ECMO
Historique Les techniques d’assistance respiratoire extracorporelles (AREC) ont vu le jour dans les années 70. Le premier oxygénateur à membrane fût développé en 1968 (9) et son utilisation en tant qu’ECMO fût rapportée pour la première fois en 1972 (10). Les premiers résultats sont peu encourageants comme en témoigne la première étude multicentrique, randomisée, évaluant l’ECMO dans le Syndrome de Détresse Respiratoire Aiguë (SDRA) chez l’adulte montrant une survie extrêmement faible (<10%) sans mettre en évidence de bénéfice dans le groupe ECMO (à noter que la ventilation protectrice n’y était pas pratiquée) (11). En parallèle, dès 1975, Bartlett rapporte le premier cas néonatal traité avec succès (12). Il est par la suite devenu clair que l’ECMO tendait à avoir sa place dans la prise en charge des détresses respiratoires néonatales réfractaires (13–15). Il faut attendre la première étude multicentrique publiée dans les années 90, pour montrer enfin un bénéfice en terme de mortalité chez le nouveau-né (16). Par ailleurs, la pandémie de grippe A (H1N1) a remis au premier plan l’intérêt du recours à l’ECMO dans le SDRA réfractaire chez l’adulte en France (17), en Australie et Nouvelle-Zélande (18), en Angleterre (19). Son utilisation chez l’enfant a été bien moindre en revanche (20). Ainsi, l’ECMO est devenue peu à peu un élément clef dans la prise en charge des détresses respiratoires aigües échappant au traitement médical conventionnel comme en témoigne la base de données pédiatriques extraites du registre Extracorporeal life Support Organisation (ElSO) recensant 42 250 cas néonataux et 27 829 cas pédiatriques en janvier 2020 dans le monde (21).
Physiopathologie Le système cardiorespiratoire permet d’une part d’assurer les échanges gazeux aux niveaux des alvéoles pulmonaires via la circulation pulmonaire et d’autre part de maintenir un apport constant d’oxygène aux cellules des tissus via la circulation systémique. Ainsi la pompe cardiaque assure un débit constant et les poumons répondent aux fonctions d’oxygénation et de décarboxylation. Les déterminants du débit cardiaque pour assurer la bonne perfusion des tissus sont donc :
– la fréquence cardiaque
– le volume d’éjection systolique, lui-même sous la dépendance de:
La pré-charge : correspondant au degré d’étirement du muscle cardiaque
La post-charge : pression qui s’oppose à l’ouverture des valves aortiques et pulmonaire
Extrapolée de ce modèle physiologique, l’ECMO permet une suppléance circulatoire et/ou respiratoire en assurant avant tout la fonction d’échangeur par l’oxygénation et la décarboxylation du sang à travers une membrane et la fonction de pompe cardiaque par le maintien du débit sanguin. La décarboxylation est dépendante :
– de la surface de la membrane choisie
– du gaz utilisé
– de la viscosité sanguine
– de la différence de concentration du dioxyde de carbone entre le sang et le gaz
Ainsi lors d’une hypercapnie, il est nécessaire d’augmenter le balayage ou débit de gaz pour augmenter la décarboxylation et ainsi abaisser la PCo2. L’oxygénation du patient est quant à elle dépendante :
– de la surface de la membrane choisie
– du débit sanguin
– de la concentration du débit de gaz frais en oxygène (Fio2)
– De l’oxygénation du débit sanguin natif se mélangeant au débit de l’ECMO
Ainsi, l’ECMO trouve toute sa place dans le SDRA qui est une insuffisance respiratoire aiguë hypoxémiante rapidement progressive par comblement alvéolaire liée à une altération de la barrière alvéolocapillaire à la suite d’une agression pulmonaire directe ou indirecte. Il existe deux grands principes d’assistance, à savoir l’ECMO veino-veineuse et l’ECMO veino-artérielle permettent respectivement un soutien respiratoire et un soutien cardio-respiratoire.
