Organisations sociales observées chez le grand dauphin 

ORGANISATIONS SOCIALES OBSERVÉES CHEZ LE GRAND DAUPHIN

   L’étude des sociétés animales repose en grande partie sur les interactions et associations observées entre deux individus (i.e. une « dyade »). Une dyade est associée lorsqu’elle se trouve dans une situation où les interactions ont généralement lieu (Whitehead & Dufault, 1999). Bien que les notions d’interactions et de communication (e.g. acoustique) jouent un rôle primordial dans les relations entre dauphins, une association est, la plupart du temps, définie par la proximité spatiale et l’activité des animaux, plus évidents à circonscrire pour un observateur humain. Une hypothèse simple, le « gambit of the group », considère ainsi que tous les animaux compris dans un « groupe » spatio-temporel donné sont associés les uns aux autres (Whitehead & Dufault, 1999). Les associations observées au sein de ces « groupes » sont activement maintenues par les individus-membres, contrairement au cas des agrégations où les associations résultent d’un facteur attractif non-social (e.g. alimentation, prédation). Par ailleurs, ces associations sont symétriques (e.i. la relation entre A et B est égale à la relation entre B et A). Déterminant-clé de la biologie des populations, l’organisation sociale synthétise la manière dont les individus interagissent les uns avec les autres. Elle influence la valeur sélective (ou « fitness »), le flux génique, la distribution des individus, le flux d’informations et la transmission de pathologies au sein de populations et représente à ce titre un élément de connaissance important pour la gestion et la conservation des espèces (Whitehead, 2008). Plusieurs facteurs comme le sexe, l’âge, le statut reproducteur, les liens de parenté, la structure de l’habitat, la distribution des proies, le risque de prédation, l’historique des affiliations et des caractéristiques comportementales ou culturelles concourent à façonner les sociétés de grands dauphins (Shane et al., 1986 ; Félix, 1997 ; Mann et al., 2012 ; Blasi & Boitani, 2014). On considère cependant que les femelles ont un schéma social directement modelé par les variables environnementales tandis que les stratégies des mâles sont principalement liées à l’accès aux femelles (Connor et al., 2000 ; Gowans et al., 2006). Les activités humaines peuvent également avoir un impact substantiel sur l’organisation sociale de ces animaux (Samuels et al., 2004). L’absence de territorialité chez T. truncatus permet la mise en place de réseaux sociaux continus et ouverts (Pearson, 2011). La plupart des populations comprennent ainsi des sociétés dynamiques de « fissionfusion » au sein desquelles des individus rejoignent ou quittent des groupes à intervalles fréquents (Morteo et al., 2014 ; Louis et al., 2015). L’hétérogénéité et la fluidité sociale de Tursiops truncatus semblent parfaitement équilibrer les coûts et bénéfices engendrés par la vie en groupe. Observée chez quelques mammifères terrestres tel que le chimpanzé commun, Pan troglodytes (Connor et al., 1998 ; Pearson, 2011), elle se caractérise par des changements dans la taille et la composition des groupes sur de courtes échelles de temps, malgré la constance de certaines associations sur le long-terme (Wells & Scott, 1998 ; Connor et al., 2000) et le cas de la petite communauté de Doubtful Sound (sud-ouest de la Nouvelle-Zélande), qui présente une structure sociale particulièrement stable peut-être liée à son isolement géographique (Lusseau et al., 2003).

Latitudes tropicales et subtropicales

   Chez la plupart des populations tropicales et subtropicales, les communautés sont composées de « bandes » de femelles, de groupes de subadultes et de mâles relativement solitaires ou organisés en alliances à long-terme (Wells, 1991 ; Parsons et al., 2003 ; Kent et al., 2008). La ségrégation par âge et par sexe est une caractéristique importante de ces sociétés (Wells, 1991 ; Quintana-Rizzo & Wells, 2001 ; Kent et al., 2008 ; Morteo et al., 2014). Les « bandes » de femelles En Floride et en Équateur, le cœur stable de l’organisation sociale est constitué par les « bandes » de femelles (Wells, 1991 ; Félix, 1997). La stratégie des femelles étant principalement liée à la protection des jeunes, elles et leurs petits forment des unités sociales aux liens étroits. Ces structures sont de composition assez variable sur le court-terme mais certaines bandes s’associent de préférence et à long-terme avec d’autres bandes dont le core area chevauche le leur (Quintana-Rizzo & Wells, 2001). En Floride, les femelles membres de ces bandes ont un lien de parenté (Duffield & Wells, 1991). La plupart des femelles subadultes rejoignent des bandes existantes, certaines d’entre elles rejoignant leur bande natale.

