La protéine Alix
Organisation de la protéine Alix
Alix est une protéine cytosolique de 868 acides aminés. Elle est organisée en 3 domaines distincts : Le domaine Bro-1 N‐terminal (360 résidus), le domaine V dans la partie centrale (résidus 360-702). Enfin le domaine riche en proline C‐terminal PRD (Prolin Rich Domain) qui connecte la protéine Alix dans différents processus cellulaires .
Le domaine Bro-1 N-terminal
Le domaine Bro-1 comprend les résidus 1 à 360. Il est composé de 3 hélices en épingle, longues d’environ 50 résidus, dans lesquelles sont logées deux poches hydrophobes (Fisher et al., 2007) . La première poche hydrophobe située autour de l’acide aminé Ile212 (poche représentée en vert) permet l’interaction avec la protéine CHMP4 du complexe ESCRT-III (Katoh et al., 2003 ; Kim et al., 2005). La mutation Ile212Asp inhibe l’interaction avec la protéine CHMP4A ainsi que la capacité de la protéine Alix à soutenir le relargage du VIH-1. Dès lors, il apparait qu’un des rôles de la protéine Alix dans le bourgeonnement viral consisterait, entre autres, à recruter la protéine CHMP4 du complexe ESCRT-III. La deuxième poche hydrophobe située autour de l’acide aminé Tyr319 permet, quant à elle, l’interaction avec le domaine SH2 de la kinase Src. En effet, lorsque la tyrosine Tyr319 est phosphorylée, Src est recrutée et provoque à son tour la phosphorylation d’Alix (Schmidt et al., 2005). D’autre part, la tyrosine Tyr527 peut lier le domaine SH3 de Src, ayant pour effet l’hyperphosphorylation de plusieurs tyrosines en positions C-terminale (Schmidt et al., 2005). Il a été proposé que cette hyperphosphorylation permettrait de moduler l’activité de liaison d’Alix avec ses partenaires et provoquer l’endocytose de récepteurs à facteur de croissance (Schmidt et al., 2004).
Le domaine Bro‐1 est connecté au domaine central V par un tripeptide hydrophobe 359VPV361 . Ce tripeptide n’établit que des contacts limités et non covalents ce qui pourrait permettre aux différents domaines de changer leurs orientations relatives en réponse à des facteurs environnementaux. Ce tripeptide ainsi que la région charnière située entre les deux bras du domaine central V concède une large flexibilité à la molécule. Le domaine Bro‐1 permet également, via les résidus hydrophobes Lys104 et Phe105 situés à l’extrémité de la boucle flexible , de lier le lipide endosomal LBPA et favorise ainsi son interaction avec les membranes endosomales (Bissig et al., 2013 ; Matsuo et al., 2004). En 2011, Sette et Zhai amènent l’idée que l’association de la protéine Alix avec la membrane implique à la fois des interactions électrostatiques et hydrophobes mais nécessite aussi une liaison au calcium sur les acides aminés Asp97 et Asp178. Le calcium, en se liant près de la boucle d’interaction au LBPA, induit un changement conformationnel de la boucle flexible ce qui est favorable à l’interaction membranaire. Ainsi, il est proposé qu’Alix est recruté sur les endosomes via le LBPA, où il peut alors engager les complexes ESCRT-I et ESCRT-III, et ainsi réguler la libération des nucléocapsides virales.
Enfin, Alix a également la capacité de lier la F-actine via son domaine Bro-1, ce qui connecte Alix avec le processus de régulation de l’assemblage du cytosquelette d’actine dans les fibroblastes de mammifères (Pan et al., 2006).
Le domaine V central
Le domaine V central, compris entre les acides aminés 360 et 702, est composé de deux bras de 3 hélices chacun. Les deux bras se replient sur eux-mêmes avec un angle de 30° par l’intermédiaire d’une région charnière. Ils sont principalement stabilisés par des interactions hydrophobes entre les chaînes latérales .
