Objectivite et subjectivite : la logique contre la psychologisation des pensees

Au XIXème siècle, les mathématiques ont connu une profonde crise qui a secoué toute la science mathématique dans son ensemble. Si en géométrie nous assistons à la naissance des géométries non euclidiennes remettant en question le fondement de la géométrie euclidienne, jusque là considérée comme la seule possible, en arithmétique, en revanche, les différentes définitions données çà et là au concept de nombre ne permirent pas d’asseoir un fondement unifié et unique à cette science. Cette nouvelle donne se révèle être inconfortable pour les mathématiques qui se sont, de tout temps, définies comme une science exacte et idéale devant servir de modèle de perfection et de pureté à toutes les autres sciences. Selon Frege, « Les mathématiques se trouvent actuellement dans un état peu satisfaisant, si on considère, non l’ampleur externe, mais la perfection et la clarté internes. A cet égard, elles laissent plutôt presque tout à désirer, si on les compare avec l’idéal que, non sans raison, on peut se faire de cette science et si l’on songe que, selon sa nature, elle doit être plus apte que toutes les autres sciences à s’approcher de son idéal. » .

Ces propos qui traduisent la situation dans laquelle se trouvent les mathématiques montrent que la recherche de fondement assuré pour les mathématiques sera le moteur de toutes les investigations des mathématiciens. C’est dans cette perspective fondationniste qu’il faut loger la démarche du mathématicien et philosophe allemand Gottlob Frege (1848-1925).

Cependant, au-delà de sa perspective fondationniste, Frege prône, de son coté, un logicisme selon lequel, seule la logique est en mesure de secourir les mathématiques puisque, di-il : « les mathématiques ont des liens plus étroits que toute autre science avec la logique, car l’activité du mathématicien consiste presque entièrement à faire des inférences. En aucune autre science, même si l’on en trouve çà et là, l’inférence ne joue un si grand rôle. Hormis l’inférence, relève aussi de l’activité du mathématicien la définition (…) Mais l’inférence et la définition sont soumises à des lois logiques. En conséquence de quoi, la logique a une plus grande importance pour les mathématiques que pour toute autre science » . En effet, comme le souligne Poincaré, « Il est impossible d’étudier les Œuvres des grands mathématiciens, et même celles des petits, sans remarquer et sans distinguer deux tendances opposées, ou plutôt deux sortes d’esprits entièrement différents. Les uns sont avant tout préoccupés de la logique (…). Les autres se laissent guider par l’intuition» .

Dès lors, toute recherche de fondement pour les mathématiques peut, en dernière instance, être située dans l’une ou l’autre des deux tendances suscitées. Frege, comme on vient de le dire, s’est rangé du coté de ceux qui sont préoccupés de la logique en mathématique.

En énonçant ainsi l’intérêt de la logique pour les mathématiques, Frege va plus loin en affirmant que les mathématiques sont réductibles à la logique : « cet ouvrage (Les fondements de l’arithmétique) montrera qu’un raisonnement à première vue proprement mathématique, tel que l’inférence de n à n+1, repose sur des lois logiques générales » . De ce fait, seule la logique serait en mesure d’aider les mathématiques à sortir de cette impasse puisque, ces dernières sont une extension de la première. C’est dans ce sens que Frege prévoit de logiciser d’abord l’arithmétique. Pour ce f aire, il soumettra le concept de nombre à une analyse logique rigoureuse qui va le conduire à ce qu’il est convenu d’appeler la première définition recevable du concept de nombre.

Représentation et Pensée : le psychologique et le logique

Aux yeux de Frege, le terme représentation revêt une connotation psychologique ; il
affirme : « même le non-philosophe est bientôt contraint de reconnaître un monde intérieur différent du monde extérieur, un monde des impressions sensibles, des créations de son imaginations, des sensations, des émotions, des sentiments et des états d’âme, un monde des inclinations, des désirs et des volitions. Pour disposer d’une expression brève, je réunirai tout ceci, à l’exception des volitions, sous le terme « représentation » » . Autrement dit : « par représentation, on entend une image provenant de l’imagination » . Ainsi, en assimilant la représentation à l’activité intérieure, il l’oppose au terme pensée qui a un sens logique et qui ne renvoie à aucun produit de la conscience. Mais, force est de reconnaître que les pensées tout comme les représentations sont des choses qui ne sont pas perceptibles par les sens. Alors, on est en droit de se demander : où situer la réalité des pensées puisqu’elles ne sont pas dans le monde intérieur? Dans ses œuvres, Frege emprunte souvent plusieurs exemples et métaphores pour montrer l’objectivité des pensées d’une part et la subjectivité des représentations d’autre part. Une représentation appartient à un sujet déterminé là où la pensée est l’affaire de tous parce que portant sur un objet déterminé et indépendant du sujet pensant. Il s’agit aussi pour Frege de montrer l’antériorité absolue de la pensée sur le penser, en entendant par pensée une réalité existant hors de l’homme et par penser le processus de découverte déclenché par le penseur en vue de découvrir la chose recherchée. Pour penser, il faudrait d’abord que le pensable ou la pensée soit parce que chez Frege penser est synonyme de saisir u ne pensée ; or ce qui est saisi est déjà présent : on ne saisit pas le néant mais quelque chose d’existant. Penser est, en ce sens, un acte qui consiste à prendre connaissance de l’existence d’une chose (une pensée) et d’essayer d’entrer en contact avec elle.

