Nucléation homogène des bulles dans les systèmes basalte-H2O et basalte H2O-CO2

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Solubilité des volatils dans les basaltes

Dans des conditions données (P-T-fO2), la solubilité correspond à la quantité maximale d’une espèce volatile qui peut être dissoute dans un liquide silicaté ; on parle de conditions de saturation. Dans les basaltes, comme dans tous les magmas silicatés, la solubilité est propre à chaque volatil. Elle est déterminée par des études expérimentales (ex. Shishkina et al., 2010 ; Lesne et al., 2011a, b ; Fortin et al., 2015 ; Lesne et al., 2015) et donnée par les modèles qui en découlent (ex. Dixon, 1997 ; Newman et Lowenstern, 2002 ; Papale et al., 2006 ; Iacono-Marziano et al., 2012 ; Witham et al., 2012 ; Burgisser et al., 2015). La détermination expérimentale des lois de solubilité consiste à équilibrer un liquide silicaté (dont on mesure les concentrations en volatils dissoutes) avec une phase fluide en excès. Ces études ont montré que la solubilité des volatils est principalement dépendante de la pression (ou profondeur) ; elle l’est aussi de la température, de la composition du liquide silicaté (notamment des teneurs en alcalins pour le CO2, Lesne, 2008, et en fer pour le soufre) et de la spéciation des éléments volatils (Mc Millan, 1994 ; Blank et Brooker, 1994 ; Zhang et al., 2007 ; Gonnermann et Manga, 2013). L’eau, présente sous forme moléculaire H2O et de groupement hydroxyle OH- (ex. Stolper, 1982), est l’espèce la plus soluble. Dans les basaltes d’arc (i.e. en contexte de subduction, Wallace, 2005), la solubilité de l’eau peut atteindre 6– 8% pds. Le CO2 est la seconde espèce la plus soluble ; ses solubilités sont un ou deux ordres de grandeur inférieurs à celles de l’eau (Baker et Alletti, 2012). Pour exemple, les basaltes d’arc peuvent contenir jusqu’à 2500 ppm de CO2 (Wallace, 2005). Dans les liquides basaltiques, le carbonate CO32- est l’espèce carbonée dominante, le CO2 moléculaire est peu présent, voire absent, selon les concentrations en SiO2 (ex. Wallace et al., 2015). Le soufre est la troisième espèce la plus soluble. Son comportement est complexe, fortement dépendant des conditions d’oxydoréduction (fO2). En conditions réductrices, le soufre est présent sous forme de sulfure S2- tandis qu’en conditions oxydantes, le soufre est dissous en tant que sulfate S6+ (Wallace et al., 2015). La solubilité du soufre semble davantage dépendante de la température que de la pression. Les basaltes d’arc contiennent, pour la plupart, entre 900 et 2500 ppm de soufre (Wallace, 2005).

