Le changement climatique est défini par le GIEC comme un changement du climat induit par une variabilité naturelle ou par les activités humaines (IPCC, 2007). Le climat de la Terre dépend de son bilan énergétique, lequel est gouverné par le rayonnement solaire. En moyenne, sur une année, 31% du rayonnement solaire incident est réfléchi par l’atmosphère (en particulier les nuages et les aérosols), et par les surfaces terrestres et océaniques. Les 69% restants sont absorbés par l’atmosphère et par les surfaces (IPCC, 2007). La part absorbée par le système (69%) est émise vers l’espace sous forme de rayonnement infrarouge. A l’interface entre les surfaces et l’atmosphère, les échanges d’énergie prennent la forme de flux de chaleur sensible, de chaleur latente ou de rayonnement infrarouge (Figure I-1). Une part importante du rayonnement infrarouge émis par les surfaces ne parvient pas à traverser l’atmosphère et est renvoyée vers la surface par les gaz à effet de serre (GES). Ce mécanisme permet de maintenir naturellement sur Terre une température moyenne de 15°C. Mais depuis le début de l’ère industrielle la concentration atmosphérique en GES n’a cessé d’augmenter participant ainsi au réchauffement climatique.
Depuis la fin des années 70, avec la première conférence mondiale sur le climat à Genève (1979), la prise de conscience des impacts des activités humaines sur le climat s’est renforcée. En décembre 2015, se tenait à Paris la Conférence des Parties de la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique. Lors de cet événement, un accord international sur le changement climatique, dans lequel les forêts occupent une position clé, a été conclu par 195 pays. Dans l’accord de Paris de 2015, les forêts ont été mises en avant comme étant un levier majeur pour la lutte contre le changement climatique. En vue d’une stratégie d’atténuation, c’est-à-dire de la réduction des émissions des GES responsables du réchauffement climatique, la mise en place d’actions concernant la gestion durable des forêts et la lutte contre leur dégradation et la déforestation est encouragée par cet accord.
Le CO2 est considéré comme l’un des principaux GES responsable du réchauffement climatique. De par leur processus de photosynthèse, les forêts en phase de croissance permettent le captage de CO2 sous forme de bois et de matière organique dans le sol. L’afforestation participe ainsi à la réduction des GES. Tandis que la photosynthèse permet le stockage de carbone par les forêts, la respiration est, elle, responsable de la libération de CO2 dans l’atmosphère. En moyenne, seule une fraction de 50% du carbone absorbé par les forêts, au travers de la photosynthèse, est actuellement réémise dans l’atmosphère par leur respiration (Zhang et al., 2009 ; Tang et al., 2014). En moyenne à l’échelle globale, les forêts constituent donc un potentiel de captage de carbone et contribuent à limiter l’augmentation de la concentration en CO2 de l’atmosphère (Delucia et al., 2007 ; Zhang et al., 2009 ; Tang et al., 2014). La déforestation et les feux sont également à prendre en compte dans ce bilan. Ainsi, Bala et al. (2007) montraient que, en moyenne à l’échelle mondiale, les forêts auraient au travers du cycle du carbone un effet « refroidissant » sur le climat et qu’une déforestation globale entraînerait une hausse de la concentration en CO2 dans l’atmosphère et de la température de surface (prise en compte du cycle du carbone uniquement).
Forêts, Climat et Albédo : état de l’art
La forêt et le climat
Une forêt telle que définie par la FAO (1998) est une surface de 0.5 hectares (ha), avec une largeur minimale de 20 mètres, où le couvert arboré doit occuper plus de 10% de la surface. Les arbres qui la constituent doivent atteindre une hauteur minimale de 5m à leur maturité. Par conséquent les plantations forestières et les forêts à des stades moins avancés, mais qui vont évoluer à maturité vers des forêts de plus de 5m de haut, sont incluses dans la définition de forêts. En revanche, les surfaces couvertes par une végétation arbustive ne sont pas strictement considérées comme des forêts mais plutôt comme des surfaces boisées. Les zones agricoles, les prairies, les pâturages, les zones urbanisées, les terres arides et les surfaces en eau sont exclues de la définition de « forêts ». Une forêt s’organise généralement en plusieurs strates (Figure I-2). Tout en haut se trouve la canopée, ou strate arborescente, regroupant les arbres matures. Elle s’élève au-dessus de souscouches composées d’une strate d’arbres à un stade non mature et d’arbustes (strate arbustive), d’une couche herbacée située juste au-dessus du sol, et éventuellement d’un tapis de mousses (strate muscinale). Dans le monde les forêts couvrent 30.6% des surfaces émergées avec près de 4 milliards d’hectares (FAO, 2016 ; ONF, 2017). Chaque niveau est composé d’espèces végétales, animales et micro-organiques qui lui sont propres et qui forment un micro-écosystème.
