Occlusion veineuse pulmonaire sans fluoroscopie lors de l’ablation de fibrillation atriale par cryothérapie

Critères de jugement et analyses statistiques

              Les caractéristiques des patients et des procédures ont été comparées entre les deux groupes définis par la technologie de cryoablation utilisée. Les paramètres biophysiques des procédures ont été analysés par veine traitée et comparés entre les groupes. Le critère de jugement de succès immédiat de l’ablation était l’isolation de la veine en un tir. Toutes les variables qualitatives sont exprimées en nombres et pourcentages. Les variables quantitatives continues à distribution normale sont présentées sous formes de moyenne ± l’écart type, et comparées par un t-test de Student ; les variables quantitatives continues dont la distribution ne suit pas la loi normale, sont présentées sous forme de médiane (25ème ; 75ème percentile) et ont été comparées par le test non paramétrique de Mann Whitney. La distribution normale des variables a été évaluée par un test de Shapiro-Wilk. Des analyses univariées et multivariées selon un modèle de régression logistique binaire ont été réalisées pour mesurer l’association entre des variables et un critère de jugement. Les variables ayant une valeur de p<0.20 en analyse univariée ont été introduites dans le modèle selon la méthode descendante de Wald. Plusieurs modèles ont été construits pour tenir compte des variables significativement corrélées par les tests de Spearman ou Pearson selon le critère de normalité. La performance diagnostique des paramètres biophysiques de l’ablation pour la prédiction du critère de jugement a été évaluée en calculant l’aire sous la courbe (ASC) de la courbe Receiver Operator Characteristic (ROC). Toutes les analyses ont été effectuées en utilisant le logiciel SSPS, version 23.0 (IBM SPSS Statistics for Windows, IBM Corp., Armonk, NY, USA). Une différence statistiquement significative est marquée par une valeur de p<0.05.

Population

                   Cette étude monocentrique, prospective et non randomisée a été réalisée au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de Caen sur une période de 15 mois, de mars 2020 à mai 2021. Le protocole de l’étude a reçu un avis favorable du Comité Local d’Éthique de la Recherche en Santé du CHU de Caen Normandie le 31/07/2019 (ID n°710). Tous les patients ont reçu une feuille d’information la veille de leur intervention, puis ont été inclus de manière prospective en l’absence de critères d’exclusion. L’indication de cryoablation a été posée par un rythmologue, en accord avec les recommandations en vigueur (10,13), en expliquant les modalités de la procédure, les bénéfices attendus et les risques encourus. Ainsi, les patients âgés de plus de 18 ans, présentant une FA paroxystique ou persistante de moins d’un an, ont été programmés pour une IVP par cryothérapie, sous anesthésie générale avec ventilation assistée. Ils devaient être francophone et affiliés au régime de la sécurité sociale. Les principaux critères d’exclusions comprenaient l’impossibilité d’une anesthésie générale (contre-indication médicale, refus du patient), femme enceinte ou allaitante, indication à une procédure par RF, allergie au PCI, antécédents de chirurgie pulmonaire, anatomie non modale des VP (tronc commun gauche ou droit, diamètre ostial <10 mm ou >35 mm), insuffisance rénale sévère (DFG <30mL/min). L’objectif principal de l’étude est de comparer les différents indicateurs biophysiques peropératoires et les méthodes d’évaluation de l’occlusion veineuse pulmonaire sans fluoroscopie entre deux systèmes de cryothérapie, lors d’une IVP par cryothérapie chez des patients présentant une FA paroxystique ou persistante. Les objectifs secondaires sont la corrélation entre les paramètres biophysiques de l’ablation et un critère d’efficacité per-opératoire qu’est l’isolation en un tir de la VP, et l’évaluation de l’impact de la courbe d’apprentissage avec un nouveau matériel.