Diffusivité des volatils dans les basaltes

Les constituants volatils majeurs (H2O, CO2, S) ont des diffusivités contrastées dans les liquides basaltiques, fortement dépendantes de leur spéciation. La diffusion de l’eau est bien plus rapide que celles du CO2 et du soufre (Baker et al., 2005 ; Zhang et Ni, 2010 ; Behrens et Stelling, 2011). Les équations citées ci-dessous sont celles que nous avons utilisées pour contraindre la diffusivité des volatils dans les liquides basaltiques.
La diffusivité de l’eau est la plus contrainte (ex. Zhang et Stolper, 1991 ; Okumura et Nakashima, 2006 ; Persikov et al., 2010) ; elle est, par exemple, donnée par Zhang et al. (2007 ; Zhang et Ni, 2010, Eq. i.1) : DH2Ot = CH2Otexp(–8,56 – 19110 ) (Eq. i.1) où DH2Ot est le coefficient de diffusion (diffusivité en m2.s-1), T la température (en K) et CH2Ot la teneur en H2O totale (H2Omoléculaire+OH-) (en % pds). La diffusivité de l’eau semble dépendre de la teneur en H2Ot et de la composition du liquide silicaté (teneur en SiO2, alcalinité, Zhang et Ni, 2010). A noter que cette équation est donnée pour des teneurs en eau ≤ 1,1% pds (et pour 400–1500°C, ≤ 1 GPa), bien inférieures aux teneurs en eau de notre étude (jusqu’à ~5% pds).
La diffusivité du CO2 est 7 à 10 fois inférieure à celle de H2O (Zhang et Stolper, 1991 ; Pichavant et al., 2013). Elle est, par exemple, donnée par Zhang et al. (2007 ; Zhang et Ni, 2010, Eq. i.2) : lnDCO2t = –13,99 – 17367 + 1944,8P + (855,2 + 271,2P) CH2Ot (Eq. i.2) où DCO2t est le coefficient de diffusion (diffusivité en m2.s-1), T la température (en K), P la pression (en GPa) et CH2Ot la teneur en H2O totale (en % pds). Cette équation est commune à tous les liquides silicatés, basaltiques à rhyolitiques car, au contraire de la diffusivité de l’eau, celle du CO2 ne semble dépendre ni de la teneur en CO2, ni de la composition du liquide silicaté (Zhang et Ni, 2010). A noter que dans les liquides basaltiques, les diffusivités de H2O et du CO2 sont connues pour des conditions limitées de température et de composition chimique (Baker et al., 2005), l’effet de pression étant considéré comme négligeable. En revanche, la température et la teneur en eau dans le liquide ont pour effet d’augmenter la diffusivité de ces deux volatils majeurs (Zhang et Ni, 2010).
La diffusivité du soufre est comparativement moins bien connue (ex. Buchanan et Nolan, 1979 ; Watson et al., 1993 ; Freda et al., 2005). Dans les basaltes non hydratés, elle est 2 fois plus lente que la diffusion du CO2 et de 2 ordres de grandeur plus lente que la diffusion  de H2O (Freda et al., 2005). En présence d’eau (3,5% pds), comme c’est le cas dans notre étude bien que les conditions expérimentales ne soient pas les mêmes (1225–1450°C, 0,5–1 GPa), elle est, par exemple, donnée par Freda et al. (2005, Eq. i.3) : D = 5,91.10-7exp(–130,8 ± 82,6 ) (Eq. i.3) RT où D est le coefficient de diffusion (diffusivité en m2.s-1), R la constante des gaz parfaits (8,3143 J.K-1.mol-1) et T la température (en K). La pression ne semble pas non plus avoir d’influence sur la diffusivité du soufre (Freda et al., 2005).

Comportement des volatils au cours de la décompression

Le dégazage magmatique

Lors de l’ascension et de la décompression d’un magma, les volatils s’exsolvent sous forme gazeuse : c’est le dégazage magmatique. L’exsolution (ou perte) des volatils dépend de leur solubilité, ainsi que de leur diffusivité au sein du liquide silicaté (ex. Gonnermann et Manga, 2007). La diminution de pression, engendrée par la remontée du magma, réduit la solubilité des volatils. Le magma est sursaturé dès lors que sa concentration en volatils dissous surpasse la solubilité. Le surplus en volatils induit la formation d’une phase gazeuse, i.e. la nucléation de bulles de gaz au sein du liquide. Il s’agit de la première étape du processus de dégazage des magmas. A noter que ce sont les bulles de gaz qui constituent la force motrice des éruptions volcaniques, notamment par leur capacité (ou plutôt incapacité) à se séparer du magma (Gonnermann et Manga, 2007). L’exsolution des volatils, faisant suite à la sursaturation du liquide silicaté, peut être liée à une diminution de la pression lors de l’ascension magmatique (comme mentionné ci-dessus et dans le cadre de cette thèse), mais peut également être induite par une diminution de la température ou encore par la cristallisation.
Les différences de solubilité des espèces volatiles (voir la section 1.1.1) conduisent à une “séquence d’exsolution” (ex. Spilliaert, 2006). En théorie, le dioxyde de carbone serait la première espèce à s’exsolver à de grandes profondeurs (ou pressions), suivi de l’eau puis du soufre à de plus faibles profondeurs.

