Optimisation de la dispersion des fibres pendant le cycle de malaxage des bétons industriels

Béton frais

   La fabrication du béton associe une phase liquide, essentiellement aqueuse, à une phase solide, composée de ciment, de sable, de granulats et éventuellement d’autres pulvérulents. Ce mélange évolue de manière importante au cours du temps et le béton frais correspond aux premiers instants de son existence. A l’échelle de l’utilisateur, le béton est considéré comme frais tant qu’il est maniable et que les opérations de moulage, coulage ou pompage sont possibles. A l’échelle du matériau, le béton passe d’un état fluide (suspension de grains polydisperses) à un état solide. Cette modification est dictée par les réactions d’hydratation, à l’origine de la prise du béton.

Tenue au feu

     Face au feu, le béton peut s’écailler et éclater, fragilisant ainsi la structure qu’il compose. L’éclatement du béton est dû à deux phénomènes ([KALIFA’00]) : d’une part, les hautes températures entraînent une dilatation du matériau et d’autre part, certains constituants (notamment l’eau), en passant en phase gazeuse, cherchent à s’échapper du matériau, engendrant alors une pression importante dans les pores du béton. [KALIFA’01] montre que la présence de fibres polymériques entraîne une diminution de la pression dans le matériau à haute température. En effet, à 170°C, les fibres de polypropylène fondent. Elles forment ainsi un réseau poreux qui permet l’évacuation des gaz, réduisant ainsi la surpression dans les pores et évitant l’écaillage du béton ([KALIFA’01], [GAWESKA’04], [ROSSI’09]). La norme européenne Eurocode 2 ([EUROCODE’04]) recommande l’emploi de monofilament de polypropylène à hauteur de 2 kg/m3 minimum pour lutter contre l’éclatement des bétons soumis au feu. Un dosage plus important en fibres (3 kg/m3) n’améliore pas de façon significative le comportement d’un béton traditionnel ([KALIFA’01]) mais peut se révéler meilleur dans le cas de matrices cimentaires à ultra hautes performances utilisées par [CHEFDEBIEN’13]. Ces exigences normatives sont corroborées par [KNACK’09]. En effet, les tests réalisés (Tableau 1.4) montrent clairement que les fibres de polypropylène longues et fines (diamètre 15 µm et de longueur 6 à 20 mm) incorporées à hauteur de 2 kg/m3 sont les plus efficaces pour lutter contre l’écaillage du matériau. Les fibres mentionnées pour améliorer la tenue au feu sont généralement des fibres de polypropylène. Cependant, étant donné le mode d’action – la fonte d’un polymère libère un réseau permettant la diminution de la pression dans le béton –, l’utilisation d’autres polymères ayant un point de fusion bas pourrait être envisagée. Des fibres de polyéthylène ont donc été testées (plage de fusion 90 à 135°C pour le PE et 150 à 170 °C pour le PP). Les résultats présentés dans le Tableau 1.4 montrent une meilleure aptitude des fibres de polypropylène à lutter contre l’écaillage. D’autres phénomènes (meilleure absorption par la matrice de certains polymères, viscosité du matériau fondu, fonte plus rapide d’une fibre ayant une section plus faible…) conditionnent donc certainement le rôle des fibres dans les bétons soumis au feu.

