Organiser les secours à l’avance pour la 5ème année de l’ère Yuanyou (1090)

La dynastie Song (960-1279)

Souvent considérée comme une dynastie faible militairement, la dynastie chinoise des Song (960-1279) s’est pourtant distinguée entre toutes par le renouveau du confucianisme, la vigueur de sa production intellectuelle et culturelle ainsi que la qualité de ses artistes, poètes et lettrés. L’historiographie actuelle tente par ailleurs de rejuger la dynastie des Song en la considérant non pas comme une dynastie faible, mais au contraire comme une dynastie confrontée à la montée de superpuissances au nord de l’Asie (Khitan-Liao, Jürchen, Mongols). L’historiographie actuelle juge ainsi le simple fait que la dynastie ait réussi à se maintenir face à ces puissances étrangères comme une preuve de la puissance considérable des Song . Hormis les conflits politiques externes, la dynastie Song a également été le théâtre de luttes politiques internes entre les différentes factions politiques, dont l’affrontement le plus emblématique reste celui du premier ministre réformateur Wang Anshi 王安石 (1021-1086) s’opposant au parti conservateur mené par Sima Guang 司马光 (1019-1086). Cette situation politique alliant conflits externes et internes fait de la dynastie un terrain d’une rare complexité géo-politique.
Sur le plan idéologique, la dynastie est marquée par un renouveau du confucianisme incarné par les penseurs néo-confucéens Cheng Yi 程頤 (1033-1107) ou encore Cheng Hao 程顥 (1032-1085) parmi les plus célèbres, puis Zhu Xi 朱熹 (1130-1200) qui vit sous les Song du Sud (1127-1279), un peu plus tardivement. Le confucianisme est une doctrine basée sur un respect fondamental de la hiérarchie et une complète dévotion envers ses supérieurs et ses aînés, donc notamment envers ses parents, mais aussi envers son souverain. De plus, la dynastie voit également émerger une nouvelle élite politique au pouvoir, une élite lettrée qui vient remplacer l’élite aristocratique traditionnelle. Cette nouvelle élite est recrutée sur concours ayant pour programme essentiellement les classiques confucéens. Cette élite lettrée partage ainsi une culture, une idéologie mais aussi un but commun : assurer le service de l’État et de l’empereur, service qui s’accomplit en accédant aux postes de fonctionnaires. Basé sur un rapport très strict avec la hiérarchie, le confucianisme sert ainsi à justifier la place au sommet de l’empereur et ainsi la loyauté qui doit lui revenir de droit. La doctrine confucéenne est donc véritablement un socle commun pour la société : elle unifie la société. Enfin, la dynastie connaît surtout un essor économique sans précédent. Cet essor s’explique notamment par l’accroissement des surfaces cultivables (défrichements, construction de polders, etc…), ayant permis l’autonomie économique de nombreux foyers paysans, mais aussi par une centralisation accrue assurant de fait un meilleur quadrillage fiscal. En outre, la dynastie connaît un boom démographique et en conséquence, un besoin accru en ressources alimentaires. Pour y répondre, une nouvelle espèce de riz est introduite. Celle-ci, en permettant plusieurs récoltes par an, est cruciale pour la subsistance de la population croissante. La culture du riz étant un labeur pénible, des traités agricoles illustrés comme le Gengzhi tu 耕織圖 (Peintures sur les travaux des champs et de la soie), rédigés afin de diffuser les savoirs et les techniques agricoles, permettent de constater l’utilisation d’instruments tels que le yangma 秧馬, sorte de petit véhicule qui en facilitant et en accélérant le travail d’ensemencement, permet une amélioration des conditions de travail ; ou encore le liuzhou (ou ludu) 碌碡, sorte de rouleau cylindrique qui sert à aplanir les champs et contribue à faciliter le travail du sol. Ces efforts agricoles n’ont pas toujours été suffisants toutefois pour contenir la pression démographique et le risque alimentaire, comme en attestent des épisodes récurrents de disettes et de famines.

