Mobilité et changement climatique
Le dernier rapport d’évaluation du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) souligne l’importance de la mobilité dans l’impact de l’homme sur son environnement. En effet, les émissions de gaz à effet de serre dues au transport ont plus que doublé entre 1970 et 2014, ce qui représente la croissance la plus importante parmi tous les secteurs d’activités étudiés. La figure 1.1 montre que la mobilité représente à l’heure actuelle 14,3% des émissions (directes et indirectes) de gaz à effet de serre [1]. Cependant, 80% de ces émissions correspondent aux déplacements de 10% seulement de la population mondiale [2]. En effet, la croissance de la mobilité est directement liée aux revenus des individus et des pays qui fournissent les infrastructures. En 2012, l’AIE (Agence internationale de l’énergie) prévoyait ainsi une augmentation de 100% du transport de fret et de voyageurs dans le monde à l’horizon 2050 [3]. Les solutions proposées par le GIEC pour limiter l’augmentation des émissions du secteur des transports sont de plusieurs natures :
— Éviter les déplacements dès que possible en privilégiant par exemple les circuits d’approvisionnement courts, les formes urbaines plus denses ou le télétravail,
— Encourager le report modal vers des solutions plus économes en émissions comme les transports en commun, la marche ou le vélo,
— Améliorer l’efficacité énergétique des moyens de transport en augmentant le rendement des motorisations et le taux d’occupation des véhicules en circulation,
— Réduire l’intensité carbone des moteurs en modifiant les carburants, notamment en développant les biocarburants.
Dans ce contexte, les motorisation hybrides ont été développées afin d’améliorer l’efficacité énergétique des véhicules en introduisant une source d’énergie réversible en complément du moteur thermique. Cette solution technique permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation de ressources fossiles durant la phase d’utilisation du véhicule, la quantité de CO2 étant proportionnelle au premier ordre à la quantité de carburant brûlé. L’analyse du cycle de vie montre que la réduction des émissions de CO2 durant la phase d’utilisation dépasse leur augmentation pour produire le véhicule [4][5]. L’hybridation contribue ainsi à l’ensemble des politiques à mettre en place pour permettre un développement durable des systèmes de transport.
Programmation dynamique
La programmation dynamique est une méthode basée sur la décomposition du problème de commande optimale en sous problèmes. Les variables d’états sont discrétisées temporellement et sur une échelle de valeurs. Un graphe dont les sommets sont définis par la valeur prise par chacune des variables d’état à un instant donné est ainsi construit. Le passage d’un sommet à un autre est associé à une valeur de la commande et à un coût du point de vue de la fonction objectif. Le chemin qui minimise la somme des coûts dans le graphe correspond à la suite des valeurs optimales de la commande. L’approche de détermination du chemin optimal consiste à parcourir le graphe progressivement en résolvant des sous-problèmes de façon récursive. Le principe de la méthode est qu’il n’existe qu’un sous-chemin optimal pour arriver à un certain état. Si le chemin optimal pour tout le graphe passe par cet état alors il passe forcément par le sous-chemin optimal qui a permis de l’atteindre [32]. Cette résolution récursive est illustrée par le graphe 1.5. Les sommets du graphe sont représentés par des cercles et correspondent à un état donné du système. Les arcs reliant les sommets sont pondérés pour le coût nécessaire pour passer d’un état à un autre. On cherche à minimiser le coût pour arriver au sommet supérieur du graphe en partant des sommets inférieurs. Le coût minimum permettant d’arriver à un sommet est stocké à chaque étape intermédiaire (noté à l’intérieur du cercle sur notre exemple) et sert de base aux calculs suivants. À la première étape, le chemin optimal pour arriver au sommet de gauche passe par la branche de droite et le coût minimum pour atteindre ce sommet est de 5 (meilleur que 8). On peut éliminer la branche de gauche qui ne fera jamais partie du chemin optimal global et stocker le coût minimal pour atteindre le sommet. De la même façon pour les autres sommets, on sait que le chemin optimal passe par les arcs surlignés en bleu, on mémorise les coûts correspondants, et on élimine deux branches supplémentaires. La progression dans le graphe continue de la même manière, en additionnant les coûts des arcs aux coûts stockés. On finit par éliminer toutes les branches sauf le chemin optimal qui est donné par la cinquième figure. Pour ce graphe simple, la solution naïve qui consisterait à énumérer tous les chemins possibles dans le graphe (et choisir celui dont le coût est le plus faible) donne lieu à 2n − 2 calculs pour un graphe à n niveaux. La résolution itérative de la programmation dynamique en nécessite seulement n(n − 1). Le temps de calcul est donc nettement amélioré. Cette méthode est très robuste et c’est la plus utilisée pour résoudre le problème de gestion de l’énergie hors ligne pour les véhicules hybrides [18]. Elle permet de trouver un optimum global