Introduction
Avec les lois Ferry de 1881-1882, la scolarité est devenue «laïque, gratuite et obligatoire». Cette loi est valable pour tous et c’est ce qui est à l’origine de ma réflexion.
En effet, dans le cadre du séminaire «Élèves à Besoins Éducatifs Particuliers», j’ai choisi de m’intéresser aux enfants malades. Les enfants atteints d’un cancer ou d’une maladie chronique qui occasionne des absences,sont souvent dans l’incapacité de se rendre à l’école pendant les périodes d’hospitalisation. Pourtant, ils restent des enfants «comme les autres» et ont donc eux aussi droit à l’instruction. La législation va dans ce sens puisque la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées affirme le droit à la scolarité de tous les enfants, y compris ceux qui sont malades ou handicapés.
De plus, en tant que Professeur des Écoles, je pourrais être amenée à enseigner dans une classe où un élève sera absent régulièrement suite à un accident ou à une maladie. Je pourrais aussi choisir de me former pour enseigner dans des structures spécialisées et notamment dans des hôpitaux. Il est donc important de connaître mon rôle particulier auprès de ces élèves.
L’OMS (Organisation Mondiale de la Santé)définit un état de bonne santé comme «un état de bien-être physique, mental et social». L’école faisant partie de la vie sociale de l’enfant, je pense qu’il peut existerune relation entre le maintien d’une scolarisation à l’hôpital et une éventuelle guérison.
Pour m’aider à préciser le sens des relations entre ces deux variables, j’ai eu recours à quatre recherches:
L’article L’enseignement aux jeunes maladesdu livret n°20 édité par le CEDEES (Cercle d’Étude, de Diffusion et d’Échanges relatifs à l’Enseignement spécialisé) en 2000 et mis à jour en 2004.
L’article La scolarisation des enfants maladesde Nicole Bonnet, 2001
L’article La place de l’école au décours d’une maladie grave ou lors d’une hospitalisationd’Hélène Porchet, 2008.
L’interview Lien entre moral et guérison? du Dr David Servan Schreiber.
Ces lectures m’ont apporté des connaissances théoriques sur mon thème comme l’historique, l’organisation des écoles en milieu hospitalier, le rôle spécifique des enseignants mais aussi les bénéfices du maintien de cette scolarité au cours d’une maladie.
Historique
Bien que l’école publique obligatoire date du XIXème, ce n’est qu’au XXème siècle que les médecins, politiciens, enseignants et parents ont commencé à se préoccuper de la scolarisation des enfants hospitalisés.
La circulaire du 8 septembre 1922 est la première à définir des mesures particulières avec la création de structures d’accueils adaptéespour les enfants «débiles, chétifs, malingres».
Ces structures se diversifieront progressivement après la seconde guerre mondiale et les enfants hospitalisés commenceront à apparaître dans des textes officiels : Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (1948), Déclaration Universelle des Droits de l’Enfant (1959), Charte européenne de l’enfant hospitalisé (1988)…
Cependant, la réalité du terrain en France est tout autre. Les circulaires de 1982 et 1983 élargissent aux enfants malades les dispositions prises dans la loi de 1975 pour les personnes handicapées mais la problématique n’est pas résolue puisque les enfants hospitalisés ou convalescents ne peuvent se rendre dans des établissements spécialisés en raison de leur état.
En parallèle, les premiers postes d’enseignants en hôpitaux se créent dans les années soixante-dix, à la demande des médecins dirigeants les services de soins. En effet, grâce aux progrès médicaux, les enfants atteints de maladies graves parvenaient à une guérison mais n’arrivaient pas à se réinsérer dans le système scolaire faute d’avoir reçu les apprentissages nécessaires durant leur absence.
La circulaire de juillet 1993 met en place le Projet d’Accueil Individualisé (Cf annexe 1 p 32 et 33)et celle de 1998 créeun service d’assistance pédagogique dans chaque département. En 1999, un comité Handiscol voit le jour. Avec ces différentes circulaires naît l’idée que l’école n’est plus le seul lieu d’enseignement notamment pour les enfants malades.
L’organisation des écoles à l’hôpital «sur le terrain».
