie. Selon le rapport de 2008 du Haut Conseil de l’Education, seuls 44% des bacheliers de la filière S choisissent un parcours scientifique par attrait des sciences. Pour un grand nombre d’entre eux, ce choix est davantage lié à la volonté de conserver un maximum de portes ouvertes pour accéder à des parcours de formation plus prestigieux. Catherine Dolto rappelle qu’aujourd’hui que « le renoncement au rêve se fait de plus en plus tard dans nos sociétés »17. Nombreux sont les étudiants qui optent pour des études qui ne les passionnent pas mais qui les rassurent. Le statut prime et la raison l’emporte sur le choix. Les jeunes retardent ainsi la réalité, on observe un véritable décalage entre les espoirs et la réalité du marché.
La population enseignante
Le lycée rassemble 58 membres du personnel, dont 48 enseignants dont presque 60% se situent dans la classe d’âge des 35 à 50 ans. Dans l’établissement, 40,4% des enseignants sont de sexe féminin, soit un tiers de moins que leurs homonymes masculins et 13% inférieur à la moyenne française (53,4% en 2016). Lorsqu’ils sont titularisés, 74,1% appartiennent au corps des certifiés et 20,8% au corps des agrégés. Une surreprésentation des enseignants certifiés bien supérieure aux moyennes académique et nationale où ils représentent respectivement 55,2% et 54,1%. En ce qui concerne l’ancienneté sur poste, la moyenne de l’établissement est supérieure à la moyenne nationale, les enseignants du lycée restent en poste dans l’établissement en moyenne 9 ans contre 8 ans. Les enseignants peuvent donc facilement suivre leurs élèves entre la seconde et le lycée et sont ainsi en capacité de les conseiller quant à leurs vœux d’orientation.
Les résultats du groupe cible 2
Je considère désormais les résultats obtenus avec le second groupe d’élèves (cf. Annexe 4), dont le conseil de classe a eu lieu cette fois-ci le 15 mars 2018. En ce qui concerne le deuxième groupe d’élèves étudié, on remarque, tout comme le premier groupe de population étudié, une nette prédominance de la variable « attitude en classe ». Le nombre de remarques varie cependant en fonction du niveau de l’élève, plus il est en difficulté, plus les remarques sont nombreuses et négatives. Ainsi on qualifie le comportement de Antonin de « très perturbateur » et Lily de « très dissipée », « elle se permet même de répondre ». La variable « résultats scolaires » a elle aussi son importance puisqu’elle est citée pour les quatre élèves de la population cible. Les résultats obtenus sont binaires en fonction du type d’élève observé ; Anita, bonne élève, obtient « du progrès », quand Antonin, élève en difficulté obtient « ça va pas en s’arrangeant » ; Lily obtient « c’est pas bon » quand Thibault obtient « bon travail dans l’ensemble, c’est satisfaisant ». La « participation » n’est que peu prise en compte puisque je ne relève qu’une seule citation à propos de Anita : « elle s’est réveillée ». Il en est de même pour l’« absentéisme » mais, à contrario, les remarques ne concernent que les élèves en difficulté Lily et antonin. Pour le second groupé étudié, la variable « famille » est largement dominante parmi les quatre variables extra-scolaires étudiées. Les remarques sont en effet nombreuses quantitativement et assez étoffées qualitativement, tant pour les bons élèves que pour ceux en difficulté. Les remarques font référence à la famille au sens large puisqu’il est question des parents : « et puis les parents qui préfèrent partir à Bali plutôt que de suivre leur gamin », « faut pas s’étonner », des frères et sœurs : « son frère est aussi passé par là il y a deux ans », et de l’entourage proche « je sais que son oncle est prof de math, ça l’aidera ». Tout comme pour le premier groupe de population étudié, la variable « genre » n’est pas la plus représentative. On ne relève qu’une remarque à l’attention d’Antonin : « ah mais c’est un garçon aussi ». Le « domicile » n’est que très peu cité lui aussi puisqu’on ne relève qu’une seule remarque à l’attention de Antonin concernant son lieu de vie : « pourtant c’est pas trop mal par là bas, enfin c’est pas trop mal disons ». Enfin au niveau des « capacités supposées », les remarques portent sur l’ensemble des quatre élèves. En ce qui concerne Anita et Thibault, les remarques vont dans le sens du vœu émis par l’élève : « oui S c’est tout à fait possible » pour Antonin, voire le pousse à choisir une filière mieux évaluée : « ES ce serait mieux pour elle quand même » pour Anita. Pour ce qui est des élèves en difficulté, les remarques portent principalement sur des réserves émises par rapport au premier voeu d’orientation ou sur une possible réorientation : « il faut vraiment envisager une réorientation pour Antonin ». En combinant l’ensemble des résultats obtenus à l’aide des deux grilles d’observations on constate que quantitativement les critères scolaires et extra-scolaires sont relativement équivalents. Au niveau des critères scolaires ce sont les résultats et l’attitude en classe qui prédominent et au niveau extra-scolaire il s’agit davantage de tout ce qui touche à l’origine sociale et à la famille.
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Table des matières
Introduction
1. Accroche et discussion générale
2. Cadre d’analyse
2.1. Les facteurs d’influence du choix
2.1.1. L’orientation et le genre
2.1.2. L’orientation et l’origine sociale
2.1.3. L’orientation et l’entourage
2.2. L’orienté et son orientation
2.2.1. La construction de l’identité et la projection de soi
2.2.2. Le besoin de reconnaissance
3. Problématique et hypothèses
4. Cadre contextuel
4.1. La population scolaire
4.2. La population enseignante
4.3 Moyens et performance de l’établissement
5. Cadre méthodologique
5.1. Fondement théorique de la méthode d’observation et spécificité de l’objet
5.2. Des limites inévitables
5.3. Le choix du terrain et la construction des catégories d’observation
5.3.1. Le terrain
5.3.2. Les catégories d’observation
5.4. Des précautions nécessaires
5.4.1. La préparation du terrain et l’échantillonnage
5.4.2. Sur le terrain
6. Analyse des résultats
6.1. Analyse des résultats et discussion
6.1.1. Les résultats du groupe cible 1
6.1.2. Les résultats du groupe cible 2
6.2. L’interprétation des résultats
Conclusion
Bibliographie
Annexes
4ème de couverture
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