Optimisation de la tenue des éclissages aéronautiques

Optimisation de la tenue des éclissages aéronautiques 

On observe que les avancements majeurs des dernières années ou décennies dans le secteur de l’aéronautique civile sont focalisés sur la réduction du poids des avions civils et des coûts globaux, améliorant simultanément l’efficacité, la fiabilité et la performance. L’optimisation de l’assemblage structurel rentre en particulier dans cette catégorie car le coût de production d’aéro-structure représente une part importante du coût de production total d’un avion civil, comme souligné par Munroe et Al [Mun1]. L’un des soucis majeurs des industriels aéronautiques consiste à optimiser la durée de vie en fatigue des pièces et ainsi la performance de durabilité. Ce sous-chapitre est dédié à la compréhension des différents paramètres permettant une amélioration potentielle de la tenue des éclissages aéronautiques.

Les paramètres de conception géométrique 

Les paramètres géométriques de l’assemblage tel que la distance des fixations aux bords, l’espacement entre fixations, le nombre et type de fixation ont fait l’objet de nombreuses études. En effet, une définition géométrique correcte de l’assemblage est requise pour garantir sa tenue mécanique, en particulier lorsque celui-ci est soumis à des chargements cycliques. La maîtrise de la conception géométrique est encore plus importante pour les assemblages travaillant en simple cisaillement, d’après Schjive et Al [Sch1]. Ils considèrent que, sous l’effet de leur excentricité par rapport au chemin de chargement, ces assemblages sont soumis à des contraintes de flexion secondaire qu’il convient de minimiser pour ne pas altérer leur résistance.

Dans ce cadre, les premières études expérimentales dirigées par Russel et Al [Her1] et Hartman et Al [Har1] ont montré que, indépendamment de la géométrie de la tête des fixations, augmenter la distance entre les rangées de fixations améliorait la tenue en fatigue des assemblages. D’autres études expérimentales ultérieures, telles que celles réalisées par Muller et al [Mul1] puis Skorupa et Al [Sko1], indiquent la même tendance, avec un bénéfice plus marqué pour les assemblages présentant une épaisseur faible. Les auteurs de ces différentes études associent le bénéfice de durabilité observé à la réduction des effets néfastes de la flexion secondaire pour les assemblages à simple recouvrement. Cette hypothèse a été ultérieurement validée grâce à la théorie analytique dite de la ligne neutre, qui a été développée par Schjive et Al [Sch1]. Cette théorie démontre qu’augmenter les distances entre fixations réduit la contrainte de flexion secondaire induite par l’excentricité de l’assemblage. D’un point de vue industriel, même si l’amélioration de la durée de vie des assemblages obtenue en augmentant la distance entre les rangées de fixations peut sembler au premier abord intéressant, son application s’avère contraignante à mettre, en œuvre car la masse supplémentaire générée par une telle modification peut être conséquente. La valeur couramment utilisée se situe alors autour de 2D pour les assemblages métalliques.

De nombreux travaux se sont intéressés à l’étude de l’influence du nombre de rangées de fixations sur la tenue fatigue des assemblages vissés. On peut citer les études de Russel et Al [Her1], Smith et Al [Smi1] puis Skorupa et Al [Sko1]. Toutes ces études indiquent que la résistance en fatigue de l’assemblage est améliorée lorsque le nombre de rangées de fixations augmente. Cette amélioration peut être directement liée au taux de transfert d’effort dont la magnitude diminue avec l’augmentation du nombre de rangées, permettant ainsi une réduction de la charge transférée sur les rangées les plus critiques. Néanmoins, une limite de cette amélioration semble s’établir autour d’un nombre de 3 rangées. L’étude menée par Swift [Sko1] sur des assemblages à simple recouvrement démontre que le taux de transfert de charge peut encore diminuer si le nombre de rangées est supérieur à 3, mais la flexion secondaire générée par ce nombre de rangées agit sensiblement dans le sens inverse, ce qui a tendance à limiter la résistance en fatigue par rapport à celle obtenue avec un assemblage à 3 rangées de fixations. Cette constatation a été confirmée par des analyses numériques réalisées par Aktas et Al [Akt1] dans le cas des assemblages purement métalliques, Ekh et Al [Ekh1] dans le cas des assemblages hybrides (métallique/composite) et Ireman [Ire1] dans le cas des assemblages composites.

