Noyaux de Pick complets et le théorème de Leech
Espaces de Hilbert à noyau reproduisant
Dans ce chapitre, nous allons introduire l’objet principal d’étude de ce travail, soit les espaces de Hilbert à noyau reproduisant. Nous donnerons quelques propriétés de base et étudierons trois exemples importants en analyse complexe. Finalement, nous obtiendrons une caractérisation des fonctions semi-définies positives : ce sont les noyaux d’espaces de Hilbert à noyau reproduisant. Nous nous baserons principalement sur les livres [1, 13].
Soit X un ensemble non vide.
Un espace de Hilbert à noyau reproduisant sur X est un espace de Hilbert de fonctions sur X à valeurs dans C tel que pour chaque x 2 X, la fonctionnelle d’évaluation f 7! f(x) est continue. Dorénavant, nous abrégerons espace de Hilbert à noyau reproduisant par RKHS (acronyme pour la terminologie anglophone reproducing kernel Hilbert space). Soit H un RKHS sur X. Par le théorème de représentation de Riesz pour les espaces de Hilbert, il existe, pour chaque x 2 X, une unique fonction kx 2 H telle que f(x) = hf; kxi pour chaque f 2 H. La fonction K : X _ X ! C définie par K(x; y) := ky(x) est appelée le noyau reproduisant de H. Exemple 1.2. L’espace euclidien Cn peut être vu comme un espace de fonctions sur l’ensemble X = f1; 2; : : : ; ng. Le vecteur x = (x1; x2; : : : ; xn) correspond à la fonction f : X ! C définie par f(j) := xj . Comme Cn est de dimension finie, toutes les fonctionnelles linéaires sont 3 continues, et par conséquent, Cn est un RKHS. On a, pour chaque x 2 Cn, et pour 1 _ j _ n, xj = hx; eji.
Fonctions semi-définies positives
Il n’est pas trop difficile de voir que le fait que A _ 0 revient à dire que hAz; zi _ 0 pour tout choix de vecteur z 2 Cn (où h_; _i dénote le produit scalaire dans Cn). Cette formulation se généralise facilement au contexte des espaces de dimension infinie ; un opérateur (borné) A sur un espace de Hilbert H est semi-défini positif si hAz; ziH _ 0 pour tout z 2 H. Le théorème suivant nous donne deux autres formulations équivalentes de la propriété de positivité semi-définie, qui nous seront utiles pour plus tard.
Ainsi, toutes les valeurs propres de A sont non négatives. (2 ) 3) : Par le théorème spectral, A peut être écrite sous la forme A = UDU_ où U est une matrice unitaire et D est une matrice diagonale dont les entrées sur la diagonale sont les valeurs propres de A. Soit eD , la matrice diagonale dont les entrées sur la diagonale sont les racines carrées de celles de D (ce sont des nombres réels non-négatifs car les valeurs propres de A le sont). On définit alors B := U eD U_. Comme les entrées de la diagonale de eD sont réelles, B est auto-adjointe, et on a A = B2 = BB_ 000000000 Il est clair que si A et B sont semi-définies positives et si a et b sont des constantes réelles non négatives, alors aA + bB _ 0. Cependant, en général, il est faux que AB _ 0. Par contre, il existe un produit pour lequel la propriété d’être semi-définie positive est préservée. Définition 1.16. Soit A = (aij) et B = (bij), deux matrices m _ n. Alors leur produit de Schur est la matrice A _ B := (aijbij).
Interpolation de Pick
Le problème d’interpolation de Pick est un des problèmes centraux de la théorie des RKHS. Il consiste à déterminer sous quelles conditions on peut trouver un multiplicateur qui interpole une paire de suites finies de points donnés. Nous commencerons d’abord en définissant et donnant quelques propriétés des multiplicateurs. Ensuite, nous parlerons du produit tensoriel sur les espaces de Hilbert afin d’introduire les RKHS à valeurs vectorielles. Ceux-ci nous permettront de formuler la notion de noyau de Pick complet, qui nous donnera une solution complète au problème d’interpolation de Pick. Comme application, le théorème très récent d’Aleman, Hartz, Richter et McCarthy montrera que chaque fonction dans un RKHS avec la propriété de Pick complète peut s’écrire comme un quotient de deux multiplicateurs.
