LE NUCLEOLE
Le nucléole est une structure dense aux électrons présente à l’intérieur du noyau des cellules eucaryotes. Ces noyaux peuvent contenir un ou plusieurs nucléoles. Dès le XVIIIe siècle, le nucléole a été observé et décrit comme un « corps oviforme » dans des cellules épidermiques d’anguille. Le terme de nucléole fut introduit par Valentin en 1836 (Mosgoeller, 2004).
Organisation générale du nucléole
Structure d’un nucléole
Le nucléole est un organite visible en microscopie par contraste de phase. Il n’existe pas de membrane qui sépare le nucléole du nucléoplasme. Les nucléoles sont localisés le plus souvent près de l’enveloppe nucléaire (Bourgeois et al., 1988). Il est organisé en trois composants majeurs visibles en microscopie électronique (Hernandez-Verdun et al., 2004) (figure 1). Le premier composant est le centre fibrillaire (Fibrillar Center ou FC). Ce sont des régions claires dont la taille varie entre 0,1 et 1 μm. Les nucléoles de différents types cellulaires présentent des centres fibrillaires dont le nombre et la taille sont variables (Hozak et al., 1989). Les centres fibrillaires sont entourés par un deuxième composant ayant un aspect contrasté, ce qui lui a valu son nom de composant fibrillaire dense (Dense Fibrillar Component ou DFC). Ces deux structures sont entourées par un troisième composant, le composant granulaire (Granular Component ou GC) constitué de granules ayant une taille comprise entre 15 et 20 nm.
La taille et la forme des nucléoles varient au sein d’une même cellule mais aussi en fonction du type cellulaire. Dans des cellules humaines, la taille du nucléole varie de 0,5 µm pour des lymphocytes matures et jusqu’à 3 à 9 µm pour des cellules en prolifération et/ou cancéreuses (Hernandez-Verdun, 2006).
Régions Organisatrices du Nucléole
Chez l’homme, les gènes ribosomiques sont localisés dans les bras courts des chromosomes 13, 14, 15, 21 et 22 (Henderson et al., 1972). Ces chromosomes sont acrocentriques, c’est-à-dire que le centromère est localisé proche d’une extrémité du chromosome. Les régions chromosomiques où sont situés les gènes ribosomiques sont nommées régions organisatrices du nucléole (Nucleolus Organizer Region ou NOR) (Comai, 1999). Un groupe particulier de protéines est localisé au niveau de ces régions. Ce sont des protéines nucléolaires argyrophiliques (sensible à la coloration par l’argent) appelées protéines AgNOR. Elles permettent de visualiser les NOR de façon rapide et claire par une coloration à l’argent (Goodpasture et al., 1975). Dans les noyaux interphasiques, le marquage des protéines AgNOR apparaît sous forme de granules noirs localisés dans le nucléole. L’intensité du marquage dépend de l’activité des gènes ribosomiques (Hubbell, 1985). Il a été suggéré que la quantité de protéines AgNOR est reliée à la prolifération cellulaire (Derenzini et al., 1990; Trere et al., 1989 ). Certaines de ces protéines servent de marqueur de la prolifération cellulaire pour le diagnostic de certains cancers humains (Derenzini et al., 1995). Roussel et al. ont identifié deux protéines trouvées majoritairement dans le nucléole, la nucléoline et la nucléophosmine (protéine B23) comme protéines AgNOR (Roussel et al., 1992 ; Roussel et al., 1994b). Des sous-unités de l’ARN Polymérase I (Pol I) ainsi que le facteur de transcription UBF ont également été identifiés comme des protéines AgNOR (Roussel et al., 1994a).
Les protéines nucléolaires
Les protéines présentes dans le nucléole ont été déterminées par spectrométrie de masse. En 2002, Andersen et al. montrent que chez l’homme, il existe 271 protéines nucléolaires (Andersen et al., 2002). Au cours de la même année et en utilisant la même méthode, Scherl et al. identifient 213 protéines nucléolaires (Scherl et al., 2002). En déterminant les protéines communes aux deux études et celles qui ne le sont pas, environ 350 protéines sont présentes dans les nucléoles humains (Scherl et al., 2002). En 2005, une nouvelle analyse montre qu’il y a 489 protéines nucléolaires et que le protéome du nucléole varie en fonction des conditions cellulaires (Andersen et al., 2005) (figure 2). Récemment, il a été montré que le nucléole peut contenir jusqu’à environ 700 protéines (Coute et al., 2006).
