Révolutions quantiques
En 1905, Albert Einstein introduit pour la première fois un quantum d’énergie de la lumière pour expliquer l’effet photo-électrique. La lumière est constituée de paquets d’énergie, des corpuscules qui seront nommés photons à partir de 1920. C’est la naissance d’une théorie où les objets ont une énergie échelonnée en quanta, la mécanique quantique. D’autre part la lumière est aussi connue pour son aspect ondulatoire qui permet les expériences de diffraction et d’interférométrie. La lumière possède donc un double aspect, ondulatoire et corpusculaire, on parle de dualité onde corpuscule. Cette aspect non intuitif de la lumière sera mis en évidence à de nombreuses reprises et sera ensuite étendue aux autres particules (électrons 1927 , protons 1929, molécules 1999 …) et constitue un des piliers de la mécanique quantique. Tous les objets quantiques possèdent à la fois les caractéristiques d’une onde et d’un corpuscule.
De cette dualité va découler le principe de superposition d’état et l’aspect probabiliste de la nature, par exemple, une onde peut se séparer sur une lame 50/50 mais un corpuscule doit choisir, ainsi tant que le système n’a pas été mesuré on décrit l’état du système par une superposition d’état des deux réalisations possibles, corpuscule transmis ou réfléchi, et l’onde associée représente en fait la distribution de probabilité de présence du corpuscule .
A partir de ces nouvelles règles de la nature, on peut comprendre les structures atomiques, la chimie, les semi-conducteurs, le tout avec une précision incroyable. La compréhension nouvelle de ces mécanismes et les applications technologiques actuelles qui en découlent (capteurs, lasers, ordinateurs ..) constitue ce que l’on nomme la première révolution quantique .
Actuellement, une seconde révolution quantique est en marche. Au lieu de simplement observer les effets quantiques, on manipule les propriétés quantiques des objets (atomes, photons, boites quantiques artificielles ..) pour à terme les insérer dans les technologies du futur. On façonne donc des états quantiques pour, par exemple, améliorer les précisions de mesures (interférométrie optique, champs électriques et magnétiques ..) ou nos systèmes de communications .
Théoriquement cette seconde révolution est souvent associée aux aspects les plus surprenants de la mécanique quantique : les interférences à plusieurs particules et surtout l’intrication. Les systèmes constitués de plusieurs particules doivent toujours être considérés de manière globale et agir sur une partie du système peut avoir des répercussions instantanées ailleurs sur l’autre partie. Ces aspects que l’on précisera à travers deux expériences historiques dans la partie suivante ne peuvent être expliqués avec des considérations du type dualité onde-corpuscule et bousculent encore plus notre intuition classique de la physique.
Ainsi, on voit que l’on peut distinguer théoriquement et dans les applications technologiques deux strates de la mécanique quantique, la première et seconde révolution quantique. Il est important de noter que la distinction est floue pour certains systèmes et que cela ne permet évidemment pas de juger de la valeur d’une expérience ou d’une technologie.
Deux expériences fondatrices
Dans cette partie, deux expériences clefs de la compréhension contemporaine de la mécanique quantique seront présentées : l’expérience Hong-OuMandel et la violation des inégalités de Bell. La violation des inégalités de Bell consiste en fait en une série d’expérience menées par de nombreux groupes, des premiers résultats des années 80 aux tests récents sans équivoque.
Comme on le verra, ces deux expériences dépassent la première révolution quantique et font bien partie de la seconde révolution quantique. Les concepts utilisés pour les décrire dépassent la dualité ondes corpuscule et choquent notre intuition classique.
Bien que les premières violation d’inégalités de Bell (∼1980) soient antérieures à l’expérience Hong-Ou-Mandel (1987) leurs implications sont plus fortes et seront présentées en second.
Hong-Ou-Mandel
Commençons par décrire l’expérience Hong-Ou-Mandel (abréviation HOM) de 1987. Une paire de photons de même longueur d’onde et polarisation, est créée par conversion paramétrique type I dans un cristal non-linéaire. Les deux photons sont recombinés sur une lame séparatrice 50/50. Les photo-multiplicateurs placés en sortie de la séparatrice détectent les photons émergeants de la lame et une électronique adaptée permet le comptage des coïncidences en sortie du montage (un photon à chaque sortie de la séparatrice). Finalement, le délai d’arrivée entre les deux photons peut être ajusté en déplaçant physiquement la séparatrice, notez qu’un décalage de la lame d’une dizaine de microns implique un décalage temporel d’arrivée des photons sur les détecteurs de 3 10−14s ce que l’électronique ne peut pas détecter (même actuellement).
En mesurant le taux de coïncidences en sortie de montage tout en déplaçant la séparatrice de quelques dizaines de microns, on remarque une baisse signicative de celui-ci, jusqu’à son annulation lorsque les chemins des deux photons jusqu’à la séparatrice sont équilibrés, c’est à dire lorsque les deux photons se recouvrent sur la séparatrice . La courbe du taux de coïncidences en fonction du délai à la recombinaison forme un trou, on le nomme trou Hong-Ou-Mandel (ou HOM). Notons que le taux de détection à chaque port de sortie reste constant quelque soit le délai. Il est important de noter que les deux photons incidents n’ont pas à provenir d’une source commune, par exemple dans les photons sont émis par deux atomes piégés indépendamment. Il est en fait simplement plus pratique d’utiliser un processus de création par paire pour la synchronisation d’arrivée des photons sur la séparatrice.
Inégalité de Bell
La seconde expérience fondatrice de la mécanique quantique contemporaine est la mise en évidence de l’intrication quantique avec la violation des inégalités de Bell.
Présentation de l’intrication :L’intrication est une propriété qui lie le résultat de mesures sur deux objets potentiellement séparés spatialement.
Pour fixer les idées, considérons l’émission de paires de billes en sens opposé , chacune des billes pouvant être « bleue » ou « rouge ». De plus leur interaction passée fait qu’elles sont toujours soit les deux bleues soit les deux rouges. Du point de vue de la mécanique quantique tant qu’une mesure de couleur n’a pas été réalisée sur une des billes, chacune d’elle est dans une superposition des deux couleurs. Puis dès lors qu’une mesure est réalisée sur une des billes on connait alors sa couleur et donc instantanément le couleur de l’autre : on dit que l’état est projeté. Ce lien à distance qui lie les couleurs des billes instantanément est l’intrication quantique.
Action fantomatique et Incomplétude :L’expérience de pensée réalisée dans la partie précédente fait apparaitre une action à distance instantanée entre les particules lors de la mesure. Les particules communiquent et ce potentiellement plus rapidement que la vitesse de la lumière. Cette action fantomatique comme la nomme Einstein semble donc en contradiction avec la relativité. Bien que l’on montre que le lien entre les particules ne peut pas être utilisé pour transporter de l’information car le résultat de la première mesure est aléatoire et donc l’information transportée est aussi aléatoire, la non-localité des comportements choque notre conception de la physique.
L’Optique quantique au 21ième siècle
Fort des résultats obtenus avec les photons, entre autres les deux expériences présentées précédemment (HOM et Bell), le domaine de l’optique quantique a vu un incroyable essor à partir des années 90. Progressivement on voit même certaines expériences sortir du laboratoire comme le premier réseau de communication et la première connection avec un satellite tout deux sécurisés par cryptographie quantique réalisés en Chine (méthode basée sur l’intrication quantique ).
Le fait que les photons interagissent peu avec l’air ambiant, puis que certaines technologies utilisées pour leur manipulation avaient déjà été développées (miroirs, lentilles, plaques luminescentes) ont favorisé leur étude dans les laboratoires à la fin du 20ième siècle. Cependant toutes ces expériences ne sont a priori pas réservées aux photons.
Évolution des densités et corrélations
Les détections des atomes quittant la séparatrice aux impulsions k1 = 0.75 et k2 = 1.3 krec selon la verticale et nulles transversalement sont enregistrées.
Ces dernières permettent de calculer le nombre moyen de détection par port de sortie nk1 et nk2 ainsi que les corrélations entre les ports GMN et gMN .
Les corrélations manifestent, comme attendues, un trou pour un temps entre le miroir et la séparatrice d’environ 750 µs alors que les densités à chaque port de sortie restent stables : c’est donc bien une interférence à deux particules, l’effet Hong-Ou-Mandel. Par symétrie de l’interféromètre on peut maintenant placer le temps moyen de création des paires au centre du réseau de création de paire .
