Ontogenèse des neurones à kisspeptine chez le rat

La fonction de reproduction est sous le contrôle du cerveau, plus particulièrement, sous le contrôle d’un groupe de neurones situés dans l’hypothalamus : les neurones à GnRH. Ces neurones ont la particularité de sécréter une neuro-hormone : la GnRH (Gonadotropin Releasing Hormone). Les corps cellulaires de ces neurones sont localisés de manière très dispersée dans l’aire pré-optique et/ou dans l’hypothalamus médio-basal selon les espèces. Les neurones à GnRH projettent leurs axones majoritairement vers la zone externe de l’éminence médiane où ils déversent leur neurohormone dans les vaisseaux sanguins du système porte hypothalamo-hypophysaire (Figure 1). La GnRH est alors libérée dans le sang porte de manière pulsatile afin de stimuler les cellules gonadotropes de l’hypophyse. Ces cellules répondent à la GnRH en fonction de la fréquence et de l’amplitude des pulses de GnRH (Levine et al., 1995; Thibault & Levasseur, 2001) en sécrétant deux hormones hypophysaires, la LH (Hormone lutéinisante) et la FSH (hormone folliculo stimulante) (Figure 1). Ces deux hormones hypophysaires stimulent ensuite les gonades femelles et males qui produiront en retour les gamètes : ovules et spermatozoïdes, respectivement ; mais également des hormones gonadiques dont les stéroïdes sexuels. Ces stéroïdes sexuels sont capables de traverser la barrière hémato-encéphalique afin d’exercer un rétrocontrôle positif ou négatif sur la sécrétion de GnRH (Figure 1). La mise en place et la régulation de cet axe au cours des différentes périodes de la vie reproductrice, de l’embryogenèse à l’âge adulte, ont été largement étudiées (Thibault & Levasseur, 2001). Par exemple, il est maintenant admis que l’amplitude et la fréquence des pulses de sécrétion de GnRH varient en fonction des différentes phases de la vie reproductrice, c’est-à-dire au cours des différentes phases du développement et de la maturation de l’axe HHG (Becu-Villalobos & Libertun, 1995; Terasawa & Fernandez, 2001) mais également chez l’adulte au cours des différentes phases du cycle chez la femelle (Clarke et al., 1987; Moenter et al., 1991) . Ces variations sont dues à des régulations des neurones à GnRH par leurs environnements neuronaux via des neurotransmetteurs (GABA, glutamate…) et neuropeptides (NPY, Norépinephrine…)(Terasawa & Fernandez, 2001; Clarkson & Herbison, 2006a). Leur environnement glial joue également un rôle très important au travers de gliotransmetteurs et de molécules d’adhésions comme par exemple la PSA-NCAM (Ojeda et al., 2010) (Tillet et al., 2009; Franceschini et al., 2010)(Annexe 1).

Depuis 2003, la découverte d’un nouveau neuropeptide hypothalamique, le kisspeptine (kp), dans la régulation de cet axe a provoqué une petite révolution dans la recherche sur le contrôle central de la fonction de reproduction. En effet, en 2003, différentes équipes de recherche montrent que des mutations du récepteur au kp, le GPR54 ou Kiss1r (nomenclature suggérée par (Gottsch et al., 2009)) étaient à l’origine de certains cas d’hypogonadisme hypogonadotropique, une maladie caractérisée par une absence d’hormones gonadotropes, LH et FSH, un retard pubertaire et un développement anormal des gonades (de Roux et al., 2003; Funes et al., 2003; Seminara et al., 2003). Ces études suggèrent alors un rôle du système kp/Kiss1r dans le déclenchement de la puberté.