Malgré une possible réticence du personnel soignant, soulignée par Nicole Bonnet (2001), la présence d’enseignants permet une prise en charge globale du malade qui ne peut être que bénéfique. L’article du CEDEES nous apporte des informations sur le fonctionnement de ces écoles.
Pourquoi?
La Direction de la Stratégie, des Études et des Statistiques nous informe qu’en 2008, 795 enfants de 0-4 ans et 390 enfants de 5-9 ans ont été admis en Affection Longue Durée exonérante sur Paris. C’est une maladie qui nécessite un suivi, des soins prolongés (plus de six mois) et des traitements coûteux ouvrant droit à la prise en charge à 100%. Les motifs de ces admissions sont divers: psychoses, troubles graves de la personnalité, retard mentale, insuffisance cardiaque, affections neurologiques et musculaires, insuffisances respiratoires chroniques graves… De plus, le pourcentage d’enfants scolarisés avec un PAI pour maladie chronique en maternelle dans le secteur public à Paris est passé de 2,2% en 2005-2006 à 3,4% en 2008-2009, ce qui constitue une augmentation notable. En France, 11 000 élèves sont scolarisés chaque année dans les établissements hospitaliers et sanitaires. Ainsi, la prise en charge de tous ces élèves semble indispensable.
Où?
Les écoles en milieu hospitalier en Belgique portent le nom d’école de « Type 5 ». Elles sont présentes dans la plupart des hôpitaux disposant d’un service de pédiatrie «important». Elles sont organisées et/ou subventionnées par la communauté française et emploient un personnel spécialisé: les pédagogues hospitaliers.
Par qui?
Sont sollicités en priorité le ou les enseignants de la classe d’origine, puis les autres enseignants de l’établissement et du secteur géographique. Cependant, ce soutien peut être assu-6/35 ré par des bénévoles ou des enseignants volontaires et rémunérés toujours en collaboration avec l’école d’origine.
Pour qui?
Cet enseignement accueille les jeunes à partir de 2 ans et demi et assure la scolarité jusqu’à la fin du secondaire. Aucun travail scolaire n’est entrepris sans avoir reçu l’accord de l’enfant, des parents et du médecin qui le soigne. En effet, l’école constitue une institution qui pénètre ici dans une autre institution: l’hôpital. Les enseignements apparaissent donc comme secondaires aux soins qui doivent être prodigués.
Méthodologie
Type d’enquête
Pour parvenir à tester mon hypothèse, j’ai tenté d’intégrer les services de pédiatrie d’hôpitaux possédant ou non une structure scolaire. J’ai dans un premier temps contacté par courrier la SAPAD-EMA (Service d’Aide Pédagogique à Domicile aux Enfants Malades et Accidentés) ainsi que le service de pédiatrie du centre Hospitalier de Tourcoing. (Cf annexe 2 p 34). Cette dernière structure m’a conseillé d’orienter mes recherches vers le Centre de Rééducation Marc Sautelet de Villeneuve d’Ascq. J’ai alors contacté par mail les enseignants. L’un d’entre eux s’est montré particulièrement intéressé par mes recherches et m’a permis de rentré en contact avec le coordonnateur: Mr DE ROUCK Matthieu. C’est lui qui m’a donc autorisé à venir faire passer mon enquête par questionnaire dans l’école de cet établissement. (Cf annexe 3 p 35) Selon l’âge des enfants, il a été réalisé seul ou avec mon aide.
Sur qui?
Pour pouvoir mesurer l’effet de la scolarisation sur le moral, il aurait fallu que je puisse comparer le moral d’enfants malades suivant une scolarité en hôpital avec celui d’enfants malades n’ayant pas cette chance. Cependant, je n’ai pas été autorisée à pénétrer dans les services de soins du centre. Je me suis donc concentrée sur les élèves suivant une scolarité et sur la comparaison entre ceux qui viennent d’être scolarisés et ceux qui le sont depuis plus longtemps.
A quel moment?