Étude de cas : présentation des sources et chronologie des rapports

Nous étudierons au cours de cette étude d’histoire économique et politique le cas de la famine des années 1089-1091, aussi appelée famine de l’ère Yuanyou (1086-1094), s’étant déroulée à Hangzhou et dans le Zhexi, c’est-à-dire la partie ouest du circuit du Liangzhe. Nous choisirons cette famine car il s’agit avant tout de l’une des mieux documentées de la période : elle fait l’objet d’une vingtaine de rapports (majoritairement des zhuang 狀 , mais aussi quelques zhazi 劄子 et shu 書 ) à la cour de la part de Su Shi, préfet de Hangzhou (zhizhou 知州) entre 1089 et 1092. S’il existe une dizaine au moins de compilations des écrits de Su Shi, nous nous référerons à l’édition parue récemment en 2010, intitulée Su Shi quanji jiaozhu 蘇軾全集校注 (Œuvres complètes de Su Shi annotées) , qui est selon Stéphane Feuillas la meilleure, ou en tout cas, qui s’avère plus fiable que le Su Dongpo quanji 蘇 東 坡 全 集 (Œuvres complètes de Su Dongpo) paru en 1975 à Taipei ; et qui a l’avantage d’être une édition annotée. Les rapports de Su Shi apparaissent également partiellement pour certains dans le Xu zizhi tongjian changbian (Suite au miroir universel pour aider à gouverner) , source précieuse pour l’historien travaillant sur la période Song, et qui nous sera très utile afin de situer chronologiquement les divers événements de notre étude. Notre troisième source principale sera le Songshi(Histoire des Song) où notre cas est mentionné à plusieurs reprises, notamment dans la biographie de SuShi . C’est sur ces trois sources primaires, entre autres, que nous nous baserons principalement pour réaliser cette étude. Nous pouvons découper l’intervalle de trois ans durant lequel Su Shi s’occupe des secours dans le Zhexi en trois périodes : la première période va de l’hiver 1089-1090 au printemps 1090, Su Shi est alors engagé dans diverses entreprises de secours ainsi que dans des travaux hydrauliques à la suite d’une sécheresse puis d’une inondation dans le Zhexi au cours de l’année 1089 ; la deuxième de l’été 1090 à l’automne 1090 où le circuit est frappé par de fortes précipitations et par conséquent, nécessite des secours plus intenses ; et enfin la dernière, de l’hiver 1091 jusqu’à la fin des rapports concernant le Zhexi en décembre 1092, où Su Shi, qui a déjà quitté Hangzhou pour assumer un nouveau poste, continue toutefois à distance d’organiser les secours dans le Zhexi pour la troisième année consécutive. Notre étude sera basée sur une série de rapports, que j’ai classé par ordre chronologique ci-dessous, qui constitueront notre corpus principal. Ces rapports évoquent globalement les calamités qui frappent le Zhexi sur la période 1089-1091 ; les politiques de secours proposées par Su Shi auprès de la cour et mises en œuvre dans le circuit ; les travaux hydrauliques que propose Su Shi pour résoudre la crise hydraulique du Zhexi ; et les divers problèmes économiques auxquels sont confrontés les fonctionnaires et la population du circuit.
Hang-chou: A Case Study of Policies Adopted By Sung Scholar-Officials » . Celui-ci se concentre principalement sur l’articulation entre la bureaucratie et la famine et sur les fonctionnements et dysfonctionnements de la bureaucratie. Un chapitre de l’ouvrage de Ronald C. Egan, intitulé Word, Image, and Deed in the Life of Su Shi, s’intéresse également aux politiques de secours employées par Su Shi lors de la famine de Hangzhou . L’analyse de Ronald C. Egan reprend principalement celle de Kondo Kazunari, mais se concentre particulièrement sur l’action personnelle de Su Shi. Une autre étude, assez courte mais intéressante sur notre cas est celle de Jin Yongqiang, dans son article « Étude sur les calamités du Jiangnan et le problème des dettes après ces calamités durant l’ère Yuanyousous les Song du Nord » . Jin Yongqiang remet en cause le système fiscal des Song, qui plonge le Jiangnan (c’est-à-dire la région au sud du fleuve Yangzi ou fleuve Bleu) dans un endettement perpétuel qui est, selon lui, directement responsable de la famine de l’èreYuanyou.