Expérience des opérateurs

                 Pour tenter de s’affranchir d’un possible manque d’expérience des opérateurs lors de l’utilisation du nouveau système de cryothérapie, des analyses statistiques ont été effectuées en enlevant les cinq premières procédures de chaque opérateur avec le système Px, représentant la courbe d’apprentissage du système. Ainsi, 18 procédures ont été retirées du groupe Px, soit un total de 72 veines (Tableau 7). En tenant compte de cette courbe d’apprentissage, le TTI reste plus court dans le groupe AFA que dans le groupe Px (58sec (28 ; 92) versus 65sec (42 ; 145), p=0.023). Cependant, le TTI est plus court d’environ 10 secondes dans le groupe Px comparé aux résultats avant la courbe d’apprentissage (65sec versus 74sec). Les taux de déconnexion en moins de 60 secondes et de 90 secondes ne sont pas différents entre les groupes AFA et Px (p=0.744 et p=0.204). On ne note pas non plus de différence sur le nombre de tir par veine entre les deux groupes (p=0.131). La présence de signal veineux est plus importante dans le groupe Px (71.4% versus 59.1%, p=0.07). Le nombre d’IVP en un tir est plus élevé dans groupe AFA (89% versus 79.8%, p=0.055), avec une différence à la limite de la significativité. Par ailleurs, le nombre d’IVP en un tir augmente dans le groupe Px après la prise en compte de la courbe d’apprentissage (79.8% versus 76.9% avant expérience). La température minimale (-57° (-61 ; -53) versus -50°C (-54 ; -43), p<0.001) et la température à 30 secondes (-36°C (-40 ; -33) versus -29°C (-33 ; -25), p<0.001) restent plus basses dans le groupe Px, et le temps de réchauffement (51sec (38 ; 64) versus 40sec (30 ; 60), p=0.004) plus long. Aucun paramètre de capnographie n’est statistiquement différent entre les deux groupes après prise en compte de la courbe d’apprentissage. La dPV n’est également pas différente entre les deux groupes (p=0.541).