J’ai réalisé deux fois le questionnaire à trois semaines d’intervalle. Quand cela s’est révélé possible, je l’ai réalisé une première fois au tout début du processus de scolarisation et une seconde fois trois semaines plus tard. Effectivement, la scolarisation ne va pas forcément faire son effet instantanément. J’aurai voulu laisser passer plus de trois semaines mais la combinaison des contraintes liées au calendrier scolaire et aux disponibilités des parties (structure d’accueil et moi même) ont rendu ce souhait impossible.
La structure d’accueil
Présentation
Le Centre de Rééducation Fonctionnelle Marc Sautelet est un établissement pédiatrique, participant au Service Public Hospitalier. Il est situé au cœur de la Métropole Lilloise et est géré par l’Association des Paralysés de France. Il accueille des enfants et des adolescents de 0 à 18 ans pour une prise en charge multidisciplinaire intégrant soins, rééducation intensive, scolarité et accompagnement éducatif. Le CRF remplit, au sein d’un réseau de continuité de soins, incluant le CHRU de Lille et les autres établissements de la Métropole, un rôle généraliste pour les enfants du bassin de vie et un rôle de recours régional pour certaines pathologies. Il est particulièrement bien équipé puisqu’il possède par exemple une piscine de rééducation, une balnéothérapie et des douches hautes pression.
La scolarisation
Le deuxième étage du centre est en réalité une véritable école.
L’accompagnement scolaire qui y est dispensé permet d’assurer la continuité des apprentissages et de conserver le lien avec l’établissement d’origine de l’enfant. Il y reste inscrit durant toute son hospitalisation.
L’enseignement appliqué est celui des programmes et des instructions officielles.
Dans le premier degré, de la maternelle au CM2, l’enseignement est assuré par cinq postes d’enseignants spécialisés (mis à disposition par l’Éducation Nationale) dont deux enseignants assurent un enseignement individuel et trois assurent la scolarité en classe.
Dans le second degré, de la sixième à la troisième, des professeurs du collège de Triolo à Villeneuve d’Ascq sont affectés au CRF pour douze heures de cours hebdomadaires (Français, Mathématiques, Histoire-Géographie et Anglais).
Les élèves que j’ai pu rencontrer sont scolarisés trois heures par jour (une heure et demi le matin et l’après-midi) seulement quand leur condition physique et leur niveau de fatigue le permet. La priorité est donc donnée aux soins.
Discussion/Conclusion
A la question: La scolarisation a-t-elle un effet sur le moral?, on ne peut répondre avec certitude qu’elle est le seul facteur qui influe. Par contre, vu son niveau plutôt élevé sur l’échantillon testé et la différence observable entre E1 (élève qui vient d’arriver dans l’école) et E2 (élève qui est scolarisé depuis longtemps dans celle-ci), on peut effectivement inférer de son efficacité. Il semblerait par ailleurs qu’il faille plusieurs semaines (plus de trois) pour commencer à voir des améliorations notables du moral chez des élèves venant de débuter un processus de scolarisation à l’hôpital.
Ensuite, que ce soit au niveau du groupe ou au niveau individuel, quand le niveau de forme est faible, le moral est faible et quand le niveau de forme est élevé, le moral est bon. Il semble donc bien exister une corrélation entre la fatigue et le moral.
De plus, on ne peut pas dire que le maintien de la scolarisation de ces enfants malades les fatigue. C’est peut-être même le contraire qui se produit c’est à dire une diminution de la fatigue ressentie grâce à l’école.
Au niveau individuel, chaque élément sous-jacent à la scolarisation présente une bonne évolution. Il semble donc que tous les facteurs ont une influence sur le moral. Au niveau du groupe, deux éléments de la variable indépendante semblent se détacher des autres et avoir un poids plus important sur le moral. Il s’agit de l’estime de soi et de la réalisation intellectuelle.
Pour pouvoir affirmer avec plus de certitude ces résultats, il faudrait pouvoir comparer les résultats d’enfants malades et non scolarisés avec les résultats d’enfants malades et scolarisés.
Ensuite, pour savoir le temps de scolarisation nécessaire à des effets sur le moral, il faudrait réaliser les tests plusieurs fois à intervalles réguliers. Par exemple, chaque semaine ou toutes les deux semaines.