Mais celui qui choisit d’étudier cette famine doit se confronter à une question, la première, qui demeure : la famine de l’ère Yuanyou était-elle une famine ? Ou s’agissait-il d’une simple pénurie ? En Chine, la famine est un phénomène entrant dans la catégorie des catastrophes (zai 災 ), pourtant à l’inverse d’autres catastrophes naturelles (les séismes se mesurent par exemple sur l’échelle de Richter), il est très difficile de mesurer l’ampleur et la sévérité d’une famine. En l’absence d’échelle, où se trouve la frontière entre une simple pénurie et une famine ? On ignore aujourd’hui encore l’ampleur et la sévérité exacte de la famine de l’ère Yuanyou. C’est le cas aujourd’hui, car c’était également le cas à l’époque. Les acteurs contemporains eux-même n’ont jamais été d’accord sur la sévérité de la crise et sur les moyens de secours à mettre en œuvre.
Notre cas est particulier, car il présente tantôt les caractéristiques d’une pénurie et tantôt celles d’une famine. Pour éviter au lecteur le trouble de devoir lui-même décider sur quel bord pencher : le cas de l’ère Yuanyouest une pénurie ayant muté au fil des mois jusqu’à devenir une famine. Lorsque Su Shi écrit ses premiers rapports à la fin de l’année 1089, il interpelle directement la cour, procédure qui n’est normalement employée que pour les cas de famine, et demande des secours afin d’éviter que la situation ne devienne catastrophique dans le Zhexi. On peut donc en conclure puisqu’il alerte sur la possibilité d’une crise majeure future, que la situation n’est pas encore catastrophique et que ce à quoi il fait face sur le terrain n’est encore qu’une pénurie. Ce qui est surprenant cependant, c’est que mois après mois, le circuit du Zhexi va connaître calamité après calamité, aggravant de plus en plus la situation locale, pourtant les aides accordées au circuit vont se faire de plus en plus restreintes. Comment l’expliquer ? C’est l’une des questions auxquelles nous tenterons de répondre, mais il ne s’agit pas de la principale.
Dans le premier traité sur la famine de l’histoire chinoise , le cas de la famine de l’ère Yuanyouest présenté comme un cas de bonne gestion de famine. Pourtant, on sait de source sûre qu’après 1091 et le départ de Su Shi pour la capitale, la famine s’installe dans le circuit du Zhexi et que par conséquent, Su Shi « échoue » en quelque sorte à réguler la crise de subsistance, qui devient dès son départ une famine. Alors, comment comprendre que la famine de l’ère Yuanyouait été considérée comme un cas de bonne gestion ? Nous tenterons au cours de cette étude de répondre à cette question en nous basant sur les critères des acteurs contemporains, en étudiant leurs profonds désaccords en ce qui concerne la reconnaissance d’un état de famine, terme polémique, émotionnel et dangereux car une famine suppose une responsabilité politique à endosser, désaccord qui reflète par ailleurs nos propres questions et réflexions contemporaines . Nous essayerons par la même occasion de déterminer les mesures considérées comme de « bonnes mesures » (shangce 上 策 ) et celles considérées comme de « mauvaises mesures » (xiace 下 策 ), nous étudierons leur nature et leurs mécanismes ainsi que les éléments qui leur valent l’étiquette de bonne ou de mauvaise politique.
