Optimisation d’un capteur de force à atomes ultrafroids piégés dans un réseau optique

Principe et historique de l’expérience

Le projet ForCa-G a pour objectif final de mesurer les forces exercées à courte distance entre des atomes et une surface macroscopique. Nous introduirons tout d’abord dans ce chapitre l’intérêt d’une telle mesure. Nous expliquerons ensuite le principe général de l’expérience et nous présenterons finalement un historique des résultats obtenus.

Les forces à courte distance

La mesure précise de forces à courte distance est un des défis de la physique expérimentale moderne. Pour des séparations de l’ordre du micromètre, l’électrodynamique quantique devient indispensable pour décrire l’interaction entre deux corps et les mesures mettant en jeu des atomes n’ont pas encore atteint la précision des mesures macroscopiques. D’autre part, si la loi de la gravitation de Isaac Newton et la théorie de la relativité générale sont très bien testées pour des distances allant du millimètre à la taille du système solaire, des violations ne sont pas encore exclues au delà et en deçà de ces échelles de longueur [1].

Une déviation à la loi de Newton ? 

La recherche d’une déviation à la loi de Newton fait écho aux différentes théories récentes qui prédisent de nouvelles interactions de type gravitationnel [2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9]. Ces nouvelles théories sont motivées par la volonté d’unifier la relativité générale d’Albert Einstein et la théorie quantique des champs sur laquelle repose le modèle standard. Elles peuvent être une interprétation de la matière noire qui explique la différence entre la masse lumineuse et la masse dynamique observées dans les galaxies ou de l’énergie noire qui explique l’accélération de l’expansion de l’univers. On parle parfois d’une 5ème force fondamentale de type gravitationnel [10, 11]. La recherche d’une déviation à la loi de Newton peut être ainsi assimilée à la recherche d’une 5ème force. L’approche la plus courante pour tester ces nouvelles théories est la recherche d’une déviation à la loi de Newton sous la forme d’un potentiel de Yukawa [12, 13, 14]. En 1934, Hideki Yukawa prédit l’existence des mésons comme médiateur de l’interaction forte entre les protons et les neutrons [12]. En 1947, la découverte du pion [15] confirme la prédiction de Yukawa.

Pour des portées λ interplanétaires, l’amplitude α a pu être exclue jusqu’à 10⁻¹⁰. Pour des portées allant de 10⁻³ à 10¹⁵ m, la loi de Newton est bien testée , mais pour de plus grandes ou plus petites échelles, les mesures se compliquent. La limite des grandes distances relève du domaine de l’astronomie et repose sur l’observation des mouvements planétaires. Nous sommes ici intéressés par l’autre limite, l’échelle submillimétrique. Les progrès sur les mesures à courtes distances sont continus, mais aux échelles micrométriques les valeurs non exclues de α sont encore très grandes.

Les potentiels de Casimir et de Casimir-Polder

La force de Casimir-Polder 

En 1946, dans les laboratoires Philips aux Pays-Bas (le « NatLab » à Eindhoven), Evert Verwey et Theodoor Overbeek développent une théorie pour expliquer la stabilité de suspensions colloïdales dans laquelle les interactions attractives entre les particules sont entièrement décrites comme des interactions de type van der Waals – London [33, 34] (la théorie DLVO nommée d’après Derjaguin, Landau, Verwey et Overbeek). Mais ils se heurtent à un désaccord entre cette théorie et leurs résultats expérimentaux. Leurs collègues Hendrik Casimir et Dirk Polder incluent alors, en 1948, un retard à l’interaction de van der Waals – London pour des distances grandes devant les longueurs d’onde correspondant aux transitions atomiques. Ils dérivent ainsi le potentiel que l’on appelle maintenant le potentiel de Casimir-Polder entre un atome et un plan parfaitement conducteur ou entre deux atomes [35].

Mesurer Casimir 

En 1957, Marcus Sparnaay réalise au NatLab les premières mesures de forces attractives entre deux plaques [40, 41]. Ses résultats sont en accord avec la théorie développée par Casimir mais l’incertitude sur la mesure est alors de l’ordre de 100%. L’effet Casimir-Lifshitz est mis en évidence pour la première fois en 1978 par van Blokland et Overbeek [42] qui obtiennent un accord entre la mesure de l’attraction de deux objets recouverts de chromium séparés de 132 à 670 nm et leur calcul de l’interaction basé sur la théorie de Lifshitz. Depuis, la force de Casimir a été mesurée dans de nombreuses expériences. En 1997, Steve Lamoreaux utilise une balance de torsion et trouve un accord de l’ordre de 10% entre la théorie et ses mesures de la force de Casimir entre une sphère et une plaque séparées de 0,6 à 6 µm [43, 44]. En 1998, Mohideen et Anushree Roy utilisent un microscope à force atomique et trouvent, pour une même géométrie, un accord de l’ordre du %, à des distances de l’ordre de la centaine de nm [45]. En 2001, Chan et al. mesurent, au même niveau de précision, la force de Casimir avec un micro-système électromécanique (MEMS) [46]. La limitation sur la mesure de la force de Casimir porte alors sur les corrections à apporter pour prendre en compte la rugosité des surfaces ou encore la conductivité finie des matériaux. En 2002, Bressi et al. reprennent la géométrie originale de Casimir et trouvent un accord de 15% pour deux plaques séparées de 0,5 à 3 µm [47]. En 2009, Munday et al. montrent que pour une sphère en or séparée d’une plaque de silice par une centaine de nm d’un fluide de bromobenzène, on obtient une force de Casimir-Lifshitz répulsive, ce qui peut permettre de réduire les forces de friction dans des dispositifs micromécaniques [48]. En 2010, Levin et al. réussissent à obtenir une force répulsive dans le vide cette fois, en opposant une pièce métallique allongée à une plaque trouée en son centre [49].

