La prévalence de l’obésité a presque triplé au niveau mondial ces quarante dernières années : 13% de la population adulte mondiale était obèse en 2016 représentant 650 millions de personnes (1). En France, elle concerne 11% des femmes en âge de procréer (2) et 6 à 25% des parturientes selon les études (3). L’obésité représente un facteur de risque obstétrical indépendant responsable d’une morbidité et d’une mortalité materno-fœtale à laquelle l’obstétricien fait dorénavant face dans sa pratique quotidienne : diabète gestationnel (4), macrosomie fœtale (4), hypertension artérielle (HTA) gravidique et prééclampsie (5,6) sont plus fréquents, de même que les extractions instrumentales (7) et la dystocie des épaules (5). Les césariennes programmées ou en urgence sont jusqu’à deux fois plus fréquentes en cas d’obésité morbide (7) et le risque d’hémorragie du post-partum (HPP) augmente parallèlement à l’indice de masse corporelle (IMC) (4). L’obésité a également un impact sur la mortalité maternelle et fœtale. Entre 2010 et 2012, parmi 213 morts maternelles pour lesquelles l’IMC était connu, 21% sont survenues chez des femmes obèses, soit une proportion deux fois plus grande que dans la population générale des parturientes (8). Le risque de mort fœtale in utero (MFIU) est quant à lui doublé chez les patientes obèses (9), de même que le taux d’admission en unités de soins intensifs des nouveau-nés de mères obèses (3) avec une augmentation du risque de décès néonatal précoce.
La grossesse prolongée est, elle aussi, pourvoyeuse de morbidité et mortalité materno-fœtale. En effet, les risques d’oligoamnios, d’anomalie du rythme cardiaque fœtal, d’émission méconiale in utero (10) et de mauvaise adaptation à la vie extrautérine (acidose néonatale, score d’Apgar < 7 à 5 minutes, admission en unité de soins intensifs néonatals) s’élèvent progressivement à partir de 39 SA (11) tout comme le risque de MFIU et de décès néonatal. Sur le plan obstétrical, on note une augmentation des complications à l’accouchement à partir de 40 SA telles que le travail dystocique, l’échec de déclenchement, les extractions instrumentales, les déchirures périnéales à type de lésion obstétricale du sphincter anal, les césariennes en urgence et l’infection intra-utérine (11).
De récentes études démontrent que la patiente en situation d’obésité mènera plus fréquemment sa grossesse en terme dépassé qu’une patiente à IMC normal, par diminution du taux de travail spontané (12,13) : la grossesse prolongée concerne 30% des patientes obèses versus 22% des patientes à IMC normal (OR 2,2) (14). Cette association existe d’autant plus que l’IMC augmente (15) et lorsque la prise de poids pendant la grossesse excède les recommandations (16), quel que soit l’IMC préconceptionnel (17). La grossesse prolongée représente alors l’une des complications la plus fréquente de la patiente obèse. Il existe donc dans cette situation clinique un cumul de risques, alors que l’obésité tout comme le terme d’accouchement sont deux facteurs accessibles à la prévention. En cas de grossesse prolongée et chez une patiente à bas risque, l’attitude expectative est recommandée par rapport au déclenchement artificiel du travail car il n’existe pas de différence significative en termes de morbi-mortalité néonatale entre les deux attitudes thérapeutiques avant 42 SA (18,19). De plus, avec un taux acceptable de travail spontané (38.5% dans cette population selon l’étude de Frolova et al.) (12), le rapport entre le nombre d’événements péjoratifs au cours d’une semaine d’aménorrhée par rapport au nombre d’accouchements au cours de cette même semaine penche en faveur de l’expectative .
Prise en charge des patientes en cas de grossesse prolongée
Chaque patiente arrivant au terme de 41 SA bénéficiait d’une prise en charge par expectative en l’absence de situation pathologique. Une consultation était prévue tous les deux jours à partir de 41 SA. Un examen clinique était pratiqué ainsi qu’un enregistrement du rythme cardiaque fœtal. Une échographie était réalisée à 41 SA +0 jour et 41 SA +4 jours en dépistage d’un oligoamnios. Une patiente qui n’avait pas accouché à l’issue du suivi se voyait proposer à titre systématique un déclenchement artificiel du travail à 41 SA +6 jours. Toute anomalie au cours du suivi justifiait une induction du travail, soit par maturation (prostaglandine ou sonde à double ballonnet) en cas de score de BISHOP non favorable, soit par déclenchement d’emblée (amniotomie première et/ou perfusion d’ocytociques) si le score de BISHOP était > 6. Pour les patientes aux antécédents de césarienne, une maturation était envisageable par prostaglandine pour un score de BISHOP > 3 ou par sonde à double ballonnet si ≥ 3. L’obésité morbide était une indication préférentielle à la mise en place d’une sonde à double ballonnet. Une indication de déclenchement était systématiquement proposée par un senior et selon le score de BISHOP ; l’examen du col réalisé par un(e) sage-femme/maïeuticien expérimenté(e).