Dispositif expérimental

Autoclave à chauffage interne

Les expériences ont toutes été menées dans un autoclave à chauffage interne (Fig. ii.4), permettant de placer nos échantillons dans des conditions de P-T-fO2 analogues à celles rencontrées dans la nature, et plus précisément dans celles régnant au Stromboli.
L’autoclave est équipé d’un système de trempe rapide qui permet de figer la texture et la chimie des échantillons en fin d’expérience (Di Carlo et al., 2006). Il est utilisé en position verticale pour minimiser la convection thermique. L’autoclave est pressurisé par des mélanges gazeux Ar-H2, dont la composition permet de contrôler la fugacité d’hydrogène (fH2) dans le milieu expérimental et indirectement celle d’oxygène (fO2) dans chacune des capsules présentes lors de l’essai. La plupart des synthèses et des décompressions ont été menées avec une pression initiale d’1 bar H2. Cependant, certaines de nos expériences ont été menées sans H2, générant des conditions plus oxydantes favorisant la cristallisation d’oxydes de Fe–Ti (Chapitre v). La pression totale est obtenue par une mise en pression initiale à froid (à hauteur d’un peu plus de 50% de la pression ciblée), puis par la montée en température du volume gazeux confiné dans l’autoclave. Ainsi, pour chacune de nos expériences, l’Ar a été pompé jusqu’à ~1200 bar à froid afin d’atteindre ~2000 bar à 1200°C. La pression totale est lue en continu sur un capteur calibré sur un manomètre Heise avec une précision de ± 20 bar.
Fig. ii.4. Photo d’un des deux autoclaves à chauffage interne utilisés.
Lors de l’expérience, les capsules sont placées dans un porte-échantillon en alumine suspendu par un fil de Pt dans la zone chaude d’un four molybdène. La température de cette zone, de 2–3 cm de long, est mesurée à l’aide de deux thermocouples de type S et contrôlée par un régulateur Eurotherm. Des conditions quasi-isothermes (gradient < 2–3°C/cm) sont maintenues dans le porte-échantillon. L’incertitude sur la mesure de la température est estimée meilleure que ± 5°C. A la fin de l’expérience, un courant électrique est envoyé à travers le fil de suspension, faisant tomber le porte-échantillon dans la zone froide (< 100°C) du four. Aucun cristal de trempe n’a été observé dans les verres expérimentaux, suggérant que leur refroidissement a été suffisamment rapide (~100°C/s, Di Carlo et al., 2006).

Mesure des conditions d’oxydoréduction

La fH2 des expériences et indirectement la fO2 des capsules, a été contrôlée par la technique du sensor solide (Taylor et al., 1992 ; Pownceby et O’Neill, 1994). Il s’agit d’une capsule en Pt de 2 cm de longueur (Ø 2,5 mm) contenant 15 ml d’eau, de la poudre de zirconium destinée à faire écran entre les réactifs et le métal de la capsule, et deux mélanges métal (alliage NiPd) oxyde (NiO) de rapport Ni/Pd différent (XNiin = 0,15 et 0,85). De telles capsules (Fig. ii.5), perméables à l’H2, ont été introduites dans certaines expériences de synthèse ; les expériences de décompression étant trop courtes pour équilibrer les alliages NiPd. Les conditions redox imposées lors de la synthèse sont supposées inchangées au cours de la décompression.
Fig. ii.5. Schéma du remplissage des capsules sensors.
Après l’expérience de synthèse, la composition (fraction molaire de Ni, XNi) des deux alliages NiPd est déterminée à la microsonde électronique, ce qui permet de calculer la fO2 de la capsule sensor (Taylor et al., 1992 ; Pownceby et O’Neill, 1994). La fH2 de l’expérience (la fH2 étant la même pour toutes les charges, Eq. ii.3) est ensuite calculée à partir de la réaction de dissociation de l’eau (Eq. ii.4) en utilisant la fO2 de la capsule sensor, la constante de dissociation de l’eau (Ke, Eq. ii.5, Robie et al., 1979) et la fugacité de l’eau pure à 200 MPa et 1200°C (fH2O°, Burnham et al., 1969 ; Holloway, 1987). La fO2 varie avec la teneur en eau des charges, exprimée par leur activité en eau aH2O (ou fH2O, Eq. ii.6), et donc au sein d’une même expérience. Pour déterminer la fO2 de chacune des charges, la fH2O est calculée à partir des teneurs en eau mesurées dans les verres synthétisés (par spectroscopie IR) en utilisant le modèle thermodynamique de Burnham (1979) pour l’eau dans les liquides silicatés.