Différentes formes de têtes de fixations filetées peuvent être rencontrées dans l’industrie aéronautique. On cite, par exemple, les formes de tête protubérante et fraisée (utilisée pour des exigences aérodynamiques). L’influence de la forme de la tête des fixations a été traitée dans les travaux de Muller et Al [Mul1], qui démontrent que la tenue de l’assemblage est indépendante de la forme de la tête de fixation considérée pour les chargements faibles en fatigue. Cependant, pour des chargements relativement élevés, qui donnent lieu à des durées de vie inférieures à 10⁵ cycles, les fixations avec une tête protubérante sont préférables car elles sont plus résistantes à la fatigue. Ces résultats ont été confirmés par Oldersma et HartSmith [Old1].

L’effet de la distance aux bords des pièces assemblées a été traité dans différents travaux dont ceux de Schijve [Sch2] et Niu [Niu1]. Son influence sur la résistance en fatigue est faible. La distance minimale devant être spécifiée par la tenue statique de l’assemblage, elle est généralement fixée à 2D où D est le diamètre nominal de la fixation. Enfin, la distance optimale entre les fixations d’une même  rangée a été déterminée dans divers travaux expérimentaux. On peut citer, par exemple, les travaux de Hartman et Al [Har1] et Vlieger [Vli1]. Le ratio de cette distance par rapport au diamètre des fixations est déterminé principalement en se basant sur un critère de tenue statique. Il a été néanmoins démontré que ce ratio peut être compris entre 2,5 et 3,75 pour garantir les exigences d’une tenue statique et en fatigue maximale.

Les paramètres matériaux 

Les matériaux des plaques assemblés et des fixations utilisées peuvent avoir un effet non négligeable sur la tenue des assemblages travaillant en cisaillement. Dans ce cadre, on peut citer quelques études expérimentales relativement anciennes [Har1][Mul1] qui ont été réalisées pour étudier l’effet du matériau de la fixation (en testant différentes nuances d’alliages d’Aluminium) sur la tenue en fatigue des assemblages rivetés. Les auteurs ont noté que la nuance de l’aluminium utilisée affectait de façon assez faible la tenue en fatigue des assemblages considérés et que l’impact était directement dépendant de la force de rivetage appliquée.

Concernant le matériau des plaques assemblées, on s’intéresse dans ce travail de thèse aux alliages d’Aluminium communément utilisés dans les fuselages aéronautiques : ici, les alliages 2024-T3 et 7075-T6. Ces deux matériaux sont protégés par une couche de pure Aluminium dans le cas de l’alliage 2024 et d’une couche d’AlC1%Zn pour l’alliage 7075 ainsi qu’une couche de revêtement pour une protection contre la corrosion [Sch2]. En général, l’alliage 2024-T3 est légèrement supérieur en tenue en fatigue que l’alliage 7075-T6 (suivant [Har2]; [Sch2];[Har1]), mais sa tenue statique est légèrement inférieure. Les tests réalisés par Schijve et Al [Sch2] ont démontré que la durée de vie en propagation peut être jusqu’à 40% supérieure si le matériau est chargé dans la direction du roulage comparé au chargement transversal. Cependant, aucune différence de durabilité relative à la direction de chargement n’a été constatée dans le cas des assemblages boulonnés [Har1]. On note également que la durée de vie en propagation de fissure est insensible aux effets environnementaux pour le 2024 T3, contrairement à l’alliage 7075-T6, selon Feeney et Al [Fee1]. Ces résultats ont été confirmés par Schmidt et Al [Sch3] qui, en plus d’étudier l’effet environnemental (3.5%NaCl), ont étudié l’effet de la simulation de vol sur le ratio de propagation de fissure de l’alliage 2024, en particulier l’effet de circulation au sol et vol de croisière et de décollage, et vol de croisière et atterrissage. Un comportement identique a été observé pour toutes les configurations : en laboratoire, en environnement sévère et en essai de simulation de vol. De plus, ce travail a permis de démontrer que l’influence de la faible température (-50°C) sur les assemblages composés d’alliages 2024T3 peut être négligée, la raison étant que la propagation de fissure est moins rapide sous faible température [Sch2].

Enfin, le travail réalisé par Schijve [Sch2] pointe la dispersion relativement importante des résultats de fatigue pouvant être observée sur les assemblages dont les plaques sont composées de l’alliage 2024-T3 issus de 5 fabricants différents, mais avec la même composition chimique et les mêmes caractéristiques mécaniques. Une bande de dispersion de l’ordre de 2 a été observée en fatigue.

