Optimisation des stratégies d’acclimatation à la chaleur

Open d’Australie de Tennis, Tour de France puis Tour d’Espagne cyclistes, Coupe d’Afrique des Nations de football au Cameroun, U.S. Open de Tennis, Championnats du Monde d’Athlétisme à Doha, Jeux Olympiques d’été à Tokyo… Toutes ces compétitions qui tiendront le monde sportif en haleine au cours des deux prochaines années ont un point commun : les futurs participants seront susceptibles d’évoluer dans un environnement ambiant qualifié de « chaud ». Si la notion de chaleur conserve un caractère abstrait et propre à chaque individu, le suivi d’indices météorologiques parmi lesquels le Wet Bulb Globe Temperature (WBGT ; référence) permet une description rationnelle de la contrainte thermique. Selon ce référentiel, un risque de « surchauffe » est considéré comme important à partir de 23 °CWBGT, et très important au-delà de 28 °CWBGT. Or, les relevés effectués lors des compétitions disputées en 2018 sont assez significatifs : par exemple, jusqu’à 31 °CWBGT lors de l’Open d’Australie de Tennis, 31,5 °CWBGT lors de la 4e étape du Tour d’Espagne cycliste et même 32,5 °CWBGT lors du dernier US Open de Tennis ! Il n’est alors pas un jour sans qu’un athlète ou un entraîneur critique l’attitude des organisateurs consistant à maintenir les compétitions y compris au moment du pic de chaleur quotidien, et en dépit des risques aggravés de « coups de chaleurs », malaises et autres syndromes de déshydratation que ces conditions sont susceptibles de générer. Voici par exemple les mots du tennisman argentin Leonardo Mayer, 43e joueur mondial, à l’issue de son abandon lors du dernier US Open : « Je crois qu’il ne faut plus jouer en cinq sets parce que tant qu’un joueur ne sera pas mort, ils n’arrêteront pas […]. La seule solution, c’est d’écourter un peu (les matches) parce que nous ne maîtrisons pas la chaleur. […]. Je n’ai pas supporté, j’ai essayé mais je ne pouvais pas. Je ne pouvais plus jouer, c’était impossible. Je n’allais pas mourir sur le court… ».

La chaleur est bel et bien l’un des ennemis du sportif, peu importe son niveau, et cette tendance n’est pas prête de s’inverser en particulier pour les plus performants d’entre eux. Plusieurs éléments laissent en effet supposer que la proportion de grands événements sportifs se déroulant dans des environnements chauds, voire extrêmement chauds, sera plus importante à l’avenir. La première raison est d’ordre géopolitique. A l’heure actuelle, au moins la moitié de la population mondiale vit dans la zone dite « Tropicale » du globe (i.e. entre les deux tropiques du Cancer et du Capricorne ; Harding, 2011). Or, le poids démographique et/ou économique croissant de certaines régions du monde, couplé à leur intérêt grandissant pour le sport de haut niveau (e.g. Chine, Asie du Sud-Est, Moyen-Orient), tend à influencer essentiellement pour des raisons lucratives la localisation, voire la « délocalisation », de certains événements (e.g. Trophée des Champions de football (France) en Chine ou en Afrique, tournées estivales des grands clubs européens de football en Asie Pacifique, Tour cycliste du Qatar devenu épreuve « World Tour »…). Le second élément concerne les changements climatiques en cours et futurs à l’échelle du monde. Ainsi, le dernier rapport du Groupe d’experts Intergouvernementaux sur l’Evolution du Climat (GIEC) dévoilé le 8 octobre dernier prévoit un réchauffement global du climat de l’ordre de 1,5 °C sur la période 2035-2052 associé à des vagues de canicule estivale plus récurrentes. Le professeur John Balmes de l’Université de Berkeley a même déclaré qu’à la fin du siècle, seules une dizaine de grandes métropoles de l’hémisphère nord seront à priori assez « fraîches » pour pouvoir accueillir les Jeux Olympiques d’été… Au-delà de ces considérations, tout laisse à penser que la chaleur demeurera, pour de nombreuses disciplines, l’un des possibles freins à la performance dans les grandes compétitions sportives futures.

LA PERCEPTION DE L’EFFORT 

L’effort

Que signifie le mot « effort » ? N’a-t-on jamais promis à un professeur, à un supérieur hiérarchique ou à nos parents de « faire un effort » suite à un défaut de résultats scolaires ou professionnels ? En sport, quel entraîneur ou athlète n’aurait jamais utilisé ce terme lors de ses échanges avec les athlètes ? Largement employé dans le « jargon sportif », le terme « effort » est associé à la difficulté, voire la souffrance, subie lors d’une tâche physique. La notion d’effort renvoie dans notre culture et notre imaginaire collectif à des valeurs positives de courage, de volonté ou de résilience. Mahatma Gandhi a d’ailleurs dit que « c’est dans l’effort que l’on trouve la satisfaction et non la réussite » (Lettres à l’Ashram, 1948).