Le domaine V présente une flexibilité conformationnelle intrinsèque, qui a été révélée par des comparaisons des positions des deux bras dans les différentes structures cristallines. Les différences visibles dans les structures découlent plutôt de petits changements dans les interactions inter hélices le long des deux bras plutôt que d’une réorganisation drastique de la région. Cependant la signification biologique de cette flexibilité reste à élucider. Au centre du deuxième bras, une poche hydrophobe centrée sur la Phe676, a été identifiée comme étant le site de liaison aux protéines Gag des virus du VIH (Virus de l’Immunodéficience Humaine) et de l’EIAV (Equine Infectious Anemia Virus)(Strack et al., 2003). En effet, Alix est capable de lier les motifs YPXL des protéines Gagp6 du VIH-1 et Gagp9 de l’EIAV avec des constantes de dissociation respectives de 59 mM et 1,2 mM. Enfin, Alix interagit, toujours au niveau de cette poche hydrophobe, avec les motifs YPXL des synténines, protéines cytosoliques capables d’interagir avec les syndécanes, protéoglycanes transmembranaires. Le complexe tripartite Alix – synténine – syndécane a été impliqué dans le processus de formation des exosomes (Baietti et al., 2012).
Le domaine PRD C-terminal
Enfin, le domaine PRD (Prolin Rich Domain) dont la structure n’a jamais pu être résolue, est composé des 166 derniers acides aminés. Il est enrichi en prolines et en tyrosines et présente de nombreux motifs de liaisons. Ce domaine lie la grande majorité des partenaires d’Alix ce qui connecte la protéine à un grand nombre de processus cellulaires. En effet, ce domaine PRD est composé notamment de plusieurs motifs permettant la liaison d’Alix avec les domaines SH3 de la protéine CIN-85 (Cbl‐interacting protein of 85kDa) (Chen et al., 2000), des endophilines (Chatellard-Causse et al., 2002), ainsi qu’un motif permettant l’interaction avec la protéine Tsg-101 (Tumor susceptibility gene 101) (Strack et al., 2003) et des motifs pour l’interaction avec l’ubiquitine ligase Nedd-4 et enfin Alg‐2 (Chatellard‐Causse et al., 2002; Chen et al., 2000; Morita et al., 2007 ; Shibata, 2004 ; Strack et al., 2003) .
Partenaires et fonctions de la protéine Alix
Avant de présenter plus précisément les processus cellulaires dans lesquels la protéine Alix a été mise en évidence, voici un récapitulatif de ses différents partenaires, référencés dans la littérature selon leur localisation sur les trois domaines présentés précédemment .
Formation des vésicules intraluménales (VIL)
La voie endocytaire assure l’homéostasie cellulaire et contrôle plusieurs processus tels que la communication intercellulaire, la signalisation et la dégradation des protéines transmembranaires et des protéines mal repliées. Lors de l’endocytose, les vésicules contenant le cargo transmembranaire sont dirigées vers les endosomes précoces aussi appelés endosomes de tri car ils sont à l’interface des voies de recyclage et des voies de dégradation. A partir de là, les molécules transmembranaires endocytées devant être recyclées à la membrane plasmique sont adressées aux endosomes de recyclage (RE). Et celles qui sont destinées à la dégradation sont adressées à des compartiments tardifs de la voie endocytaire : les corps multivésiculaires, les endosomes tardifs et les lysosomes. Le signal de tri permettant d’adresser les molécules vers les endosomes de recyclage ou vers la voie de dégradation est l’ubiquitine puisque seuls les récepteurs de surface ubiquitinylés sont triés et incorporés dans les vésicules intraluminales (VIL) générant ainsi des endosomes multivésiculaires (MVE). Les endosomes multivésiculaires fusionnent alors avec les lysosomes et leur contenu est dégradé par les hydrolases lysosomales (Gruenberg and Stenmark, 2004).