La dynamique des protéines nucléolaires
Pour étudier la dynamique des protéines, la technique de « retour » de fluorescence après photoblanchiment (Fluorescence Recovery After Photobleaching ou FRAP) est utilisée. Cette technique permet de mesurer la diffusion des protéines fluorescentes dans les cellules. Il a été montré par cette méthode que le complexe Pol I est dynamique (Dundr et al., 2002). Les auteurs montrent que les composants du complexe Pol I se déplacent rapidement entre le nucléole et le nucléoplasme. Ils montrent également que les sous-unités de Pol I sont séparées lorsqu’elles entrent dans le nucléole et non assemblées en complexe. L’échange rapide entre le nucléole et le nucléoplasme de la majorité des composants de Pol I suggère que le complexe Pol I n’est pas recyclé après la terminaison de la transcription mais ré assemblé à chaque transcription (Aprikian et al., 2001). En utilisant la même technique, Chen et al. montrent que le facteur UBF se déplace rapidement entre le nucléole et le nucléoplasme (Chen et al., 2001). Aussi, la fibrillarine, la nucléoline et la protéine B23 se déplacent entre le nucléole et le nucléoplasme de façon rapide (Chen et al., 2001; Phair et al., 2000 ). Une inhibition de la transcription Pol I n’empêche pas le mouvement de ces protéines (Chen et al., 2001). Chen et al. montrent également que les protéines ribosomiques S5 et L9 se déplacent plus lentement et ont un temps de résidence important dans le nucléole (Chen et al., 2001). S5 fait partie de la petite sous-unité du ribosome alors que L9 fait partie de la grande sous-unité.
Le nucléole est donc une structure très dynamique. Il existe une relation entre l’organisation et la fonction du nucléole. Il a été montré que lorsque l’activité fonctionnelle du nucléole est faible, celui-ci a une petite taille. En revanche, lorsque la cellule est stimulée, le nucléole ainsi que les composants fibrillaires denses deviennent plus gros (Raska et al., 2004). De plus, le nombre de centres fibrillaires varie en fonction de l’activité du nucléole. Leur nombre est deux fois plus important en phase G2 qu’en phase G1 (Hernandez-Verdun, 2006). Le nucléole intervient dans de nombreuses fonctions biologiques comme la prolifération, la croissance, le cycle cellulaire, la sénescence ou encore la réponse à un stress. Il est le lieu où débute la synthèse des ribosomes.
La biogenèse des ribosomes
C’est dans les années 1960 que le nucléole a été associé à la synthèse des ribosomes. En effet, diverses observations ont permis d’impliquer le nucléole dans la synthèse des ribosomes et dans la formation d’ARN ribosomiques (Ritossa et al., 1965). Ces ARN ribosomiques sont issus de la transcription des gènes ribosomiques qui possèdent une structure particulière.
Les gènes ribosomiques
Structure d’un gène ribosomique
Le génome diploïde humain contient environ 400 copies d’un même gène ribosomique. Ces copies sont localisées dans le composant fibrillaire dense (Wachtler et al., 1992). Les gènes ribosomiques sont répétés les uns à la suite des autres et ne possèdent pas tous la même orientation (Caburet et al., 2005). Un gène ribosomique se divise en deux parties : la première partie correspond à une séquence nucléotidique non transcrite nommée « espaceur intergénique » (Intergenic Spacer ou IGS), la seconde code pour l’ARN pré-ribosomique (pré-ARNr) qui correspond aux trois ARN ribosomiques (ARNr) 18S, 5.8S et 28S (figure 3). L’IGS correspond à 30 kilobases (kb) environ et est constitué d’un promoteur proximal et d’un promoteur distal. Le promoteur proximal est composé de deux domaines distincts. Le premier domaine (Core Promoter Element ou CPE) est situé en amont de la partie codante. Il est nécessaire et suffisant pour permettre une initiation de la transcription in vitro. Situé en amont du premier domaine, le deuxième domaine (Upstream Control Element ou UCE) n’est pas nécessaire la transcription. Chez la souris, il permet toutefois de la stimuler de façon remarquable in vivo et in vitro(Henderson et al., 1990). En amont du domaine UCE se trouve le site de terminaison T0. Dix sites de terminaison notés T1 à T10 sont présents en aval du gène ribosomique. Le promoteur distal situé en amont du promoteur proximal a une activité plus réduite par rapport au promoteur proximal (Kuhn et al., 1987). Le rôle exact de ce promoteur n’est pas encore clairement établi. Des séquences activatrices de la transcription appelées « enhancers » sont présentes entre le promoteur distal et le site T0. Ces enhancers stimulent la transcription du promoteur proximal in vivo et in vitro (Kuhn et al., 1990).