Simulation du malaxage des bétons fibrés

    Les techniques de simulations sont multiples. Elles se distinguent notamment par leur type d’approche, continue ou discrète. Une approche continue implique de considérer le milieu étudié comme un tout, tandis qu’une approche discrète s’intéresse à chaque constituant de ce milieu. Les méthodes DEM (Discrete Element Methode) correspondent bien à la simulation du comportement des milieux granulaires. Les fluides quant à eux sont habituellement modélisés avec la technique dite CFD (Computational Fluid Dynamic). La Figure 1.25 donne un exemple de malaxage de béton selon les deux méthodes. La différence entre ces deux simulations concerne la façon dont le béton est considéré, milieu granulaire dans le cas a) et matériau fluide dans le cas b). Or le malaxage est justement l’étape qui transforme un ensemble de grains hétérogènes en un milieu homogène, ce qui invalide la supériorité éventuelle d’une méthode sur l’autre. La simulation du malaxage des bétons fibrés fait l’objet d’une collaboration entre le CERIB et l’IAB (Institut für Angewandte Bauforschung, institut de recherche appliquée sur la construction, Weimar, Allemagne). Aujourd’hui, l’insertion de matériau solide (fibres) dans le fluide modélisé dans les méthodes CFD n’est pas maîtrisée. La méthode DEM est certes dédiée aux matériaux granulaires mais simuler une cohésion entre deux éléments, afin de se rapprocher du cas du béton, est possible. La modélisation d’essais rhéologiques tels que le test au V-Funnel ou un essai d’étalement ont ainsi été réalisés, comme le montre la Figure 1.26. La méthode des éléments distincts, normalement réservée aux matériaux granulaires, peut donc être employée pour simuler le comportement de matériau fluide. Le modèle permet également d’associer des particules entre elles, pour représenter des fibres par exemple (Figure 1.27). En couplant les résultats précédents, une simulation numérique du malaxage d’un béton fibré a pu être proposée, comme illustrée Figure 1.28. La simulation numérique pourra dans l’avenir permettre de vérifier instantanément l’influence d’un paramètre sur la dispersion des fibres. Avant d’atteindre cette fonctionnalité, de nombreuses questions doivent être traitées, notamment celles concernant la nature du matériau à considérer (milieu granulaire ou fluide) et le mouvement d’ensemble du matériau suite à l’action des pales ou à un choc entre deux éléments.

Influence du mode d’introduction sur la présence d’oursins

     Pour les gâchées dont les fibres ont été introduites en une seule fois, les oursins restent visibles lors des deux premières mesures, quel que soit le dosage. Dans le cas d’une introduction fractionnée, ce phénomène a également lieu. La persistance des oursins, même pour la gâchée très faiblement dosée (7 kg/m3 pour une introduction de fibre en cinq fois) confirme l’existence des états 1 et 2 présentés dans la Figure 4.2, et ce quel que soit le dosage en fibre (dans une gamme allant de 7 à 70 kg/m3). Cependant, une quantité moindre en fibres implique des oursins plus petits et ayant potentiellement un impact plus faible sur les mesures réalisées. La Figure 4.19 présente les dosages en fibres en présence d’oursins. Dans le cas d’une introduction en une fois, les écarts avec le dosage attendu sont importants. Lorsque les fibres sont introduites en deux fois, les dernières mesures réalisées en présence d’oursins correspondent plus aux valeurs attendues que dans le premier cas. Ajoutées en cinq fois, la dispersion des fibres correspond presqu’immédiatement à celle visée.

