Observations de l’écoulement dans les injecteurs diesel
Cette section va essayer de clarifier les phénomènes macroscopiques qui apparaissent dans les écoulements d’injecteurs diesel mono-trou et multi-trou. Puisque l’on parle de phénomènes macroscopiques, c’est-à-dire à grandes échelles, on va dans un premier temps s’attarder à observer ce qui se passe dans ces écoulements. La plupart des études expérimentales qui ont cherché à caractériser ces écoulements ne s’intéressent évidemment pas à toute la géométrie de l’injecteur. Elles portent seulement sur la pointe de l’injecteur, telle qu’illustrée sur l’agrandissement (en bas à gauche), de la Figure 1.2. La plupart des auteurs s’intéressent de près ou de loin au phénomène de cavitation qui apparait dans les injecteurs diesel et son impact sur l’écoulement. Ce phénomène, expliqué en introduction et illustré par la Figure 1.3, se résume brièvement par l’apparition d’une poche de carburant à l’état de vapeur dans l’écoulement. La Figure 1.3 montre une observation expérimentale de la poche de cavitation. L’étude de Suh et al. (2008) montre par exemple que dans un injecteur mono-trou, l’écoulement dans la buse de l’injecteur se divise en quatre périodes importantes : écoulement turbulent, initiation de la cavitation, développement de la cavitation, renversement hydraulique (hydraulic flip). La quatrième et dernière période correspond au moment où les bulles de cavitation atteignent la sortie de l’injecteur. Ces quatre périodes sont à mettre en parallèle avec l’évolution de deux nombres adimensionnelles que sont le nombre de cavitation CN et le nombre de Reynolds Re . On les définit ainsi :
où Pinj est la pression d’injection et Pcb la pression en sortie de buse, dans la chambre de combustion. La pression de vapeur saturante du fluide est Pvap. Le nombre CN peut s’interpréter comme le rapport entre la pression dynamique et la pression locale de l’écoulement et permet de quantifier les conditions qui amène un écoulement à caviter (Lecoffre, 1994). La définition de ce nombre peut varier d’un auteur à l’autre puisque Arcoumanis et al. (1999) le défini comme dans la relation (1.1), tandis que Suh et al. (2008) définit le nombre inverse de celui de l’équation (1.1). Le nombre de Reynolds Re permet de quantifier le rapport relatif des effets d’inerties sur les effets visqueux. Les termes ρ et μ définissent respectivement la masse volumique et la viscosité dynamique du fluide. Le diamètre de la buse est Dbuse et la vitesse du fluide en sortie de la buse est U. L’étude de Suh et al. (2008) montre le lien entre ces deux nombres en observant que dans un injecteur mono-trou, pour un Re évoluant entre 10 000 et 18 000, le nombre 1/CN diminue (non linéairement) de 3.0 à 0.7, en passant successivement par les quatre périodes précédemment définies. En effet, cela s’explique par le fait que le nombre CN est proportionnel au carré du nombre de Reynolds (Suh et al., 2008).
De même, Suh et al. (2008) observent que la géométrie de la buse de l’injecteur joue un rôle important puisque la cavitation s’initie sur l’angle vif de l’entrée de la buse. Ainsi, ils constatent qu’en utilisant une buse de forme conique dont l’entrée élargie ne possède pas d’angle vif, les bulles de cavitation ne se développent pas autant que précédemment, même en augmentant la pression d’injection (Suh et al., 2008). Cette nouvelle géométrie permet de limiter la chute brutale de pression en entrée de buse (Suh et al., 2008). Ainsi, on peut déjà mettre en évidence que la physique de l’écoulement dans les injecteurs diesel mono-trou est influencée par le phénomène de cavitation et que la géométrie de la buse a également une importance sur ce phénomène. L’influence de la géométrie pour les écoulements dans les injecteurs multi-trou a été investiguée par Arcoumanis et al. (1999). Cette étude analyse à la fois l’impact de la levée de l’aiguille et de son excentricité sur l’écoulement. Ils concluent que les structures de cavitation sont davantage influencées par la position de l’aiguille (hauteur et excentricité) que par le nombre de Reynolds. Ainsi, on peut par exemple observer que dans le volume de sac (petite cavité en dessous de l’aiguille), un écoulement secondaire se forme entre les différentes buses de l’injecteur multi-trou, laissant place à la formation de filaments de cavitation, reliant deux trous voisins, et interagissant avec l’écoulement (Arcoumanis et al., 1999). La Figure 1.4, est une observation de ce phénomène physique. Ainsi, cette étude permet de mettre en évidence deux choses importantes. Une première étant que la position de l’aiguille influence grandement l’écoulement puisque d’un point de vue macroscopique, les structures de cavitation sont influencées par ce paramètre. La seconde chose observable est que la complexité de l’écoulement se situe principalement dans le volume de sac, notamment lorsque l’écoulement n’est pas étudié à pleine ouverture d’aiguille.
