L’informatique omniprésente est déjà au cœur de nombreuses applications (télémédecine, domotique, etc.). Les équipements mobiles (Tablette PC, Smartphone, etc.) sont de plus en plus utilisés dans les activités professionnelles, la vie quotidienne et l’apprentissage. Le développement des technologies telles que les communications sans fil (Wifi, Bluetooth, UMTS, etc.), la géolocalisation (GPS,…), les systèmes embarqués, les capteurs, les étiquettes RFID, etc. peuvent avoir une grande influence sur les dispositifs de formation.
Selon Weiser, l’évolution de ce type de technologies ouvre la voie à la définition de nouvelles infrastructures (ou services) et permet d’introduire les propriétés suivantes (Weiser, 1999) : 1) l’environnement physique devient une ressource d’apprentissage proprement dite (Laine & Joy, 2008) permettant le développement de compétences et l’acquisition de connaissances dans des situations réelles (Hundebol & Helms, 2006) et 2) l’extension des capacités d’interaction en situation d’apprentissage offre la possibilité d’acquérir de l’information mais également de la produire et de la diffuser vers les autres plus facilement (Wenger, 1998). Grâce à ces deux propriétés, l’apprentissage commence à sortir de plus en plus des salles de cours et à entrer dans des environnements moins classiques liés aux contextes des apprenants. Le scénario d’apprentissage devient ainsi situé, contextuel, personnel, collaboratif, et tout au long de la vie (Derycke, 2006).
Dans le domaine des Environnements Informatiques pour l’Apprentissage Humain (EIAH), le « scénario pédagogique » peut être défini comme « une description effectuée a priori et a posteriori, du déroulement d’une situation d’apprentissage visant l’appropriation d’un ensemble précis de connaissances, en précisant les rôles, les activités ainsi que les ressources de manipulation des connaissances, outils, services et résultats associés à la mise en œuvre des activités » (Pernin, 2004).
Dans le cadre de cette thèse, nous définissons le terme « scénario d’apprentissage mobile » comme « un scénario pédagogique qui décrit une ou plusieurs activités d’apprentissage en situation de mobilité ». Par exemple, les sorties de terrain peuvent être considérées comme décrites par des scénarios d’apprentissage mobiles car elles permettent aux apprenants de réaliser des activités pédagogiques pendant leurs déplacement. En effet, ces types de scénarios font partie des processus de formation dans de nombreux domaines (biologie, géologie,…) car ils sont construits autour d’objectifs pédagogiques tout en permettant l’acquisition des connaissances par l’observation, l’interprétation, le développement des compétences techniques, les tests et l’analyse. Cependant, un des problèmes des EIAHs destinés aux sorties pédagogiques est l’organisation des activités d’apprentissage à réaliser selon l’intérêt et la localisation de l’apprenant.
Selon Dillenbourg, le terme « orchestration » fait référence à « la gestion en temps réel des graphes pédagogiques dont les activités se situent dans des plans distincts (individus, groupe, classe, communauté,…) et lient des couches d’informations digitales et physiques » (Dillenbourg, 2012). Ce concept permet de compléter la phase de scénarisation des EIAHs car il permet de guider et d’assister l’apprenant pour qu’il construise sa propre connaissance, avec les autres, pendant le déroulement de la visite (Giemza, Bollen, Seydel, Overhagen, & Ulrich Hoppe, 2010). D’autre part, les scénarios de type sortie pédagogique peuvent bénéficier de l’apport de l’omniprésence des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour faciliter l’apprentissage de différentes façons. Cependant, bien que les périphériques mobiles puissent être utilisés pour fournir les ressources aux apprenants presque n’importe où et n’importe quand, les principales plateformes d’apprentissage existantes ne permettent pas aux enseignants de contextualiser les activités. Par conséquent, les enseignants (ou les tuteurs) ne peuvent pas ancrer ces activités aux bons endroits pendant le déroulement de la sortie pédagogique.
Objectifs de la thèse
Nos travaux impliquent plusieurs domaines de recherche car ils visent à mettre en œuvre un apprentissage mobile dans le cadre des scénarios de type sortie pédagogique. En effet, de nombreux auteurs ont montré que l’apprentissage en mobilité a été reconnu pour sa capacité à motiver les apprenants pendant le déroulement de leurs visites car ils sont plus autonomes et transfèrent moins la responsabilité de leurs apprentissages sur l’enseignant ou le créateur de contenu (Sharples, Sanchez, Milrad, & Vavoula, 2009) (Hung, Lin, & Su, 2013) (Goodyear & Yang, 2009). Le but de cette thèse est de permettre l’orchestration des activités d’apprentissage mobile et l’implémentation des scénarios de type sortie pédagogique. Pour cette raison, nous avons décidé de répondre aux objectifs suivants :
1) Faire un état de l’art des différents travaux et prototypes existants concernant l’apprentissage mobile.
