Occupation du territoire et trajectoires de vie
Démarche et dispositif
L’approche du diagnostic agraire a été suivie. Elle se divise en plusieurs étapes, chacune menant à des résultats intermédiaires et préparant l’étape suivante. 1) Enquête exploratoire : Cette phase vise à s’intégrer au village, conduire une analyse du paysage afin de caractériser le SES par : les ressources naturelles (caractéristiques pédoclimatiques, topographie, hydrographie), voies d’accès et infrastructures, modes d’occupation du sol actuels, traces d’occupation et d’activités passées. Tous ces éléments sont localisés sur le territoire villageois et autour, et représentés dans des schémas, blocs diagrammes, transects ou cartes. Des étudiants de l’ULg-Gembloux ont réalisé entre février et avril 2014 sur les deux terrains étudiés : une cartographie participative du territoire villageois, une étude des différentes activités (agricoles, chasse, pêche et cueillette) à travers leur saisonnalité et leur participation au revenu des ménages, et un recensement partiel de la population. L’enquête exploratoire intègre les résultats préliminaires de ces travaux, à l’heure où les phases de travail de terrain de ces étudiants finissaient et les phases d’analyse de leurs données commençaient.
Enquête historique
A partir des données réunies lors de l’analyse spatiale des entretiens de groupes et individuels sont menés pour comprendre l’histoire du village, de ses habitants et de son territoire. Cette enquête aboutit à une compréhension des dynamiques passées et en cours concernant l’utilisation des ressources naturelles, l’occupation des sols et l’agriculture. Les principaux systèmes d’activités actuels sont ainsi identifiés, de même que les principaux acteurs du SES. A la fin de cette étape, une typologie des ménages est définie et une synthèse de l’histoire des villages en lien avec les grandes phases de l’agriculture est préparée.
Analyse technico-économique des systèmes d’activité : il s’agit d’enquêtes individuelles et de groupe par type d’activités agricoles et non-agricoles. Pour les systèmes de culture, les itinéraires techniques sont décrits au cours d’entretiens de groupe, puis précisés au cours d’entretiens individuels lors de l’étape suivante. Cette démarche permet d’obtenir rapidement un modèle représentatif du système de culture, s’écartant de la spécificité des pratiques de chaque agriculteur. Les temps de travaux, matériel, outil, main d’oeuvre, intrants et produits sont spécifiés pour chaque opération technique. Les prix des produits et les coûts des charges, ainsi que l’amortissement du matériel (principalement des outils manuels) sont également spécifiés afin de pouvoir calculer les indicateurs de performance économique de chaque type de système d’activité.
La même démarche est appliquée aux systèmes d’activité non-agricole (chasse, cueillette), dans un premier temps décrits en entretien de groupe, puis détaillés en entretiens individuels. Pour les cultures pérennes, une première étape consiste à identifier les différentes phases de production (préparation de la parcelle, pépinière, plantation, phase immature, phase de croissance de la production, phase de production de croisière, phase de décroissance de la production, arrêt de la production et éventuellement renouvellement de la plantation). Ce travail a principalement concerné le cacaoyer. Pour évaluer les rendements de certaines cultures annuelles et pluriannuelles des pesées et comptages ont été effectués en champs et chez les producteurs. Il s’agit notamment de l’arachide, le macabo, le taro, le maïs et le manioc. Des mesures de densité de semi pour l’arachide, ont été faites dans 20 m² à Ampel à l’aide d’un gabarit de 1 m². 200 tubercules de manioc et 150 tubercules de macabo ont été pesés en sortie de champ, avec une balance de cuisine dans une dizaine de famille. Des mesures de dimensions de champs ont été faites sur 15 champs à Guéfigué, dans ces champs des mesures d’écartement et des comptages ont été réalisées, essentiellement pour les cultures associées. Des comptages ont été réalisés lors de la récolte d’arachide (nombre de gousse par tige pour 300 tiges, nombre de graines par gousse pour 300 gousses, et poids de 1000 grains pour 300 grains). De la même manière une centaine de tubercules de taro, manioc, patate douce et macabo ont été pesés.
Analyse technico-économique des ménages
Elle repose sur une typologie des ménages dont les critères de différenciation ont été définis durant les étapes précédentes. Cinq ménages par type sont interrogés. Avec chaque ménage, les systèmes d’activité décrits précédemment en groupe sont de nouveau abordés afin d’être précisés et confirmés. Le revenu agricole familial est calculé, de même que la participation au revenu du ménage des activités forestières (exploitation du bois, cueillette de PFNL, chasse, pêche), et des autres activités éventuelles. Le coût de la vie est estimé comme le budget minimal dépensé par le ménage pour couvrir les frais alimentaires, vestimentaires, scolaires, et le panier de la ménagère (savon, huile, pétrole…). 5) Analyse des trajectoires : Il s’agit de comprendre comment se font les transitions d’un type de ménage à un autre au cours de la vie. Mais aussi comment les moyens de production (main d’oeuvre, foncier, ressources) et les besoins d’une famille. L’occupation du territoire par la famille au cours de son évolution est aussi étudiée. 6) Restitution des résultats auprès des habitants. Dans chaque village une restitution a été effectuée, à Mindourou devant 50 personnes est à Guéfigué devant 11 personnes. Les objectifs de ces présentations étaient de présenter le travail effectué au village, mais aussi d’obtenir une validation des premiers résultats tout en ajoutant des corrections si nécessaire. Une présentation a aussi été effectuée à l’IRAD à Yaoundé qui est le partenaire local du projet en présence de chercheurs et d’étudiants en agronomie.