Les modèles numériques d’écoulement interne d’injecteur diesel Sur la base de leurs propres résultats expérimentaux, des auteurs comme Payri et al. (2012); Powell et al. (2011); He et al. (2013a) ont construit des modèles numériques qu’ils ont ensuite validés avec leurs données expérimentales. Ces données expérimentales peuvent être obtenues par l’observation de l’écoulement à l’aide de rayons X pour les injecteurs diesel mono-trou (Powell et al., 2011) et multi-trou (He et al., 2013a). Cet outil permet de visualiser le déplacement de l’aiguille de l’injecteur et son impact sur l’écoulement, comme l’illustre la Figure 1.5. Notamment, Powell et al. (2011); He et al. (2013a), constatent que le déplacement de l’aiguille ne se fait pas parfaitement suivant l’axe de l’injecteur, mais qu’il est plutôt excentré. Partant de cette observation expérimentale, Powell et al. (2011); He et al. (2013a) montrent numériquement que la levée d’aiguille et son excentricité ont un impact sur les structures de cavitation dans la buse et sur l’organisation de l’écoulement dans le volume de sac. De plus, de manière générale un résultat important a été observé par la plupart des auteurs précédents.
Par exemple l’étude numérique de Payri et al. (2012) a conclu que passé une certaine pression d’injection, le débit de carburant injecté dans un injecteur multi-trou n’augmente plus, car la poche de cavitation limite trop l’écoulement. Dans notre cas, s’il n’a pas était possible de réaliser notre propre étude expérimentale, il est tout de même possible de trouver des données expérimentales grâce au laboratoire de recherche Sandia (Sandia, 2011). En effet, à travers les recherches de ce laboratoire, nous pouvons avoir accès aux données géométriques des injecteurs testés, aux conditions d’injections et aux valeurs expérimentales obtenues. Grâce à ces travaux expérimentaux, il est donc possible de valider un modèle numérique qui utiliserait la même géométrie d’injecteur et les mêmes conditions d’injection. Le degré de précision des résultats numériques dépend bien évidemment du degré de précision du modèle numérique utilisé. Notamment la manière dont le problème de la turbulence est abordé. Des d’auteurs, comme Xue et al.; Salvador et al. (2013); Som et al. (2010); He et al. (2013b), utilisent une approche RANS (c.f Chapitre II) pour modéliser la turbulence. En effet, cette approche est la plus simple pour aborder le problème complexe que représente la turbulence.
