Opérateurs de corrélation en assimilation de données

Opérateurs de corrélation en assimilation de données

Dans les modèles de prévision numérique du temps, l’état de l’atmosphère est représenté comme solution d’un ensemble d’équations aux dérivées partielles [Malardel, 2005]. Ces équations étant continues en espace et en temps, leurs solutions appartiennent à des espaces de fonctions de dimension infinie [Tarantola, 2005]. Bien que la discrétisation de ces équations conduise naturellement à la résolution de systèmes linéaires dans des espaces de dimension finie, il est utile d’étudier les propriétés des opérateurs continus pour s’assurer de la consistence des opérateurs discrétisés. Dans cette étude, on s’intéresse particulièrement aux opérateurs de covariance et leurs inverses, dont le rôle est essentiel en assimilation de données [Lorenc, 1986]. En effet, l’assimilation de donnée a pour objectif de produire une estimation de l’état de l’atmosphère à partir de différentes sources d’information. Les opérateurs de covariance servent à pondérer ces différentes sources d’information en fonction de leur importance relative et de l’incertitude qu’on leur attribue [Courtier et al., 1998].

Le cadre de l’analyse fonctionnelle est utile à bien des égards. Tout d’abord, il permet d’introduire rigoureusement la définition de ces opérateurs, en utilisant les notions d’espaces primal et dual. C’est également l’occasion de tisser des liens entre les espaces fonctionnels, objets mathématiques, et l’interprétation physique des champs météorologiques comme étant lisses ou bruités. Enfin, il est utile pour souligner la correspondance entre les équations aux dérivées partielles et certaines familles de fonctions de corrélation communément utilisés en géostatistiques.

Les développements de ce chapitre relèvent de l’analyse fonctionnelle classique, même si les outils utilisés se retrouvent plutôt dans les cours de mécanique quantique. Il propose une introduction concise à l’assimilation de données, allant du continu au discret sans manquement théorique, faisant le lien entre des domaines trop souvent traités séparément. L’idée est de présenter le problème de l’assimilation de données de ses fondements jusqu’à sa résolution avec un niveau de détail suffisant pour le physicien comme pour le numéricien.

Opérateurs de covariance

Le cadre adéquat pour la définition des opérateurs de covariance est celui de l’analyse fonctionnelle. Comme l’objet de ce chapitre n’est pas de fournir un cours complet dans ce domaine, on choisit d’introduire les définitions minimales permettant de comprendre et donner du sens aux propriétés mises en avant. Selon le contexte, l’accent est mis sur la nature physique des différents objets, afin de permettre à l’intuition de retrouver les résultats à partir d’élements logiques simples. Cette section contient ainsi les prérequis pour définir l’assimilation de données en dimension infinie. C’est aussi le cadre approprié pour modéliser les opérateurs de corrélation à partir d’opérateurs différentiels. Cette construction étant à la base de la présente étude, il convient de l’introduire dès le début du manuscrit.

Fonctions de corrélation de Matérn

On dispose maintenant de tous les outils théoriques permettant de définir l’assimilation de données en dimension infinie. Cependant, on souhaite profiter de ce cadre théorique pour mettre en avant une classe spécifique de fonctions de corrélations : les fonctions de la famille Matérn [Whittle, 1963]. Cette famille de fonctions est une des plus communément utilisées en sciences appliquées, en raison de sa dépendance en un petit nombre de paramètres et de son lien direct avec les équations aux dérivées partielles. Ce dernier lien est une des principales motivations de cette étude, puisqu’il permet de faire appel à toutes les techniques de traitement des équations différentielles dans la modélisation des opérateurs de corrélation.

Assimilation de données

En météorologie, l’état de l’atmosphère est estimé grâce à un modèle de prévision numérique du temps. Néanmoins, cette estimation est imprécise et il est nécessaire de la corriger régulièrement à l’aide d’observations de l’atmosphère indépendantes du modèle de prévision. Ce procédé cyclique de prédiction/correction est appelé « assimilation de données ». L’assimilation de données est un domaine scientifique transverse qui rassemble des concepts issus à la fois de la physique et des mathématiques appliquées : paramétrisations physiques variées, optimisation, statistiques, probabilités, contrôle optimal, analyse fonctionnelle, algèbre linéaire, techniques de parallélisation, couplage de code… et bien d’autres. Ainsi, il existe plusieurs manières d’introduire l’assimilation de données, suivant le sujet de l’étude.

Le choix est fait d’introduire l’assimilation de données comme un problème d’optimisation [Lorenc, 1986]. Le cycle de prédiction/correction donne lieu à la minimisation d’une fonctionnelle dont l’expression fait intervenir des opérateurs de covariance, comme définis au début du chapitre. A noter que ce choix n’est pas unique. Nombre d’ouvrages introduiront l’assimilation de données à partir de la théorie des probabilités [Burgers et al., 1998, Hamill et al., 2000]. Toutefois, ce point de vue n’est pas exploité dans la suite de cette étude, qui s’attache principalement à la construction des opérateurs de covariance et de corrélation, et non aux propriétés statistiques des champs considérés. Pour une présentation de l’assimilation de données probabiliste, le lecteur peut se référer à Houtekamer and Mitchell [1998] ou Whitaker and Hamill [2002].