Le kisspeptine : du gène à la fonction 

Le gène Kiss-1 

Le gène du kisspeptine, également appelé métastine, a été découvert en 1996 pour son rôle anti-métastatique au sein de mélanomes chez l’humain (Lee et al., 1996). Une équipe travaillant sur le cancer clone un nouveau gène étudié pour son action suppresseur de métastase : le Kiss1. Il est appelé ainsi en référence à la manufacture de chocolat de la ville d’Hershey, en Pennsylvanie, dont le produit star s’appelle «Hershey Chocolate Kiss» et dans laquelle se trouve le laboratoire de Lee et ses collaborateurs. Malgré son nom évocateur, à ce moment-là rien ne prédisait la découverte quelques années plus tard de son rôle dans la fonction de reproduction. L’équipe de Lee montre la présence par Nothern Blot de l’ARN messager du gène Kiss1 (ARNm Kiss1) dans le placenta en grande quantité et dans les reins en faible quantité (Lee et al., 1996). La présence de l’ARNm Kiss1 a depuis été observé dans de nombreux tissus : le placenta, les gonades, le cerveau, l’hypophyse, les reins, le foie, l’intestin grêle, le cœur et les muscles (Lee et al., 1996; Ohtaki et al., 2001; Castellano et al., 2006a; Gaytan et al., 2009; Richard et al., 2009).

Chez les mammifères, un seul gène a pour le moment été détecté. En revanche, chez les batraciens et les poissons, l’existence de deux gènes a été démontrée : Kiss1 et kiss-2 (pour revue (Oakley et al., 2009)). Dans la suite de ce manuscrit, nous parlerons essentiellement des ARN messagers et des peptides issus du gène Kiss1 chez les mammifères.

Le système kisspeptine/kiss1r 

Biochimie du kisspeptine

En 1996, Lee et ses collaborateurs prédisent à l’aide de la séquence de l’ADN complémentaire de Kiss1 que ce gène coderait pour la synthèse d’une protéine de 164 acides aminés dont la masse moléculaire serait de 18kDa (Lee et al., 1996). Ce n’est que 5 ans plus tard que le précurseur de 145 acides aminés (Aa) de poids moléculaire de 15.6 kDA ainsi que différentes isoformes de kp seront purifiées à partir d’extrait de placenta humains par deux groupes de recherches indépendants chez l’homme (Kotani et al., 2001; Ohtaki et al., 2001). Parmi ces différentes isoformes purifiées, on compte une isoforme longue de 54 Aa (kp-54) ainsi que plusieurs petites isoformes composés de 14 (kp-14), 13 (kp-13) et 10 (kp-10) acides aminés (Figure 2) (Kotani et al., 2001; Muir et al., 2001; Ohtaki et al., 2001). L’isoforme kp10 a également été purifié à partir d’un milieu conditionné provenant de trophoblastes humains en culture (Bilban et al., 2004). La plus longue isoforme, initialement appelée « métastine » pour son rôle d’inhibiteur de métastase (Hori et al., 2001), est composée de 54 acides aminés chez l’humain et sera appelée par Kotani et ses collaborateurs « kisspeptine » (kp) en référence au gène qui permet sa synthèse le Kiss1 (Kotani et al., 2001). Selon les espèces, l’isoforme longue ne possède pas le même nombre d’acides aminés : chez le rat, par exemple, elle est composée de 52 acides aminés (Figure 2). Les dix derniers acides aminés sont extrêmement conservés entre espèces (Figure 3). Actuellement, aucune étude ne montre l’existence de ces différentes isoformes dans d’autres tissus, y compris dans le système nerveux central, ni chez d’autres espèces.

Toutes ces isoformes ont la particularité d’être issues de différents clivages du précurseur sur sa partie N-terminale et d’avoir en commun la partie C-terminale. Cette dernière présente un motif LRF ou LRY qui a la particularité d’être amidé (Figure 3). Il existe de nombreux peptides connus pour posséder un motif identique et qui sont amidés sur leur partie C-terminale. Ils appartiennent à la famille des RF amides : RFRP-1 et -3, neuropeptide FF, neuropeptides AF, PRF (prolactin releasing factor), QRFP (Pyroglutamylated RFamide peptide) (Figure 4) (pour revue (Tsutsui et al., 2010)). Ainsi, le kp appartient lui aussi à cette famille (Figure 4). Le motif amidé est particulièrement immunogène (pour revue (Tsutsui et al., 2010)).