Conclusion générale

     L’étude de la littérature existante et des textes normatifs concernant le malaxage des bétons fibrés a mis en évidence des lacunes qui ne permettent donc pas de valider le lien empirique établi entre efficacité de malaxage et qualité du produit final. Ce constat a mis en évidence trois problématiques auxquelles nous avons tenté de répondre.
1) Comment évaluer l’efficacité d’un malaxeur ?
2) Comment connaître la dispersion des fibres pendant le malaxage ?
3) Le lien entre efficacité de malaxeur et homogénéité de dispersion est-il avéré ?
Le deuxième chapitre est dédié à l’estimation de l’efficacité du malaxeur. Inspiré des techniques de granulation humide qui mettent en compétition agglomération des poudres grâce à un liquide et abrasion de ces agglomérats causée par la capacité de cisaillement du mélangeur pour créer des granulés d’une taille donnée, ce chapitre propose d’établir un parallèle avec des matériaux cimentaires. Plusieurs coulis en phase pendulaire ont donc été fabriqués, avec un faible rapport E/C, afin de rester dans un état pendulaire. Plusieurs paramètres ont été testés, en termes de formulation comme en termes de procédé. L’analyse granulométrique de l’ensemble des coulis a révélé la légitimité du diamètre moyen à représenter un coulis en phase pendulaire donné. Cette simplification des résultats a permis de mettre en évidence que ce diamètre moyen correspondait à un équilibre entre les énergies de cohésion et l’énergie cinétique. Des essais réalisés dans d’autres malaxeurs ont permis une comparaison de ces mélangeurs grâce au diamètre moyen des granulés formés. L’étude de certains paramètres mériterait d’être approfondie mais l’application des principes de la granulation humide sur des matériaux cimentaires fournit de bonnes indications concernant la hiérarchisation de l’intensité de cisaillement des malaxeurs. Le troisième chapitre est consacré au développement de la méthode de mesure de dispersion de fibres. Basé sur une mesure de résistivité électrique, le dispositif retenu a été adapté pour convenir à des mesures dans les bétons pendant le malaxage. Une boîte d’isolation des mesures a ainsi été créée et pourrait être améliorée pour être utilisable dans des malaxeurs aux géométries plus complexes (cuve conique par exemple). La relation entre teneur en fibres et résistivité électrique a été établie et des artéfacts de mesure liés à l’évolution de la résistivité électrique du béton pendant la phase d’hydratation ont été révélés et pris en compte. Enfin, un test réalisé dans un contexte industriel a permis de valider cette méthode et la possibilité de son utilisation par les fabricants de béton. Le dernier chapitre consiste en des mesures de dispersion de fibres dans des gâchées de béton ayant été fabriquées selon différents paramètres. Un rappel concernant les mécanismes de mélange de diffusion et de convection permet de mettre en évidence l’importance des fibres et du malaxeur utilisé dans la dispersion des fibres. Les résultats obtenus dans le chapitre 2 ont permis d’estimer le temps nécessaire à la dispersion des fibres en fonction du cisaillement du malaxeur, via le diamètre moyen obtenu dans les malaxeurs concernés. Les essais présentés dans ce chapitre ont permis de montrer que la convection et la diffusion étaient à l’origine de la dispersion des fibres. Des essais complémentaires, avec d’autres fibres et dans d’autres malaxeurs permettraient de renforcer les conclusions tirées de cette campagne expérimentale. Ce travail est à considérer comme une étape dans la compréhension du malaxage des bétons. Des analyses dimensionnelles ont permis de mettre en évidence l’intervention de phénomènes physiques. Ainsi, la cohésion capillaire et le cisaillement sont à l’origine de granulés aux dimensions caractéristiques. La répartition des fibres est dictée par des mécanismes de convection et de diffusion, mécanismes étudiés et connus dans le cadre d’applications différentes. Ces premières informations permettent de déterminer quel paramètre est susceptible d’avoir une influence et dans quel sens cette influence conditionnera le résultat final. Des essais supplémentaires seraient nécessaires pour obtenir des relations numéraires et prédire de manière quantitative l’impact d’un paramètre sur le matériau.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1
1. Contexte de l’étude
1.1. Problématique de la dispersion des fibres
