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Fonctionnement du dispositif Jaune
Lorsqu’il est confronté à un enfant TSA en grande difficulté, l’enseignement réfèrent du secteur, qui est le professionnel garant de la cohérence et de la continuité du projet personnalisé de scolarisation des enfants handicapés, alerte l’éducation nationale. Après concertation et accord de l’ARS, si le profil de l’enfant correspond, celui-ci intègre le dispositif Jaune dès la rentrée scolaire suivante.
Ce projet à court terme, mené pendant un an de septembre à juillet, est établi en fonction de la demande de l’enseignant, des parents mais aussi du GEVA-sco dont l’abréviation signifie guide d’évaluation des besoins de compensation en matière scolarisation. Il s’agit d’un outil qui regroupe les compétences et les difficultés de l’enfant qui subsistent aux aménagements éventuellement déjà mis en place. Celui-ci est rempli par l’ensemble des professionnels intervenant auprès de l’enfant lors d’une réunion d’équipe de suivi de scolarisation (ESS) et en présence des parents. (Qu’est-ce que le GEVA-sco ?, 2022)
Organisation spatio-temporelle
Le dispositif s’organise cycliquement autour des périodes scolaires soit globalement sur des intervalles de six semaines :
– Les quatre premières semaines l’enfant est accueilli et pris en charge deux jours par semaine dans la classe spécialisée du dispositif que l’on nommera « classe Jaune » et qui est installée dans une école extérieure. Le reste du temps il va dans son école de secteur éventuellement assisté d’un Accompagnant d’Elève en Situation de Handicap (AESH), sur les créneaux qui lui sont octroyés.
– Les deux semaines avant les vacances scolaires, sur deux demi-journées, ce sont les professionnels du dispositif qui se déplacent pour voir l’enfant évoluer dans son école de secteur. Le reste du temps l’enfant poursuit son emploi du temps habituel dans sa classe de secteur.
– Ce cycle se termine par les deux semaines de vacances scolaires
Intérêts de la journée en classe Jaune
L’accueil au sein de la classe Jaune à plusieurs intérêts.
Tout d’abord, accueillir l’enfant toute la journée, dans un contexte similaire à celui de la classe de secteur à l’avantage de donner du poids aux interventions. Effectivement, contrairement aux professionnels de santé exerçant en libéral ou en structure qui proposent des aménagements aux enseignants sans les avoir essayés en conditions réelles, les professionnels du dispositif Jaune ont l’opportunité de tester et d’affiner leurs conseils dans un système classe proche du quotidien des enfants concernés. Cette équipe étant pluridisciplinaire, il lui est plus aisé de pouvoir appréhender l’enfant dans son entièreté : cela favorise la multiplication des hypothèses concernant son fonctionnement et les adaptations nécessaires à sa bonne intégration dans la classe de secteur. Ainsi, les professionnels du dispositif Jaune ne s’imposent pas en tout-sachant mais en professionnels qui se questionnent et s’ajustent d’où une meilleure adhésion de l’enseignant qui se sent compris.
En outre, en plus de trouver des adaptations directement transposables en classe de secteur, l’accueil au sein de la classe Jaune permet de travailler les prérequis nécessaires à l’intégration scolaire, comme la gestion de la frustration et le respect du cadre, sans lequel le risque d’exclusion est important. (Bertrand et al., 1994)
Effectivement, en classe de secteur, l’enfant devra suivre le rythme du groupe, ce qui peut aller à l’encontre de son rythme personnel et peut engendrer de la frustration de laquelle découle des comportements-problèmes.
Le but, au sein de la classe Jaune, sera d’habituer l’enfant aux cadres et aux règles de l’école. Cela est possible car :
– Le ratio adulte/enfant le permet, contrairement à l’école où la maîtresse à toute une classe à gérer.
– Les professionnels de santé sont formés à l’autisme et à ses particularités, contrairement aux d’AESH qui n’ont pas de formation approfondie dans ce domaine. Ainsi, ils sont plus à même d’objectiver les compétences et les incapacités de l’enfant. Par conséquent, ils pourront plus facilement déterminer quand forcer celui-ci est maltraitant dû à son handicap et quand, à l’inverse, c’est ne pas insister qui est maltraitant car cela impacte ses apprentissages.
Par exemple, forcer un enfant à s’assoir alors qu’il est sujet à des angoisses d’effondrement est différent que de forcer un enfant à s’assoir parce qu’il n’accepte pas la contrainte.