quand la valeur des variables d’état varie peu [33], d’intégrer simplement des contraintes sur les valeurs des états, et de travailler avec des variables de commande discrètes comme le choix du rapport de transmission de la boite de vitesse [34][35]. Elle est également utilisée au laboratoire ECO7 dans le cadre d’une double boucle d’optimisation sans problèmes de convergence [36][37]. Son optimalité est toujours garantie en regard de la discrétisation choisie. Son inconvénient principal est que la taille du graphe et donc le temps de calcul augmentent de façon exponentielle avec le nombre de variables d’états. Par exemple, dans le cas de la gestion d’énergie pour minimiser la consommation de carburant chaque sommet du graphe correspond à un certain niveau de SOC à un instant t dans le temps. Si on ajoute une variable d’état supplémentaire comme la température du catalyseur, on ajoute une dimension au graphe car chaque niveau de SOC peut être associé à un niveau de température différent. Le nombre de sommets est donc multiplié par le nombre de niveaux de température possibles, comme on peut le voir en figure 1.6.
Optimisation conjointe de la consommation et de la pollution
La réduction des émissions de polluants grâce à l’hybridation a déjà été étudiée. De premiers travaux se sont intéressés à la réduction de la quantité de polluants à la sortie du moteur. Ils portaient sur plusieurs types de véhicules hybrides Diesel-électrique [63], notamment pour des applications sportives [64]. Cette approche donne de bons résultats pour réduire les émissions de NOx à l’échappement des motorisations Diesel. Cependant, le système de dépollution qui se situe après le moteur joue un rôle essentiel dans le cas des autres espèces de polluants du Diesel et de toutes les espèces pour les motorisations essence, comme expliqué dans la sous-section précédente. Des études plus récentes se sont ainsi intéressées à la gestion du catalyseur et en particulier à sa montée en température. Johnson et al. [65] ont utilisé une stratégie heuristique pour étudier le compromis entre les émissions et la consommation dans les hybrides Diesel-électriques en tenant compte du catalyseur d’oxydation. La gestion d’énergie proposée est applicable en temps réel et présente de bons résultats mais son optimalité ne peut pas être garantie. Plus tard, les véhicules hybrides essence-électrique ont été étudiés par Kum et al. [66], Vinot et Jeanneret [67], Maamria [30], Michel et al. [68], et Zeng et al. [29]. Cependant, leurs résultats diffèrent quant à la gestion de la température du catalyseur. Certaines études recommandent une montée en température rapide du catalyseur pour qu’il soit efficace au plus tôt [30][66]. D’autres préconisent au contraire de ralentir la montée en température pour utiliser le moteur dans des zones où il émet moins de polluants avant que le catalyseur soit efficace [68][67]. Zeng et al. étudient un véhicule hybride rechargeable et relèvent principalement une différence dans la fréquence d’allumage du moteur thermique quand la stratégie tient compte de la pollution [29]. Vinot et Jeanneret, Maamria, Michel et al., et Zeng et al. utilisent le principe du minimum de Pontryagin pour déterminer la stratégie optimale de gestion d’énergie. Les coétats apparaissant dans la formulation de l’hamiltonien sont déterminés de façon différente selon les auteurs. Ce sont des constantes pour les études [30], [68] et [29] (constantes à valeurs nulles pour [68]), alors qu’ils sont déterminés de façon itérative pour [67]. Kum et al. [66] utilisent la programmation dynamique. Cependant, leur étude porte sur un véhicle hybride rechargeable ce qui la rend difficilement comparable avec le reste de la littérature. De plus, le choix d’une discrétisation suffisamment fine est primordial pour assurer l’optimalité de la commande avec la programmation dynamique. Le pas de température choisi par Kum et al. est très grossier (40 K) et son influence sur les résultats n’a pas été analysée. Les études précédemment menées sur l’optimisation conjointe de la consommation et des émissions de polluants pour les véhicules hybrides ont principalement utilisé le principe du minimum de Pontryagin. Cette méthode présente un temps de calcul plus rapide pour les problèmes comportant de multiples variables d’état mais introduit des co-états dont la détermination peut se révéler complexe. Dans ce travail de thèse, nous avons choisi d’explorer la programmation dynamique dont la faisabilité a été prouvée par l’étude de Kum et al. Nous nous attacherons à confirmer la convergence de cette méthode en étudiant l’influence de la discrétisation sur les résultats, ce qui n’a pas été fait auparavant. Comme expliqué à la sous-section 1.3.2, nous validerons tout d’abord la convergence de la programmation dynamique sur le problème de répartition de puissance entre les deux moteurs de la propulsion hybride. Dans une seconde partie, nous inclurons les paramètres de contrôle rapproché du moteur thermique dans le problème de commande optimale. Ceux-ci sont habituellement optimisés sur le moteur seul et nous souhaitons déterminer si l’inclusion à un GMP hybride modifie de façon importante le contrôle optimal de ce composant.