Mesurer Casimir-Polder 

Les premières mesures du potentiel de Casimir-Polder sont bien plus récentes. La première date de 1993 où un jet de sodium traverse une cavité de 0,75 à 7,5 µm formée par deux plans en or [50]. L’interaction avec les surfaces dévie la trajectoire du jet et une mesure de la transmission de ce jet permet de déduire la force de Casimir-Polder avec une incertitude de 13%. Trois ans plus tard est réalisé un miroir à atome de 85Rb, en utilisant une onde évanescente répulsive se propageant en surface d’un prisme diélectrique [51]. La réflexion dépend de l’interaction avec la surface et permit une mesure du potentiel de van der Waals pour une distance d’une cinquantaine de nm avec une incertitude de 30%. Dans les années 2000, plusieurs expériences s’appuient sur le phénomène de réflexion quantique pour mesurer l’interaction de van der Waals – Casimir-Polder [52, 53, 54, 55]. La nature ondulatoire d’un atome suffisamment lent provoque une réflexion qui une fois encore dépend de l’interaction avec cette surface. Ces mesures présentent un accord qualitatif avec le modèle de CasimirPolder. En 2005, l’équipe d’Eric Cornell réalise une mesure de l’interaction atome – surface à une distance bien plus grande, allant de 6 à 9 µm [56]. Suivant la proposition de [57], ils mesurent la modification de la fréquence d’oscillation d’un condensat de Bose-Einstein de 87Rb en fonction de la distance entre le condensat et une surface. Cette mesure donne seulement accès au gradient de la force de Casimir-Polder. L’incertitude sur la mesure du déplacement en fréquence est ici d’environ 10% avec une incertitude en position de l’ordre de la centaine de nm. Deux ans plus tard la même équipe publie les premiers résultats concernant la dépendance en température du substrat de la force de Casimir-Polder [58]. En 1999, le phénomène de réflexion sélective permet une mesure spectroscopique de l’interaction de van der Waals entre une vapeur de Cs et une surface de saphir [59]. Il est montré qu’un couplage résonnant entre les atomes et un polariton de surface permet d’obtenir une interaction répulsive. En 2014, cette même équipe s’intéresse également à la dépendance en température de ce type d’interaction à une centaine de nm et montre qu’il est possible d’exacerber l’interaction en augmentant la température. Une des principales limitations pour la mesure de la force de Casimir-Polder, est la détermination précise de la distance entre les atomes et la surface. L’utilisation d’un potentiel périodique pour piéger les atomes, en utilisant par exemple un laser rétro-réfléchi sur la surface en question, s’avère alors très utile pour connaître la distance atome-surface. Dimoupolos et Geraci proposent par exemple de piéger un condensat dans une tel réseau vertical et de mesurer la différence d’énergie entre deux puits du réseaux en utilisant les interférences spatiales de l’onde atomique qu’avaient observées Anderson et Kasevich en 1998 [7, 60]. En 2005, Carusotto et al. proposent quant à eux de mesurer cette différence en énergie en mesurant les oscillations de Bloch dans l’espace des impulsions (par temps de vol) [61] comme ils l’avaient fait l’année d’avant, loin de la surface, avec une précision relative de 10⁻⁴ [62]. En 2009, Sorrentino et al. réalisent une telle mesure de la fréquence de Bloch à une distance de 15 µm de la surface sans avoir la résolution nécessaire pour détecter la force de Casimir-Polder, encore très faible à cette distance [63]. En 2009, Derevianko et al. proposent quant à eux de mesurer le décalage de la fréquence d’horloge d’atomes piégés dans un réseau. Ils prévoient, pour du strontium, un décalage relatif de la fréquence allant de 10⁻¹⁶ à 10⁻¹⁰ pour des distances allant de 8 µm à 200 nm .

