Ordres non conventionnels et entrelacés du modèle de Hubbard à basse dimensionnalité

Dans la plupart des solides, la cohésion du cristal est assurée par des électrons délocalisés sur tout le système et ses propriétés sont globalement capturées par des modèles historiques mettant en jeu des fermions sans interaction. Celui de Drude-Sommerfeld en est un exemple représentatif par son aptitude à expliquer plusieurs caractéristiques communes à de nombreux métaux telles que la capacité calorifique ou encore les conductivités électrique et thermique. Le succès de ces approches trouve en réalité son origine dans la théorie des liquides de Fermi où les interactions sont effectivement absorbées en termes de quasiparticules indépendantes qui correspondent à des électrons « habillés ». La découverte au début du XXème siècle de la supraconductivité, suivie dans les années 1950 des théories de Ginzburg-Landau puis de Bardeen-Cooper-Schrieffer (BCS), a initié la mise en exergue de phases où les interactions jouent en revanche un rôle crucial. Pour les supraconducteurs qualifiés maintenant de conventionnels, des couplages électron-phonon génèrent en effet une interaction effective attractive entre les électrons qui conduit à la condensation de paires de Cooper avec des températures critiques Tc de transition très basses Tc < 30K à pression atmosphérique. Récemment, une phase supraconductrice a priori conventionnelle a également pu être obtenue pour des températures beaucoup plus élevées Tc ∼ 200 K [Dro15] avec du sulfure d’hydrogène H2S métallisé au travers d’une très forte pression P ≈ 90 GPa . Notons que le mécanisme microscopique sous-jacent à ce résultat spectaculaire reste toutefois débattu [Hir15]. A la fin des années 1970, un nouvel horizon est apparu en physique de la matière condensée avec la mise en évidence de la supraconductivité dans certains composés à fermions lourds [Ste79] ainsi que dans des conducteurs organiques [Jer80]. La remise en cause du scénario BCS s’est surtout imposée dès lors que G. Bednorz et K. Müller ont rapporté en 1986 l’existence d’un autre type de supraconducteurs non conventionnels dont la compréhension théorique reste aujourd’hui encore largement énigmatique. Leur température critique, qui peut atteindre environ 140K à pression ambiante, est anormalement élevée au regard de l’intensité des interactions électron-phonon. En outre, l’instabilité supraconductrice se développe à partir d’une phase normale qui ne s’apparente pas à un liquide de Fermi comme le requiert la théorie BCS. A ce jour, deux grandes familles de tels matériaux ont été essentiellement identifiées. La première rassemble des composés à base de fer appelés pnictures [Oza08]. Ils trouvent actuellement peu de réalisations pratiques en raison de leur découverte récente, mais aussi de leur faible température critique Tc ∼ 55K et de leur toxicité. La seconde classe de matériaux regroupe certains oxydes de cuivre désignés sous le terme générique de cuprates supraconducteurs et qui sont à l’origine de la découverte de Bednorz et Müller. Au cours des années, leur champ d’application s’est largement diversifié et touche à des domaines variés [Hot03] tels que l’imagerie médicale, la téléphonie ou encore le transport d’énergie comme l’illustre l’intégration de câbles géants supraconducteurs au sein de réseaux électriques [Mal07].

Du champ moyen aux approches à symétries restaurées 

Les approximations de champ moyen Hartree-Fock

La méthode Hartree-Fock (HF) est le paradigme le plus simple pour décrire un système de fermions en interaction. Elle a souvent livré les fondements pour une compréhension qualitative de nombreux systèmes en physique de la matière condensée.

Au demi-remplissage, le traitement HF prédit correctement un état fondamental antiferromagnétique (AFM) quelle que soit l’interaction U > 0 , même si le paramètre d’ordre est surestimé au regard des résultats exacts obtenus par simulations Monte-Carlo quantiques [Hir85]. Dans le régime dopé en trous, la mise en ordre des moments magnétiques ne s’amorce en revanche que pour des couplages U/t suffisamment importants, la valeur critique augmentant avec le dopage. Les simulations HF privilégient alors l’émergence d’ondes de densité de spin (SDW) dans lesquelles l’aimantation alternée oscille dans une direction donnée, les trous étant délocalisés sur l’ensemble du réseau.

Avec une répulsion sur site encore accrue, l’approximation HF conduit au développement d’inhomogénéités sous forme de rayures qui coïncident avec les parois des domaines magnétiques définis par l’onde de densité de spin. Ces « stripes » correspondent donc à une localisation des trous le long d’un axe (horizontal, vertical ou diagonal) dans un fond antiferromagnétique. Elles sont souvent trouvées comme étant remplies ou demi-remplies : le premier cas se traduit par un trou sur chaque site de la rayure tandis que le second indique la présence d’un demi-trou par site en moyenne [Zaa96].