D’un point de vue étymologique, l’effort renvoie au terme latin « conatus », également racine du mot « tentative » et défini comme « l’action par laquelle une personne cherche à atteindre un but ». La notion de conatus a été longuement décrite dans les écrits du philosophe néerlandais Baruch Spinoza comme «l’exercice de la force d’exister, de persévérer d’un être » (1677). En d’autres termes, faire un effort renverrait à un acte de résistance face à une sollicitation physique et/ou mentale. Les racines du terme « effort » sont également visibles dans le français ancien, ainsi l’expression « ad esforz » signifie « à toute force, à toute vitesse » (la Chanson de Roland, Turold, XIe siècle) et ramène cette fois à la notion de travail. Désormais mot courant de la langue française, l’effort est défini comme l’action de « mobilisation de forces physiques, intellectuelles ou morales en vue de résister ou pour vaincre une résistance » (Dictionnaire Larousse). Du point de vue biologique, il est décrit comme « l’accroissement énergétique d’un organisme qui cherche à surmonter une résistance » (Garcin, 2014). Si l’on considère la définition proposée par le Dictionnaire Littré, l’effort possède une dimension physique (i.e. contraction musculaire qui a pour objet, soit de résister à une puissance, soit de vaincre une résistance) mais aussi mentale (i.e. action énergique des forces morales).

Les dimensions physiques et mentales d’une activité ou d’un travail quelconque sont fréquemment opposées dans notre culture, et il en est de même dans le champ scientifique. En physiologie, l’effort physique est associé à la « contraction des muscles expirateurs qui se produit après une inspiration profonde » survenant lors d’actions impliquant de puissantes contractions musculaires telles que la défécation, la parturition, la fin de la miction ou le vomissement (Garcin, 2014). A l’inverse, la psychologie cognitive caractérise l’effort comme proportionnel à « la quantité de ressources attentionnelles assignées » (Kanheman, 1973). L’absence de consensus entre ces deux champs scientifiques sollicités en sciences du sport illustre le débat permanent qui entoure la définition de la notion d’effort. Chris Abbiss et ses collaborateurs (2015) ont ainsi exprimé la confusion née de l’usage alterné et injustifié, en langue anglaise, des termes effort (i.e. amount of mental or physical energy being given for the task) et exertion (i.e. degree of strain experienced in physical work) en dépit de leur caractère interchangeable. Ainsi, Oxford Dictionary propose l’intégration du mot exertion à la définition du mot effort (i.e. strenuous physical or mental exertion), et inversement (i.e. vigorous action or effort comme définition du terme exertion).

La perception de l’effort

Toute production d’un effort exerce une contrainte physique et psychologique explicitable par l’individu. La perception de l’effort est considérée comme une mesure « psychophysiologique » dont les origines de l’étude remontent au 19e siècle (Delignières, 1993). Le philosophe français Maine de Biran évoqua alors « la sensation d’effort » comme la preuve de la conscience de soi-même, tandis que le physiologiste allemand Herman von Helmholtz s’appuya sur les témoignages de personnes paralysées pour justifier la distinction entre « sensation d’effort » et contraction musculaire (Von Helmholtz, 1866 ; cité par Lafargue and Franck, 2009). Ce champ d’investigation a pris essor à la fin des années 1950 par les travaux de l’équipe de S.S. Stevens de l’Université d’Harvard (1957) et ceux, conjoints, du psychologue Gunnar Borg et du physiologiste Hans Dahlström de l’Université de Stockholm. La thèse de psychologie soutenue par Gunnar Borg en 1962 et intitulée « Performance physique et effort perçu » constitue d’ailleurs l’un des points de départ de l’application moderne des mesures psychophysiologiques.

