Si l’égalité des conditions est l’une des caractéristiques principales de la démocratie, l’école est considérée comme un des principaux catalyseurs par excellence de cette égalisation. En effet, l’école est vue comme le moyen qui permettrait à chacun d’atteindre la position qu’il aurait souhaité dans la société. En d’autres termes, à l’idée d’école est reliée celle de « méritocratie » c’est à dire d’ un système où chaque individu, de par son parcours scolaire et ses compétences, « pourra accéder aux situations qu’il désire dans des conditions de concurrence complètement ouverte, ne faisant intervenir que les aptitudes et les capacités ». L’éducation permettrait ainsi de lutter contre tout statut assigné ou hérité de naissance, en donnant à chacun la chance de connaître une mobilité sociale dans la société. Ce qui permettrait à tous, sans distinction de classes, d’avoir accès, aussi bien à l’éducation fondamentale qu’à l’enseignement supérieur. La gratuité des écoles et des universités publiques a été ainsi faite. Non seulement l’école a été démocratisée mais encore, elle est désormais considérée comme la condition sine qua non de la démocratie.
Ainsi, devenir médecin, pilote ou encore ingénieur répond à la question du «pourquoi aller l’école ? ». La réponse devient largement plus floue cependant s’agissant de la question « comment apprendre ? » Mais comment en effet ? Comme réponse, le sens commun dira qu’il faut pour cela : se lever tôt, apprendre ses leçons, faire ses devoirs, être sage, etc…bref toute une panoplie de règles et de conduites qui constitue des remèdes de bonnes femmes, remèdes qui sont loin d’être efficaces, d’être la panacée à toute les difficultés d’apprentissage. Pour notre part cependant, répondre à ce questionnement de départ exige une rupture épistémologique (…) entre le sens commun et le savoir scientifique . Il s’avère en effet qu’à partir du recensement de la littérature scientifique concernant les difficultés d’apprentissage ainsi que les entretiens avec certains éducateurs, nous pouvons postuler le fait que les facultés d’apprentissage sont liées à des antécédents sociaux. Etant donné cependant que l’éducation en milieu primaire constitue un point central de la transmission et de l’apprentissage des savoirs indispensables à la vie en société, se pencher sur le cas des Ecoles Primaires Publiques (EPP) est fondamental.
Pour ce qui en est de notre présent thème de recherche, il porte justement sur la sociologie de l’éducation, notamment sur le sujet suivant : « Obstacles à l’appropriation du savoir scolaire et milieu social. Cas des cours de soutien scolaire des classes CP1 et CP2 des EPP Antanimena II et Antanimena III». En effet, face aux problèmes liés à l’apprentissage en milieu primaire dans les EPP Antanimena II et Antanimena III , l’ONG INTERAID, par l’intermédiaire de l’association KOZAMA, effectue des cours de soutien destinés aux élèves des classes CP1 , CP2 et CE qui connaissent des difficultés d’apprentissage pendant leur parcours scolaire.
Il est à savoir en effet qu’au sein des EPP, une classe n’a cours qu’une demi-journée par jour alors que dans les écoles privées les cours se font à temps plein (matin et après-midi). C’est justement pour remédier à ce manque, et dans les horaires et dans les qualités de l’enseignement, que l’ONG INTERAID propose des cours de soutien deux fois par semaine pour chaque classe. Cela, de façon à ce que les élèves puissent passer toute la journée en classe. L’enseignement pendant ces cours de soutien est, pour sa part, basé sur l’Approche par les compétences (APC) et se fait de façon ludique pour une mise en situation de l’élève. Par ailleurs, ces cours sont dispensés par des éducateurs spécialement formés par l’INTERAID. Quant à l’efficacité de ces méthodes, elle est hautement considérable vu que depuis l’existence des cours de soutien, les taux de passage des EPP y participant a augmenté en moyenne de 40%.
Les évolutions des systèmes d’enseignement
La période Pré-coloniale (avant 1896)
Le Sud-Est de Madagascar, plus particulièrement la partie Antemoro, sera une des premières zones de l’île à bénéficier des premières écoles de par la présence de la culture arabico-malgache. La forte influence islamique dans cette zone de l’île explique en effet l’implantation des écoles coraniques. Réservées à l’aristocratie, ces écoles seront les lieux d’apprentissages des Sora-be ou écriture arabico-malgache, de l’astrologie et bien sûr du coran. Par la suite, en 1820, le contexte socio-politique dans l’Océan Indien sera favorable à l’arrivée de représentants de la couronne britanniques sur les hautes terres pour établir un accord avec Radama I. En effet, il se trouve qu’avec cette date coïncident les désirs de Robert Farquhar d’ « étendre l’influence britannique, employer la puissance du roi pour contrecarrer les velléités françaises et obtenir l’arrêt de la traite d’esclaves » et les souhaits du Roi Radama I (1810 à 1828) de chercher « l’aide des étrangers pour accroître sa puissance, transformer son peuple et étendre sa domination à l’île entière ». La mission de la London Missionnary Society (LMS) correspondra justement avec cet intérêt réciproque. Par conséquent, dans l’ambassade chargée par le Gouverneur de l’île Maurice pour entamer la relation Malgacho-Britannique en 1820, prendra part un membre de la LMS : David Jones.