De par leur structure complexe et leur superficie importante dans le monde, les forêts constituent l’un des principaux réservoirs de biodiversité au monde et rendent de nombreux services écosystémique (ONF, 2017). Les services écosystémiques sont définis comme les bénéfices que les êtres humains tirent des écosystèmes (Millenium Ecosystem Assessment, 2005). La FAO mettait en avant que les revenus de plus d’1.6 milliards de personnes étaient dépendants des services écosystémiques rendus par les forêts (FAO, 2014). Il existe trois grandes catégories de services écosystémiques soutenus par des fonctions de support (photosynthèse, cycle de l’eau, cycle d’éléments nutritifs, etc…) : les services de prélèvement, les services culturels et les services de régulation. Les services de prélèvement participent directement aux besoins quotidiens des êtres humains en fournissant la nourriture (champignons, miel, chasse, fruits…), les matériaux de construction (bois) et composés médicinaux. Outre ce service qui participe directement au revenu des populations, les services culturels (éducation, loisirs, écotourisme, etc…) prennent de plus en plus d’ampleur, notamment dans le contexte actuel d’augmentation des surfaces urbanisées (Millenium Ecosystem Assessment, 2005). Enfin, les forêts fournissent des services de régulation qui contribuent à la sécurité, au bien-être et à la santé des populations. En effet les forêts participent à la purification des polluants dans l’air et dans l’eau, à la diminution des glissements de terrain de par leur système racinaire, à la protection contre les inondations […] et notamment à la régulation du climat via les rétroactions qu’elles peuvent imposer de par leur influence sur les cycles biogéochimiques et biophysiques à la surface.
Régulation du climat par les forêts
Processus biogéochimiques
Les forêts jouent un rôle majeur vis à vis du climat de par leur influence sur les cycles biogéochimiques à la surface (carbone, azote, phosphore, etc…). Dans les modèles de surface (LSM), le rôle joué par la végétation sur les cycles naturels biogéochimiques se fait principalement au travers du cycle du carbone (Figure I-3). Deux processus vont être primordiaux: la photosynthèse et la respiration autotrophe. La photosynthèse est un processus observé chez les algues et la végétation terrestre qui consiste en l’absorption de dioxyde de carbone atmosphérique et d’eau pour la production de sucre, une forme d’énergie utilisable par les végétaux (Salisbury et Ross, 1978), voir Eq. I-1. Pour les plantes vasculaires, ce processus de photosynthèse se déroule dans les feuilles et plus précisément dans les chloroplastes des cellules du parenchyme. Dans ces chloroplastes, la réaction de photosynthèse se réalise en deux étapes : une phase d’interception des photons issus du rayonnement solaire par les pigments photosynthétiques (et notamment par la chlorophylle) et une phase de fixation du carbone (cycle de Calvin). La gamme de rayonnement actif pour la photosynthèse est située dans le domaine spectral du bleu (< 0.5 µm) et du rouge (0.65-0.7 µm). Elle correspond aux longueurs d’onde d’action maximale de la chlorophylle a (0.43 µm et 0.66 µm) et de la chlorophylle b (0.445 µm et 0.645 µm). Au travers de la photosynthèse la végétation va agir comme un capteur de carbone (Figure I-3). La quantité totale de CO2 fixée durant le processus de photosynthèse est traduite au travers de la production primaire brute (GPP pour « gross primary production » en anglais) (Randerson et al., 2002)
6 ??2 + 12 ?2O− −→ ?6?12?6 + 6 ?2 + 6 ?2? Eq. I-1
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Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre I Chapitre introductif
1. Contexte et enjeux
2. Forêts, Climat et Albédo : état de l’art
2.1. La forêt et le climat
2.2. Observation et modélisation de l’albédo
3. Problématique et objectifs
3.1. Représentation de processus complexes
3.2. Questions scientifiques
Chapitre II Méthodologie
1. Stratégie méthodologique
2. Forêts présentant un cycle d’albédo annuel caractéristique
2.1. Méthodologie
2.2. Outils d’analyse
3. Estimation séparée de l’albédo du sol et de la végétation
3.1. Séparation de l’albédo de surface : état de l’art
3.2. Nouvelle méthode de désagrégation
3.3. Outils pour la désagrégation : ECOCLIMAP
4. Modélisation de l’albédo de surface des forêts
4.1. Modélisation du transfert radiatif
4.2. Estimation des variables biophysiques
4.3. Modélisation prédictive de l’albédo de surface
Chapitre III Observation satellitaire de l’albédo des forêts : tendances et impacts radiatifs
1. Introduction
2. Données et méthode
2.1. Zone et période d’étude
2.2. Données utilisées
2.3. Protocole méthodologique
3. Résultats
3.1. Tendances observées pour l’albédo de surface
3.2. Mise en évidence d’un verdissement de forêts en France
3.3. Conséquences sur le forçage radiatif
4. Discussion
4.1. Tendance en albédo et verdissement de forêts stables
4.2. Impact radiatif des tendances lentes en albédo
5. Conclusions
Chapitre IV Désagrégation de l’albédo de surface satellitaire : albédos du sol et de la végétation
1. Introduction
2. Données et méthode de désagrégation de l’albédo de surface
2.1. Zone et période d’étude
2.2. Données utilisées
2.3. Protocole méthodologique
3. Résultats issus de la désagrégation de l’albédo de surface
3.1. Filtre de Kalman « végétation »
3.2. Filtre de Kalman « albédo »
4. Evaluation de la méthode de désagrégation de l’albédo de surface
4.1. Inter-comparaison des méthodes de désagrégation
4.2. Cohérence temporelle de l’albédo du sol
4.3. Evaluation expérimentale de l’albédo du sol sur le site des Corbières
5. Discussion
5.1. Nouvelle méthode de désagrégation
5.2. L’albédo du sol
5.3. L’albédo de la végétation
6. Conclusions et perspectives
CONCLUSION