En outre, même si le but du dispositif Jaune n’est pas de remplacer l’école, il est parfois possible d’approfondir les apprentissages scolaires.
Intérêts des interventions à l’école de secteur
L’objectif de l’intervention à l’école de secteur est de pouvoir travailler avec les enseignants et les AESH autour de l’enfant. Comme évoqué précédemment c’est le moment où les professionnels du dispositif proposent les adaptions préalablement essayées au sein de la classe Jaune et qui semblent aider l’enfant.
Plus qu’uniquement expliquer aux enseignants et/ou aux AESH, les professionnels du dispositif leur montrent comment appliquer leurs recommandations avec l’enfant. Effectivement, la démonstration est souvent plus parlante que l’explication orale.
Cependant l’échange n’est pas à sens unique : les AESH et les enseignants font part de leurs observations concernant l’enfant. Il peut s’agir de difficultés sur lesquelles ils souhaiteraient être accompagnés par le dispositif, ou bien des compétences ou des attraits de l’enfant sur lesquels les professionnels du dispositif peuvent s’appuyer dans leur travail avec celui-ci.
Leur rôle est également de rassurer et valoriser le travail entreprit par les professeurs et les AESH qui se sentent souvent démunis face aux difficultés à accueillir un enfant TSA.
Enfin, c’est également un moment où les professionnels du dispositif peuvent observer l’enfant évoluer dans sa classe de secteur, afin d’affiner leur prise en charge avec lui au sein de la classe Jaune.
Place de la psychomotricienne
Compte tenu du cadre spatio-temporel, la psychomotricienne a pris pour parti de ne pas faire de rééducation en séance, mais de s’axer sur de la guidance.
En effet, elle se questionne sur la pertinence de commencer un travail thérapeutique avec l’enfant pour l’arrêter brusquement à la fin de l’année. Ainsi, elle préfère orienter les parents vers des CMP ou des libéraux qui pourront faire un travail de fond et sur le long terme.
Son rôle est donc de traiter les problématiques psychomotrices qui freinent actuellement l’enfant dans son intégration. Pour cela elle fait une observation psychomotrice qu’elle complète, si besoin, avec certains tests psychomoteurs nécessaires à sa prise en charge. Ainsi, souvent elle fait passer le profil sensoriel de Dunn avec les parents et/ou l’enseignant et/ou l’AESH.
Problématique d’intégration
Bien que depuis cette date, il bénéficie chaque semaine de deux ateliers scolaires, et d’une séance de soutient à domicile dispensés par l’association Rouge, Sami n’a pas de structure de référence. Ainsi le reste du temps, il est gardé par sa mère qui n’a pas pu reprendre son travail.
Pour tenter de remédier à cette situation d’isolement, un partenariat entre l’association Rouge et un hôpital de jour (HDJ) s’est construit. Ainsi en septembre 2020, Sami peut intégrer l’HDJ quatre matinées par semaine à la condition que des professionnels de l’association Rouge viennent renforcer l’équipe et s’occuper exclusivement de lui.
Jusqu’alors, Sami participait à un atelier classe avec trois autres enfants et cela lui a permis d’évoluer. Cependant, depuis janvier 2021, Sami semble tester et éprouver les limites. Il tape et agrippe ses camarades, ne semble pas avoir conscience du danger. Il a recours à des comportements auto et hétéro-agressifs et est très agité.
Cela pose problème au niveau de son intégration au sein de l’HDJ.
Bilan Psychomoteur
C’est dans ce contexte, qu’en février 2021, le psychothérapeute référent de Sami, a sollicité la psychomotricienne pour un avis complémentaire.
Cadre de l’observation
L’observation de Sami a été réalisée par la psychomotricienne, lors d’une séance d’une heure spécialement conçue par son psychothérapeute : alors que celui-ci construisait avec Sami une maison de poupées, la psychomotricienne pouvait en retrait observer le comportement du jeune garçon âgé de 10 ans et 2 mois.
Le cadre spatio-temporel était connu de Sami car il avait l’habitude du lieu et de l’adulte avec qui il était en interaction, ce qui a permis de l’observer dans un contexte rassurant et habituel pour lui.
Observations
L’observation psychomotrice de Sami a mis en évidence les points suivants :
– Sami montre de l’agitation motrice : il se tape sur la tête, est en mouvement la plupart du temps et il tourne sur lui-même.