Scénario équilibré et centré pollution (α = 1, α = 5)
La deuxième courbe de la figure 3.3 montre la distribution de puissance entre le moteur thermique et la machine électrique pour le scénario équilibré. La partie urbaine (jusqu’à 800 secondes) est similaire à celle du scénario centré consommation, avec une majorité de mode électrique et des pics de puissance en mode hybride. Cependant, le scénario centré consommation présente 4 fois le même schéma de puissance, le cycle étant lui-même répétitif. Le scénario équilibré présente au contraire une variation entre les 4 phases de conduite urbaine. Les deux premières répétitions urbaines (jusqu’à 400 secondes) présentent des modes hybrides plus courts et plus intenses, le moteur thermique fonctionnant à des puissances plus importantes. Les deux dernières phases urbaines sont presque identiques à celle du scénario centré consommation. La partie extra-urbaine du cycle présente un profil de puissance très similaire à celui du scénario centré consommation. Cependant, la phase de recharge à grande vitesse (entre 1068 et 1096 secondes) est plus longue pour compenser les phases hybrides plus courtes en début de cycle et garantir un bilan d’énergie nul au niveau de la batterie. On considère pour l’interprétation que le catalyseur est entièrement opérationnel quand sa température est supérieure à 350°C ou 623 K (quand son efficacité thermique est de 99%). Pour atteindre cette plage de température, il doit passer par une phase de démarrage à froid durant laquelle la convection interne avec les gaz d’échappement est la principale source de chaleur. En effet, les réactions de conversion des différents polluants ne peuvent pas avoir lieu, l’exothermie ne participe donc pas au réchauffement. La convection avec l’air ambiant a un impact limité car elle s’effectue avec une surface de contact et une vitesse relative beaucoup moins importante que celle des gaz d’échappement. De plus, elle peut uniquement refroidir le catalyseur et non pas le chauffer. Durant la phase de démarrage à froid du scénario équilibré, le moteur thermique fonctionne à une puissance plus importante que pour le scénario centré consommation. Cela entraine une augmentation de la température des gaz d’échappement, qui est en moyenne de 934 K pendant le démarrage à froid du scénario équilibré contre 826 K pour le scénario centré pollution. L’augmentation de la puissance donne également lieu à une augmentation du débit massique de gaz à travers le catalyseur, ce qui favorise l’échauffement par convection interne. Le paramètre Kgaz (équation 2.33) passe ainsi de 0,068 s-1 pour le scénario centré pollution à 0,11 s-1 pour le scénario équilibré. La stratégie équilibrée entraine une chauffe très rapide du catalyseur, avec un temps de fonctionnement cumulé du moteur thermique de 7 secondes seulement avant que le catalyseur soit entièrement fonctionnel contre 16 secondes pour le scénario centré consommation. L’amorçage intervient quasiment au même moment du cycle pour les deux scénarios mais l’augmentation de l’efficacité thermique se fait sans interruption pour le scénario équilibré (voir efficacité thermique en rouge sur la figure 3.5). Le temps de fonctionnement cumulé avant l’amorçage du catalyseur peut sembler anormalement court mais une validation expérimentale à l’IFSTTAR a montré que le catalyseur sur lequel sont basés les modèles chauffe de 60 à 350°C (333 à 623 K) en 8,7 secondes seulement dans des conditions de fonctionnement similaires à celles qui sont recommandées par le scénario équilibré (2500 tr/min et 130 Nm). La figure 3.4 indique les points de fonctionnement du moteur thermique et de la machine électrique pendant la phase de démarrage à froid du catalyseur (en bleu) et durant le reste du cycle (en rouge). Les points bleus se déplacent vers le couple maximal du moteur entre les scénarios centré consommation et équilibré. Comme mentionné précédemment, cela entraine une augmentation de la température des gaz d’échappement et du coefficient de convection interne et favorise l’échauffement. Cependant, ce déplacement a également pour conséquence une dégradation du rendement de recharge (voir les graphes de droite). L’efficacité de la partie électrique du groupe motopropulseur passe ainsi de 90% environ dans le cas du scénario centré consommation à 85% environ pour la stratégie équilibrée. Ce phénomène ne donne pas lieu à une variation substantielle de la consommation de carburant car il concerne seulement quelques points de fonctionnement et qu’il est partiellement compensé par une diminution de la consommation spécifique du moteur thermique (voir graphes de gauche).