Bases neurophysiologiques de la perception de l’effort

Problématique actuelle

Si les travaux de Gunnar Borg ont posé les bases de la perception de l’effort, la définition de ce phénomène fait l’objet d’une certaine confusion amplifiée par les conclusions issues de recherches postérieures. En particulier, le modèle explicatif global proposé en 1996 par Bruce J. Noble et Robert J. Robertson considère que l’effort est un processus multidimensionnel associé à d’autres phénomènes subjectifs inhérents à l’exercice tels que la douleur, la fatigue ou l’inconfort (i.e. the subjective intensity of effort, strain, discomfort and fatigue that is experienced during physical exercise). Ce postulat s’appuie notamment sur une interprétation de l’hypothèse avancée par Gunnar Borg, qui décrit « l’ensemble des sensations issues des organes cardiorespiratoires, des muscles, de la peau et des articulations » comme les origines neurophysiologiques de la perception de l’effort (Borg, 1970). Le fait que les projections centrales des messages afférents sensoriels contribuent fortement à la représentation consciente de l’état de l’organisme, au travers de la douleur ou de la perception de la ventilation (Craig, 2002), entretient une possible confusion avec les déterminants réels de la perception de l’effort. De même, les différences méthodologiques de traitement de la perception de l’effort (Amann et al., 2009 ; Amann et al., 2010) contribuent, en dépit d’une littérature scientifique riche et pertinente, à la poursuite d’un débat ancien sur le rôle exact des afférences sensorielles dans la construction de l’image subjective de l’effort entre partisans d’une approche « physiologique » et ceux d’une approche « kinesthésique ».

L’approche « physiologique » 

L’approche « physiologique » ou « périphérique » suppose que les afférences sensorielles régulent indirectement et de manière subconsciente la perception de l’effort.

Initialement, les fortes corrélations vérifiées entre RPE et FC (Borg et al., 1987) ont convaincu du rôle possible joué par les sensations issues des récepteurs musculaires, viscéraux ou cutanés dans la construction de l’image subjective de l’effort (Noble and Robertson, 1996). Sa perception constituerait alors une manifestation consciente de l’intégration de ces signaux sensoriels (Hampson et al., 2001). Plus récemment, la concomitance des réponses perceptives (i.e. RPE centrale et périphérique), cardiorespiratoires et/ou neuromusculaires à l’inhibition des afférences métabosensibles III et IV ont conduit les auteurs à supposer l’existence d’un rôle médiateur de ces terminaisons nerveuses .

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Table des matières

LISTE DES FIGURES
CONTEXTE DE LA THESE
PUBLICATIONS ET COMMUNICATIONS
INTRODUCTION GENERALE
CADRE THEORIQUE
1. LA PERCEPTION DE L’EFFORT
1.1. L’effort
1.2. La perception de l’effort
1.3. Bases neurophysiologiques de la perception de l’effort
1.4. Régulation de l’allure lors d’un exercice prolongé
1.5. Rôle joué par les facteurs émotionnels et affectifs
2. L’EXERCICE A PERCEPTION D’EFFORT FIXE
2.1. Généralités
2.2. Méthodologie de l’exercice à perception d’effort fixe
2.3. Concept et limites du « RPE clamp protocol »
2.4. Le rôle des facteurs affectifs et motivationnels
2.5. Perspectives dans le cadre de l’entraînement
3. CHALEUR ET PERFORMANCE
3.1. Chaleur et performance sportive
3.2. Mécanismes autonomes liés à la chaleur
3.3. Adaptations psychophysiologiques à l’hyperthermie
4. L’ACCLIMATATION A LA CHALEUR
4.1. Généralités
4.2. Acclimatation et adaptations psychophysiologiques
4.3. Comment s’acclimater à la chaleur ?
PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS
METHODOLOGIE
1. CARACTERISTIQUES DES POPULATIONS INCLUSES
1.1. Méthode d’évaluation des caractéristiques anthropométriques
1.2. Méthode d’évaluation des caractéristiques physiologiques
1.3. Description des populations incluses
2. PROTOCOLE D’EXERCICE DE REFERENCE
G. Roussey – Optimisation des stratégies d’acclimatation à la chaleur
2.1. L’exercice à RPE fixe
2.2. La chambre climatique
3. MESURE DE LA TEMPERATURE CORPORELLE
3.1. Contrôle de la température centrale
3.2. Contrôle de la température cutanée
4. MESURE DES MARQUEURS PHYSIOLOGIQUES
4.1. Mesure de la fréquence cardiaque
4.2. Contrôle des marqueurs urinaires
4.3. Contrôle des marqueurs sanguins
4.4. Contrôle des marqueurs sudoraux
5. MESURE DES MARQUEURS NEUROMUSCULAIRES
6. MESURE DES MARQUEURS PSYCHOPHYSIOLOGIQUES
6.1. Contrôle préexercice de l’état de forme du sujet
6.2. Contrôle préexercice de l’humeur
6.3. Contrôle de la perception de l’effort
6.4. Contrôle de la perception thermique
6.5. Contrôle post-exercice de la charge subjective
PRESENTATION DES TRAVAUX EXPERIMENTAUX
ETUDE I
ETUDE II
ETUDE III
DISCUSSION GENERALE
CONCLUSION ET PERSPECTIVES
REFERENCES

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