– Il accompagne ses déplacements de sons variés et de cris.
– Il ne fait pas attention à ce qu’il y a sur le sol où il pose ses pieds : il marche sur les objets sans que cela paraisse le déranger, cela donne l’impression qu’il ne les sent pas. Même quand il ne déambule pas, il continue à bouger en passant d’un pied sur l’autre. En revanche, ces piétinements s’arrêtent quand il est bien concentré sur une tâche de motricité manuelle et aussi lorsque l’adulte lui offre un arrière-fond corporel par sa présence derrière lui.
– Il quitte plusieurs fois la pièce en montrant qu’il veut aller aux toilettes : il se précipite brusquement vers la porte et donne l’impression d’attendre le dernier moment pour y aller.
– Il remplit sa bouche avec le plastique qui entoure les éléments de la maison de poupées et le mâche longuement.
– Sami est droitier. Il réussit bien les tâches bimanuelles si l’adulte l’encourage. Il abandonne rapidement si on le laisse se débrouiller seul. Il regarde peu ce qu’il fait, il y a peu de contrôle oculaire.
Prise en charge psychomotrice
Compte tenu de la liste d’attente, la prise en charge de Sami en psychomotricité a commencé en septembre 2021, au moment même où j’ai débuté mon stage. Ainsi, avec la psychomotricienne nous avons rencontré Sami, en ambulatoire, une fois par semaine pour une séance individuelle d’une heure.
Cadre d’une séance
La salle dans laquelle nous accueillons Sami n’est pas uniquement dédiée à la psychomotricité : effectivement c’est une salle polyvalente qui sert aussi aux réunions, à la restauration, aux ateliers de groupe.
Par conséquent, la salle est relativement épurée : il y a uniquement des tables et des chaises pliantes ainsi qu’un placard fermé. Les stimulations sont donc réduites au minimum, ce qui est un avantage sachant que beaucoup d’autistes sont sensibles aux surcharges sensorielles. (Bogdashina, 2020) De plus, cela réduit considérablement les sources de danger puisque les enfants qui grimpent partout, tel que Sami, ne peuvent le faire que sur le matériel que nous avons installé et qui est sécurisé.
Cependant, cet agencement apporte également des contraintes : avant chaque séance nous devons préparer et installer le matériel qui est entreposé dans un local situé en face. Cela nous oblige à penser en amont, de façon très rigoureuse, la séance pour n’oublier aucun matériel et ne pas avoir à quitter la pièce. Effectivement, bien que pour la prise en charge de Sami nous soyons deux, sortir de la salle n’est pas souhaitable car cela casse la dynamique de la séance et crée un cadre spatial peu contenant puisque instable.
En outre, cette organisation particulière impacte la spontanéité de notre travail. Effectivement, en tant que psychomotriciennes nous sommes normalement amenées à adapter notre séance en fonction de ce qu’il s’y produit ou de l’état général du patient. Ainsi la séance peut évoluer sur quelque chose que nous n’avions pas prévu. Dès lors, nous en revenons à la problématique précédente de savoir s’il est judicieux de sortir de la salle afin d’aller chercher du nouveau matériel, au risque de fragiliser le cadre.
Pour la prise en charge de Sami, nous sortons toujours du gros matériel : physioball, ballon, couverture, matelas, chaise roulante afin de travailler la globalité du corps, mais également quelques jeux de motricité fine. Durant la séance, Sami va pouvoir expérimenter l’ensemble du matériel que nous avons proposé sans ordre préalablement défini. Il est libre de pouvoir aller d’une activité à une autre selon ses envies et ses besoins. Ce sera ensuite à nous d’orienter son utilisation du matériel pour travailler nos axes de prise en charge.
Observations et analyses des premières séances
STIMULATION VESTIBULAIRE : Lors des premières séances, systématiquement, dès son arrivée dans la salle, Sami se rue sur la physioball. Exclusivement debout, il saute frénétiquement dessus. Chaque fois, ce jeu dure une vingtaine de minutes et il peut y revenir à plusieurs reprises. D’autre part, il profite souvent de ce temps sur le ballon pour expérimenter la chute : il se laisse spontanément tomber dans nos bras, ou monte sur le ballon sans se tenir à un support extérieur ce qui entraine son déséquilibre. Il cherche également à grimper : sur le meuble, sur la table, sur la chaise, sur le radiateur, il va même jusqu’à empiler du gros matériel moteur afin de prendre de la hauteur.
Tous ces éléments observés semblent indiquer une recherche de sensations vestibulaires de la part de Sami.
Le système vestibulaire, en lien avec l’oreille interne, est sensible à la pesanteur. Il donne des informations sur le positionnement et de déplacement du corps dans l’espace. Il joue un rôle particulier dans les équilibres statiques et dynamiques ainsi que dans l’oculomotricité.(Bekier & Guinot, 2015) Ce système est particulièrement stimulé lors de sauts, de balancements, et de changements de posture, de prises d’altitude.
Pour l’enfant TSA, cette recherche effrénée de sensations pourrait s’expliquer par une première théorie : l’hyposensibilité vestibulaire, qui est une sensibilité vestibulaire inférieure à la normale. (Bogdashina, 2020)
Concernant Sami, cette hypothèse est tout à fait envisageable mais elle n’expliquerait pas, à elle seule, les autres innombrables comportements atypiques qu’il présente, comme l’agrippement qui sera abordé ultérieurement.
Ainsi la seconde grande théorie concernant cette recherche de stimulations vestibulaires par Sami est celle de l’angoisse archaïque d’effondrement.
Les angoisses archaïques apparaissent dès la naissance et seraient liées aux « nouvelles sensations, tactiles, proprioceptives et gravitaires » qui font suite au changement de milieu écologique, provoquant un éprouvé corporel angoissant. (Pireyre, 2021, p.124)
Selon Winicott, ce sont ces angoisses archaïques du nouveau-né qui vont resurgir continuellement chez le jeune enfant. Il dit : « La crainte d’un effondrement est la crainte d’un effondrement qui a déjà été éprouvée. » (Winnicott, 1975)
De plus selon Pireyre, qui s’appuie sur le témoignage d’étudiants en psychomotricité et sa clinique psychomotrice en pédopsychiatrie, les angoisses archaïques concernent n’importe quel individu tout au long de sa vie et ne sont pas forcément pathologiques. Il suffit de pouvoir en prendre conscience, afin de les intérioriser grâce notamment à un travail de verbalisation.(Pireyre, 2021)
Concernant l’enfant TSA non verbal, et Sami en particulier, les difficultés de représentation et de communication ne permettent pas d’intégrer aisément ces angoisses archaïques. Cela peut donc expliquer que celles-ci restent source « de souffrance, de terreur et de solitude » (Pireyre, 2021, p.137)
Il existe de nombreuses angoisses archaïques dont le morcèlement, la dévoration, l’effondrement, et la liquéfaction. Dans le cas de Sami, c’est l’angoisse d’effondrement qu’il convient d’étudier. Cette angoisse est définie comme un « ressenti « en plein corps » de la gravité ». (Pireyre, 2021, p.125) Elle engendre une sensation de chute sans fin en lien avec une lutte permanente contre la pesanteur.(Pireyre, 2021)
Face à l’angoisse d’effondrement, la majorité des comportements de l’enfant a pour objectif de maitriser cette sensation de chute. Dans la pratique cela s’illustre par un enfant qui grimpe et se perche au-dessus du vide. (Boutinaud, 2010)
On pourrait donc comprendre l’ensemble des comportements de Sami évoqué ci-dessus, comme une stratégie d’adaptation pour lutter contre cette angoisse d’effondrement.
Cette approche théorique apporte également des pistes de réflexion sur d’autres observations psychomotrices de Sami.
Axes et modalités de prise en charge
Afin d’aider Sami dans son intégration à l’HDJ, il faut diminuer ses comportements-problèmes d’agitation psychomotrice et d’auto et hétéro-agrippement, pour lesquels il nous est adressé.
Pour cela, à la vue de nos observations précédentes, il convient de traiter l’angoisse archaïque d’effondrement qui serait la source des nombreux symptômes évoqués. Cela passe par un accompagnement adapté lors des crises d’angoisse et par un travail de fond sur l’intégration de la pesanteur et de la conscience globale du corps.
Gérer la crise de l’angoisse archaïque
Tout d’abord, en attendant de « régler » le problème de fond, il faut que nous puissions accueillir les émotions et les comportements d’agrippement de Sami en période aigue de crise liée à l’angoisse. Ainsi, nous aiderons Sami en verbalisant pour lui ses potentiels ressentis.