Ainsi, le combat de Frege est, comme nous l’avons montré plus haut, d’éviter la psychologisation de la logique, c’est-à-dire la falsification de la logique par la psychologie. Il s’agit pour lui de préserver la pensée dans toute sa pureté sans aucune coloration psychologique : « quand Frege part en guerre contre ceux qui veulent psychologiser la logique, c’est toujours pour redonner sa dignité à ce monde de pensées, des pensées dont nous ne sommes ni porteurs, ni producteurs (…) » . Ce combat est tout de même déterminant pour éviter toute réduction de la logique à une branche de la psychologie. En effet, les deux disciplines ont des tâches différentes : celle de la logique consiste à établir les lois de la pensée pour procéder de manière rigoureusement explicite, à des inférences valides. La tâche de la psychologie consiste, en revanche, à étudier le déroulement des processus psychiques dans le cerveau. Il faut donc écarter « toutes les distinctions, qui en logique ne sont faites que d’un point de vue psychologique, et qui sont indifférentes pour l’inférence » .

Le psychologisme est une tendance à faire prédominer le « point de vue psychologique » sur le point de vue spécifique de quelque autre étude (particulièrement de la théorie de la connaissance ou de la logique). Il est aussi une prétention à vouloir absorber la philosophie ou tout au moins à lui servir de fondement (A. Lalande : vocabulaire technique et critique de la philosophie, PUF,  Ce point de vue psychologiste est récusé par Frege parce qu’il nous entraîne dans la psychologisation de la logique : « dans la conception psychologique de la logique, disparaît la différence entre les raisons qui justifient une conviction, et les causes qui l’ont effectivement produite. Une justification au sens strict est donc impossible ; ce que nous avons à sa place, c’est le récit de la manière dont la conviction a été installée, récit dont on doit tirer que toute chose a été causée par quelque chose de psychologique. » .

La différence entre raisons de justification et causes qui nous portent à juger est d’une importance capitale pour l’antipsychologisme de Frege. Seules les raisons de jugements intéressent la logique parce que ce sont elles qui déterminent quelles sont les vérités et les inférences effectuées pour, à partir d’elles, en tirer d’autres vérités. Les causes de jugement sont les lois psychologiques qui conduisent l’individu à juger. Ces causes sont à écarter du champ logique puisqu’elles sont sources des représentations qu’on se fait lorsque l’on pense. Frege ne nie pas, certes, que l’appréhension d’une pensée soit causée par des processus psychiques mais le logicien n’est pas tenu de les prendre en considération quand bien même ce p rocessus est le plus mystérieux de tous. Les causes psychiques qui entraînent la saisie d’une pensée restent un grand mystère pour l’homme, et par conséquent ne préoccupent pas la logique. Pour Frege, la psychologie peut tenter de percer ce mystère.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. OBJECTIVITE ET SUBJECTIVITE : LA LOGIQUE CONTRE LA PSYCHOLOGISATION DES PENSEES
I.1. Représentation et Pensée : le psychologique et le logique
I.2. Qu’est-ce que la pensée ?
I.3. Nécessité d’un sens et d’une dénotation
II. LOGICISATION DES MATHEMATIQUES : DU CONCEPT DE NOMBRE
II.1. Le fondement logique de l’arithmétique : l’objectivité du nombre
II.2. La distinction entre l’unité et l’un : le concept et l’objet
II.3. Définition logique du concept de nombre selon Frege
III. L’APPROCHE CRITIQUE DU LOGICISME : ENJEUX PHILOSOPHIQUES
III.1. Le recul du logicisme ou le recours à l’intuition
III.2. L’avènement des neurosciences : la revanche du psychologisme sur le logicisme ?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE GENERALE
WEBOGRAPHIE

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