Opérationnaliser la simulation dans le domaine des soins de santé

La philosophie Lean

Il existe plusieurs méthodes d’organisation scientifique du travail qui ont révolutionné le monde manufacturier depuis l’ère de la révolution industrielle. On peut penser aux approches occidentales de la division du travail technique favorisant la spécialisation des ouvriers suivant la théorie élaborée par Adam Smith, à l’ organisation scientifique du travail établie par Frederick Taylor, qui consiste à décortiquer la tâche pour optimiser chacune de ses parties ou encore à l’introduction du travail à la chaîne par Henry Ford (Maynard et Zandin 2001 ). Ce sont des approches et méthodes qui, une fois exécutées, permettent d’ obtenir une meilleure efficacité. On peut aussi attribuer au monde Oriental une contribution à l’ organisation scientifique du travail, puisque le modèle de production Toyota provient du Japon. Il s ‘ agit d’une philosophie, ce qui est beaucoup plus qu’une méthode ou une recette à suivre pour un succès assuré. La philosophie Lean est en fait l’ appellation américaine pour le Toyota Production System (TPS). Ce nom a été donné à la philosophie dans les années 1980 par Womack, qui travaillait alors au Massachusetts Institute of Technology, dans un livre analysant l’ industrie automobile: The Machine That Changed the World (Womack et al 1990). Voici une définition du Lean telle que présentée par Womack et Jones: « La pensée Lean est de spécifier la valeur par des produits spécifiques, l’identification des flux de valeur pour chaque produit, des flux de valeurs, sans interruption, laisser le client tirer la valeur de la production, et de poursuivre la perfection ».

Le modèle Toyota

L’ histoire du TPS commence au Japon à la fin du 1ge siècle. Sakichi Toyoda est un inventeur qui révolutionna le monde du tissage en mettant en marché le premier métier à moteur. En 1926, il fonda la Toyoda Automatic Looms. Durant cette phase, un des fondements du TPS, le genchi genbutsu, a été développé. Cela consiste à participer activement à la production. Un des piliers du TPS a été intégré à ce moment, il s’agit du Jidoka (ce qui signifie « automation avec une touche humaine »). Ce principe sert à assurer la qualité du produit. Le fils de Sakichi, Kiichiro Toyoda, fonda la Toyota Motor Company. Kiichiro, au fil de son expérience, développa le second pilier de la méthode, le juste-à-temps, (lIT) et son outil, le kan ban (Womack et Jones 1996). Le perfectionnement de la méthode vint avec un autre membre le la famille, Eiji, le neveu de Sakichi et cousin de Kiichiro. Il consolida le modèle en prenant la barre de l’ entreprise durant la période d’ après-guerre. Eiji s’ inspira du modèle de Ford et, dans les années 1950, demanda au directeur de l’ usine, Taiichi Ohno, de rattraper le retard de production que Toyota accusait par rapport à Ford en intégrant le flux pièce à pièce qui assurait la flexibilité de la production (Womack 1996). Finalement, les travaux sur la qualité de Edwards Deming, un américain qui a perfectionné ses méthodes au Japon, ont amené la célèbre roue de Deming à venir consolider la méthode Toyota (Huschka, Rohleder et Denton 2012). La roue de Deming représente un système d’amélioration de la qualité en quatre étapes qui sont présentées dans le paragraphe suivant. Edwards Deming est un ingénieur de formation, mais il a poursuivi des études approfondies en physique et en mathématiques. Né en Iowa aux États-Unis, en 1900, il est vite devenu un statisticien reconnu par ses pairs. Il a été influencé dans son travail par les ouvrages de Walter A. Shewhart qui travaillait pour Bell Telephone cie. Shewhart est d’ailleurs reconnu comme étant le père du contrôle statistique de la qualité (Story 20 Il). De cette collaboration a été créée la roue de Deming illustrée à la figure 1.1.