Cependant, c’est aussi la moins précise et il est envisageable d’utiliser des modèles LES afin de mieux résoudre les grandes échelles de la turbulence (Kundu, 2012). Payri et al. (2010) montrent que la dynamique de l’écoulement dans un injecteur diesel mono-trou est plus précise avec un modèle de turbulence LES qu’un modèle RANS et notamment pour la prédiction de l’écoulement en proche paroi. Néanmoins, le coût de calcul est environ 4 fois supérieur dans le cas du modèle LES (Payri et al., 2010), alors que le gain de précision des résultats n’atteint pas cet ordre de grandeur. C’est probablement pour cette raison importante que la littérature scientifique dans ce domaine fait encore aujourd’hui appelle aux modèles de turbulence RANS. Ce qui ressort de cette première partie de la revue de littérature est que tous les précédents auteurs cités se sont intéressés de près ou de loin au phénomène de cavitation qui apparait dans la buse des injecteurs. Allant de l’observation expérimentale du phénomène Suh et al. (2008), à l’étude approfondie des modèles numériques de cavitations (Giannadakis et al., 2008), en passant par son impact sur l’écoulement dans l’injecteur (Wang et Su, 2010). La cavitation dans un injecteur diesel a donc largement été étudiée et comme le souligne Giannadakis et al. (2008), « les modèles de cavitation ont atteint une certaine maturité ». Il semble donc que son étude n’apporte pas d’information supplémentaire que l’on ne saurait déjà trouver. La cavitation reste cependant un phénomène que l’on ne peut pas ignorer lorsqu’on aborde l’écoulement dans les injecteurs diesel, mais il convient désormais de s’intéresser à d’autres facteurs, tout aussi importants, que nous allons expliquer.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 PREMIER CHAPITRE : REVUE DE LA LITTÉRATURE
1.1 Généralités
1.2 Observations de l’écoulement dans les injecteurs diesel
1.3 Les modèles numériques d’écoulement interne d’injecteur diesel
1.4 Influence du déplacement de l’aiguille
1.5 Influence d’une pression d’injection fluctuante
1.6 Synthèse de la revue de littérature
1.7 Objectif du mémoire
CHAPITRE 2 MODÉLISATION MATHÉMATIQUE
2.1 Équations de conservation d’un fluide incompressible
2.2 Turbulence et modélisation
2.3 Modélisation de la cavitation
2.4 Modélisation de la tension de surface
2.5 La méthode des volumes finis
2.6 Discrétisation temporelle
2.7 Discrétisation spatiale
CHAPITRE 3 CONCEPTION ET VALIDATION DU MODÈLE NUMÉRIQUE
3.1 Coefficients d’écoulements
3.2 Données expérimentales
3.3 Le domaine de calcul et ses conditions aux limites
3.4 Le maillage
3.5 Choix des schémas de discrétisation
3.5.1 Discrétisation temporelle
3.5.2 Discrétisation de l’équation de conservation de la masse
3.5.3 Discrétisation de l’équation de conservation de la quantité de mouvement et de turbulence
3.5.4 Discrétisation de l’équation de transport de la fraction volumique
3.6 Validation du modèle de turbulence
3.7 Modélisation de la cavitation et de la tension de surface
3.8 Incertitude du modèle
3.9 Conclusion
CHAPITRE 4 CARACTÉRISATION DE L’ÉCOULEMENT EN RÉGIME PERMANENT, POUR PLUSIEURS LEVÉES D’AIGUILLE FIXE
4.1 Adaptation du modèle pleine levée d’aiguille pour des positions d’aiguille intermédiaires
4.2 Description de l’écoulement en fonction de la levée d’aiguille
4.3 Décollement-recollement du jet dans le volume de sac
4.4 Conclusion
CHAPITRE 5 CARACTÉRISATION DE L’ÉCOULEMENT POUR UNE PRESSION D’INJECTION FLUCTUANTE, ET UNE LEVÉE D’AIGUILLE FIXE
5.1 Mise en contexte du problème
5.2 Généralités sur la méthode de décomposition en modes propres orthogonaux (POD)
5.2.1 La méthode des snapshots
5.3 Convergence de la méthode des snapshots
5.4 Interprétation physique des modes obtenus par POD
5.5 Réponse de l’écoulement au signal S1
5.6 Réponse de l’écoulement au signal S2
5.7 Conclusion
CONCLUSION GÉNÉRALE
RECOMMANDATIONS
ANNEXE I MÉTHODE DE CALCUL DE L’INDICE DE CONVERGENCE GCI
ANNEXE II LES ÉQUATIONS DE CONSERVATIONS
ANNEXE III SCHÉMAS DE DISCRÉTISATION SPATIALE
ANNEXE IV DÉCOMPOSITION EN MODE PROPRE, MÉTHODE DIRECTE
ANNEXE V IDENTIFICATION DES STRUCTURES COHÉRENTES
ANNEXE VI COEFFICIENTS D’ÉCOULEMENT – MATLAB
ANNEXE VII IDENTIFICATION DU CENTRE D’UN TOURBILLON – MATLAB
ANNEXE VIII VITESSE ANGULAIRE DE ROTATION D’UN TOURBILLON – MATLAB
ANNEXE IX DÉCOMPOSITION EN MODES PROPRES ORTHOGONAUX – MATLAB
LISTE DE RÉFÉRENCES
BIBLIOGRAPHIE
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