1.2. Béton fibré
1.2.1. Béton frais
1.2.1.1. Rhéomètres à béton
1.2.1.2. Essais sur béton frais
1.2.1.3. Hydratation du ciment
1.2.2. Fibres
1.2.3. Apport des fibres dans les bétons
1.2.3.1. Rôle à l’état frais
1.2.3.2. Rôle structurel
1.2.3.3. Rôle dans le confort du bâtiment
1.2.3.4. Conclusion sur l’apport des fibres dans les bétons
1.2.4. Malaxage du béton
1.2.4.1. Procédure de malaxage
1.2.4.2. Malaxeurs à béton
1.2.4.3. Simulation du malaxage des bétons fibrés
1.2.5. Conclusion sur les bétons fibrés
1.3. Mélange
1.3.1. Mécanismes de mélange
1.3.2. Temps caractéristique
1.3.3. Cas de la dispersion des fibres dans le béton
1.4. Malaxage, cisaillement et homogénéité
1.4.1. Etude d’un malaxeur
1.4.2. Etude du malaxage
1.4.3. Etude du béton
1.4.3.1. Essais sur béton frais
1.4.3.2. Essais sur béton durci
1.4.4. Conclusion sur le malaxage
1.5. Démarche scientifique adoptée
Chapitre 2 
2. Estimation du cisaillement dans un malaxeur
2.1. Granulation humide
2.2. Méthodes et paramètres
2.2.1. Paramètres de formulation
2.2.1.1. Paramètre ciment
2.2.1.2. Paramètre eau
2.2.1.3. Paramètre superplastifiant
2.2.2. Paramètre de fabrication
2.2.2.1. Paramètre vitesse
2.2.2.2. Paramètre remplissage
2.2.2.3. Paramètre temps
2.2.3. Coulis de référence
2.3. Résultats
2.3.1. Coulis de référence
2.3.2. Paramètres de formulation
2.3.2.1. Paramètre ciment
2.3.2.2. Paramètre eau
2.3.2.3. Paramètre Superplastifiant
2.3.3. Paramètre de fabrication
2.3.3.1. Paramètre vitesse
2.3.3.2. Paramètre remplissage
2.3.3.3. Paramètre temps de malaxage
2.3.3.4. Conclusion
2.3.4. Influence de la quantité d’eau
2.3.5. Analyse globale des coulis
2.4. Lien avec l’intensité du malaxage
2.4.1. Energie cinétique
2.4.2. Cohésion et capillarité
2.4.2.1. Abrasion en surface
2.4.2.2. Rupture d’un granulé
2.4.3. Intensité du cisaillement
2.4.3.1. Rupture du granulé
2.4.3.2. Abrasion du granulé
2.4.3.3. Intensité de cisaillement
2.5. Conclusion
Chapitre 3
3. Développement d’une méthode de mesure de la teneur relative en fibres
3.1. Méthode retenue
3.1.1. Cahier des charges
3.1.2. Principe général
3.2. Matériaux
3.2.1. Le gel
3.2.2. Le ciment
3.2.3. Les granulats
3.2.4. Les fibres
3.2.5. Les adjuvants
3.2.6. Formulations des mortiers et bétons testés
3.3. Validation de la méthode
3.3.1. Champ de mesure
3.3.1.1. Largeur du champ de mesure
3.3.1.2. Profondeur du champ de mesure
3.3.1.3. Chemin préférentiel
3.3.2. Conclusion sur le dispositif de mesure
3.4. Adaptation au cas des bétons fibrés
3.4.1. Influence de la conductivité électrolytique
3.4.2. Résistivité électrique et degré d’hydratation
3.4.3. Lien entre résistivité électrique et teneur en fibres
3.4.3.1. Relation théorique
3.4.3.2. Validation avec des fibres métalliques
3.4.3.3. Validation sur des fibres polymériques
3.4.4. Création d’une boîte de mesure
3.5. Essai industriel
3.5.1. Conclusion sur la méthode de mesure
Chapitre 4
4. Mesures de dispersion de fibres
4.1. Matériaux et démarche de travail
4.1.1. Composition des bétons testés
4.1.1.1. Le ciment
4.1.1.2. Les granulats
4.1.1.3. L’adjuvant
4.1.1.4. Les fibres
4.1.1.5. Le béton de référence
4.1.1.6. Formulations des bétons
4.1.2. Démarche de travail
4.1.2.1. Mécanismes de mélange
4.1.2.2. Etapes du malaxage
4.1.3. Campagne expérimentale
4.1.3.1. Protocole expérimental
4.1.3.2. Influence de la conductivité électrolytique
4.1.3.3. Précision des mesures
4.1.3.4. Présentation des essais
4.1.3.5. Présentation de l’essai de référence
4.2. Influence des fibres
4.2.1. Paramètre dosage
4.2.1.1. 35 kg/m3
4.2.1.2. 45 kg/m3
4.2.1.3. 70 kg/m3
4.2.1.4. Conclusion sur le paramètre dosage
4.2.2. Paramètre de forme
4.2.2.1. lf = 35 mm
4.2.2.2. lf = 12 mm
4.2.2.3. l = 60 mm et r = 85
4.2.2.4. Conclusion sur le paramètre de forme des fibres
4.2.3. Conclusion sur le paramètre fibre
4.3. Paramètre béton
4.3.1. Essai sur mortier
4.3.2. Paramètre rhéologie
4.3.3. Conclusion sur le paramètre béton
4.4. Influence du cycle de malaxage
4.4.1. Vitesses de malaxage
4.4.2. Moment d’introduction des fibres
4.4.3. Mode d’introduction des fibres
4.4.3.1. Influence du mode d’introduction sur la présence d’oursins
4.4.3.2. Influence du mode d’introduction sur la distribution finale des fibres
4.5. Influence du malaxeur
4.5.1. Essais sur le malaxeur M4
4.5.2. Conclusion sur l’influence du malaxeur
4.6. Bilan de la campagne expérimentale
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes

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