Dans cette section, on montre comment faire le lien entre la théorie continue des opérateurs de corrélation et la formulation discrète classique. La discrétisation est vue comme une approximation du problème continu en dimension finie. Ces développements vont de paire avec la lecture du diagramme de dualité. On retrouve ainsi la distinction entre dimension finie et dimension infinie d’une part, et espaces fonctionnels et espaces de coordonnées d’autre part.

Optimisation en dimension infinie

Supposons que l’on dispose d’un modèle qui prévoit l’état xb de l’atmosphère. Cet état xb , appelé « ébauche », est une fonction de la variable spatiale z définie sur un domaine Ω à la surface de la Terre et représente une approximation du « vrai » état de l’atmosphère xt . Cette approximation peut être corrigée à l’aide d’« observations» dont on suppose l’existence d’une représentation continue notée yo (figure 1.7). Notons X l’espace du modèle et Y l’espace des observations :

( xa , xb) ∈ X²
yo ∈ Y.

Sauf cas particulier, il n’y a pas de raison pour que les espaces X et Y contiennent les mêmes types de fonctions. En effet, les variables habituellement manipulées par le modèle sont des champs météorologiques comme le vent, la température, la pression de surface ou le géopotentiel. La prise en compte des liens entre ces variables est expliquée dans Derber and Bouttier [1999], Dee et al. [2011]. A l’inverse, les observations contiennent des informations très diverses, allant des champs météorologique aux radiances des  satellites. On a donc en général X ≠ Y. De plus, cette distinction permettra d’inclure X et Y dans des espaces de Sobolev de régularités différentes.

L’enjeu de l’assimilation de données variationnelle est alors de trouver l’état xa , appelé « analyse », qui soit le meilleur compromis entre les deux sources d’information xb et yo . On cherche donc à minimiser à la fois l’écart à l’ébauche (xa− xb ) et l’écart aux observations (H(xa ) − yo ). Dans cette dernière expression, H désigne l’opérateur d’observation qui associe à tout état x ∈ X le champ y ∈ Y qui serait observé par le réseau d’observation si x était le vrai état de l’atmosphère :

H : X → Y.

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Table des matières

Introduction
I Aspects d’analyse fonctionnelle
1 Opérateurs de corrélation en assimilation de données
1.1 Opérateurs de covariance
1.1.1 Espaces de fonctions et de distributions
1.1.2 Fonctions et opérateurs de covariance
1.1.3 Fonctions de corrélation de Matérn
1.1.4 Corrélation inverse et diffusion
1.2 Assimilation de données
1.2.1 Optimisation en dimension infinie
1.2.2 Du continu au discret
1.2.3 Fenêtres d’assimilation et aspects temporels
1.2.4 Formulation incrémentale
1.3 Résolution du problème variationnel
1.3.1 Formulations primale et duale
1.3.2 Formulation point-selle
1.4 L’essentiel du chapitre
2 Traitement de la diffusion par la méthode des éléments finis
2.1 Généralisations de l’équation de diffusion homogène
2.1.1 Diffusion hétérogène
2.1.2 Diffusion généralisée
2.2 Formulation faible de l’équation de diffusion
2.2.1 Formulation faible
2.2.2 Cyclage et propriétés mathématiques
2.3 Familles d’élements finis et degrés de liberté
2.3.1 Eléments finis de type Pk
2.3.2 Formules d’intégration P1
2.4 Aspects de convergence
2.4.1 Stabilité de la diffusion implicite
2.4.2 Convergence en espace
2.5 Assimilation des dérivées du champ d’observation
2.5.1 Du champ dérivé à la diffusion : formulation continue
2.5.2 De la diffusion au champ dérivé : formulation discrète
2.5.3 Discussion
2.6 L’essentiel du chapitre
II Vers les maillages non structurés
3 Etude sur des maillages structurés
3.1 Structure de la réponse
3.1.1 Profils des matrices en éléments finis
3.1.2 Comparaison avec le modèle théorique
3.2 Introduction de la condensation de masse
3.2.1 Principe de la condensation de masse
3.2.2 Diagonalisation par quadrature
3.2.3 Comparaison avec le modèle théorique
3.3 Corrections analytiques aux frontières
3.3.1 Solutions analytiques en temps continu
3.3.2 Corrections analytiques
3.4 Synthèse sur la spécificité des maillages structurés
3.5 L’essentiel du chapitre
4 Application aux données du sondeur Seviri
4.1 Présentation des données de Seviri
4.2 Estimation des paramètres de corrélation
4.2.1 Estimation à partir des innovations
4.2.2 Exploitation des dérivées
4.2.3 Ajustement de modèle
4.3 Géométrie du maillage des observations
4.3.1 Génération de maillage
4.3.2 Qualité du maillage
4.3.3 Noeuds de frontière
4.4 Validation des opérateurs de corrélation
4.4.1 Fonctions de corrélation
4.4.2 Test de l’adjoint
4.5 Méthodes de correction de l’amplitude
4.5.1 Normalisation exacte et randomisation
4.5.2 Méthodes avancées
4.5.3 Régression à partir de la qualité du maillage
4.6 L’essentiel du chapitre
Conclusion

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