La nomenclature de kisspeptine est conflictuelle entre métastine, qui reste utilisé par les scientifiques étudiant son rôle d’inhibiteur de métastase, et kisspeptine, préféré par les neuroendocrinologistes étudiant son rôle dans la fonction de reproduction. Tout au long de ce manuscrit, nous utiliserons la nomenclature conseillée par Gottsch en 2009 et toutes les isoformes seront présentées comme suit : kisspeptine 54 ou kp-54, par exemple pour la forme longue chez l’humain (Gottsch et al., 2009).

Le GPR54, récepteur au kisspeptine (Kiss1r) 

Le récepteur de kp a d’abord été identifié par une équipe étudiant les récepteurs à la galanine dans le cerveau de rat. Ils trouvent alors un récepteur, qu’ils nomment GPR54, qui partage 45% d’homologie de séquence avec les récepteurs à la galanine et appartient à la famille des récepteurs à 7 domaines transmembranaires couplés aux protéines G (Lee et al., 1999). Ils établissent la première cartographie par hybridation in situ (HIS) des régions cérébrales chez le rat où l’ARN messager du récepteur est retrouvé (Lee et al., 1999). Les auteurs montrent ainsi que le GPR54, Kiss1r, est exprimé dans de nombreuses régions du cerveau de rat mais que la plus haute expression est localisée dans différents noyaux de l’hypothalamus (cf. p.30 partie III. Distribution neuroanatomique de kisspeptine). D’autres études chez l’homme et le rat montrent l’expression de ce récepteur dans des tissus périphériques tels que l’hypophyse, les lymphocytes, le tissu adipeux, le pancréas, le placenta, la moelle épinière, le thymus, l’intestin grêle, le testicule, l’ovaire, la rate, le foie, l’estomac ainsi que chez le fœtus dans le foie et le cerveau (Clements et al., 2001; Kotani et al., 2001; Muir et al., 2001; Ohtaki et al., 2001; Gaytan et al., 2009; Richard et al., 2009) Ces équipes de recherche étudient également l’activité biologique du récepteur trouvant comme nous l’avons présenté plus haut les ligands de ce récepteur : les différentes isoformes de kp, produits du gène Kiss1 découvert 5 ans plus tôt, activent avec la même affinité le récepteur Kiss1r. De plus, les auteurs montrent que la propriété nécessaire à ces ligands pour activer ce récepteur est l’amidation. En effet, les isoformes de kp privées de leur partie C-terminale amidée n’activent pas le récepteur (Kotani et al., 2001; Muir et al., 2001; Ohtaki et al., 2001). En revanche, les autres membres de la famille des RF-amides qui possèdent également le motif amidé en C-term n’activent pas le récepteur Kiss1r excepté à haute concentration (Clements et al., 2001; Kotani et al., 2001; Muir et al., 2001; Ohtaki et al., 2001). Depuis, une étude a montré que les acides aminés en position 6 et 10 de kp-10 étaient essentiels à l’activation du récepteur de kp in vitro et in vivo (Gutierrez-Pascual et al., 2009). Néanmoins, des études récentes ont montré que l’isoforme longue de kp (kp-52 chez le rat et kp-54 chez l’humain) entraine une augmentation plus importante de la concentration de LH et de testostérone que l’isoforme kp-10 chez des rats adulte (Thompson et al., 2006; Mikkelsen et al., 2009; Pheng et al., 2009). A l’heure actuelle, aucune étude n’a démontré la présence des différentes isoformes dans l’hypothalamus ainsi il est difficile de savoir lesquelles de ces différentes isoformes sont biologiquement actives dans ce tissu.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. Préambule