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Table des matières

Introduction
I Principe et historique de l’expérience
I.1 Les forces à courte distance
I.1.1 Une déviation à la loi de Newton ?
I.1.2 Les potentiels de Casimir et de Casimir-Polder
I.1.3 La mesure avec ForCa-G
I.2 Interférométrie atomique et capteurs inertiels
I.2.1 Les ondes de matière
I.2.2 Les transitions Raman à deux photons
I.3 Principe de l’expérience
I.3.1 Le réseau optique vertical
I.3.2 Couplage entre états de Wannier-Stark
I.3.3 Principe de la mesure et géométries d’interféromètre
I.4 Historique de l’expérience et résultats préliminaires
I.4.1 Spectroscopie des états de Wannier-Stark
I.4.2 Faisceau de compensation du déplacement lumineux différentiel
I.4.3 Temps de vie dans la première bande excitée
I.4.4 Niveaux vibrationnels transverses
I.4.5 Interféromètres de Ramsey avec des états de Wannier-Stark
I.4.6 Interféromètre multi-ondes
I.4.7 Meilleures performances avec des atomes froids et dilués
I.4.8 Compétition entre l’auto-synchronisation des spins et l’écho de spin
I.4.9 Densité magique en présence de SSR
II Dispositif expérimental
II.1 Lasers et séquence expérimentale
II.1.1 Séquence expérimentale
II.1.2 Les lasers
II.2 Le piège Magnéto-Optique
II.3 Le refroidissement par évaporation
II.3.1 Le montage et la rampe
II.3.2 Condensat de Bose-Einstein
II.4 Le réseau optique vertical et le piège mixte
II.4.1 Le réseau
II.4.2 Imagerie des oscillations de Bloch
II.4.3 Pertes Landau-Zener et interférences macroscopiques
II.4.4 Le piège mixte
II.5 L’interrogation
II.5.1 Polarisation
II.5.2 Les transitions Raman
II.5.3 Antenne micro-onde
II.6 La détection
II.6.1 Imagerie par absorption
II.6.2 Fluorescence après temps de vol
II.6.3 Fluorescence in situ
II.7 Le Super-Réseau
II.8 La nouvelle enceinte à vide
III Résolution spatiale et sensibilité avec une source dense et ultrafroide
III.1 La résolution spatiale
III.1.1 Distribution atomique dans un potentiel périodique
III.1.2 Résultats
III.2 Optimisation de la sensibilité
III.2.1 La sensibilité de l’interféromètre RRS
III.2.2 Cohérence et contraste de l’interféromètre
III.2.3 Fluctuations de la probabilité de transition
III.2.4 Estimation de la sensibilité
III.3 Résultats
III.4 Bruits et limitations
III.4.1 Détection
III.4.2 Vibrations
III.4.3 Signal de référence
III.4.4 Lasers de piégeage
III.4.5 Lasers Raman
III.4.6 Profondeur du réseau
III.5 Mesure à faible distance
III.5.1 Sélection
III.5.2 Sensibilité attendue sur la mesure de la force de Casimir-Polder
III.6 Amélioration : interféromètre multi-π
III.6.1 Principe
III.6.2 Passage adiabatique
III.6.3 Résultats
III.A Annexe : le piège harmonique à deux dimensions
III.A.1 Fréquence du piège et taille transverse du nuage
III.A.2 DLD : profil, écart-type et DLD moyen
III.A.3 Gradient vertical = force parasite
IV Déplacement collisionnel avec séparation dans un réseau vertical
IV.1 Introduction : interactions et déplacement collisionnel
IV.1.1 Sans séparation spatiale : le déplacement collisionnel dans les horloges
IV.1.2 Cas de la séparation spatiale
IV.2 Mesure du déplacement collisionnel
IV.2.1 Description de la mesure
IV.2.2 Résultats
IV.3 Simulations
IV.3.1 Distribution gaussienne
IV.3.2 Distribution d’états de Wannier-Stark
IV.3.3 Des particules discernables
IV.4 Discussion
IV.4.1 Correction au recouvrement et à l’interaction inter-puits
IV.4.2 Remarque sur les longueurs de diffusion
IV.4.3 Normalisation par le volume
IV.5 Retour sur les interféromètres sans séparation
IV.6 Conclusion
IV.A Annexe : Supplément
IV.A.1 Le cas de la séparation
IV.A.2 Recouvrement gaussien
IV.A.3 Indiscernabilité et g0(2)
V Le Super-Réseau
V.1 Sélectionner des états de Wannier-Stark
V.1.1 Principe
V.1.2 Simulations
V.2 Spectroscopie du super-réseau
V.2.1 Faible résolution spectrale
V.2.2 Haute résolution spectrale
V.3 Discussion
V.3.1 La profondeur des réseaux
V.3.2 La taille du nuage
V.3.3 La position du nuage
V.3.4 Les fluctuations de fréquence des réseaux
V.3.5 Effets conjoints et simulations
V.4 Sélection
V.4.1 Sélection standard
V.4.2 Sélection composite
VI Conclusions et perspectives
VI.1 Résultats et implications
VI.2 Les prochaines étapes
Bibliographie

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