Ainsi, bénéficiant du soutien de Radama I, les missionnaires de la LMS ouvriront la première école d’Antananarivo en 1820 : la Royal school qui sera réservée à la noblesse. Par la suite, l’arrivée d’autres missionnaires de la LMS : David Griffiths en 1821 et Jeffreys en 1823, permettra la construction et l’ouverture de nouvelles écoles qui ne seront plus seulement destinées aux membres de la famille royale mais aussi aux enfants des roturiers de la ville d’Antananarivo. Plus tard, l’avènement de Radama II en 1861 sera favorable à l’installation d’écoles catholique à Antananarivo. Ce roi, à l’opposé de Ranavalona I (Reine de 1828-1861) qui l’a précédée et qui a persécuté les étrangers au cours de son règne, aura une politique d’ouverture, voire même de rupture avec la tradition . Cette ouverture avec les occidentaux a permis d’ailleurs à la mission catholique de construire des écoles dans la ville d’Antananarivo à l’instar des sœurs Saint Joseph de Cluny qui fonderont une école pour les filles.
La Période coloniale (1896-1960)
Le prétexte des occidentaux concernant la colonisation est une obligation morale de civiliser les peuples. En effet, loin d’une perspective relativiste des cultures, pour les occidentaux de l’époque, culture et civilisation étaient synonymes. On serait tenté de croire à cette entreprise civilisatrice avec la création des écoles à Madagascar pendant cette période (1896-1960). Cependant, les écoles étaient instrumentalisées pour des finalités qui ne concernaient pas le peuple malgache. Dissimulées derrière ce prétexte de civilisation, les écoles servaient en fait et de forces productives et de production de forces productives (main- d’œuvre) pour satisfaire les besoins de la métropole. L’école ne formait en aucun cas les malgaches à occuper des postes supérieurs. Au plus loin, un malgache terminant son parcours scolaires serait subalterne car tous les postes supérieurs dans le système colonial étaient destinés aux français. Par ailleurs, les contenus d’enseignement étaient en déphasage avec le contexte malgache car contenus et méthodes d’enseignement étaient en effet en français et de la France. Actuellement, nombreux encore sont ces sexagénaires qui se souviennent de la fameuse phrase de leur cours d’histoire : « nos ancêtres les gaulois », sans parler de ces cours de géographie où l’on devait y apprendre Seine, Garonne et Côte d’azur par cœur sans pour autant savoir ce dont il s’agissait vraiment. Ce sera d’ailleurs un problème dont les systèmes éducatifs à venir hériteront et héritent encore à Madagascar.
La Première République (1960-1972)
Bien que la première République fera connaître au système d’enseignement ses premières réformes à l’exemple de l’ouverture des universités et des grandes écoles aux bacheliers malgaches, il est évident, vu le récent contexte de l’indépendance, que le système d’enseignement de cette époque soit encore celui hérité de la colonisation française. Effectivement, tout comme lors de la colonisation, la priorité du système éducatif était fixée sur les savoirs et les contenus enseignés et avait pour objectif de former des fonctionnaires subalternes, manipulables, exécutants . A titre d’exemple, citons le cas de la langue française qui demeure la langue d’enseignement et du calendrier scolaire qui reste calqué sur celui de la France.
La deuxième République (1962-1990)
La loi n°78-040 portant cadre général de l’éducation et de la formation se présente comme une réforme majeure du système éducatif malgache en phase avec l’orientation socialiste de la politique de l’Etat malgache au cours de la IIè République. Ce sera alors dans la finalité de « la construction d’une société socialiste décentralisée » que seront implantées, d’après l’Article 8 , différentes catégories d’établissement d’enseignement en fonction des circonscriptions administratives :
– l’Ecole Primaire Publique au niveau du Fokontany ;
– le collège d’Enseignement Général au niveau du Firaisampokontany ;
– le lycée au niveau du Fivondronana ;
– l’université au Niveau du Faritany.
De plus, la malgachisation, définie « en ce domaine comme l’adaptation des besoins et objectifs nationaux des programmes et des méthodes pédagogiques implique l’utilisation de la langue malgache comme langue d’enseignement ». C’est d’ailleurs dans cette optique que seront mises en place des commissions nationales, régionales et spécialisées afin de réaliser des recherches sur l’élaboration du malgache en commun et des termes techniques relatifs aux disciplines enseignées à tous les niveaux. Toutefois, bien que l’ambition était présente de former des jeunes opérationnels, aussi bien des subalternes (en grand nombre) que des cadres (moins nombreux), les programmes sont restés centrés sur les contenus.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE AUX ABORDS DE L’OBJET D’ETUDE
CHAPITRE I : HISTORIQUE DE L’EVOLUTION DE L’ENSEIGNEMENT A MADAGASCAR
CHAPITRE II : CADRE THEORIQUE
CHAPITRE III : L’OBJET D’ETUDE EN QUESTION
DEUXIEME PARTIE CONSTATS EMPIRIQUES DU REEL A ETUDIER
CHAPITRE IV : RESULTATS DES OBSERVATIONS DES COURS DE SOUTIEN
CHAPITRE V : PRESENTATION DES DONNEES QUANTITATIVES
CHAPITRE VI : CODIFICATION DES INFORMATIONS ACQUISES LORS DES ENTRETIENS
TROISIEME PARTIE LES ANTECEDENTS SOCIAUX AU PROBLEME DE L’APPROPRIATION DU SAVOIR SCOLAIRE
CHAPITRE VII : VALIDATIONS DES HYPOTHESES
CHAPITRE VIII : CRITIQUES ET PROSPECTIVES
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
TABLES DES MATIERES