Les mâles adultes

   En Floride, en Équateur, à Hawaii et au sud-ouest du golfe du Mexique, les mâles adultes sont généralement solitaires ou organisés en duo, plus rarement en trio (Wells, 1991 ; Félix, 1997 ; QuintanaRizzo & Wells, 2001 ; Kent et al., 2008 ; Morteo et al., 2014 ; García-Vital et al., 2015 ; Baird, 2016). En fonction des zones d’étude, les mâles alliés ont (Great Abaco Island, Bahamas, Parsons et al., 2003) ou n’ont pas (Floride, Wells, 1991) de lien de parenté étroit. Les duos (ou dyades) impliquent des liens à longterme (20 ans pour certains) et représentent, avec les liens mère-petit, l’association la plus étroite observée au sein des communautés (Pearson, 2011). Les liens entre mâles se développent probablement au sein des groupes de subadultes. Lorsqu’un membre du duo disparaît, le mâle survivant peut former une alliance avec un nouveau mâle (Rogers et al., 2004). Les duos sont plus mobiles que les mâles solitaires (qui fréquentent souvent une ou plusieurs bandes de femelles) et passent davantage de temps auprès de communautés autres que la leur (Quintana-Rizzo & Wells, 2001). Dans le golfe de Guayaquil, en Équateur, Félix (1997) a constaté la présence d’une unique dyade de mâles dans chacune des communautés étudiées, suggérant une hiérarchie de dominance chez cette population. Cette configuration donnerait aux mâles alliés un avantage coopératif vis-à-vis des individus solitaires pour l’accès aux femelles réceptives (Wells, 1991). En Équateur, les dyades dominantes passent en effet plus de temps à défendre l’accès aux femelles réceptives de leur propre communauté qu’à rendre visite aux femelles des autres communautés.

Les dauphins « solitaires »

   Un peu partout dans le monde et pour des raisons inconnues, des grands dauphins adoptent un mode de vie solitaire (Müller, 1998). Ces individus appartiennent, pour certains, à des communautés identifiées et quelques-uns d’entre eux, mâles ou femelles, interagissent régulièrement avec les activités humaines ou d’autres espèces de mammifères marins (Lockyer, 1990).