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Table des matières
Introduction générale
1. Contexte et introduction
1.1. Contexte et problématique
1.1.1 Mobilité et changement climatique
1.1.2 Transports et qualité de l’air
1.2. Le véhicule hybride, un système complexe
1.2.1 Principe de fonctionnement
1.2.2 Optimisation du système
1.3. Optimiser la gestion de l’énergie
1.3.1 Différents types de stratégies
1.3.2 Problème de commande optimale
1.4. Méthodes d’optimisation
1.4.1 Principe du minimum de Pontryagin
1.4.2 Programmation dynamique
1.4.3 Méthode branch and bound
1.4.4 Bilan et comparaison des méthodes
1.5. État de l’art : émissions et consommation
1.5.1 Solutions pour réduire les émissions de polluants
1.5.2 Optimisation conjointe de la consommation et de la pollution
1.5.3 Présentation du travail de thèse
I Commande en puissance électrique
2. Méthodes et modèles en puissance
2.1. Modèles de la littérature
2.1.1 Dynamique véhicule
2.1.2 Consommation du moteur thermique
2.1.3 Modèles électriques
2.2. Modèles développés
2.2.1 Dispositifs expérimentaux
2.2.2 Efficacité du catalyseur
2.2.3 Dynamique thermique du catalyseur
2.2.4 Émissions et température du moteur
2.3. Paramètres de la méthode d’optimisation
3. Résultats et discussion (commande en puissance)
3.1. Scénarios sur le cycle NEDC
3.1.1 Influence du paramètre α
3.1.2 Scénario centré consommation (α = 0)
3.1.3 Scénario équilibré et centré pollution (α = 1, α = 5)
3.2. Influence des paramètres d’optimisation
3.2.1 Étude paramétrique du pas de SOC
3.2.2 Étude paramétrique du pas de température
3.2.3 Influence de la température d’amorçage
3.2.4 Influence du dimensionnement
3.3. Étude du cycle de conduite
3.4. Discussion
3.4.1 Comparaison des résultats avec la littérature
3.4.2 Discussion sur les méthodes
3.4.3 Limites
II Commande rapprochée du moteur thermique
4. Méthodes et modèles en commande rapprochée
4.1. Modèles détaillés des émissions
4.1.1 État de l’art
4.1.2 Campagne de mesures
4.1.3 Modèle de CO
4.1.4 Modèle de HC
4.1.5 Modèle de NO
4.2. Modèles détaillés du débit de carburant, du couple et de la température
4.2.1 Modèle du débit de carburant
4.2.2 Modèle du couple
4.2.3 Modèle de la température à l’échappement
4.3. Spécificité de l’optimisation en commande rapprochée
5. Résultats et discussion (commande rapprochée)
5.1. Influence des modèles sur les résultats
5.1.1 Modèle détaillé de la consommation de carburant
5.1.2 Influence du modèle d’émissions
5.2. Paramètres de l’optimisation rapprochée
5.2.1 Influence de la méthode et pas de pression
5.2.2 Étude paramétrique du pas de temps
5.2.3 Paramètres d’optimisation choisis
5.3. Commande rapprochée sur le cycle NEDC
5.3.1 Pression et avance variables, richesse unitaire .
5.3.2 Pression et avance variables, richesse non unitaire
5.3.3 Commande en pression, richesse et avance (NEDC)
5.3.4 Commande en pression, richesse et avance (WLTC)
5.4. Discussion
5.4.1 Comparaison des résultats des deux parties
5.4.2 Discussion sur la méthode et ses limites
Conclusion et perspectives
Nomenclature
Bibliographie
Annexes
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