L’assouplissement du joug colonial, après la seconde guerre mondiale permet aux colonies d’Afrique de l’ouest d’accéder à l’indépendance vers les années 1960. Cependant, si la colonisation a produit des espaces balkanisés, les indépendances ont débouché sur des paradigmes de gouvernance centralisatrice et jacobine. L’adoption de cette philosophie de gouvernement central s’est traduite par l’émergence d’Etats patrimoniaux qui accaparent tous les pouvoirs de décisions au détriment du reste conduisant ainsi à des situations de crises notamment dans les domaines économiques et socio-politiques. Ce système politique de développement s’est caractérisé progressivement par une impuissance notoire qui justifia son échec.
Le Sénégal, à l’instar de beaucoup d’autres pays, a fait l’expérience de ce modèle hérité de la colonisation d’après lequel, le pouvoir politique voulait s’approprier le droit de tout régenter. En effet, il en découle une forte dépendance des populations vis-à-vis du pouvoir central qui concentre les activités essentielles du pays autour de la capitale occasionnant, du coup, un exode massif des populations rurales vers le milieu urbain. Ceci illustre les propos de J. Monod et de P.Castelbajac : « plus un Etat est centralisé, plus il favorise l’urbanisation » .
Ainsi, après les échecs répétitifs des politiques de développement et les crises de gouvernabilités qui en résultent, la logique centralisatrice de contrôle du territoire semble battue en brèche par l’adoption de la décentralisation dans la plupart des pays d’Afrique de l’ouest particulièrement au Sénégal qui est considéré comme l’un des tous premiers laboratoires d’expérimentation de la décentralisation en Afrique. A ce titre, Il fallait trouver un autre modèle capable de mieux promouvoir le développement à travers une meilleure responsabilisation des populations. Les collectivités locales vont ainsi reconnaitre un certain nombre de responsabilité dans la gestion de leurs affaires. Il s’agit de mettre à la disposition des collectivités locales des domaines d’actions qui, jadis étaient au service de l’Etat central. En effet, ceci permet d’instaurer une administration de proximité qui se traduit par le rapprochement entre gouvernants et gouvernés et de favoriser le développement local.
Par ailleurs, en voulant faire sien la maxime Napoléonienne selon laquelle « si l’on gère de loin, on administre de près » , le Sénégal s’engage dans un processus assorti de reformes justifiant ainsi sa politique volontariste de décentralisation. A cet effet, deux reformes phares ont marqué le processus de la décentralisation au Sénégal. La réforme de 1972 qui pose « l’acte précurseur de libertés locales plus affirmées avec la création des communautés rurales, la promotion de la déconcentration et la régionalisation de la planification » . L’autre réforme est marquée par la régionalisation ou la promotion de la région aux rangs de collectivité locale avec la loi n°96-06 du 05 février 1996 portant code des collectivités locales. L’objectif principal visé dans ces réformes est d’instaurer un développement local inclusive, c’est-à-dire partant des populations locales qui sont persuadées d’être pleinement associées à la gestion de leurs affaires. D’ailleurs, cette situation est perçue par certains spécialistes avertis comme le seul gage d’un développement endogène. Cependant, bien qu’étant une politique ancienne au Sénégal, la décentralisation est toujours d’actualité et continue de défrayer la chronique. Elle apparait comme un moyen d’appui pour atteindre le développement. De ce fait, elle est conçue comme la clef de voûte du développement local grâce aux opportunités incommensurables qu’elle offre et qui une fois exploitées, peuvent asseoir un développement durable des territoires. Cependant, même si la décentralisation semble être, à l’heure actuelle, l’une des meilleures voies qui mènent au développement, l’atteinte des objectifs escomptés est remise en cause par des contraintes diverses au niveau des collectivités locales.
Vu l’importance et l’ampleur de cette politique dans beaucoup de pays pour leur politique de développement, cette situation n’a pas manqué de susciter notre attention et de raviver notre curiosité jusqu’à nous amener à une étude, territoriale et d’un point de vue géographique, des opportunités et des contraintes de la décentralisation au Sénégal et particulièrement dans la commune de Thiakhar.
PROBLEMATIQUE
Contexte
La décentralisation est le fait de l’histoire . En effet, elle remonte au Sénégal au 19éme siècle durant la période coloniale. Cependant, au lendemain des indépendances, les leaders des partis politiques, ont souvent dirigés les nouveaux Etats souverains de l’Afrique de l’Ouest. Ainsi, étant été formés au sein de la classe politique française, il n’est pas surprenant que la politique qu’ils mirent en branle, ne rompt pas avec les paradigmes de la gouvernance à la « française » c’est-à-dire centralisatrice et jacobine. La concentration était alors considérée comme mode d’administration capable de répondre aux impératifs d’alors. A cet effet, l’Etat est le seul acteur du développement socioéconomique et aucune initiative n’est laissée aux populations de la base et elles sont perçues comme étant des acteurs passifs, de simples bénéficiaires.