Les centres participants
86 unités ont été identifiées sur le territoire français (15 réanimations pédiatriques, 45 réanimations néonatales, 21 réanimations mixtes (pédiatriques et néonatales), 5 réanimations de chirurgie cardiaque), dont 72 ont répondu à l’enquête soit un taux global de réponse de 84 % (Tableau 1). Parmi ces centres, 20 sont des centres ECMO (28% des centres interrogés) (Figure 9). L’ensemble des centres interrogés représentent un nombre d’admissions pour l’année 2016 de 35066 admissions. Les 72 unités de réanimation participantes sont réparties sur l’ensemble du territoire français en 54 villes. On dénombre 18 services en Île-de-France et 5 services sur les territoires d’outre-mer : une réanimation néonatale en Guyane, une réanimation mixte en Martinique, une réanimation néonatale en Guadeloupe, une réanimation mixte à la Réunion et une réanimation néonatale en Nouvelle-Calédonie.
Centres non ECMO
Cinquante-deux centres non ECMO en France dont quatre dans les départements d’outre-mer (Martinique, Guadeloupe, Guyane, Nouvelle-Calédonie), ont répondu au sondage. Ils sont représentés par 8 unités de réanimation pédiatrique, 30 unités de réanimation néonatale et 14 unités mixtes. Quatre centres n’ont fourni que des réponses très partielles si bien que seules les données des 48 autres ont été exploitées. Sur la façon dont s’organise l’ECMO pour les patients admis dans leur unité, 9 centres (18.75%) déclarent connaitre un centre ECMO proposant une activité d’UMAC et susceptible d’intervenir dans le cadre d’une organisation déjà définie, 11 (22.92%) déclarent connaitre un centre ECMO proposant une activité UMAC avec lequel aucune organisation n’a été définie, 9 (18.75%) unités sont à proximité immédiate ou dans un centre hospitalier disposant d’une activité d’ECMO néonatale et pédiatrique, 18 (37.50%) centres déclarent connaitre l’existence de centre ECMO mais pas la possibilité d’UMAC, et un centre déclare ne pas connaitre de centre ECMO (2.08%). Au cours des cinq dernières années, dans l’ensemble des centres non ECMO, il est arrivé qu’un patient soit transféré pour la possibilité d’une ECMO, canulé ou non : une fois pour 17.02% des unités, moins de cinq fois pour 44.68% des unités, entre cinq et dix fois pour 44.68%, plus de 10 fois pour 8.51%. Pour 10.64 % des unités, la situation ne s’est jamais présentée. Un recours rare à un centre ECMO (inférieur ou égal à une fois dans les cinq dernières années) était plus fréquemment déclaré dans les unités de réanimation néonatale que dans celles disposant de lits de réanimation pédiatrique (11/28 unités versus 2/21 unité, p=0.02). De même, les centres déclarant plus de cinq recours dans les cinq dernières années étaient plus volontiers des unités de réanimation pédiatrique ou mixte (8/21 versus 3/28, p=0.45). Parmi ces 48 centres, 60% déclaraient être incité à transférer un certain nombre de patients dont l’ évolution laissait présager la nécessité d’une ECMO, mais pour 26 de ces centres, une ECMO a dû être initié dans leur service au moins une fois. Pour les 20 centres déclarant connaitre un réseau UMAC, organisé ou non, seuls deux déclarent être pleinement satisfaits de l’organisation choisie (conventions, connaissance des procédures par l’ensemble des médecins). Sept centres déclarent que l’organisation de l’ECMO est mal précisée. Seize centres déclarent avoir à disposition un document rappelant les indications et contre-indications de l’ECMO, tandis que 12 déclarent que celles–ci ne sont pas connues par la majorité des médecins du service.