Données recueillies
Les variables suivantes concernant la mère et la grossesse étaient étudiées : âge maternel, antécédent de césarienne, parité (classée indépendamment du mode d’accouchement ultérieur en nullipare pour une patiente n’ayant pas d’enfant, primipare si ayant accouché une fois, multipare, à partir de deux accouchements), HTA gravidique (définie par une pression artérielle systolique ≥ 140 mmHg et/ou une diastolique ≥ 90 mmHg) et prééclampsie (définie par une HTA gravidique et une protéinurie > 0,3 g/24h), diagnostiquées au cours du suivi de grossesse prolongée, et la survenue d’une mort fœtale in utero. Les critères étudiés pendant le travail étaient : terme exact d’accouchement (de J0 à J6 à partir de 41 SA), mode de début de travail (spontané ou déclenché), mode d’accouchement (voie basse spontanée, extraction instrumentale, césarienne en urgence) et HPP (définie par des pertes sanguines > 500mL). Les caractéristiques néonatales incluaient : poids de naissance en gramme et percentile selon des courbes customisées pédiatriques, petit poids pour l’âge gestationnel (PAG, poids < 10ème percentile), macrosomie (poids > 90ème percentile), pH au cordon ombilical à la naissance, Apgar à 5 minutes de vie, hospitalisation en unité néonatale et décès néonatal précoce (dans les 7 jours suivant la naissance). L’IMC maternel était calculé à partir de la taille et du poids pré-conceptionnels. Les 5 catégories suivantes étaient utilisées : 18,5 – 24,9 kg/m² (corpulence normale), 25 – 29,9 kg/m² (surpoids), 30 – 34,9 kg/m² (obésité classe I), 35 – 39,9 kg/m² (obésité classe II), ≥ 40 kg/m² (obésité classe III). L’âge gestationnel était défini selon la date du début de grossesse estimée par l’échographie du premier trimestre mesurant la longueur cranio-caudale.
Issues materno-fœtales
Les issues suivantes étaient mesurées pour chaque classe d’IMC : modalité de mise en travail (spontané ou induit), mode d’accouchement (vaginal non assisté, vaginal assisté, césarienne en urgence), présence d’une complication obstétricale : maladie hypertensive (HTA gravidique et/ou prééclampsie), HPP et morbidité néonatale définie par la présence d’au moins un facteur suivant : a) pH au cordon ombilical à la naissance < 7,15, b) Apgar à 5 minutes de vie < 7, c) hospitalisation en unité néonatale et d) survenue d’un décès néonatal précoce (dans les 7 jours suivant la naissance).
Analyses statistiques
Les caractéristiques des patientes ont été comparées dans chaque classe d’IMC en utilisant pour les variables catégorielles le test du Chi² ou le test de Fisher en fonction des effectifs calculés et le test de Kruskal-Wallis pour les variables continues. Pour l’analyse multivariée, des modèles de régression logistique ont été utilisés pour les variables expliquées en 2 classes (modalité de mise en travail, HPP, maladie hypertensive, morbidité néonatale). Pour le mode d’accouchement, un modèle de régression logistique multinomiale a été construit. Les différents modèles étaient systématiquement ajustés sur l’âge maternel (en numérique), la parité, un antécédent de césarienne, et le jour d’accouchement dans la semaine 41 (en numérique). Dans tous les cas, la principale variable indépendante était l’IMC en 5 classes, avec la classe « corpulence normale » utilisée comme référence. Les données étaient analysées avec SAS version 9.4. Une valeur de p<0,05 était considérée comme statistiquement significative.
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Table des matières
INTRODUCTION
MATÉRIEL ET MÉTHODE
Prise en charge des patientes en cas de grossesse prolongée
Données recueillies
Issues materno-fœtales
Analyses statistiques
RÉSULTATS
Mode de mise en travail
Modalités d’accouchement
Issues materno-fœtales
DISCUSSION
Forces et limites de l’étude
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE