Opacité de plasmas à haute densité d’énergie et ses applications

La matière qui compose notre environnement habituel se trouve principalement sous forme solide, liquide ou gazeuse. Cependant à haute température, la dissociation puis l’ionisation de la matière conduit à la création de charges que sont les ions et les électrons libres. Cet état de « gaz ionisé » est l’état de plasma. À l’échelle cosmique, les plasmas représentent plus de 99.9% de la matière. Ils sont caractérisés par leur densité de matière ρ ou d’électrons libres ne ainsi que par leur température électronique Te.

Rappel historique

Dans un article intitulé « On the Absorption of Radiation inside a Star » , Eddington (1922) souligne l’importance d’étudier les processus microscopiques se déroulant au sein des plasmas stellaires. L’enjeu est alors d’expliquer comment l’énergie produite au centre des étoiles est transportée jusqu’à leur surface avant de s’en échapper. À partir d’observations d’étoiles géantes et d’un modèle de sphère gazeuse à l’équilibre, il parvient à la conclusion que le coefficient d’absorption radiatif – l’inverse du libre parcours moyen des photons – doit être compris entre 20 et 40 cm−1 à l’intérieur d’une étoile et même peu variable d’une étoile à une autre. Il publie ensuite une étude sur le problème du transfert radiatif, Eddington (1926), s’appuyant sur les premiers calculs des sections efficaces d’absorption d’après un modèle semi-classique élaboré par Kramers (1923) et suite à l’introduction par Rosseland (1924) d’une moyenne harmonique décrivant le transport d’énergie radiative dans le cas où la densité d’énergie radiative est proche de celle du corps noir.

Ces premiers calculs d’opacité négligent les contributions des électrons « lié-lié » selon l’hypothèse qu’elles devraient jouer un rôle mineur. Quarante ans plus tard, elles sont incluses dans les calculs par Moszkowski (1962), et au Los Alamos Laboratory par Cox et Stewart (1962) amenant à des estimations des opacités trois supérieures pour certaines conditions de température et de densité. Dans un premier temps, ces révisions améliorent grandement les modèles stellaires et ont été utilisées internationalement. Malgré cela, certaines propriétés des étoiles restent inexpliquées. À la fin des années 1970, les rapports observés de périodes de pulsations des étoiles variables Céphéides montrent des anomalies avec les prédictions. Ainsi l’origine du « moteur » des pulsations des β-Cephei reste inexpliquée. Simon (1982) suggère que l’explication la plus probable pour résoudre ces deux problèmes à la fois doit être une sous-estimation significative de la contribution des éléments « lourds » (numéro atomique Z > 2 en astrophysique) dans les opacités de Los Alamos. Pour les températures supérieures à 100 000 K, il estime qu’une augmentation d’opacité d’un facteur 2 à 3, tout en maintenant les abondances relatives, permet de satisfaire les observations. L’absence de données sur les transitions atomiques des ions lourds et de confrontation directe avec l’expérience fait cruellement défaut. Dans la décennie qui suit, deux groupes, OP et OPAL, approfondissent indépendamment les calculs d’opacité en enrichissant la physique atomique. Le groupe OPAL a pour objectif principal les intérieurs stellaires, le groupe OP les enveloppes stellaires, mais ces deux groupes finiront par produire des tables complètes. Dans le cadre du programme OPAL (Opacity at Livermore) du Lawrence Livermore National Laboratory, Iglesias et al. (1987) montrent que la prise en compte des transitions ∆n = 0 en couche M augmente considérablement l’opacité du fer dans les proportions requises par Simon. Les travaux de OP (Opacity Project) entrepris par Seaton et al. (1994) et des collaborateurs internationaux parviennent à des conclusions similaires.

En parallèle, des programmes expérimentaux sont lancés pour valider au moins partiellement ces derniers calculs. L’expérimentation bénéficie de la montée en énergie des lasers, fortement incitée par les recherches associées à la fusion par confinement inertiel (FCI). Pour la validation des opacités utilisées dans les modèles stellaires, les efforts des expériences auprès des lasers se concentrent sur l’étude de plasmas homogènes au plus proche de l’équilibre thermodynamique local. Une des manières les plus efficaces pour obtenir ces plasmas consiste à utiliser le chauffage radiatif quasi-planckien d’une cavité irradiée par laser. En 1988, une équipe britannique, Davidson et al. (1988), effectue des premières mesures concernant les transitions Kα de l’aluminium à une température de 40 eV (460 000 K) et à une densité de 0.013 g/cm3 . Au laboratoire de Livermore, Perry et al. (1991) réalisent des mesures similaires sur un plasma d’aluminium à 58 eV (670 000 K) et 0.02 g/cm3 . Ces deux expériences sur un élément léger démontrèrent la faisabilité de l’étude précise des plasmas chauds et denses à l’ETL avec une méthodologie expérimentale bien définie. Nombre d’expériences de la décennie suivante s’en inspireront.

DaSilva et al. (1992) et Springer et al. (1992) réalisent en 1992 les premières mesures sur le fer. Elles ont lieu dans la gamme des XUV où se situent les transitions en couche M, qui n’étaient pas prises en compte avant les années 1980. D’autres mesures analogues sont réalisées sur une installation de type Z-Pinch, Springer (1997), pour des conditions d’enveloppe stellaire.

Au début des années 1990, les mécanismes d’excitation de la pulsation des Céphéides par l’opacité de l’hélium et des β-Cephei par l’opacité du groupe du fer commencent à être établis. Cependant, l’explication des pulsations des β-Cephei de faible luminosité nécessite une révision de leur métallicité (fraction de masse des métaux à un niveau trop important, supérieur à 0.03, Moskalik et al. (1992),Moskalik et Dziembowski (1992). Rappelons qu’en physique stellaire, les « métaux » désignent les éléments de numéro atomique supérieur ou égal à 3. En 1990, Iglesias et al. (1990), d’autres améliorations dans les calculs d’OPAL, suppriment ce désaccord. Avec ces calculs, des modèles d’étoiles de type spectral B prédisent d’autres modes de pulsations de basse fréquence. Ils sont attribués par la suite à une nouvelle classe d’étoiles, les SPB pour Slowly Pulsating Stars, Waelkens (1991), et donnent l’explication la plus probable de l’origine de leur pulsation. Il y a une trentaine d’années, en plus de l’augmentation en énergie des installations lasers, l’invention de la méthode CPA bouleverse la technologie laser. Elle permet de créer des faisceaux laser ultra-intenses en réduisant considérablement les durées d’impulsion en conservant une énergie substantielle. La réalisation pratique conduit à de nouvelles perspectives de recherche, et ainsi les expériences discutées ci-après profitent de la capacité de créer des sources de radiographie brèves.

Motivations

La physique des plasmas

L’étude des propriétés radiatives des plasmas denses et chauds est un sujet complexe qui recouvre de nombreux domaines de la physique. Une modélisation complète d’un plasma créé en laboratoire demande des analyses s’appuyant sur :
– la physique atomique pour calculer les populations d’état, les niveaux d’énergie, les forces d’oscillateurs des ions du plasma;
– la physique statistique pour caractériser la thermodynamique du milieu (température, densité, états d’ionisation…);
– l’hydrodynamique pour connaître l’étendue spatiale du système et son évolution;
– le transfert radiatif pour l’étude de l’interaction d’un champ de rayonnement se propageant dans le milieu et son influence sur l’hydrodynamique dans certaines situations.

Ces différentes études constituent des champs de recherche à part entière avec des prédictions et des calculs théoriques de plus en plus riches vu la complexité des systèmes impliqués. La confrontation de ces modèles avec l’expérience est indispensable.

La physique stellaire

En 1938, le physicien H. Bethe comprit que la luminosité qui s’échappe du Soleil devait être compensée par la production d’énergie qui résulte de l’interaction des particules (hydrogène ou CNO) présentes dans son cœur. Le taux d’interaction est en fait plus faible qu’imaginé au départ car ces particules doivent vaincre la barrière de répulsion coulombienne qui existe entre les charges électriques de même signe. La masse des produits finals du cycle de fusion de l’hydrogène étant un peu plus faible que celle des ingrédients initiaux, la masse manquante se retrouve sous forme d’énergie. Cette énergie produite compense la fuite à la surface qui permet une stabilité de ces objets sur des temps séculaires. Depuis les années 70, le développement des codes numériques d’évolution stellaire a permis de comprendre de nombreuses observations pour une gamme de masses très étendue. L’ensemble de ces codes utilise une physique microscopique très sophistiquée qui suppose une bonne connaissance des propriétés plasmas de la matière stellaire que ce soit pour les réactions nucléaires, pour l’équation d’état ou pour les sections efficaces d’interaction photon matière.

Au cours des dernières décennies, le développement de l’héliosismologie avec le satellite SoHO, et de l’astérosismologie avec COROT et KEPLER, ont fait passer cette discipline d’une vision qualitative des étoiles à une vision très quantitative. Ces disciplines ont conduit à des précisions inégalées sur des quantités telles que la fréquence des modes observés (typiquement 10⁻⁵ pour le Soleil, Turck-Chieze et al. (2001b), Basu et Antia (2008)). La capacité d’extraire un profil de vitesse du son sondant principalement les propriétés microscopiques du plasma solaire et la capacité d’observer les fréquences de vibration de milliers d’étoiles de masse très variable nous a conduit à porter notre attention sur des conditions bien particulières de plasma . Outre la région radiative solaire (encore difficilement accessible aux expériences avec les lasers actuellement en fonctionnement), nous nous sommes investis dans la compréhension de la physique à l’origine de la variabilité de certaines étoiles, cas des étoiles B : β Cephei , étoiles SPB ou présentant des oscillations hybrides… dont l’opacité est au cœur de leur mécanisme de pulsation.

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Table des matières

INTRODUCTION
I Opacité de plasmas à haute densité d’énergie et ses applications
1 Introduction
1.1 Rappel historique
1.2 Motivations
1.2.1 La physique des plasmas
1.2.2 La physique stellaire
1.2.3 La fusion par confinement inertiel
1.3 Note sur les unités
2 Généralités sur les plasmas créés par laser
2.1 Interaction laser-matière
2.2 Description statistique de la matière
2.2.1 L’équilibre thermodynamique global
2.2.2 La distribution Maxwellienne des vitesses
2.2.3 La répartition statistique des électrons
2.2.4 L’équilibre d’ionisation de Saha
2.2.5 L’équilibre thermodynamique local
2.3 Introduction au transfert radiatif dans un plasma à l’ETL
2.3.1 Équation de transfert radiatif
2.3.2 Opacités moyennes
3 Le calcul de l’opacité
3.1 Introduction
3.2 Processus radiatifs élémentaires du plasma
3.2.1 Processus lié-lié
3.2.2 Processus lié-libre
3.2.3 Processus libre-libre
3.3 Les codes de calculs
3.3.1 Le code HULLAC
3.3.2 Le code SCO
4 Les Plasmas Stellaires
4.1 Introduction à la physique stellaire
4.1.1 Quelques temps caractéristiques
4.1.2 L’équilibre hydrostatique stellaire
4.1.3 Le transport de l’énergie du cœur à la surface
4.1.4 Les codes d’opacités OP et OPAL
4.1.5 Les autres ingrédients physiques
4.2 Développement de l’astérosismologie
4.2.1 Cas des étoiles de faible masse M < 1.5M⊙
4.2.2 Cas des étoiles de masse M > 1.5M⊙
4.3 Résumé des motivations et choix des tests stellaires: On plasma radiative properties in stellar conditions
II Étude expérimentale de l’opacité
5 Laser et instrumentation
5.1 L’installation LULI 2000
5.1.1 Les chaînes d’amplification
5.1.2 Faisceau nanoseconde : conversion de fréquence et focalisation
5.1.3 Faisceau picoseconde : compression et focalisation
5.2 Les cibles
5.2.1 Les cavités en or
5.2.2 Les échantillons
5.3 Le spectromètre X à deux voies
5.3.1 Présentation du spectromètre
5.3.2 Alignements des cibles
5.3.3 Fonction de dispersion
5.3.4 Étalonnage spectral
5.3.5 Le film photostimulable
5.4 Le spectromètre XUV à réseau en réflexion
5.4.1 Présentation du spectromètre
5.4.2 Fonction de dispersion
5.4.3 Étalonnage spectral
5.4.4 Résolution spectrale
5.4.5 La caméra à balayage de fente
5.5 Le spectromètre micro-DMX large bande
5.5.1 Présentation du spectromètre
5.5.2 Estimation de la température radiative
5.6 La chambre à sténopé
6 Absorption X du Fe, Ni, Cu & Ge
6.1 Motivations théoriques
6.2 Dispositif expérimental
6.2.1 Principe expérimental
6.2.2 Lasers
6.2.3 Cibles
6.3 Dépouillement des spectres X
6.3.1 Extraction des spectres
6.3.2 Courbes de transmission
6.3.3 Simulation numérique des paramètres plasma
6.4 Analyse des courbes de transmission
6.4.1 Cas du fer
6.4.2 Cas du nickel
6.4.3 Cas du cuivre
6.4.4 Cas du germanium
6.5 Conclusion
6.6 Résultats expérimentaux : publication dans la revue High Energy Density Physics
7 Absorption X du BaF2, Sm & Gd
7.1 Motivations théoriques
7.2 Dispositif expérimental
7.2.1 Lasers
7.2.2 Cibles
7.3 Dépouillement des spectres X
7.3.1 Extraction des spectres
7.3.2 Courbes de transmission
7.4 Analyse des courbes de transmission
8 Absorption XUV du Cr, Fe, Ni, Cu, Ge
8.1 Motivations astrophysiques
8.2 Dispositif expérimental
8.2.1 Lasers
8.2.2 Cibles
8.3 Chauffage des échantillons par deux cavités
8.3.1 Données expérimentales
8.3.2 Simulations du chauffage
8.4 Dépouillement des spectres XUV
8.4.1 Principe du dépouillement
8.4.2 Extraction des spectres
8.4.3 Courbes de transmission
8.5 Analyse des courbes de transmission
8.6 Conclusion
8.7 Motivations astrophysiques et comparaison de codes : Radiative properties of stellar plasmas and open challenges
9 Perspectives
CONCLUSION
Bibliographie

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