Nous analyserons tout d’abord dans une première partie le contexte local du Zhexi, frappé par des calamités et souffrant d’une pénurie de riz, signifiée par une inflation du cours du riz, ainsi que d’une pénurie monétaire. Nous tenterons de délimiter et de juger, s’il est possible, de l’ampleur et de la sévérité de la crise, et nous aborderons les doutes qui pèsent sur la nature critique de la famine de l’ère Yuanyou. Puis, nous nous concentrerons sur les mesures de secours mises en place par Su Shi pour résoudre la crise de subsistance : nous étudierons ainsi ses efforts pour tenter de réguler la pénurie de riz et la pénurie monétaire ; et sa stratégie pour y parvenir, qui consiste principalement à préparer les secours en avance, à travers notamment l’institution des greniers de maintien des prix, et à favoriser le commerce et la circulation des marchands en supprimant les taxes qu’il juge superflues. Ensuite, nous étudierons dans ses grandes lignes le cas de la famine de l’ère Xining (1068-1078), s’étant déroulée durant les années 1074-1076, pour tenter de comprendre les raisons pour lesquelles la mention de cette famine revient sans arrêt dans les rapports de Su Shi comme l’exemple des politiques à ne pas mettre en œuvre en cas de famine. Enfin, dans une dernière partie bilan, nous mettrons en évidence les difficultés rencontrées par Su Shi et les fonctionnaires du circuit, les limites de leurs actions face aux travers de l’appareil d’État et nous dresserons le bilan de la famine.

Une situation critique ?

Au cours de cette étude, nous nous concentrerons sur les années 1089-1091, qui sont les années sur lesquelles nous avons le plus de renseignements, grâce aux rapports que Su Shi envoie à la cour dans son effort pour sauver la préfecture de Hangzhou mais aussi les préfectures du Zhexi de la famine, puisqu’en tant que Chef militaire administrateur délégué de l’infanterie et de la cavalerie (Liangzhexilu bingma qianxia 兩浙西路兵馬鈐轄), Su Shi est également responsable de toutes les préfectures du Zhexi . Néanmoins, lorsque ce dernier quitte Hangzhou en 1091, la crise de subsistance n’est pas résolue et d’après les sources (très peu nombreuses après le départ de Su Shi), l’état de famine dure encore au moins deux ans.

Contexte historique de l’ère Yuanyou

Su Shi arrive à Hangzhou au printemps 1089 et y demeure jusqu’à l’hiver 1091, où il est rappelé à la cour. Cette période, qui ne dure pas tout à fait deux ans, il la passera à mettre en œuvre des secours dans la préfecture de Hangzhou, sinistrée par des calamités naturelles et menacée par des pénuries et par la famine, année après année. Au delà de 1091, malgré son retour à la capitale, la crise de subsistance qui touche Hangzhou et le Zhexi n’est toujours pas terminée et Su Shi continue de s’en préoccuper. Cette famine se déroule dans le contexte historique particulier de la période post-réformes.
Les nouvelles réformes, xinfa 新法, sont instituées sous le gouvernement du premier ministre Wang Anshi 王安石 (1021-1086), à partir de 1069, alors que l’empereur Shenzong 神宗 (r. 1067-1085) est au pouvoir. Les ères Xining(1068-1077) et Yuanfeng(1078-1085) sont ainsi des périodes marquées par d’intenses luttes de factions entre les réformateurs menés par Wang Anshi et les anti-réformateurs menés par Sima Guang 司馬光 (1019-1086). En effet, les nouvelles réformes fiscales visaient à diminuer les dépenses de l’État et à fixer des impôts plus justes, en allégeant notamment les charges pesant sur la paysannerie et en revenant sur les privilèges des plus aisés. Les nouvelles lois furent très impopulaires et bien qu’elles permirent de renflouer les caisses de l’État, elles contribuèrent également au surendettement de très nombreux paysans, contraints à la fuite ou à l’expropriation, à la baisse importante des revenus des marchands et des propriétaires fonciers et entraînèrent une crise économique généralisée, aggravée par les difficultés climatiques et les calamités régulières.