Effet volume
Le volume des procédures ECMO par centre est la question clé qui doit être abordée dans cette étude. Dans notre enquête, avec 187 patients sous ECMO pour 20 centres en 2016, le nombre annuel moyen de patients ECMO par centre était de 9,3 et 45% des centres déclaraient moins de 5 ECMO par an. Les centres français ont un faible volume d’ECMO comparativement aux dernières données disponibles dans le registre ELSO dans lequel ce chiffre est porté à 13 pour l’année 2015. Cependant, notre définition de centre ECMO, était tel que nous avons inclus deux centres transférant systématiquement les patients après canulation et un centre n’ayant pas pris en charge d’ECMO pour l’année 2016. De tels centres à activité marginale n’apparaissent pas dans les statistiques ESLO dont le registre est basé sur le volontariat. De plus, seuls six centres déclarent une activité moyenne de plus de 15 cas par an, ce qui suppose que la France ne compte pas de centres à gros volume (50 patients et plus), tels qu’ils peuvent être décrits dans le registre Nord-Américain du PHIS (Pediatric Health Information System). C’est l’analyse de ce registre et celui de l’ELSO qui permet de retrouver un effet volume assez net en termes de mortalité, avec un seuil situé entre 15 à 20 ECMO/ an dans la population néonatale et pédiatrique (43,44). Ces données sont comparables à celles de l’adulte, population dans laquelle il a été proposé, par un groupe d’experts international, d’organiser des réseaux de soins privilégiant le transport des malades, y compris sous ECMO, afin de favoriser le maintien des compétences dans des centres réalisant un total des 20 ECMO par an dont 12 cas respiratoires (45). En conséquence, avec une moyenne de 1,37 centre par million d’habitants (<17 ans), le nombre de centre ECMO pédiatrique et néonatal est probablement élevé, là où les données chez l’adulte basées sur l’incidence du SDRA, proposent des chiffres allant de 1 centre ECMO pour 2 à 10 millions de personnes selon les auteurs, suggérant ainsi de restreindre l’utilisation de l’ECMO aux centres de référence. Une telle organisation pour nouveau-nés et enfants est actuellement inconcevable en France, en raison de la grande variabilité des indications néonatales et pédiatriques ainsi que le grand nombre de centres de chirurgie cardiaque congénitale pédiatrique, où l’ECMO doit être disponible 24/7.
CONCLUSION
L’ECMO pédiatrique et néonatale s’est largement développée en France depuis le dernier rapport en 2006 et on a vu ces 15 dernières années se multiplier considérablement le nombre de centres ECMO. Parallèlement, la création d’UMAC a permis d’assurer le transport d’un centre sans plateau technique vers un centre ECMO référent tout en assurant des conditions de sécurités optimales. Cette organisation en étoile, largement plébiscité, devrait compenser l’inhomogénéité des ressources sur le territoire français d’une part, en favorisant un effet volume pour les centres ECMO d’autre part. Un travail collaboratif national doit être fait pour formaliser les réseaux existants entre les centres ECMO et non ECMO.
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Table des matières
1 REMERCIEMENTS
2 RESUME
3 TABLE DES MATIERES
4 LISTE DES ABREVIATIONS
5 LISTE DES FIGURES ET TABLEAUX
6 PREMIERE PARTIE : GENERALITES
6.1 INTRODUCTION
6.2 ECMO
6.2.1 Historique
6.2.2 Physiopathologie
6.2.3 ECMO veino-artérielle
6.2.4 ECMO veino-veineuse
6.3 LA VENTILATION MECANIQUE
6.4 CRITERES DE MISE SOUS ECMO
6.5 PRONOSTIC ET SURVIE
6.5.1 Indications néonatales respiratoires
6.5.2 Indications pédiatriques respiratoires
6.5.3 Indications cardiaques néonatales et pédiatriques
6.5.4 Indications d’ECPR néonatales et pédiatriques
7 DEUXIEME PARTIE : ENQUETE
8 OBJECTIF DE L’ETUDE
9 MATERIELS ET METHODES
9.1 Construction du sondage
9.2 Diffusion du sondage
9.3 Analyses statistiques
10 RESULTATS
10.1 Les centres participants
10.2 Flow Chart
10.3 Centres ECMO
10.4 Centres non ECMO
10.5 Réseaux UMAC
11 DISCUSSION
11.1 Originalité de l’étude
11.2 Evolution récente
11.3 Effet volume
11.4 Organisation territoriale
11.5 Le cas des Antilles
12 CONCLUSION
13 REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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