2) Mettre en évidence les spécificités liées à la description des scénarios de type sortie pédagogique et à l’orchestration des activités pendant le déroulement de la visite.
3) Identifier les différentes dimensions à prendre en compte dans le cadre du scénario de sortie pédagogique comme les types d’activités à faire, les éléments de contexte à intégrer, les schémas de collaboration à adopter,…
4) Élaborer des modèles et des infrastructures logicielles permettant d’associer informations, activités et localisation/contexte dans le cadre de scénarios pédagogiques mobiles.
5) Tester les prototypes réalisés à l’aide d’expérimentations avec des concepteurs (enseignants, tuteurs,…) et des apprenants afin de valider les concepts élaborés ainsi que les aspects logiciels et usage.
L’apprentissage mobile et les sorties pédagogiques
L’apprentissage mobile
L’apprentissage mobile ou le m-learning est devenu un thème de recherche très populaire car il existe de nombreux domaines de recherche qui abordent le sujet à partir de différents points de vue. En 1916, Dewey a donné une définition très précoce de l’apprentissage mobile comme: « A society which is mobile, which is full of channels for the distribution of a change occurring anywhere, must see to it that its members are educated to personal initiative and adaptability » (Dewey, 1916). Ally et Traxler définissent le m-learning comme un apprentissage basé sur les technologies d’accès et de diffusion de contenus. Ces technologies permettent la diffusion des supports électroniques d’apprentissage sur des appareils informatiques mobiles pour en permettre l’accès à partir de n’importe où et à tout moment (Ally, 2004) (Traxler, 2005). A. Derycke considère l’apprentissage mobile comme une version e-Learning adaptée aux usages mobiles des apprenants pour délivrer des formations à distance sur d’autres supports que les postes informatiques. Ainsi, grâce aux nombreuses applications disponibles, l’apprenant peut poursuivre sa formation où qu’il soit grâce à un appareil mobile que ce soit un Smartphone, un lecteur multimédia comme l’iPod, une tablette mobile telle l’iPad ou encore depuis une console de jeux portative (Derycke, 2006).
Selon M. Sharples, l’apprentissage mobile peut être défini comme le processus (à la fois personnel et public) permettant d’arriver à la connaissance à travers l’exploration et la mise en relation de différents contextes impliquant d’autres personnes et des technologies interactives (Sharples, Sanchez, Milrad, & Vavoula, 2009). M. Laroussi, quant à elle pense que l’apprentissage mobile n’est qu’une partie d’un tout qui est constitué des outils d’apprentissage, de l’infrastructure de support, des contextes et des personnes qui se distribuent dans le temps et l’espace. Il permet notamment d’apprendre en contexte, mais aussi au travers des contextes (Laroussi, 2011). A notre avis, la définition de l’apprentissage mobile est toujours en train d’évoluer car elle doit s’adapter à chaque fois à des nouveaux contextes physiques, technologiques et pédagogiques qui sont étroitement liés aux différents domaines d’application. Dans le cadre de notre thèse, nous nous intéressons aux caractéristiques de l’apprentissage mobile. Ces caractéristiques sont décrites par Laouris sous forme d’une fonction qui dépend de plusieurs paramètres comme le temps, l’espace, l’environnement d’apprentissage, le contenu, la technologie, le profil de l’apprenant et la méthode utilisée (Laouris, 2005) .
L’apprentissage ubiquitaire
Le terme « informatique ubiquitaire » est équivalent aux termes « informatique ambiante » ou « informatique omniprésente » et il vient de l’anglais « ubiquitous computing ». Ce dernier est inventé par Mark Weiser au début des années 1990 qui le décrit comme suit : « les technologies les plus profondes sont celles qui sont devenues invisibles. Celles qui, nouées ensemble, forment le tissu de notre vie quotidienne au point d’en devenir indissociables ». Par conséquent, sa vision permet aux gens et à l’environnement avec la combinaison des diverses technologies informatiques d’échanger des informations et des services à tout moment et n’importe où (Weiser, 1999).
Sakamura et Koshizuka, pensent que l’informatique ubiquitaire peut être considérée comme « une nouvelle tendance des technologies de l’information et de la communication (TIC) » (Sakamura & Koshizuka, 2005). Ces technologies détectent le contexte de l’utilisateur afin de lui fournir des services dépendants de sa situation courante. Ce type d’adaptation dynamique donne naissance à une forme d’intelligence ambiante (Zaidenberg, 2010). Dans ce contexte, l’informatique ubiquitaire devient la troisième ère de l’histoire de l’informatique, qui succède à l’ère des ordinateurs personnels et celle des ordinateurs centraux (Waldner, 2007). Dans cette ère, l’utilisateur a à sa disposition une gamme de petits appareils informatiques tels que les Smartphones ou les tablettes, et leurs utilisations font partie de sa vie quotidienne. Ces appareils facilitent l’accès à l’information pour tout le monde, n’importe où et n’importe quand. Les utilisateurs ont alors la possibilité de s’échanger des données facilement, rapidement et sans effort, quelle que soit leurs positions géographiques (Hansmann, 2003).