Les paramètres liés au processus d’obtention et de préparation des assemblages 

Afin d’améliorer la résistance à la fatigue de ces assemblages, plusieurs solutions technologiques peuvent être proposées : un montage à ajustement négatif entre le fût du boulon et l’alésage des trous de passage (interférence ou frettage) [Dup1] [Cre1], l’expansion à froid du trou de passage dans les pièces [Dup1] [Yon1], l’installation d’une prétension importante [Sha1 [Cha1][Min1]. Dans les trois cas, l’état de contraintes au voisinage du trou est modifié avec l’introduction de contraintes de compression permettant d’améliorer la tenue en fatigue. Cet effet est notamment obtenu en diminuant la pression hydrostatique des points situés dans la zone comprimée. Plusieurs études expérimentales et numériques traitant de la distribution des contraintes dans l’assemblage, suite à l’application de l’une de ces trois techniques, ont été réalisées.

Des articles récents traitent de l’amélioration de la tenue en fatigue des assemblages en fonctionde l’interférence, de l’expansion et/ou de la précontrainte appliquée aussi bien pour les assemblages à simple recouvrement que pour les assemblages à double recouvrement [Cha1][Dup1][Lam1]. Les études proposées, qu’elles soient expérimentales ou analytiques/numériques [Dup1] montrent une amélioration significative de la durée de vie en fatigue dans le cas des interférences avec un optimum situé autour de 1 à 2% pour la valeur de l’interférence. Cependant, l’utilisation de ces techniques reste largement basée sur des constatations expérimentales et sur le trajet de chargement rigide. Par ailleurs, l’amélioration de la durée de vie constatée est souvent qualitativement reliée au champ de contraintes de traction résiduelles à proximité du trou qui permet de réduire l’amplitude de contraintes cycliques [Dup1]. Une étude comparative conduite par Lam [Lam1] sur le comportement en fatigue de trous fissurés en exploitant soit des goupilles montées avec interférence, soit avec expansion à froid, montre que pour un ratio de chargement R (R = FEmin/FEmax) faible et une faible fissure de départ, l’interférence n’est pas aussi efficace que l’expansion à froid pour prolonger la durée de vie. Par contre, l’interférence est moins sensible au ratio R et à la dimension initiale de la fissure. Il devient plus efficace que l’expansion à froid pour des valeurs importantes du ratio R et de la dimension initiale de la fissure.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Etat de l’art et bibliographie
1.1. Introduction
1.2. Généralités
1.3. Le type d’assemblages considérés : les éclissages aéronautiques
1.4. Optimisation de la tenue des éclissages aéronautiques
1.5. Influence de la précharge sur les éclissages métalliques
1.6. Influence de la précharge sur un assemblage travaillant en matage/cisaillement
1.7. Fatigue multiaxiale : application aux assemblages préchargés
1.8. Bilan de l’étude bibliographique
Chapitre 2 : Modélisation numérique et applications aux chargements statiques
2.1. Introduction
2.2. Description de l’assemblage de référence
2.3. Définition des modèles numériques développés
2.4. Analyse du comportement de l’assemblage boulonné simplifié sous chargement statique
2.5. Application aux assemblages multi-boulonnés
2.6. Bilan de l’analyse numérique
Chapitre 3 : Démarche de prédiction de durée de vie
3.1. Introduction
3.2. Démarche de l’étude : approche théorique
3.3. Choix d’un critère multiaxial
3.4. Application de la méthodologie de calcul à l’assemblage de référence
3.5. Synthèse des prédictions
Chapitre 4 : Démarche expérimentale
4.1. Introduction
4.2. Démarche expérimentale
4.3. Résultats expérimentaux pour les assemblages à un boulon
4.4. Résultats expérimentaux pour des assemblages multi-boulonnés
4.5. Résultats expérimentaux pour les assemblages en simple cisaillement
4.6. Caractérisation complémentaire
4.7. Analyse de l’influence de la précontrainte sur la phase de propagation
4.8. Application aux assemblages composites
4.9. Conclusion expérimentale
Chapitre 5 : Validation et exploitation du modèle numérique
5.1. Introduction
5.2. Validation expérimentale sous chargement quasi statique
5.3. Validation expérimentale sous chargement fatigue
5.4. Exploitation du modèle numérique
5.5. Conclusion
Conclusion générale

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