Egalement, sur le principe du dialogue tonique d’Ajuriaguerra : « Les relations entre tonus et émotions sont indissociables, le corps parle face à une situation ». (De Ajuriaguerra & Garcia Badarraco, 1953) Ainsi nous pourrons utiliser notre corps à travers le dialogue tonico-émotionnel afin d’entrer en communication avec Sami autrement que par la parole.
D’autre part, cette expressivité du corps est contagieuse puisque le tonus s’étaye sur celui de l’autre. (Pireyre, 2021) Sami pourra donc, en s’appuyant sur notre respiration par exemple, diminuer son tonus et son agitation.
Travail de fond
• Travail sur l’intégration de l’espace de pesanteur:
Pour apaiser Sami de façon durable dans sa lutte contre la pesanteur, il convient de le laisser expérimenter celle-ci par de multiples expériences vestibulaires : c’est ce qu’il fait déjà mais dans un contexte inadapté. Effectivement monter sur les tables, sauter partout, n’est pas gérable en société et notamment au sein du groupe de l’hôpital de jour.
Ainsi, les séances de psychomotricité constitueront un espace où il pourra faire ses expériences de façon adaptée et sécurisée. Nous lui proposerons des jeux comme sauter ou se balancer dans différentes postures sur le physioball, afin de modifier son centre de gravité. Egalement, nous lui proposerons de le balancer dans le hamac et de le faire tourner dans la chaise à roulettes afin de stimuler son oreille interne.
En outre, notre rôle de psychomotriciennes sera de questionner et de verbaliser ses sensations, afin de l’aider à construire une représentation stable de son corps et de l’espace qui l’entoure.
Évolution de la prise en charge
Au mois de mars, au bout de cinq mois de prise en charge, ces différents axes de travail ont permis de constater une évolution positive des comportements de Sami.
STIMULATION VESTIBULAIRE : Au fur et à mesure, Sami a diversifié ses expériences : il a exploré les sauts assis ou à genoux, ne se limitant ainsi plus uniquement aux sauts debout. Par la suite, il a pu se balancer dans un premier temps d’avant en arrière, puis de gauche à droit. Cela n’est pas sans rappeler l’ordre des axes de développement proposés par Bullinger.(Bullinger, 2020) (cf. Annexe).
Enfin depuis quelques temps, il recherche de moins en moins ces stimulations vestibulaires. Le seul moment où cela reste très présent, c’est lorsqu’il arrive en séance. Pour autant cela ne dure pas. J’interprète cela comme un besoin de décharge motrice lié à une restriction de ses mouvements par la ceinture de sécurité, durant le trajet effectué en ambulance, et au plaisir de nous revoir, entrainant un débordement d’émotions.
ENVELOPPE CORPORELLE : Au fur et à mesure, Sami a accepté de rentrer entièrement dans le tunnel et la cabane. Il a beaucoup joué avec les parois (à nous regarder à travers, à tourner dedans, à si adosser). Aujourd’hui, il rentre et sort aisément de ces deux structures. Les espaces dedans et dehors semble compris et les limites intégrées.
Sami est de plus en plus à l’écoute de ses sensations corporelles. Il est désormais calme, attentif et apaisé lorsqu’on le touche, que ce soit en superficie ou en profondeur. Il peut même fermer les yeux. Cela semble indiquer qu’il est moins sujet aux angoisses archaïques car son corps est mieux intégré dans sa globalité.
STIMULATION PROPRIOCEPTIVE Sami apprécie toujours autant les stimulations proprioceptives, et notamment du système osseux. Cependant, celles-ci ne sont plus omniprésentes : l’autostimulation proprioceptive passe désormais quasi-exclusivement par l’utilisation de jeux vibratoires de percussions sur le gros ballon, ce qui est assez adapté.
En outre, les cris de Sami ont laissé place aux mots et mot-phrases adressés qui ont un sens dans un contexte. Par exemple, un jour il m’a répondu « Bonjour Marion » lorsque je lui ai dit « Bonjour Sami ». Son vocabulaire se développe.
Sami est toujours globalement très tonique, cependant il est désormais capable de relâcher ses muscles durant quelques minutes, notamment lorsqu’il se regroupe au niveau corporel. Il investit d’ailleurs souvent cette posture d’enroulement qu’il prend spontanément pour s’apaiser.