La machinerie ESCRT a été caractérisée pour la première fois chez la levure, en raison de son rôle essentiel dans cette formation de vésicules intraluménales (Henne et al., 2011), dans la genèse des endosomes multivésiculaires (MVE) ainsi que dans le tri des récepteurs ubiquitinylés. Il a été montré que l’activité endosomale de la machinerie ESCRT est déclenchée par la liaison de la protéine HRS du complexe ESCRT-0, à la fois au cargo ubiquitinylé, via son domaine DIUM et au niveau du lipide endosomal : phosphatidylinositol 3-phosphate (PI3P) par son domaine FYVE (domaine en doigt de zinc) (Misra and Hurley, 1999; Raiborg et al., 2001) . La partie C-terminale de la protéine HRS est capable d’interagir avec la chaine lourde de la clathrine. Cette interaction permet àla fois le recrutement de la clathrine au niveau des endosomes précoces (Raiborg et al., 2002) et la séquestration de la sous unité HRS avec son cargo dans des microdomaines membranaires spécifiques. Une fois les cargos rassemblés, la protéine HRS du complexe ESCRT-0 peut se lier, via son motif PSAP, au domaine N-terminal UEV (Ubiquitin E2 Variant) de la protéine Tgs101 du complexe ESCRT-I (Bache et al., 2003; Pornillos et al., 2003). Le domaine UEV de la protéine Tsg101 a été impliqué dans deux interactions distinctes. A savoir, une interaction avec le motif PTAP de la protéine virale Gagp6 du VIH-1 qui connecte la protéine Tsg101 directement aux sites du bourgeonnement des virus enveloppés (Pornillos et al., 2002). Et une interaction avec l’ubiquitine, interaction nécessaire dans la sélection des protéines qui seront dirigées vers les VIL et par la suite vers la dégradation qui connecte directement la protéine Tsg101 dans la voie des corps multivésiculaires (MVE) (Sundquist et al., 2004). Le complexe ESCRT-I peut alors à son tour recruter le complexe ESCRT-II en forme de Y (Figure 6). Les deux sous-unités EAP20 du complexe ESCRT-II interagissent et permettent, à leur tour, le recrutement de la protéine CHMP6 du complexe ESCRT-III. Le complexe de nucléation induisant la polymérisation des filaments ESCRT-III, composés principalement des protéines CHMP4, CHMP2 et CHMP3, se produit par le biais d’interactions entre Vps28 (ESCRT-I) et la protéine CHMP6 (ESCRT-III). Les filaments ESCRT-III peuvent alors interagir avec la membrane endosomale et ainsi initier la formation de la vésicule.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. La protéine Alix
A. Organisation de la protéine Alix
1. Le domaine Bro-1 N-terminal
2. Le domaine V central
3. Le domaine PRD C-terminal
B. Partenaires et fonctions de la protéine Alix
1. Formation des vésicules intraluménales (VIL)
2. La cytokinèse
3. Le bourgeonnement viral
4. Biogénèse des exosomes dépendante de la machinerie ESCRT
5. Back fusion
6. La réparation de la membrane plasmique
7. Apoptose
C. Les modifications post-traductionnelles de la protéine Alix
1. La phosphorylation
a. Phosphorylation et endocytose des récepteurs à facteur de croissance
b. Phosphorylation et mitose
c. Phosphorylation et maturation de l’ovocyte
d. Phosphorylation et formation d’amyloïdes
2. Ubiquitination de la protéine Alix
a. La voie de tri endolysosomale indépendante de l’ubiquitination
b. Le bourgeonnement des virus
II. Alg-2
1. Organisation de la protéine Alg-2
2. Interaction avec la protéine Alix
a. Structure cristallographique du complexe Alix/ Alg-2
b. Implication du complexe Alix /Alg-2 dans le changement de conformation de la protéine Alix
III. Fusion et fission membranaire
A. La Fusion membranaire
1. Les protéines SNARE
2. Les glycoprotéines virales
3. L’Atlastine
4. Les protéines « spikes » des virus pléomorphes d’archées
B. La fission membranaire
1. Les dynamines
2. Les protéines du complexe ESCRT-III
C. Mise en évidence expérimentale de la fusion membranaire
1. Reconstitution de membranes cellulaires in vitro
2. Microscopie confocale à fluorescence
3. Les sondes colloïdales et microscopie à force atomique
4. Camera CCD
5. Test biochimique
IV. Objectifs de l’étude
MATERIELS ET METHODES
1ere partie : Clonage et expression des protéines