Le Lean santé

L’objectif du Lean est de créer de la valeur. Mais quelle est la valeur à créer dans le système de santé ? La valeur peut être définie comme suit : « la capacité de livrer un produit au client au bon moment et au bon coût » (Kim et al. 2009). Cette perspective est appuyée par d’ autres auteurs qui mentionnent que la valeur, pour le patient, correspond à la sécurité, la satisfaction et le fait d’avoir reçu les soins appropriés (Joint Commission 2006). En fait, elle signifie que le patient est au centre des préoccupations des travailleurs de la santé (McLaughlin et Hays 2008). Il doit être au coeur des préoccupations et il est souhaité qu’ il participe aux décisions dans les projets d’améliorations et même dans l’amélioration continue (Kevin 2004, Eleonora et al. 2009). Il Y a trois règles pour déterminer si l’ activité faite est à valeur ajoutée pour le patient: 1- le client serait prêt à payer pour cette activité, 2- cette activité doit transformer le produit ou le service d’une certaine façon et 3- l’ activité doit être faite correctement la première fois (Graban 2009).

Donc, pour créer de la valeur dans le système de santé, il faut étudier les actions directement en lien avec l’état du patient. Il faut maximiser les soins cliniques de qualité (Wilson 2009) en éliminant les gaspillages tout comme le Lean traditionnel. Pour illustrer ces propos, voici une adaptation des principaux gaspillages aux services de santé (Bahadir et al. 2012) dans le tableau 1. Le modèle classique du Lean a donc été revisité pour satisfaire le contexte de service du système de santé. Par exemple, on peut parler du Virginia Mason Production System, du Perfecting Patient Care (Mazzocato et al. 2010) ou encore du Michigan Quality System (Kim et al. 2009). Tous ces systèmes sont des dérivés du TPS adaptés pour bien illustrer les problématiques du système de santé. Une fois le modèle adapté aux services de santé, voyons quels sont les bénéfices concrets qui peuvent en être tirés.

La méthode DMAIC

Un des outils les plus importants du Six sigma est sans contredit sa méthodologie DMAIC. Cette méthode est composée de cinq phases : Dejine (Définir), Measure (Mesurer), Analyse (Analyser), Improve (Améliorer) et Control (Contrôler) (Florian and Susanne 2009). Chacune de ces phases est clairement définie et la réalisation peut facilement combiner des outils qui proviennent autant du Lean que du Six sigma (Georges et al. 2005). La première phase (Définir) consiste à sélectionner le chargé de projet et l’équipe qui devra le réaliser. Par la suite, il faut redéfinir la charte du projet en A42 et lancer l’équipe. Finalement, l’ étendue du projet doit être validée et on doit recueillir les impressions du « client » à satisfaire pour être certain de bien répondre aux besoins. La seconde phase (Mesurer) consiste à définir les intrants et les extrants, cartographier la chaîne de valeur et les processus et, ensuite, collecter des données pour évaluer la performance du système. La troisième phase (Analyser) permet de prendre les données préalablement recueillies, d’en faire sortir les points saillants et de déterminer les causes profondes des problématiques apparentes. Par la suite, il faut cibler les problématiques à améliorer. Lors de la quatrième phase (Améliorer), il faut générer les solutions à l’aide d’outils tirés du Lean et du Six sigma, prioriser les champs d’ action, effectuer une analyse de risque, si nécessaire, et piloter l’ implantation de la solution. Finalement, la cinquième et dernière phase (Contrôler) permet de développer des outils pour assurer une vigie des changements et permettre une action en cas de défaillance de l’ implantation d’une solution. Le tableau 1.5 qui suit permet de visualiser un nombre d’ outils utilisés par le Six sigma et qui sont répertoriés selon les phases de la méthode DMAIC (Yahia Zare 2011).

 Le Six sigma et la conception de nouveaux processus

La méthode DMAIC provient du Six sigma et est conçue pour revoir un processus existant et l’ améliorer. Par contre, quand on souhaite concevoir un processus, plutôt que de Six sigma, on parle de Design for six sigma (DFSS). Le DFSS à modifié la méthodologie DMAIC (définir, mesurer, analyser, implanter et contrôler) pour devenir le DMADV (définir, mesurer, analyser, développer et vérifier). Donc, pour le Six sigma, pour créer un nouveau processus et non seulement le modifier, il est plus approprié d’ utiliser une méthodologie associée à la démarche. La méthode DFSS permettra de concevoir des processus qui permettront de fabriquer des produits avec une faible variabilité donc une meilleure qualité. Pour savoir si on doit utiliser l’une ou l’autre des méthodologies, il faut tout simplement se demander si le processus sur lequel on se questionne existe déjà (H.Jones 2010). Si nous sommes dans une démarche de conception, on suggère d’utiliser le DMADV provenant du DFSS et SI la démarche est plutôt de l’amélioration, on suggère le DMAIC du Six sigma. Comme il est fréquent de combiner le Lean et le Six sigma pour l’amélioration de processus, il a été de mise de mettre cette combinaison gagnante à profit dans le cas de la conception de nouveaux processus.