Ainsi Sami arrive beaucoup plus à contenir ses émotions. Ses comportements sont plus adaptés à la vie en société.
AXE CORPOREL : Sami se tient beaucoup plus droit. Lorsqu’il est assis, il ne s’adosse plus forcément au dossier de la chaise et ne s’effondre plus sur la table. Ainsi Sami semble avoir intégré son axe, ce qui lui permet de s’ouvrir à la relation.
Effectivement, lorsqu’il joue avec le xylophone et tape sur le djembé il m’adresse des regards, il est dans la recherche d’interactions. De plus, il est désormais capable de partager ses jeux : il peut tenir compte de nos remarques, partager le matériel, et suivre nos exemples. Parfois, il initie même des jeux de passes de ballon, ce qu’il ne faisait pas avant.
Evolution positive : de nouvelles perspectives d’intégration
Le retour des encadrants est très positif. Sami est beaucoup plus apaisé. Son agitation psychomotrice a nettement diminuée. Il n’est aujourd’hui plus envahi par ses autostimulations, ce qui lui permet de pouvoir s’assoir au sein du groupe et d’écouter des consignes.
D’autre part, l’enseignante note beaucoup d’évolution dans les apprentissages scolaires : Sami est actuellement en train d’intégrer la notion de conservation de la quantité qu’il n’arrivait pas à assimiler jusque-là. Ainsi, le travail sur la globalité du corps et sur la diminution des angoisses que nous avons entrepris en psychomotricité a pu aider Sami à se poser et donc, d’une part, à avoir un comportement plus adapté au sein de ce groupe, et d’autre part, à mieux se concentrer pour faire évoluer ses apprentissages.
Bien que cela reste très peu envahissant par rapport à avant notre suivi, j’observe que parfois, lorsque Sami reste trop longtemps assis, il a recours à des autostimulations du bas du corps pour faire exister celui-ci. Je note que ses pieds ne touchent pas le sol et propose aux éducatrices de lui installer un appui-pied à l’aide d’une boite en carton, afin de stabiliser son corps et lui permettre d’être plus attentif. Ainsi, Sami arrive à contenir son envie de bouger pendant les activités et arrive à patienter jusqu’à la récréation pour se défouler.
De plus, selon ses encadrants, Sami n’est plus violent envers ses camarades qui n’ont plus peur de lui : il trouve sa place dans le groupe. En outre, j’observe qu’à la récréation, bien que spontanément Sami s’isole pour faire des jeux d’autostimulations vestibulaires, lorsque les adultes ou les enfants viennent le chercher pour courir ensemble ou jouer au ballon, il les suit volontiers. Ses interactions avec les autres sont adaptées.
Ainsi, grâce aux séances de psychomotricité, le problème d’intégration de Sami lié à ses comportements inadaptés a pu être résolu. Aujourd’hui, à la vue de cette évolution positive, l’hôpital de jour propose d’augmenter le temps d’accueil de Sami afin qu’il puisse participer à de nouvelles activités, comme les groupes socialisation ou les sorties et notamment un séjour organisé au mois de juin. Étant donné ces résultats il a été convenu de mettre un terme aux séances de psychomotricité.
Autre problématique d’intégration : vers une évolution de notre prise en charge ?
Cependant, lors de mon intervention à l’hôpital de jour, une nouvelle problématique qui jusqu’alors ne nous avait pas été rapportée m’a interpellée. Cela concerne l’intégration de Sami au moment du repas.
En effet, Sami a un comportement inapproprié au moment du repas. Il ne mange pas et jette par terre tout ce qu’il y a sur la table : assiette, couverts et nourriture. Pour pouvoir mieux gérer ce comportement, ses éducateurs l’ont installé seul sur une petite table derrière eux, dans un recoin de la pièce, sans aucune visibilité sur le groupe. Sami, à l’écart, est donc exclu sur le temps du repas. Ses éducateurs sont démunis face à cette situation et m’informe ne pas savoir quoi faire, ni comment interpréter son comportement.
D’un point de vue psychomoteur, j’ai pu noter que Sami ne porte aucun aliment à sa bouche par contre il les explore manuellement : il les émiette, les étale, et les mélange à la pâte à modeler qui lui est proposée pour s’occuper pendant le repas. Également, il est énormément intéressé par l’extérieur et tente de jeter son friand par la fenêtre. Ces comportements sont en contradiction avec ceux de la collation du matin durant laquelle il devait faire la démarche de demander ce qu’il voulait manger. Il était alors maître d’ingérer la nourriture qui lui convenait.