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1 : INTRODUCTION
I) LE NUCLEOLE
A) Organisation générale du nucléole
1) Structure d’un nucléole
2) Régions Organisatrices du Nucléole
3) Les protéines nucléolaires
4) La dynamique des protéines nucléolaires
B) La biogenèse des ribosomes
1) Les gènes ribosomiques
a) Structure d’un gène ribosomique
b) Organisation moléculaire des gènes ribosomiques
2) Transcription des gènes ribosomiques
a) Initiation de la transcription
b) Terminaison de la transcription
c) Spécificité d’espèces
d) Régulation de la transcription
i) Arrêt de la transcription au cours de la mitose
ii) Répression des gènes ribosomiques
3) De l’ARN pré-ribosomique aux ribosomes
a) Lieu de synthèse des ARN pré-ribosomiques
b) La dynamique des ARN ribosomiques
c) Maturation de l’ARN pré-ribosomique
i) Modification de l’ARN pré-ribosomique
ii) Clivage de l’ARN pré-ribosomique
d) Assemblage des ribosomes : utilisation des trois machineries de transcription
II) LA NUCLEOLINE
A) Structure de la nucléoline
1) Structure primaire
2) Structure tertiaire
B) Fonction de la nucléoline
1) Localisation de la nucléoline au sein du nucléole
2) Rôle de la nucléoline dans la synthèse des ribosomes
a) Rôle dans la transcription Pol I
b) Rôle de chaperonne d’ARN de la nucléoline
i) Elément de reconnaissance de la nucléoline
ii) Repliement « exact » de l’ARN pré-ribosomique
c) Clivage précoce et assemblage des ribosomes
3) Les autres fonctions de la nucléoline
a) Rôle dans la transcription Pol II
b) La nucléoline et la réponse à un stress
c) La réparation, la recombinaison et la réplication
d) La nucléoline est une chaperonne d’histone
III) LA CHROMATINE
A) Composition et structure de la chromatine
1) Le nucléosome
a) Les histones conventionnelles
b) Les variants d’histone
i) H2A.X et H2A.Z
ii) MacroH2A
iii) H2A-Bbd
2) Organisation de la chromatine
a) Les niveaux de compaction de la chromatine
b) Hétérochromatine et euchromatine
c) Les territoires chromosomiques
B) Les fonctions de la chromatine
1) Régulation par la compaction de la chromatine
2) Régulation par les modifications d’histones
a) Rôle de l’acétylation
b) Rôle de la méthylation
c) Les autres modifications d’histone
3) Régulation par les variants d’histone
4) Le code histone
5) Régulation par des complexes de remodelage
OBJECTIFS
Chapitre 2 : RESULTATS
I) Seasonal environmental changes regulate the expression of the histone variant macroH2A in an eurythermal fish
PUBLICATION
II) Localisation d’histones variants et de modifications d’histone sur une fibre de chromatine peignée
A) Visualisation d’une fibre de chromatine étirée
B) Visualisation des variants et des modifications d’histones
1) Choix du marquage des histones visualisées
2) Détection des variants d’histone le long de la fibre étirée
a) Observation de H2A-GFP
b) Observation des variants de H2A
i) Observation de l’histone MacroH2A-GFP
ii) Observation de l’histone H2A-Bbd-GFP
3) Observation des modifications d’histones
a) Observation de la tri-méthylation de la lysine 9 de l’histone H3
b) Observation de l’acétylation de la lysine 12 de l’histone H4
C) Répartition spatiale des variants et des modifications d’histone
1) Evaluation de la distance entre deux points successifs
2) L’autocorrélation
D) Co-localisation entre variants d’histone et histones modifiées
1) MacroH2A-GFP et la 3MeK9H3
2) H2A-Bbd-GFP et la 3MeK9H3
3) H2A-Bbd-GFP et l’AcK12H4
4) Analyse de la colocalisation par une méthode statistique
III) Rôle de la nucléoline dans la structure du nucléole et dans la prolifération des cellules
A) Inhibition de la nucléoline par ARN interférant
B) La nucléoline est nécessaire à la structure du nucléole
C) La nucléoline a un rôle important dans la synthèse du pré-ARNr
D) L’absence de nucléoline provoque une perturbation du cycle cellulaire
E) L’absence de nucléoline provoque l’apoptose des cellules
Chapitre 3 : DISCUSSION
A) MacroH2A : régulateur de l’expression des gènes
1) Présence de macroH2A dans des zones précises de la chromatine
2) Influence sur la transcription
B) Rôle de la nucléoline dans la régulation de la transcription des gènes ribosomiques
1) La nucléoline est indispensable à la vie cellulaire
2) Perturbation de la transcription et de la structure du nucléole
3) La nucléoline et la réponse à un stress
C) Mécanisme de régulation des gènes ribosomiques
CONCLUSIONS