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Table des matières

INTRODUCTION
Chapitre 1 La revue de la littérature
1.1 La philosophie Lean
1.1.1 Le modè le Toyota
1. 1.2 Le Lean santé
1 . 1.3 Le Lean santé au Québec
1.2 Le Six sigma
1.2. 1 La méthode DMAIC
1.2.3 Le Lean Six sigma
1.2.4 Le Lean Six sigma dans les soins de santé
1.3 La conception de nouveaux processus
1 .3. 1 Le Lean et la conception de nouveaux processus
1.3 .2 Le Six sigma et la conception de nouveaux processus
1.3.3 Le Lean Six sigma et la conception de nouveaux processus
1.4 La simulation de processus
1.4. 1 Historique
1.4 .2 Types de simulations
1.4.3 L’ utilisation de la simulation comme outil du Lean Six sigma
1.4.4 Opérationnaliser la simulation dans le domaine des soins de santé
Chapitre 2 La méthodologie
2.1 Problématique spécifique
2.2. Définition du contexte du projet
2.2. 1. Parties prenantes
2.2.2 Cadre du proj et
2.2.3 Problématique et mandat
2.3 Objectifs spécifiq ues de la recherche
2.4 Méthodologie de recherche
2.5 Prises de données pour l’étape « mesurer »
2.5. 1 Cueillette de données pour l’ ensemble du service des prélèvements
2.5.2 Cueillette des données pour l’ analyse des tâches des technologistes
2.5.3 Cueillette de données pour le processus de prélèvement
2.6 Outil de simulation
Chapitre 3 Les résultats
3.1 Phase Définir
3. 1.1 La cartographie actuelle du processus du pat ient
3.1.2 Travail des préposés à l’ admiss ion
3.1 .3 Travail des technologistes
3.1 .4 Le rôle de la simulation dans l’étape « Définir »
3.2 Phase Mesurer
3.2 .1 Le rôle de la simulation dans l’ étape « Mesurer »
3.3 Phase Analyser
3.3. 1 Analyse des données recueillies
3.3.2 Tâches à valeur ajoutée et à non-valeur aj outée
3.3.3 Le rôle de la simulation dans l’ étape « Analyser »
3.4 Phase Améliorer
3.4. 1 Modèle de base de simulation
3.4.2 Validation du modèle
3.4.3 Création de scénarios
3.4.4 Choix du scénario
3.4.5 L’évènement 3P
3.4.6 Le rôle de la simulation dans l’étape « Améliorer »
3.5 Phase Contrôler
3.5. 1 Suivi de l’évènement 3P
3.5 .2 Mise en place d’ un centre temporaire
3.5.3 Résultats fi naux
3.5.4 Le rôle de la simulation dans l’étape « Contrôler »
CONCLUSION
4.1 Synthèse et contribution à la recherche
4.2 Limites et contraintes
4.3 Avenues futures de recherche
RÉFÉRENCES
ANNEXES
Annexe 1 : Feuille de cueillette de données, étude de temps #1
Annexe 2 : Feuille de cueillette de données, étude de temps #2
Annexe 3 : Photos du centre de prélèvements avant le projet
Annexe 4: Liste des patients et des temps pour la simulation lors de l’évènement 3P
Annexe 5 : Détails des scénarios simulés lors de l’évènement 3P
Annexe 6 : Nouvel horaire technologistes et préposées à l’accueil
Annexe 7 : Plan d’action suivi du 3P
Annexe 8 : Processus et irritants traités dans le suivi du 3P
Annexe 9 : Article Nouvelliste « Trois-Rivières est en avance », dit Bolduc

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