Les zones d’intégration sont choisies cylindriques de longueur 0.03 krec selon la verticale et de diamètre 0.042 krec. Ce volume d’intégration est en fait défini expérimentalement en optimisant le rapport signal sur bruit de la visibilité du trou. D’après l’étude des distributions et des corrélations locales ces dimensions semblent proches de celle d’un mode bien que légèrement plus large longitudinalement. Dans la suite on considère que ce volume permet de définir le nombre moyen de paires émises par réalisation dans les modes [k1, k2], celui-ci est évalué à n¯ = h(nk1 + nk2)/2i /η = 0.33(7) avec η = 25(5)% la détectivité de la galette à micro-canaux.
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Table des matières
1 Optique Atomique Quantique
1.1 Révolutions quantiques
1.2 Deux expériences fondatrices
1.2.1 Hong-Ou-Mandel
1.2.2 Inégalité de Bell
1.2.3 L’Optique quantique au 21ième siècle
1.3 Optique atomique quantique
1.3.1 Motivations
1.3.2 Deux avancées technologiques
1.4 Conclusion
2 Création de Paires Atomiques
2.1 Introduction : Conversion paramétrique en optique
2.2 Éléments de base de la création de paires
2.2.1 Non-linéarités : Interactions entre atomes
2.2.2 Conservation de l’énergie et de l’impulsion
2.3 Formalisme
2.3.1 Condensat dans un réseau 1D
2.3.2 Calcul des intégrales de recouvrement
2.3.3 Correction de champ moyen
2.4 Modèle simple : Émission à deux modes
2.4.1 Représentation de Heisenberg
2.4.2 Valeur moyenne des observables
2.4.3 Représentation de Schrödinger
2.4.4 Probabilités d’émission de plusieurs paires
2.4.5 Source thermique
2.5 Développement multi-mode
2.5.1 Équations du mouvement
2.5.2 Développement en ordre du couplage
2.5.3 Densités
2.5.4 Corrélations
2.5.5 Approximation de la conservation de la quasi- impulsion stricte
2.5.6 Nombre de paires
2.5.7 Émission cohérente et corrélation anormale
2.6 Dispositif expérimental et résultats
2.6.1 Condensat dans un piège optique
2.6.2 Réseau optique
2.6.3 Protocole de création de paires
2.6.4 Densité
2.6.5 Distribution
2.6.6 Corrélations
2.7 Conclusion
3 Miroir et Séparatrice à Atomes
3.1 Modélisation
3.1.1 Base du problème
3.1.2 Développement
3.2 Réalisation expérimentale
3.3 Pour aller plus loin
3.3.1 Équivalence avec le problème d’un spin 1/2 dans un champ magnétique
3.3.2 Retournement adiabatique
3.3.3 Pulse Sinus cardinal
3.4 Conclusion
4 Hong-Ou-Mandel atomique
4.1 Introduction
4.1.1 Protocole
4.1.2 Contrôle de la discernabilité
4.2 Formalisme
4.2.1 Émission
4.2.2 Évolution libre
4.2.3 Miroir
4.2.4 Séparatrice
4.2.5 Détection
4.2.6 Densité
4.2.7 Corrélations croisées en sortie d’interféromètre
4.2.8 Corrélations locales en sortie d’interféromètre
4.2.9 Forme du trou/pic
4.3 Expérience
4.3.1 Évolution des densités et corrélations
4.3.2 Visibilité
4.3.3 Taille du trou
4.3.4 Corrélation locale
4.3.5 Coïncidences
4.4 Conclusion
5 Interféromètre à 4 modes et 2 atomes
5.1 Introduction
5.1.1 Test des inégalités de Bell en impulsion
5.1.2 Expérience avec des atomes
5.2 Formalisme
5.2.1 Émission
5.2.2 Propagation/Miroir/Séparatrice
5.2.3 Nombre d’expériences en parallèle
5.2.4 Densité en sortie des interféromètres
5.2.5 Corrélations en sortie des interféromètres
5.2.6 Probabilités
5.2.7 Corrélateur
5.3 Résultats
5.3.1 Mesure de probabilités et corrélateurs
5.3.2 Vérification du zéro du corrélateur
5.4 Implications
5.5 Perspectives
5.6 Conclusion
A Atome d’Hélium
B Paramètres des réseaux optiques
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