D’autre part en séance de psychomotricité, j’avais pu constater une autostimulation importante de la sphère buccale en lien avec son hypersensibilité orale mise en évidence par le profil sensoriel de Dunn.
Cela m’a permis de dégager l’hypothèse selon laquelle Sami aurait un trouble de l’oralité à l’origine d’un comportement d’évitement lors du repas. Il conviendrait d’approfondir cela et, pourquoi pas de proposer une nouvelle prise en charge en psychomotricité pour faire un travail sur l’oralité dans le but de favoriser l’intégration de Sami au moment des repas.
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Table des matières
INTRODUCTION
I. TSA ET INTEGRATION
I.1. DESCRIPTION DU TSA
I.1.A. Présentation générale
I.1.B. Sémiologie psychomotrice
I.2. QU’EST-CE QUE L’INTEGRATION ?
I.3. PRESENTATION DES DEUX ORGANISMES FAVORISANT L’INTEGRATION
I.3.A. Association Rouge
I.3.A.a. Présentation générale
I.3.A.b. Trandisciplinarité
I.3.A.c. Organisation de l’Antenne Rouge
I.3.A.d. Place de la psychomotricienne
I.3.B. Dispositif Jaune
I.3.B.a. Présentation générale
I.3.B.b. Fonctionnement du dispositif Jaune
I.3.B.c. Organisation spatio-temporelle
◼ Intérêts de la journée en classe Jaune
◼ Intérêts des interventions à l’école de secteur
I.3.B.d. Place de la psychomotricienne
II. SAMI ET L’INTEGRATION A L’HOPITAL DE JOUR
II.1. PRESENTATION DE SAMI
II.1.A. Anamnèse
II.1.B. Problématique d’intégration
II.2. BILAN PSYCHOMOTEUR
II.2.A. Généralités
II.2.B. Cadre de l’observation
II.2.C. Observations
II.2.D. Profil sensoriel
II.3. PRISE EN CHARGE PSYCHOMOTRICE
II.3.A. Cadre d’une séance
II.3.B. Prise en charge
II.3.B.a. Observations et analyses des premières séances
II.3.B.b. Axes et modalités de prise en charge
◼ Gérer la crise de l’angoisse archaïque
◼ Travail de fond
II.3.B.c. Évolution de la prise en charge
II.4. PLACE DE SAMI A L’HDJ : DE NOUVELLES PERSPECTIVES
II.4.A. Evolution positive : de nouvelles perspectives d’intégration
II.4.B. Autre problématique d’intégration : vers une évolution de notre prise en charge ?
III. YOUNES ET L’INTEGRATION SCOLAIRE
III.1. PRESENTATION DE YOUNES
III.2. CADRE DE L’INTERVENTION PLURIDISCIPLINAIRE
III.2.A. Au sein de la classe Jaune
III.2.B. A l’école de secteur
III.3. OBSERVATIONS ET CHOIX DE L’AXE DE TRAVAIL EN PSYCHOMOTRICITE
III.3.A. Comportement général
III.3.B. Tonus et posture
III.3.C. Schéma corporel et motricité globale
III.3.D. Motricité fine
III.3.E. Fonctions exécutives
III.3.F. Repérage spatial
III.3.G. Repérage temporel
III.3.H. Particularités sensorielles
III.4. PROBLEMATIQUES SENSORIELLES ET INTEGRATION SOCIALE
III.4.A. Théories sur l’intégration sensorielle
III.4.B. Profil de Dunn de Younes et interprétations
III.4.B.a. Hyposensibilité vestibulaire
III.4.B.b. Hypersensibilité tactile, auditive et proprioceptive
III.4.B.c. Filtrage de l’information sensorielle auditive
III.4.C. Rôle de la psychomotricienne
III.4.C.a. Guidance sur les mesures de prévention
III.4.C.b. Renforcement des perceptions sensorielles et guidance
III.5. PERSPECTIVES D’INTEGRATION
IV. DISCUSSION
IV.1. ANALYSE DES STAGES
IV.1.A. Interventions au sein de la structure quotidienne de l’enfant
IV.1.B. Travail pluridisciplinaire
IV.2. PRATIQUE FUTURE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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