I. Clonage, expression et purification des différentes constructions d’Alix
1. Mutagenèse dirigée
2. Expression et purification de la protéine Alix ∆PRD
3. Expression et purification des différents mutants de la forme dimérique du domaine V d’Alix
4. Expression en cellules de mammifères et purification de la protéine Alix entière
II. Clonage, expression et purification de la protéine Alg-2
1. Clonage d’Alg-23des23
2. Expression de la protéine Alg-2 3 des 23
III. Production, expression et purification des nanocorps
1. Production des nanocorps
2. Expression et purification des nanocorps
3. Complexe Alix-V QC8 dimérique / nanocorps
2eme partie. Méthodes de caractérisation des protéines
I. Spectrométrie de masse
1. Principe
2. Contrôle qualité par spectroscopie de masse dénaturante ESI
3. Spectrométrie de masse en conditions natives
II. BLI : bio layer interferometry
1. Principe
2. Caractérisation de l’affinité des oligomères des différentes constructions d’Alix pour les nanocorps
III. Ultracentrifugation analytique
IV. Cristallographie aux rayons X
1. Principe
2. Techniques de cristallisation
3. Criblage de conditions de cristallisation
4. Congélation et enregistrement des données de diffraction
5. Traitement des données
V. Diffusion de rayons X aux petits angles (SAXS)
A. Principe et acquisition des données
B. Traitement et analyse des données
1. Loi et représentation de Guinier
2. Fonction de distribution de distance
3. Interprétation des données SAXS et modélisation structurale
4. Calcul d’enveloppe ab-initio
5. Comparaison de structures aux données SAXS
VI. Microscopie électronique
3eme partie : Interaction avec la membrane
I. Reconstitution en Liposomes
1. Préparation des liposomes
2. Tests de flottaison des liposomes avec la protéine Alix ΔPRD
3. Test de Fluorescence DiD/DiI
4. NTA nanosight
RESULTATS
1ere partie : Étude du dimère du domaine V de la protéine Alix par cristallographie aux rayons X
I. Cristallisation initiale du dimère du domaine V de la protéine Alix
1. Production et purification de la protéine Alix-V dimérique
2. Étude de la phosphorylation du dimère du domaine V de la protéine Alix
3. Études biophysiques des mutants par SAXS
4. Études cristallographiques du mutant de phosphorylation Alix-V S568A-S577A
5. Modèle de dimérisation
II. Étude structurale du dimère du domaine V de la protéine Alix en présence de nanocorps de lama
1. Production et purification des nanocorps anti Alix-V
2. Spectrométrie de masse native du complexe Alix-V QC8 dimérique en présence de nanocorps
3. Purification du complexe Alix-V QC8 dimérique / nanocorps 79
4. Criblage des conditions de cristallisation du complexe Alix-V QC8 dimérique / nanocorps 79
5. Analyse de la structure cristallographique du complexe Alix-V QC8 dimérique / nanocorps 79
6. Validation du modèle dimérique obtenu
III. Caractérisation de l’affinité des Nanocorps pour les différentes constructions d’Alix
IV. Caractérisation structurale du dimère de la protéine Alix ΔPRD (Bro-V) en interaction avec le nanocorps NB96 par microscopie électronique
1. Préparation des échantillons
2. Microscopie électronique du complexe Alix ΔPRD dimérique/NB96
3. Caractérisation du complexe Alix ΔPRD dimérique /NB96 en spectrométrie de masse
2eme partie : Étude de l’interaction entre la protéine Alix et son partenaire Alg-2
I. Caractérisation structurale du complexe Alix FL /Alg-2
1. Expression et purifications des protéines Alix FL et Alg-2 3-des23
2. Formation du complexe Alix FL/Alg-2 3-des23
3. Analyse en microscopie électronique du complexe Alix FL/ Alg-23-des23
4. Caractérisation du complexe Alix FL / Alg-23-des23 en spectrométrie de masse
3eme partie : Étude de l’interaction entre la protéine Alix et les membranes biologiques
I. Rôle du pH dans l’interaction avec les liposomes
II. Alix déforme les membranes lipidiques et provoque la fusion des liposomes
1. Nanosight et microscopie électronique
2. Tests de Fluorescence
3. Protéolyse limitée
4. Protéoliposomes remis à pH7
5. Oligomérisation de la protéine Alix en présence de membranes
DISCUSSION
CONCLUSION