II. Le kisspeptine : du gène à la fonction
II.1. Le gène Kiss1
II.2. Le système kisspeptine/Kiss1r
II.2.a. Biochimie du kisspeptine
II.2.b. Le GPR54, récepteur au kisspeptine (Kiss1r)
II.3. Rôle physiologique de kisspeptine au sein de l’axe HHG
II.3.a. Etudes in vivo d’inactivation du système kisspeptine/Kiss1r
II.3.b. Etudes in vivo d’ injection de kisspeptine
II.3.c. Etudes in vitro
III. Distribution neuroanatomique de kisspeptine
III.1. Localisation des cellules exprimant l’ARN messager du Kiss1 (Figure 5)
III.2. Localisation des corps cellulaires et des fibres immunoréactives pour le kisspeptine (Figure 5)
III.2.a. Localisation des corps cellulaires immunoréactifs pour le kisspeptine (Tableau 1)
III.2.b. Localisation des fibres immunoréactives pour les kisspeptine (Tableau 2)
III.3. Quelles sont les cibles des neurones à kisspeptine?
III.3.a. Les neurones à GnRH
III.3.b. Autres cibles potentielles (Figure 6)
III.4. Co-expression avec d’autres neuropeptides/enzymes de synthèse et récepteurs
III.4.a. Co-expression avec d’autres neuropeptides/enzymes de synthèse (Tableau 3)
III.4.b. Co-expression de récepteurs (Tableau 4)
III.5. Différences sexuelles
III.5.a. Différences sexuelles dans l’expression de Kiss1 et de kisspeptine
III.5.b. Différence sexuelle dans la co-expression et les projections ?
IV. Variations et régulations de kisspeptine à l’âge adulte
IV.1. Variations de l’expression de Kiss1 et de kisspeptine au cours des différentes phases du cycle
IV.1.a. Rappel sur les différentes phases du cycle estriens chez la femelle (Figure 8)
IV.1.b. Variations de l’expression de Kiss1 au cours du cycle (Figure 9)
IV.1.c. Variations de kisspeptine au cours du cycle (Figure 9)
IV.2. Régulations de l’expression de Kiss1 et de kisspeptine par les stéroïdes sexuels à l’âge adulte
IV.2.a. Régulations de l’expression de Kiss1 par les stéroïdes sexuels à l’âge adulte
IV.2.b. Régulation de kisspeptine par les stéroïdes sexuels à l’âge adulte
IV.3. Régulations de l’expression de Kiss1 et de kisspeptine par d’autres facteurs à l’âge adulte
IV.3.a. Régulations de l’expression de Kiss1 et de kisspeptine par la balance énergétique à l’âge adulte
IV.3.b. Régulation de Kiss1 et de kisspeptine par la photopériode à l’âge adulte
IV.3.c. Régulations de l’expression de Kiss1 et de kisspeptine par le stress à l’âge adulte
V. Variations et régulations de kisspeptine au cours du développement
V.1. Variations développementales de l’ARN messager Kiss1 et du kisspeptine
V.1.a. Rappel sur le développement de l’axe HHG (Tableau 5)
V.1.b. Variations développementales de Kiss1 (Tableaux 6 et 7)
V.1.c. Variations développementales de kisspeptine (Tableaux 6 et 7)
V.2. Régulations développementales de l’expression de Kiss1 et de kisspeptine par les stéroïdes sexuels (Tableaux 8 et 9)
V.2.a. Régulations développementales de l’expression de Kiss1 par les stéroïdes sexuels (Tableaux 8 et 9)
V.2.b. Régulations développementales de kisspeptine par les stéroïdes sexuels (Tableaux 8 et 9)
V.3. Régulations développementales de l’expression de Kiss1 et de kisspeptine par d’autres facteurs (Tableau 10)
V.3.a. Régulations développementales de l’expression de Kiss1 et de kisspeptine par la balance énergétique
V.3.b. Régulation développementale de Kiss1 et de kisspeptine par le stress
OBJECTIFS
RESULTATS
CONCLUSION

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