Le grand dauphin en Polynésie française

   La Polynésie française, située dans le Pacifique sud à 6 000 kilomètres de tout continent, s’étend sur 2 200 kilomètres en latitude et 2 000 kilomètres en longitude. Elle comprend cinq archipels dispersés sur une surface de 5 millions de km² entre 135 et 155° de longitude ouest et 7 et 28° de latitude sud. Située sur une plaine abyssale parmi les plus « plates » du globe (ORSTOM, 1993), la profondeur maximale de l’océan y varie entre 3 000 et 5 000 mètres et la pente externe des îles, à fort coefficient (22 à 65°), offre des écosystèmes de haute mer à faible distance des côtes (Bacchet et al. 2006 ; Zysman 2011). La quasi-totalité du territoire baigne dans le grand gyre du Pacifique Sud (Rougerie & Rancher, 1994). Entre 15° et 30° S, les eaux superficielles (0-150 mètres), chaudes et transparentes, sont presque dépourvues de nutriments. Au sein de cet immense désert océanique, les îles représentent de fragiles oasis de vie. L’archipel des Marquises, situé au nord-est de la Polynésie (entre 7° et 10°S) et baigné par des eaux productives riches en sels nutritifs, particules et plancton, fait cependant exception et constitue un « hot spot » local de biodiversité (Gannier, 1999). Le grand dauphin a été identifié dans tous les archipels polynésiens excepté aux Australes ; il a été observé en milieux lagonaire, côtier et pélagique, indiquant l’existence potentielle de plusieurs écotypes. La distribution générale des observations est hétérogène et suit un gradient latitudinal marqué (Laran et al., 2012). Ainsi, T. truncatus est particulièrement abondant dans les eaux côtières des Marquises (îles hautes entourées par un plateau de faible profondeur) et dans le nord-ouest et le centre de l’archipel des Tuamotu (entre 14° et 17°S, Gannier, 1999, 2002, 2009 ; Brasseur et al., 2002 ; Laran et al., 2012). Les 77 atolls des Tuamotu représentent une surface émergée inférieure à 1 000 km² et s’étirent sur 800 000 km² en suivant un axe sud-est > nord-ouest. La partie nord-ouest de l’archipel repose sur un plateau océanique situé à 2 000 mètres de profondeur (Analyse Éco-Régionale de la Polynésie française, 2010). Le grand dauphin a été identifié, de manière ponctuelle ou régulière, autour des atolls de Tikehau, Rangiroa,Ahe, Apataki, Toau, Fakarava, Kauehi, Tahanea et Makemo ; un individu a également été photographié à plusieurs reprises aux abords de l’atoll surélevé de Makatea alors qu’il naviguait au sein d’un groupe de dauphins à long bec, Stenella longirostris (GEMM, données non publiées). Aux îles Sous-le-Vent (ouest de l’archipel de la Société, 16°S), les fréquentes recaptures annuelles et interannuelles suggèrent des individus résidents autour de certaines îles. Par ailleurs, les grands dauphins observés autour de Huahine, Raiatea, Tahaa et Bora Bora sont souvent associés à d’autres espèces de cétacés telles que le dauphin à bec étroit, Steno bredanensis (figure I.1.), le globicéphale tropical, Globicephala macrorhynchus, et la baleine à bosse, Megaptera novaeangliae (Gannier, 2009 ; Carzon et al. 2016). La taille moyenne des groupes observés est de 4,0 individus (IC95% = [3,3 — 4,8], étendue = 1-10, n = 38, GEMM, données non publiées). Notons enfin que l’espèce semble être occasionnelle aux îles-du-vent (secteur est de l’archipel de la Société, Gannier, 2009).

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Table des matières

I. Caractéristiques démographiques du grand dauphin 
Estimations d’abondance
Densité
Degré de résidence et structure des populations
Taille du domaine vital
Dispersion
Taille des groupes
Structure sociale
Reproduction
Espérance de vie
II. Organisations sociales observées chez le grand dauphin 
Latitudes tropicales et subtropicales
Latitudes tempérées
Les dauphins « solitaires »
III. Le grand dauphin en milieu insulaire océanique 
Le grand dauphin en Polynésie française
IV. Spécificités de la zone d’étude 
Le grand dauphin, attraction-phare du tourisme plongée
V. Objectifs de l’étude 
CHAPITRE II . MATÉRIEL et MÉTHODES
CHAPITRE III . RÉSULTATS
I. La passe de Tiputa et la zone d’étude 
II. Le recueil et l’archivage des données 
Le recueil des données à terre
Le recueil des données en plongée
Le recueil des données en surface
Identification, sexage et assignation des dauphins à des classes d’âge
Archivage des données
III. Le traitement statistique 
Paramètres démographiques
Organisation sociale 
I. Effort d’échantillonnage et observations 
Sorties à terre
Sorties en plongée
Sorties en surface
II. Paramètres démographiques 
Abondance, disparitions et recrutement
Structure de la communauté
Quelques données sur la reproduction et l’espérance de vie
Fidélité des dauphins à la zone de Tiputa
Mouvements, migrations
III. Organisation sociale 
Taille et composition des groupes
Organisation générale de la communauté, schémas associatifs à court et à long-terme
CHAPITRE IV . DISCUSSION
CHAPITRE V . CONCLUSION et PERSPECTIVES
I. Effort d’échantillonnage et observations 
L’observation en plongée, atout majeur du site de Tiputa
La passe de Tiputa, un micro-habitat dédié au surf
Où, quand et comment les grands dauphins s’alimentent-ils ?
Une pression touristique soutenue
II. Paramètres démographiques 
Une petite communauté démographiquement fermée
Un sex-ratio déséquilibré
Des traits reproductifs typiques de l’espèce
Une fidélité à long-terme sur la zone de Tiputa
Un domaine vital plus vaste que la zone de Tiputa
La présence potentielle de communautés adjacentes
III. Organisation sociale 
Des groupes caractéristiques de populations côtières et résidentes
Des relations privilégiées stables sur le long-terme
Des schémas associatifs variés
RÉFÉRENCES
ANNEXES

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