Selon Saadiah, l’apprentissage ubiquitaire ou pervasif (u-learning, ubiquitous learning, pervasive learning) est un nouveau paradigme de l’apprentissage. Il peut être considéré comme une extension des paradigmes antérieurs d’apprentissage comme le passage de l’apprentissage conventionnel à l’apprentissage distanciel (e-learning) ou comme la transition de ce dernier vers l’apprentissage mobile (m-learning) (Saadiah, Erny, & Kamarularifin, 2010).
Lyytinen et Yoo considèrent que l’apprentissage ubiquitaire est étroitement lié à l’évolution de l’informatique omniprésente qui a été accéléré par l’amélioration des capacités des réseaux de télécommunications sans fil, l’augmentation de la puissance de calcul et l’autonomie des batteries ainsi que l’émergence de nouvelles architectures logicielles. Cette évolution des technologies permet aux apprenants d’intégrer des activités d’apprentissage individuelles dans leurs vies quotidiennes (Liyytinen & Yoo, 2002). Cependant, comme mentionné par Hwang, il n’y a pas de définition claire de l’apprentissage ubiquitaire à cause des changements rapides des environnements d’apprentissage. Jusqu’à présent, les chercheurs ont des différents points de vue sur la définition du terme « u-learning » (Hwang, Chu, Lin, & Tsai, 2011).
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Table des matières
Introduction générale
Objectifs de la thèse
Organisation du mémoire
Partie I. État de l’art
Chapitre I. L’apprentissage mobile et les sorties pédagogiques.
I.1. Introduction
I.2. L’apprentissage mobile
I.3. L’apprentissage ubiquitaire
I.4. Les différentes dimensions du contexte d’apprentissage mobile
a). La dimension temporelle
b). La dimension spatiale
c). La dimension matérielle
d). La dimension contexte d’apprentissage
e). La dimension ressources pédagogiques
f). La dimension utilisateur
g). La dimension des activités du scénario
I.5. L’adaptation au contexte d’apprentissage mobile
a) Adaptation générale
b) Adaptation des Feedbacks et des supports
c) Adaptation de navigation
d) Adaptation des communications et des interactions
I.6. Évolution des méthodes d’apprentissage
I.7. Les sorties pédagogiques
I.7.1.Les phases d’une sortie pédagogique
I.7.2.Les types de sorties pédagogiques
a) La sortie pédagogique sans support informatique
b) La sortie pédagogique avec support informatique mobile
I.7.3.Travaux existants sur les sorties pédagogiques
I.8. Conclusion du chapitre I
Chapitre II. Les techniques d’orchestration des activités d’apprentissage mobile
II.1. Introduction
II.2. L’orchestration et les sorties pédagogiques
II.3. Les techniques d’orchestration des sorties pédagogiques
II.3.1. L’extension des plateformes d’apprentissage existantes
a) Utilisation des plugins dans les LMS
b) Intégration des technologies Web 2.0 dans les LMS
c) Utilisation des CSCBLs
d) Le langage IMSLD
e) Les plateformes d’agrégation de services
f) Synthèse
II.3.2. Les plateformes d’apprentissage de type ad hoc
II.3.2.1. Les applications dépendantes du domaine d’étude
II.3.2.2. Les applications indépendantes du domaine d’étude
II.4. Discussions sur les techniques d’orchestration
II.4.1.L’orchestration à l’aide des SMAs
II.4.2.L’orchestration sémantique à l’aide des ontologies
II.5. Conclusion du chapitre II
Chapitre III. Recommandation des activités d’apprentissage mobile
III.1. Introduction
III.2. Les systèmes de recommandations
III.2.1.Filtrage basé sur le contenu (Content-based Filtering)
III.2.2.Filtrage collaboratif (Collaborative Filtering)
III.2.3.Synthèse
III.3. Les systèmes de recommandations et la mobilité
III.4. Les systèmes de recommandations et la formation
III.5. Les systèmes de recommandations et les réseaux sociaux
III.5.1.Recommandation basée sur la confiance
III.5.2.Exploitation des données textuelles dans le Web social
III.5.3.Exploitation du profil déclaratif
III.5.4.Synthèse
III.6. Les systèmes de recommandations et les sorties pédagogiques
III.6.1.Les techniques de filtrage collaboratif
III.6.2.Les techniques de recommandation sociale
III.6.3.Les techniques de recommandation chronologique
III.6.4.Synthèse
III.7. Conclusion du chapitre III
Conclusion générale
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