Cependant, la motivation principale des nouvelles réformes était de financer l’effort militaire voulu par l’empereur Shenzong qui souhaitait revenir sur le traité de Chanyuan 澶淵 之盟 (1005) et récupérer les préfectures Yan et Yun (Hebei) des mains des Liao. Les Song entrèrent également en guerre avec les Tangut de l’État Xi Xia entre 1081 et 1086. En 1081, lorsque la mère du souverain Tangut Bingchang 秉常 (r. 1068-1086) s’empare du pouvoir, les Song en profitent pour déclarer une guerre visant à l’anéantissement total du royaume Xi Xia . Le conflit s’avéra très coûteux mais aussi particulièrement fatal du côté Song qui perdit de nombreux soldats, dont six cent mille en tout rien que lors des combats de Lingzhou 靈州 (1081) et Yongle 永 樂 (1082) . Très coûteuse mais aussi dangereuse car elle menaçait l’équilibre aux frontières et l’harmonie des relations avec les puissances étrangères nordiques, la politique militaire en vigueur durant le règne de Shenzong est abolie dès la mort de celui-ci. Les Song négocient la paix avec les Tangut entre 1086 et 1089, mais ne restituent pas tous les territoires réclamés par les Tangut, dont Lanzhou (dans le Gansu actuel), qui demeurent l’objet de conflits entre les deux pays durant toute l’ère Yuanyou. En conséquence, les Song subissent régulièrement des raids de la part des Tangut, ce qui soumet l’empire Song à une pression militaire sur ses frontières du nord qui se traduit par une pression fiscale sur le reste de l’empire. Etienne Balazs souligne par ailleurs le paradoxe de la politique des Song : cette dernière entretient une armée nombreuse (plus d’un million d’hommes) et « inutilisable » , dont l’entretien entraîne des coûts démesurés, tout en fournissant des tributs aux royaumes septentrionaux afin de s’assurer la paix, une paix somme toute peu chère payée en comparaison de l’entretien d’une armée.
A partir de 1085, les anti-réformateurs prennent l’ascendant sur les réformateurs et l’abolition des nouvelles réformes, les unes après les autres, sont menées par Sima Guang. Après la mort de Shenzong, les anti-réformateurs s’assurent du soutien de l’impératrice douairière Xuanren 宣仁 (1032-1093), régente durant l’enfance de Zhezong (r. 1086-1100), et Sima Guang en profite pour continuer sa lutte contre les réformes. Son élan est de courte durée toutefois : il meurt en octobre 1086, quelques mois seulement après la mort de Wang Anshi. Ainsi, en 1086, les réformateurs ont été chassés du gouvernement mais les nouvelles réformes sont toujours l’objet de vifs débats . De son vivant, Sima Guang souhaitait l’abolition totale de toutes les réformes promulguées par Wang Anshi. Moins radicaux, certains tels que Su Che (1039-1112) et Su Shi étaient d’opinion que supprimer soudainement un système mis en place depuis 20 ans ne pouvait être que lourd de conséquences et qu’il valait mieux ne supprimer que les éléments négatifs des nouvelles réformes et en conserver les avantages. De nouvelles discordes émergent alors entre les plus fervents détracteurs des nouvelles réformes et les plus modérés : c’est le début de ce qu’Ari Levine qualifie « d’âge des factions ».

Le Zhexi géographique : grenier de la Chine des Song

Le Zhexi 浙 西 est un circuit (lu 路 ) sous les Song du Nord. Les circuits, dont l’émergence sous les Song va de pair avec la fonction d’intendant (jiansi 監司 ), sont le troisième échelon administratif au dessus des préfectures (zhou 州, fu 府, jun 軍 ou jian 監) et des sous-préfectures (xian 縣). Le terme Zhexi est en réalité l’abréviation de Liangzhe xilu 兩浙西路 (circuit ouest du Liangzhe). Le circuit du Liangzhe 兩浙, divisé en deux parties, une partie est (Zhedong 浙東) et ouest (Zhexi 浙西) correspond géographiquement au nord de l’actuelle province du Zhejiang et à la partie sud du Jiangsu actuel. Le circuit fait l’objet de plusieurs divisions en deux parties, est et ouest, sous les Song du Nord , avant de constituer définitivement deux circuits distincts, sous les Song du Sud à partir de 1131 . En 1089, le Liangzhe constitue un seul circuit. (Voir Carte 1, p.24).Le Zhexi comprend 7 préfectures : Hangzhou 杭州 , Suzhou 蘇州 , Huzhou 湖州 , Changzhou 常州, Runzhou 潤州, Xiuzhou 秀洲 et Yanzhou 嚴州 ; ainsi qu’une préfecture militaire (jun 軍 ) : Jiangyin 江陰. Ces préfectures sont elles-même découpées en plusieurs sous-préfectures, mais nous n’allons ici ne mentionner que celles de Hangzhou, puisque nous allons principalement nous intéresser à Hangzhou au cours de cette étude. La ville de Hangzhou est la plus grande ville de la préfecture de Hangzhou et lui donne ainsi son nom. La préfecture de Hangzhou se divise en neuf sous-préfectures : il y a les deux sous-préfectures où se trouvent les sièges administratifs de la préfecture (zhouzhi 州治) : Qiantang 錢塘 et Renhe 仁和 ; les sept autres sous-préfectures sont : Yuhang 餘杭, Lin’an 臨安 (où se trouve la ville de Hangzhou), Fuyang 富陽, Yuzan 於灒, Xincheng 新城, Yanguan 鹽官 et Changhua 昌化.