DISCUSSION

                  Dans cette étude, nous avons analysé les caractéristiques procédurales et les paramètres d’évaluation non fluoroscopiques de l’occlusion veineuse pulmonaire de deux systèmes de cryothérapie pour l’ablation de FA. Nous avons mis en évidence que la différence de PVP et les paramètres de capnographie sont associés au résultat de l’ablation évalué par l’IVP en un tir en analyse univariée, avec des différences entre les deux types de cryothérapie concernant les paramètres biophysiques de l’ablation. Les caractéristiques des 80 patients à l’état initial sont comparables dans les deux groupes. Elles sont semblables aux études sur l’ablation de FA : les patients sont essentiellement des hommes, d’âge moyen, avec des facteurs de risques cardiovasculaires (HTA, diabète, obésité, dyslipidémie). Plus de procédures ont été réalisées pour des FA persistantes de moins d’un an (58.8%), pour lesquelles la cryothérapie est une technique efficace (22,23). L’utilisation des AOD est quasi systématique (92.5% des patients) en comparaison aux AVK. Les durées des procédures et de scopie sont significativement plus longues avec le système Px témoignant probablement d’un phénomène de courbe d’apprentissage avec ce nouveau système. En effet, cette technologie a été introduite dans notre centre au moment de l’inclusion des patients dans l’étude. Le taux de complications est faible et comparable dans les deux groupes confirmant la sécurité des procédures de cryothérapie avec le système Px, comme l’ont déjà montré les quelques séries publiées (43–46). Dans notre étude, l’évaluation de l’occlusion veineuse pulmonaire est basée sur la différence de PVP associée aux modifications de la courbe de PVP, déjà décrit par Sunaga et al (32). Lors de l’occlusion complète de la VP, on observe une modification de la courbe de PVP passant d’une courbe de pression atriale gauche (petites ondes atriales et grandes ondes ventriculaires) à une courbe de pression d’artère pulmonaire (disparition des ondes atriales et augmentation simultanée de la pente et de l’amplitude des ondes ventriculaires). Lorsque le patient est en FA, il n’y a pas d’ondes atriales et une attention particulière doit être portée aux modifications des ondes ventriculaires (30,31). Un changement de PVP moyen plus important est également prédictif d’une occlusion complète de la VP, avec une valeur seuil de 4.5 mmHg (32). Le dPV moyen de notre étude est de 7.5 mmHg, sans différence significative entre les deux groupes et en cohérence avec les données de la littérature (32). La température minimale et le temps de réchauffement sont deux paramètres associés à l’efficacité d’un tir de cryothérapie et une isolation durable de la VP (28,42), et par extrapolation, à une occlusion complète de celle-ci. Dans notre étude, le système Px présente un nadir de température plus bas, une température plus basse à 30 secondes, et un temps de réchauffement jusqu’à 20°C plus long que le système AFA. Ces résultats concordent avec ceux des études comparant les deux systèmes (43,45,46). Les températures au temps d’isolation sont également plus basses avec le système Px (45). Les capteurs de température (thermocouples) ont une position similaire sur les cryoballons (Figure 3). Certains auteurs suggèrent que la compliance du ballon Px pourrait rapprocher le thermocouple de la zone de refroidissement (Figure 4) (46). D’autres estiment que ballon Px délivrerait potentiellement une énergie plus faible ou, que sa position plus antrale liée à sa souplesse, nécessiterait plus d’énergie afin de traiter plus de tissus (45). Enfin, la matière du ballon Px semi-élastique en thermoplastique pourrait posséder des propriétés physiques différentes nécessitant une température plus basse pour transmettre la cryo-énergie à la surface externe du ballon. Les effets de ces températures plus basses ne sont pas connus sur le long terme. Même si la température du ballon ne reflète pas forcément la température des tissus, ces données justifient une utilisation prudente et peuvent faire reconsidérer la durée des tirs avec le système Px afin de déterminer le bon dosage de cryoablation de ce système. Le temps de réchauffement plus long peut s’expliquer par la température minimale plus basse, mais aussi par des lésions cellulaires plus importantes. La relation entre temps de réchauffement plus long et isolation durable de la veine avec le système Px n’est pas connue au long cours. Dans notre cohorte, les potentiels veineux sont plus souvent visibles dans le groupe Px, et après prise en compte de l’expérience la différence de recueil du signal augmente entre les deux groupes et tend vers la significativité (Px=71%, AFA=59%, p=0.07). De même, Tilz et al. et Yap et al. ont rapporté une différence significative de visibilité de potentiels veineux en faveur du système Px (43,46). Ces résultats sont intéressants car la présence de signal veineux est un enjeu de l’ablation par cryothérapie : il permet d’attester de l’IVP. Le nouveau système Px présente des particularités technologiques propres : une gaine avec un angle de déflection de 155°, permettant à priori un meilleur accès aux VP droites ; et deux types de ballons : un nez court pour plus de signal et un nez long pour plus de stabilité. De plus, une couche d’isolation supplémentaire est présente sur le PolarmapTM permettant d’atténuer le bruit et une meilleure visualisation du signal lors du refroidissement du cathéter. Des études ont permis de montrer que le TTI était associé à une isolation durable de la veine, notamment si il est inférieur à 60 secondes (38,39). Dans la cohorte entière, le TTI est significativement plus court dans le groupe AFA que dans le groupe Px. Ces résultats sont discordants avec ceux présentés dans d’autres études. En effet, Tilz et