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Table des matières

Introduction 
1. Dégazage et vésiculation des magmas
2. Objectifs et méthodes
3. Structure du manuscrit
Chapitre i : Cadre général 
1. Le dégazage magmatique
1.1. Les volatils dans les magmas
1.1.1. Solubilité des volatils dans les basaltes
1.1.2. Diffusivité des volatils dans les basaltes
1.2. Comportement des volatils au cours de la décompression
1.2.1. Le dégazage magmatique
1.2.2. Les mécanismes du dégazage magmatique
1.2.3. Implications pour la dynamique des éruptions
2. Nucléation des bulles dans les magmas
2.1. Aspects théoriques
2.1.1. Théorie classique de la nucléation
2.1.2. Nucléation homogène
2.1.3. Nucléation hétérogène
2.1.4. Effet de la tension de surface
2.2. Aspects naturels
2.2.1. Vésicularit
2.2.2. Densité numérique de bulles
2.2.3. Distribution de taille des bulles
2.3. Aspects expérimentaux
2.3.1. Travaux antérieurs
2.3.2. Pressions de sursaturatin
2.3.3. Tensions de surface
3. Modèles théoriques de dégazage des magmas basaltiques
3.1. Dégazage à l’équilibre
3.2. Inclusions vitreuses
3.3. Volcanisme basaltique explosif
4. Approche expérimentale
4.1. Stratégie expérimentale
4.2. Calage des expériences de décompression
4.2.1. Choix du volcan de référence : Le Stromboli
4.2.2. Choix du matériel de départ : La ponce Strombolienne PST-9
4.2.3. Gaz volcaniques
Chapitre ii : Méthodes expérimentales et techniques analytiques 
1. Méthodes expérimentales
1.1. Préparation des verres de départ
1.1.1. Préparation des capsules
1.1.2. Remplissage des capsules
1.2. Dispositif expérimental
1.2.1. Autoclave à chauffage interne
1.2.2. Mesure des conditions d’oxydoréduction
1.3. Protocole expérimental
1.3.1. Expériences de synthèse
1.3.2. Expériences de décompression
2. Techniques analytiques
2.1. Préparation des échantillons
2.2. Microtomographie par rayons X
2.3. Microscopie électronique à balayage (MEB)
2.4. Microsonde électronique
2.5. Spectrométrie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR)
2.6. Calculs thermodynamiques
2.6.1. Vésicularités d’équilibre
2.6.2. Equilibres liquide-vapeur
2.7. Calculs de bilan de masse
Chapitre iii : Nucléation homogène des bulles dans les systèmes basalte-H2O et basalte H2O-CO2
Résumé
1. Introduction
2. Theoretical background
3. Experimental methods
3.1. Preparation of starting glasses
3.2. Equipment
3.3. Run procedure
4. Analytical methods
4.1. Sample preparation
4.2. Textural analyses
4.3. Scanning electron microscopy
4.4. Glass volatile contents
5. Experimental results
5.1. Volatile contents of pre-decompresion glasses
5.2. Qualitative textural characteristics of post-decompression glasses
5.3. Quantitative study of internal textures
5.4. Volatile contents of post-decompression
6. Interpretation and discussion of experimental observations
6.1. Supersaturation pressures required for homogeneous bubble nucleation
6.2. Physical mechanisms of degassing and textures
6.2.1. Vesicularities
6.2.2. Nucleation events
6.2.3. Bubble coalescence
6.2.4. Fragmentation
6.3. Role of CO2 on physical mechanisms of degassing and textures
6.4. Equilibrium vs. non-equilibrium degassing
7. Volcanological implications
7.1. Comparison between experimental and natural textural parameters
7.2. Use of BSD systematics
8. Conclusions
Appendix
References
Figure captions
Chapitre iv : Effet de la vitesse d’ascension sur la nucléation homogène des bulles dans les systèmes basalte-H2O et basalte H2O-CO2 : Implications pour le volcan Stromboli 
Résumé
1. Introduction
2. Volcanological background
3. Experimental methods
3.1. Scaling of the decompression experiments
3.2. Starting material
3.3. Equipment
3.4. Run procedure
4. Analytical methods
4.1. Sample preparation
4.2. Textural analyses
4.3. Glass volatile concentrations
5. Experimental results
5.1. Redox conditions
5.2. H2O and CO2 concentrations in starting glasses
5.3. Textures of post-decompression glasses: qualitative observations
5.4. Textures of post-decompression glasses: quantitative observations
5.5. H2O and CO2 concentrations in post-decompression glasses
6. Interpretation and discussion of experimental observations
6.1. Supersaturation pressures required for homogeneous bubble nucleation
6.2. Physical mechanisms of degassing and textures
6.2.1. Vesicularities
6.2.2. Nucleation events
6.2.3. Bubble coalescence
6.2.4. Bubble size distributions
6.2.5. Fragmentation
6.3. Equilibrium vs. non-equilibrium degassing
6.4. Effect of decompression rate on degassing mechanisms
7. Volcanological implications
7.1. Comparison between experimental and Strombolian textural parameters
7.2. Implications for the dynamics of magma ascent at Stromboli volcano
8. Conclusions
Appendix 
References 
Figure captions

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