Le Zhexi se trouve dans la région du bas Yangzi qui connaît un essor économique majeur sous les Song . Ce développement rapide de la région du bas Yangzi est intimement lié à la construction du Grand Canal, entreprise durant la dynastie Sui (581-618) et visant à relier, dans un axe nord-sud à l’opposé de l’axe habituel ouest-est des fleuves chinois, Pékin à Hangzhou par voie fluviale. La construction du Grand Canal se réalise sur plusieurs siècles et permet d’alimenter la capitale ainsi que les frontières stratégiques au nord, déficitaires en grains, grâce aux surplus produits dans le sud. Le Grand Canal permet également une réduction des coûts de transport et une meilleure maîtrise de la ressource en eau, permettant ainsi de cultiver plus d’hectares, en pleine période de défrichage. Cet essor économique, et surtout commercial, engendre un déplacement du centre de gravité économique de l’empire au Sud-Est, mouvement qui s’amorce sous les Tang. En effet, le circuit du Liangzhe est une région très fertile pour les céréales dont le riz, aux nombreuses ressources (sel, mines) avec une production artisanale (tissus de soie, porcelaine) également très importante et le circuit devient le centre du commerce maritime et fluvial de l’empire Song. En conséquence, l’État central est largement dépendant des recettes fiscales engendrées au Sud-Est.
Cet essor économique s’explique également par l’essor de la riziculture sous les Song qui produit de hauts rendements grâce à la technique du repiquage (adoptée sous les Tang) ; à l’introduction de nouvelles variétés précoces de riz, dont celle venue du Champā (Vietnam actuel) qui, résistant à la sécheresse et pouvant être cultivé sur sol riche ou sol pauvre, permet deux récoltes par an en Chine centrale et trois par an en Chine méridionale ; ainsi que la sélection systématique des espèces, faisant de la riziculture inondée une agriculture très intensive mais aussi l’agriculture qui fournit le plus haut taux de rendements au monde jusqu’à l’époque contemporaine . Or, le riz est une plante dont les besoins en eau sont très élevés .
Ainsi, le Zhexi est une région particulièrement propice à la riziculture : son climat est chaud et très humide et la région est naturellement fournie en fleuves et lacs ( fleuve Qiantang, lac Xihu, lac Taihu), qui permettent une irrigation continue des parcelles de riz. Ainsi, la riziculture intensive pratiquée dans le delta de Yangzi est supérieure à celles de toutes les autres régions . Cependant, toutes les préfectures du Zhexi ne sont pas toutes égales entre elles : en effet, là où les préfectures de Huzhou, Suzhou et Xiuzhou ont des récoltes excellentes (sauf lors des années de calamités naturelles), la préfecture de Changzhou parvient difficilement à subvenir aux besoins de sa population en raison de ses sols de hauteurs inégales . Comme l’explique Francesca Bray, l’humidité des sols dépend de leur basse altitude, des sols élevés sont nécessairement secs et de fait, disqualifiés pour toute culture rizière mais propices à l’habitation, aux plants d’arbres, de légumes, d’épices ou de fruits . De même, la préfecture de Yangzhou a de piètres récoltes. En ce qui concerne Hangzhou, celle-ci dépend majoritairement des marchands de riz qui viennent de Suzhou, Huzhou, Changzhou et même du Huainan et Guangnan.