al. (43) et Yap et al. (46) ont montré une absence de différence de TTI entre les deux systèmes, sans tenir compte de la courbe d’apprentissage. Au décours de l’occlusion veineuse pulmonaire, nous avons mis en évidence une diminution de l’ETCO2. L’ETCO2 correspond à la concentration télé-expiratoire de CO2. Son monitoring est une méthode de surveillance standard des patients intubés et ventilés sous anesthésie générale (47). Sous conditions d’une ventilation pulmonaire constante, le monitorage de l’ETCO2 peut être utilisé comme un indicateur du débit cardiaque. Les facteurs affectant l’ETCO2 sont le métabolisme du CO2, la perfusion sanguine et la ventilation pulmonaire. Cette diminution de l’ETCO2 lors de l’occlusion veineuse pulmonaire a été décrite par Hoyt et Lim (36). Elle peut être expliquée, à débit cardiaque constant, par une inadéquation de ventilationperfusion lors de l’occlusion de la VP. Toute diminution de la perfusion pulmonaire, revient en effet à augmenter l’espace mort alvéolaire et entraine une diminution rapide de l’ETCO2. Les variations des différents paramètres de capnographie sont plus importantes dans le groupe AFA, toutes veines confondues, que dans le groupe Px. Le manque d’occlusion complète de la veine, liée à la nouveauté du matériel Px et ses caractéristiques techniques propres (ballon isovolume et manipulation moins rigide) pourrait expliquer cette différence. Nous avons choisi comme critère d’efficacité de la cryoablation au ballon le taux d’IVP en un tir. Le pourcentage d’IVP en un tir est plus élevé dans le groupe AFA (89% versus 76.9% dans le groupe Px, p=0.004). A titre de comparaison, l’IVP en un tir avec le système Px était de 74% dans la première étude d’efficacité et de sécurité (44). Creta et al. (45) ont également retrouvé un nombre plus élevé de tentatives de tirs dans le groupe Px, notamment lors de l’isolation des VP droites, et plus particulièrement au niveau de la VPSD. Il peut exister une sous-estimation du nombre de veines isolées en un tir dans le groupe Px en lien avec un repositionnement fréquent du ballon lors des premières procédures et la phase d’apprentissage. Le PolarmapTM est également moins rigide que l’AchieveTM, pouvant résulter en un support moindre pour la gaine et le ballon, notamment pour l’isolation des VP droites (45). De plus, il permet un meilleur recueil du signal et donc la visualisation de reconnexion potentiellement ratées par l’AchieveTM entrainant une possible surestimation de l’IVP en un tir dans le groupe AFA (45). Dans la cohorte entière, l’IVP en un tir est associée à des températures à trente secondes et minimales plus basses, un temps de réchauffement plus long, une dPV et une baisse d’ETCO2 plus importantes. La température minimale est associée à l’IVP en un tir de manière indépendante. Une valeur seuil de 6.8 mmHg pour la dPV et de 2.75 mmHg pour le dETCO2 permettent de prédire une IVP en un tir avec une sensibilité et une spécificité autour de 60%. Picket et al. ont mis en évidence une différence significative de chute d’ETCO2 entre les patients en rythme sinusal à un an et ceux présentant une récidive de FA. Cependant, ils ont également rapporté des baisses d’ETCO2 plus faibles lors de l’isolation des VP inférieures, en lien avec une sous-ventilation des lobes inférieurs lors d’une ventilation en volume contrôlé en décubitus dorsal (37). Ainsi, cette méthode d’évaluation de l’occlusion veineuse, par baisse de l’ETCO2 et son seuil de variation, doit être utilisée avec prudence. Nous avons rapporté un taux plus élevé d’IVP en un tir dans le groupe AFA et analysé ces tirs dans chaque groupe. Les températures minimales sont significativement plus basses et les temps de réchauffement significativement plus longs lors de l’IVP en un tir comparé à l’IVP en plus d’un tir, et cela dans chacun des groupes. Dans le groupe AFA, la dPV est associée de manière indépendante à l’IVP en un tir. Les paramètres d’ETCO2 diminuent de manière plus importante lors de l’IVP en un tir, y compris la vitesse de baisse d’ETCO2 (dETCO2/dt), ce qui est semblable à la cohorte entière. Cela confirme les résultats d’une autre étude (37) où la baisse des paramètres d’ETCO2 survient principalement dans les 60 à 90 premières secondes. Ainsi, une absence de baisse d’ETCO2 dans les 60 secondes du début du tir doit aider l’opérateur, avec l’aide des autres paramètres per-opératoires, à stopper un essai infructueux. Ces deux paramètres (dPV et dETCO2) peuvent donc permettre une évaluation multiparamétrique non fluoroscopique de l’occlusion veineuse pulmonaire lors des tirs efficaces avec le système AFA. Cependant, nous n’avons pas d’explication claire à cette absence de différence de PVP et de dETCO2 entre les isolations en un tir et celles en plus d’un tir dans le groupe Px. Il est possible que les particularités structurelles du ballon Px (compliance, isodiamètre, isopression) rendent compte de ces différences avec le ballon AFA. Ces paramètres indirects d’évaluation de l’occlusion veineuse pulmonaire ont donc possiblement un intérêt moindre avec cette technologie. Cependant Kühne et al. ont rapporté récemment la possibilité de réaliser des procédures d’IVP en cryothérapie sans monitoring de l’occlusion veineuse, avec un gain de temps de procédure, de durée et de dose de fluoroscopie ; sans différence de maintien en rythme sinusal à un an (48).

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Table des matières

Introduction
Matériel et méthodes 
1. Population
2. Systèmes de cryoablation 
3. Procédures
4. Critères de jugement et analyses statistiques
Résultats 
1. Population 
2. Procédures 
3. Résultats selon l’isolation veineuse pulmonaire 
4. Expérience des opérateurs 
Discussion
Conclusion
Bibliographie
Annexes

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