Les villages Mindourou, Ampel et Medjoh se situent dans la région de l’Est, dans le département du Haut Nyong, dans l’arrondissement du Dja. Ils sont répartis le long d’une piste en terre, séparés par une distance de 5 à 6 km l’un de l’autre. Mindourou est situé à 66 km d’Abong Mbang et 62 kilomètres de Yaoundé. Le paysage est légèrement vallonné, l’altitude varie entre 664 et 736 mètres. Ancrés au sein de la forêt du bassin du Congo, ces villages sont traversés par de nombreux cours d’eau. Tous ces cours d’eau sont des affluents de la Dja, on en compte 4 entre Mindourou et Ampel, et 4 entre Ampel et Medjoh. Au cours de l’année, la ressource en eau n’est pas limitante, les zones de bas-fond sont peu cultivées, on y trouve beaucoup de palmiers rafia (Raphia Hookerii Palmae). La végétation est très arborée on trouve de nombreux arbres aux abords des villages. En s’éloignant de la piste centrale du village, se trouvent les champs puis la forêt (figure 7). Cette forêt est secondaire, principalement constituée de jachères plus ou moins âgées. Dans la zone cultivée de nombreuses jachères « courtes » de 3 ans sont présentes. Les principales cultures annuelles sont le maïs (Zea mays) et l’arachide (Arachis hypogaea).
Les pluriannuelles sont principalement le macabo (Xanthosoma sagittifolium) et le manioc (Manihot esculent). Les cultures pluriannuelles et pérennes sont aussi présentes en association dans les champs vivriers : le bananier plantain (Musa acuminata) et le palmier à huile (Elaeis guineensis, plus rare). Il existe aussi des cultures pérennes telles que le cacaoyer (Theobroma cacao) et le caféier (Coffea L) (minoritaire) mises en plantations sous ombrage avec parfois des cultures vivrières intercalaires les premières années. Les villages sont construits le long de la route, les habitations sont regroupées en hameaux, correspondant aux familles élargies. Les maisons sont construites en terre avec une structure en bois. Le toit peut être en tôle ou en feuille de palmier raphia. Il existe aussi des maisons construites en béton. Il existe des pistes transversales (vers l’ouest ou l’est) construites par la Pallisco (société d’exploitation forestière) pour exploiter la forêt, l’usage forestier est entièrement réservé à la Pallisco à partir de l’entrée dans l’Unité Forestière d’Aménagement (UFA). Ainsi, une barrière empêche tout véhicule de passer, principalement pour lutter contre l’exploitation illégale de bois et contrôler les chasseurs, en effet, la chasse à visée commerciale est prohibée dans les UFA. L’activité d’élevage est très peu représentée, seuls quelques hameaux possèdent des poules et plus rarement des chèvres. Ceci est dû aux épidémies qui déciment les cheptels régulièrement, de plus les animaux en divagation ont été interdits par la mairie en 2008. La figure 7 suivante présente l’organisation spatiale des 3 villages et du milieu naturel.
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Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Chapitre 1 : Contexte scientifique et méthode
1.Le projet CoForTips
2.Problématique et hypothèses de travail
3.Méthodologie
3.1. Cadre Conceptuel
3.2. Démarche et dispositif
3.3. Analyse économique
Chapitre 2 : Résultats sur le contexte agroécologique et socio-économique
1.Système écologique et social
1.1. Le Cameroun : l’Afrique en miniature
1.2. Environnement naturel dans la zone forestière bimodale
1.3. Mindourou
1.4. Guéfigué
2.Cadre historique
2.1. Au Cameroun
2.2. Contexte socio-économique dans la zone forestière bimodale
3.Accès aux ressources
3.1. Accès aux terres
3.2. Accès aux forêts
3.3. Accès aux ressources forestières non ligneuses
Chapitre 3 : Des systèmes d’activité différents affichant des performances technico économiques et écologiques contrastées
1.Analyse technico économique des systèmes de culture et des activités non-agricoles
1.1. Mindourou
1.2. Guéfigué
2.Analyse économique des ménages
2.1. Typologie des ménages
2.2. Performances économiques des ménages
3.Occupation du territoire et trajectoires de vie
3.1. Mindourou
3.1. Guéfigué
3.2. Comparaison et impact paysager
Chapitre 4 Discussion
1.La cacaoculture à deux échelles très différentes
1.1. Une base historique commune mais 2 trajectoires opposées
1.2. Organisation actuelle des filières agricoles
1.3. Expansion de cacaoyères en forêt dans le Mbam et Nkim et à Mindourou
2.Impact de l’agriculture sur le milieu, le rôle de l’agroforesterie
Conclusion
Bibliographie
Annexes
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