Le choix de la riziculture inondée n’est pas sans conséquence : une telle culture exclut tout autre type de culture, mis à part les cultures semi-aquatiques (taro, gingembre, indigo, canne à sucre) . Faire le choix du riz n’est pas anodin : il s’agit d’un choix politique fait par les Song. L’agriculture intensive pratiquée sur les parcelles de riz inondées est nécessaire pour assurer de hauts rendements et ainsi soutenir la pression démographique de la population chinoise sans cesse croissante et qui est estimée à plus 100 millions d’habitants . En outre, en plus de devoir sustenter tout un empire, le Zhexi subit également une pression démographique interne puisqu’il fait partie du circuit le plus peuplé de la période, c’est-à-dire le circuit du Liangzhe, dont la population ne cesse de croître durant toute la dynastie Song. En effet, la population du Liangzhe représente sous les Song du Sud environ un cinquième de la population totale de l’empire Mais le Zhexi est également une région particulièrement touchée par les calamités naturelles. En raison de ses fréquentes et fortes précipitations notamment durant les saisons estivales et automnales, ses nombreux cours d’eau sont souvent sujets à des crues et en conséquence, la région est fréquemment la cible d’inondations fatales pour les cultures et les habitations. En outre, le Zhexi subit également occasionnellement des sécheresses qui, bien que moins fréquentes par rapport aux sécheresses qui touchent le nord du pays, sont selon Wang Deyi, encore plus à redouter que les inondations parce qu’elles assèchent les sols ainsi que les cours d’eau , ce qui est encore plus dévastateur pour la riziculture. En outre, il arrive que les sécheresses ne viennent pas seules : elles peuvent être suivies d’inondations (et viceversa) ou bien d’invasions de criquets, aussi appelé fléau acridien (huangzai 蝗災). En résumé, le Zhexi est une région stratégique aux enjeux multiples : c’est une région fertile et prospère dont le rôle est primordial pour alimenter l’empire en riz et autres commodités (sel, tissus, porcelaine), qui s’impose petit à petit comme le centre économique et commercial des Song , mais c’est aussi une région surpeuplée qui doit faire face aux besoins internes de sa population ainsi qu’aux besoins externes de l’État central , même en temps de calamités naturelles.
Mais le Zhexi est également une région particulièrement touchée par les calamités naturelles. En raison de ses fréquentes et fortes précipitations notamment durant les saisons estivales et automnales, ses nombreux cours d’eau sont souvent sujets à des crues et en conséquence, la région est fréquemment la cible d’inondations fatales pour les cultures et les habitations. En outre, le Zhexi subit également occasionnellement des sécheresses qui, bien que moins fréquentes par rapport aux sécheresses qui touchent le nord du pays, sont selon Wang Deyi, encore plus à redouter que les inondations parce qu’elles assèchent les sols ainsi que les cours d’eau , ce qui est encore plus dévastateur pour la riziculture. En outre, il arrive que les sécheresses ne viennent pas seules : elles peuvent être suivies d’inondations (et viceversa) ou bien d’invasions de criquets, aussi appelé fléau acridien (huangzai 蝗災). En résumé, le Zhexi est une région stratégique aux enjeux multiples : c’est une région fertile et prospère dont le rôle est primordial pour alimenter l’empire en riz et autres commodités (sel, tissus, porcelaine), qui s’impose petit à petit comme le centre économique et commercial des Song , mais c’est aussi une région surpeuplée qui doit faire face aux besoins internes de sa population ainsi qu’aux besoins externes de l’État central , même en temps de calamités naturelles.