Même si le scénario d’un état fondamental exhibant des ondes de densité de spin ou des « stripes » pour des interactions intermédiaires et fortes se trouve conforté par certaines simulations Monte-Carlo quantiques approchées [Cha10], plusieurs autres phases ont également été identifiées à l’approximation HF. Par exemple, des polarons magnétiques ont été mis en évidence pour de larges valeurs du rapport U/t [Su88, Ver91] : il s’agit sommairement de configurations globalement antiferromagnétiques mais avec des défauts en forme de « bulles » au sein desquelles les spins sont alignés et où les trous se localisent. Par ailleurs, en étendant l’approche de champ moyen pour que les directions des spins ne soient plus contraintes selon Oz mais variationnellement optimisées .

Le champ moyen étendu par projection sur les nombres quantiques avant variation

Dans cette thèse, nous poursuivons l’objectif de rechercher un état fondamental approché pour le modèle de Hubbard répulsif au travers d’un schéma variationnel conservant la versatilité des fonctions d’onde Hartree-Fock et BCS, tout en introduisant des corrélations au delà de l’approximation de champ-moyen. Il s’agit également de s’affranchir de toute hypothèse sur le contenu physique afin de mettre en exergue les corrélations qui émergent spontanément de l’Hamiltonien à basse énergie. Leur détection ne pourra donc être réalisée que selon les procédures inhérentes aux méthodes non biaisées de type Monte-Carlo quantique ou diagonalisation exacte.

Une des pistes pour spécifier ce programme réside alors dans les résultats présentés auparavant à l’approximation de champ-moyen et qui témoignent de brisures de symétries. Par exemple, les « stripes » brisent manifestement l’invariance par translation alors qu’elles sont obtenues dans des simulations menées sur des clusters de taille finie pour lesquels cette symétrie du modèle de Hubbard est nécessairement respectée dans la solution exacte. Il en va de même pour les spirales avec l’invariance par rotation dans l’espace de spin. En réalité, des solutions HF possédant toutes les symétries de l’Hamiltonien peuvent être obtenues en initiant le processus d’optimisation auto-cohérent à partir d’un déterminant choisi pour respecter ces symétries. Néanmoins, les énergies obtenues sont en général supérieures à celles issues d’une solution à symétries brisées. Ce phénomène est caractéristique des approximations de champmoyen, qui en étant restreintes à un état de fermions indépendants, peuvent difficilement concilier le respect des invariances de l’Hamiltonien et l’absorption des interactions entre les particules.

Pour le modèle de Hubbard, une telle stratégie a été mise en œuvre par E. Louis & al [Lou01] et a permis de montrer que les interférences entre les configurations au sein du mélange permettent d’obtenir un gain d’énergie : les méthodes fondées sur la restauration des symétries se révèlent donc pertinentes pour intégrer des corrélations au delà du champ-moyen. Sur cette base, il est néanmoins possible d’améliorer nettement la qualité de l’approximation en initiant directement le processus variationnel avec une fonction d’onde à symétries adaptées par projection sur les nombres quantiques associés : on parle alors de projection avant variation. La différence cruciale avec une restauration post-variationnelle réside alors dans le fait que l’ansatz est par essence une combinaison linéaire d’états de champ moyen et donc une fonction d’onde corrélée. L’optimisation de telles superpositions est au cœur de cette thèse et nous parlerons par la suite d’une approche de champ-moyen enchevêtrée par les symétries (« SEMF »).

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : Du champ moyen aux approches à symétries restaurées
I. Les approximations de champ moyen Hartree-Fock
II. Les approximations de champ moyen « renormalisé » : premiers pas vers la supraconductivité non conventionnelle
III. Le champ moyen étendu par projection sur les nombres quantiques avant variation
III.a) Modèle à deux sites
III.b) Modèle à quatre sites
Références
Article : « Exact ground state of strongly correlated electron systems from symmetryentangled wave-functions », A. Leprévost, O. Juillet and R. Frésard, Ann. Phys. (Berlin) 526, 430 (2014)
Chapitre 2 : Stratégies variationnelles de champ moyen enchevêtré par les symétries pour le modèle de Fermi-Hubbard
I. Etats factorisés d’un système de fermions
I.a) Les déterminants de Slater
I.b) Les vides de Bogoliubov
II. Les symétries du modèle de Hubbard et leur restauration
III. Approximations multi-configurationnelles à symétries adaptées par projection avant variation
III.a) Principe
III.b) Le théorème de Wick généralisé
III.c) Les équations auto-cohérentes SEMF
III.d) Implémentation numérique
III.e) Remarque : l’approximation SEMF à un seul vide HF ou BdG
Références
Chapitre 3 : Application aux échelles de Hubbard à quatre montants dopées en trous
Références
Article : « Intertwined orders from symmetry projected wavefunctions of repulsively interacting Fermi gases in optical lattices », A. Leprévost, O. Juillet and R. Frésard, accepté pour publication dans New Journal of Physics le 17 août 2015
Conclusion

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