L’Afrique va ainsi s’enfoncer dans une crise multiforme liée aux faiblesses à la fois institutionnelles, structurelles et stratégiques des Etats centralisés. Ce centralisme étatique va se montrer alors inefficace avec la crise des modèles de développement mis en œuvre au lendemain de la décolonisation.
Fort de ce constat, et conscient de l’échec des politiques classiques qui justifie l’incapacité des Etats centralisés, les bailleurs de fonds vont instaurer des injonctions et des conditionnalités sur leur politique d’aide au développement. En effet, ils vont imposer la décentralisation comme une condition sin qua non pour tous les pays aspirant à la modernité, notamment ceux sousdéveloppés et marqués par une longue histoire de pouvoir centralisé. Au Sénégal, la crise économique et financière des années fastes de 1980 a obligé l’Etat à se défausser de ses fonctions dans plusieurs secteurs. C’est ainsi que les PAS ont été mis en place sous la pression des bailleurs de fonds.
Sur ce point, la décentralisation est apparue à la fois comme « une réponse au désengagement de l’Etat afin d’assurer le relais par la société civile, et comme une réponse à l’échec des projets qui ont été conçus au niveau central sans bénéficiaire finaux » . Après toute cette conjoncture, la décentralisation devient la fille la plus courtisée par les pays . Elle s’impose comme un nouveau paradigme de développement impliquant les acteurs à la base. Par ailleurs, le Sénégal qui s’est précocement engagé dans la voie de la décentralisation, entreprend d’énormes réformes marquées par un tournant important de l’organisation administrative et territoriale. En effet, l’avènement des quatre communes de plein exercice, des communes de moyen exercice et des communes mixtes ont beaucoup incité la décentralisation postcoloniale. En 1972, les communautés rurales ont été créées et couvrent l’ensemble du territoire national. La réforme de 1990 est marquée par la suppression du statut de commune spécial pour le renversé dans le droit commun , mais également le transfère, avec la loi n°90- 37 du 08 octobre 1990, de la gestion des communautés rurales, du sous- préfet au président du conseil. L’étape de 1996 est celle de la régionalisation ou de l’érection de la région comme cadre de programme et de coordination du développement local. La région gère désormais, à l’instar des communes et des communautés rurales, toutes les affaires qui sont de sa compétence. Cette réforme crée une nouvelle donne dans la démarche vers la décentralisation en transférant plus de pouvoir aux élus en matière de gestion et en réduisant la tutelle de l’Etat. C’est ainsi que neuf domaines de compétences ont été dévolus aux collectivités locales. La première catégorie de compétences transférées concerne les domaines ci-après :
● La santé et l’action sociale
● L’environnement et les ressources naturelles
● La jeunesse et les sports
● La culture
● L’éducation
● La planification
● L’aménagement du territoire
● L’urbanisme et l’habitat
● Les domaines .
L’importance de ce transfert de compétence réside dans le fait qu’il permet aux responsables d’intervenir dans des matières touchant directement le vécu quotidien des populations. Il favorise aussi une gestion de proximité et renvoie au principe de subsidiarité : « agir au plus près pour agir mieux ». Sur ce principe, c’est au niveau le plus proche du terrain et des populations que l’on retrouve les réponses les mieux adaptés. La décentralisation au Sénégal, a pour objectif de favoriser un véritable pouvoir local à travers la valorisation des initiatives locales et la réduction des interventions régaliennes de l’Etat.
L’Etat du Sénégal s’engage aujourd’hui dans l’application de l’Acte III qui met un point d’orgue au processus de la décentralisation. En effet, le 19 mars 2013, le président de la république lance les travaux de l’Acte III allant dans le sens, entre autres, d’améliorer la gouvernance locale et de permettre à l’élu d’obtenir un nouveau statut. Ainsi, l’Acte III vise à renforcer la décentralisation et la territorialisation des politiques publiques. Son objectif est d’asseoir le développement local qui est devenu alors le cheval de bataille des décideurs et qui met les acteurs au cœur du processus pour corriger les déséquilibres.
La décentralisation constitue, de ce fait, un pari pour l’avenir et un challenge pour les collectivités locales car elle permet de jauger les capacités managériales et de gestions des élus mais aussi leur esprit d’initiative et de création. Cependant, la décentralisation, un projet politique et le développement local, une pratique sociale, sont deux concepts étroitement liés, s’effectuant respectivement l’une selon une démarche descendante et l’autre selon une approche bottom up.
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Table des matières
Introduction
Avant-propos
Première partie : Cadre Théorique
Introduction générale
I. Problématique
II. Analyse conceptuelle
III. Méthodologie
Deuxième partie : Présentation de la zone
I .Situation géographique et administrative
II .L’analyse du cadre naturel
III. L’analyse du cadre humain
Troisième partie : Analyse de la gouvernance territoriale
I .Les opportunités de la décentralisation
II .Les contraintes de la décentralisation
Conclusion Générale
Références bibliographiques
Annexes