Il me semble que mon étude pourrait être reprise et approfondie. Il serait par exemple intéressant de coupler le questionnaire que j’ai fait passer aux enfants malades avec une grille d’observation reprenant chaque élément testé. En effet, j’ai remarqué que c’est souvent ce que j’ai pu voir des enfants qui m’a aidé à interpréter les réponses des élèves au questionnaire. On pourrait aussi analyser l’évolution des variables en fonction du degré de gravité de la maladie. On peut penser que selon qu’un enfant est atteint d’une maladie curable ou au contraire d’une maladie dégénérative, l’évolution des facteurs sera différente.
Par ailleurs, un élément des résultats obtenus a particulièrement attiré mon attention. En effet, alors que des études montrent que les enfants non malades et scolarisés en milieu ordinaire sont fatigués, les enfants que j’ai pu interroger le sont eux beaucoup moins malgré leur maladie. Le rythme qui leur est proposé est donc bien réfléchi et particulièrement adapté à leurs besoins. Ça ne semble pas être le cas en milieu ordinaire.
Espérons que la récente réforme sur les rythmes scolaires fasse changer les choses.
Enfin, une étude portant également sur la scolarisation des enfants malades vient appuyer la mienne. Elle montre que lorsque l’on donne le choix aux enfants de suivre ou non une scolarité au cours de leur maladie, ils se montrent très volontaires et cela permet d’augmenter leur sentiment de compétence.
Finalement, en sachant tout cela, comment serait-il encore possible de douter des effets bénéfiques du maintien d’une scolarisation pour ces enfants?
En tant que professeur des écoles, ce mémoire fut l’occasion d’en apprendre plus sur une situation à laquelle je risque d’être confrontée dans ma carrière. Il est possible qu’un élève de ma classe soit déscolarisé pour une longue durée. Dans ce cas, il me faudra travailler en réseau et en équipe avec les enseignants spécialisés. De plus, cela m’a permis de confirmer que je souhaite bien me destiner dans quelques années à ce type d’enseignement. Avant cette étude, j’avais encore quelques doutes. J’avais peur d’éprouver un sentiment de pitié ou de m’apitoyer sur le sort de ces enfants. J’ai plutôt été surprise car ces jeunes ont largement réussi à me faire oublier leur maladie. Ce fut une belle leçon de vie.
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Table des matières
Remerciements
I. Introduction
II. Historique
III. Organisation des écoles à l’hôpital «sur le terrain»
A) Pourquoi?
B) Où?
C) Par qui?
D) Pour qui?
E) Modalités d’accès
F) Comment?
G) Qu’enseigne-t-on?
H) Les moyens mis à disposition
IV. Rôles spécifiques des enseignants
A) Des conditions particulières d’exercice
B) Des compétences particulières
C) Un travail en réseau et en équipe
D) La nécessité de soutenir les enseignants
V. Bénéfices pour les enfants malades
A) Garder le statut d’élève et les liens sociaux
B) Garder une autonomie et l’estime de soi
C) Pouvoir se réaliser intellectuellement
D) Oublier ses soucis
VI. Un lien entre moral et guérison
VII. Problématique, hypothèse, variables
VIII. Méthodologie
A) Type d’enquête
B) Sur qui?
C) A quel moment?
D) Contenu du questionnaire
IX. Structure d’accueil
A) Présentation
B) Historique
C) Capacité
D) Partenariats
E) Pathologies accueillies au CRF Marc Sautelet
F) Une équipe de professionnels
G) La scolarisation
X. Analyse des résultats
A) La scolarisation a t-elle un effet sur le moral?
1. Interprétation au niveau du groupe
2. Interprétation au niveau individuel
B) Y a-t-il un lien entre la fatigue ressentie et le moral?
La scolarisation a-t-elle un effet sur la fatigue?
1. Interprétation au niveau du groupe
2. Interprétation au niveau individuel
C) Peut-on estimer le poids des différents éléments sous-jacents de la scolarisation sur le moral?
1. Interprétation au niveau du groupe
2. Interprétation au niveau individuel
XI. Discussion / Conclusion
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3
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