L’élément déclencheur de la crise de subsistances : des calamités répétitives

Dès 1089, le Zhexi connaît une série de calamités, dans une conjoncture similaire à celle décrite dans la partie précédente : en effet, le Zhexi est d’abord victime d’une inondation puis d’une sécheresse. Les calamités sont en Chine de deux natures : naturelles, elles sont appelées tianzai 天災 ou humaines et elles sont alors dénommées renhuo 人禍. Si ce sont les calamités naturelles qui sont le plus souvent l’élément déclencheur d’une famine ou d’une disette, l’historien ne doit cependant jamais négliger l’aspect humain, puisque bien que la distinction soit faite entre les deux types de calamités, les calamités naturelles sont en Chine intimement liées aux comportements humains. En effet, dans la vision chinoise du cosmos, une calamité résulte d’un trouble dans l’harmonie du cosmos qui peut venir d’une faute dans la conduite des fonctionnaires, d’un manquement aux normes de la part des fonctionnaires toujours (guanli shi fan 官吏失範) ; ou d’une perte de vertu de la part des plus riches ( fumin shi de 富民 失 德 ) . Les calamités sont alors des avertissements du ciel. Le souverain luimême peut être mis en cause. Dong Wei 董煟 (?-1217), l’auteur du premier traité de l’histoire chinoise traitant spécifiquement des mesures de secours à adopter en cas de famine, le Jiuhuang huomin shu (Livre sur le secours à la famine et le secours du peuple), conseille en cas de famine au souverain de « premièrement, faire dans la crainte l’examen de sa conduite ; deuxièmement, restreindre sa nourriture et supprimer les plaisirs […] » (一曰恐懼修省, 二曰 減膳徹 樂 ) . Ainsi, lorsqu’une calamité survient, le souverain comme les fonctionnaires en portent la responsabilité morale et il est attendu que ces derniers, avant tout, questionnent leur propre comportement.

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Table des matières
I.Abstract
II.Introduction
1.Réflexions sur la famine
2.La famine en Chine
3.La dynastie Song (960-1279)
4.Étude de cas : présentation des sources et chronologie des rapports
5.Étude de cas : recherches précédentes et problématique
III.Une situation critique ? 
1.Contexte historique de l’ère Yuanyou
2.Le Zhexi géographique : grenier de la Chine des Song
3.L’élément déclencheur de la crise de subsistances : des calamités répétitives
4.Pénurie et cherté du riz
5.Pénurie monétaire
6.Sur la nature critique de la situation
IV.Réguler la pénurie, éviter la famine
1. Informer les échelons supérieurs, faire des enquêtes et coordonner les juridictions entre elles
2.Organiser les secours à l’avance pour la 5ème année de l’ère Yuanyou (1090)
3.Organiser les secours en avance pour la 6ème année de l’ère Yuanyou (1091)
4.La stratégie de Su Shi : le recours aux greniers de maintien des prix
5. La stratégie de Su Shi : prévenir la pénurie en favorisant le commerce
6.Les autres mesures de secours : fondation d’une clinique et travaux hydrauliques
V.Le cas de l’ère Xining
1. Sources
2.Un contexte de réformes sous tensions
3.Plusieurs années consécutives de sécheresse et de secours insuffisants
4.Un cas de mauvaise gestion de famine ?
5.Bilan de la famine
VI.Bilan de la famine de l’ère Yuanyou : de la pénurie à la famine
1.Les ultimes secours et les facteurs secondaires de l’émergence de la famine de l’ère Yuanyou
2.Bilan de la famine et conclusion
Index des illustrations
Illustration 1: Inflations des prix du boisseau de riz dans le Zhexi (1089-1091)
Illustration 2: Procédure administrative en cas de famine selon le Jiuhuang huomin shu
Illustration 3: Entre pénurie, demandes de secours et endettement : le cercle vicieux
Index des tables
Tableau 1: Récapitulatif des secours accordés au circuit du Liangzhe durant l’ère Xining
Tableau 2: Récapitulatif des secours accordés par la cour durant la famine de l’ère Yuanyou
Tableau 3: Données comparées des deux famines de l’ère Xining et Yuanyou
Index des cartes
Carte 1 : Carte du Liangzhe en 1111
Carte 2 : Carte des Song du Nord

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