Finalement, nous reviendrons à l’analyse complexe et identifierons quels espaces de fonctions analytiques ont la propriété de Pick complète. Tout au long de ce chapitre, H est un RKHS sur X avec noyau K. On supposera aussi que H contient les constantes. Nous allons aussi supposer que K satisfait les deux propriétés suivantes 1. Pour chaque x; y 2 X, on a K(x; y) 6= 0 2. K est une fonction définie positive. La première condition est simplement là car nous aurons besoin de diviser par K(x; y). La deuxième condition nécessite un peu plus de justifications. D’abord, une matrice est définie positive si elle satisfait la définition donnée de matrice semi-définie positive mais avec une inégalité stricte lorsque les _j ne sont pas tous nuls. De même, une fonction F : X _ X ! C est définie positive si elle satisfait la définition de fonction semi-définie positive mais avec « semi-définie positive » remplacé par « définie positive ». Il n’est pas trop difficile de voir que cette condition est équivalente au fait que les fonctions kx; (x 2 X) sont linéairement indépendantes. En effet, ceci suit de la formule suivante :
Le problème d’interpolation de Pick
L’idée de la démonstration classique va comme suit. D’abord, le cas n = 1 est trivial. En effet, d’une part, la matrice 1 _ 1 est toujours semi-définie positive car z1 2 D et w1 2 D. D’autre part, le problème d’interpolation à un point a toujours une solution : pour chaque a 2 D, la fonction est un automorphisme du disque qui envoie 0 sur a. Alors f := w1 _ ?1 z1 fait l’affaire. Pour le cas général, on procède par induction. En composant par des automorphismes du disque a comme ci-haut, on peut supposer sans perte de généralité que zn = wn = 0. Par le lemme de Schwarz, on devrait alors avoir que g(z) := f(z)=z est holomorphe sur D et prend ses valeurs dans D. Aussi, g serait une solution au problème d’interpolation g(zj) = ewj pour j = 1; : : : ; n ? 1, où ewj := wj=zj . On se ramène ainsi au cas n ? 1, et avec un peu de travail, on peut montrer que la matrice (2.1) est semi-définie positive si et seulement si celle avec les zj et les ewj l’est. Pour plus de détails, voir [6, Théorème 2.2].
Notre approche sera plutôt basée sur la théorie des RKHS. Nous allons en fait étudier un problème beaucoup plus général. Soit X un ensemble non vide, H un RKHS sur X avec noyau K et Mult(H), son algèbre des multiplicateurs. Étant donné des points x1; distincts et D, peut-on trouver un multiplicateur _ tel que k_kMult(H) _ 1 et _(xj) = yj pour 1 _ j _ n ? Si on prend H2 comme RKHS, alors on voit qu’on se ramène au problème d’interpolation de Pick classique. On voudrait cependant un résultat plus général que le théorème de Nevanlinna–Pick. Il suit immédiatement du théorème de caractérisation des multiplicateurs que si une telle _ existe, alors il faut nécessairement que la matrice soit semi-définie positive. Notons que cette condition est la même que celle qui intervient dans le théorème de Nevanlinna–Pick classique lorsqu’on prend H = H2. Cette condition est-elle suffisante dans le cas général ? La réponse est non, comme le montre l’exemple suivant.
Les RKHS à valeurs vectorielles
Nous allons maintenant introduire la notion de RKHS vectoriel. Ceci nous permettra de formuler la propriété de Pick complète pour les RKHS, et nous verrons une condition sur le noyau K qui nous permettra de déterminer quand un RKHS a la propriété de Pick complète. Nous verrons plus tard que les espaces H2 et D ont cette propriété. On commence avec un RKHS H sur X et avec noyau K : X _ X ! C. Soit L un espace de Hilbert quelconque. On peut voir H L comme un espace de fonctions sur X à valeurs dans L. En effet, tout espace de Hilbert est isomorphe à `2(S) pour un certain ensemble S (S peut être par exemple un ensemble d’indices pour une base orthonormée). Donc L ‘ `2(S) pour un certain ensemble S, et par l’exemple 2.19. Donc chaque F 2 H L est de la forme F = (fs)s2S, où les fs 2 H sont des fonctions de X ! C telles que Alors F est la fonction définie par
Le théorème de Gleason–Kahane–Zelazko Le théorème de Gleason–Kahane–Zelazko classique donne une caractérisation des fonctionnelles linéaires multiplicatives sur une algèbre de Banach complexe. Dans ce chapitre, nous obtenons des généralisations de ce théorème pour les espaces Hp et l’espace de Dirichlet. Les démonstrations reposent sur le théorème d’Aleman, Hartz, McCarthy et Richter. Pour la définition et le théorème qui suivent, A désignera une algèbre de Banach sur C avec élément neutre 1. On supposera que A est normalisé, i.e., k1k = 1.
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Table des matières
Résumé
Table des matières
Remerciements
Introduction
1 Espaces de Hilbert à noyau reproduisant
1.1 Définition et exemples simples
1.2 L’espace de Hardy
1.3 L’espace de Dirichlet
1.4 L’espace de Bergman
1.5 Fonctions semi-définies positives
2 Interpolation de Pick
2.1 Les multiplicateurs
2.2 Le problème d’interpolation de Pick
2.3 Le produit tensoriel
2.4 Les RKHS à valeurs vectorielles
2.5 Noyaux de Pick complets et le théorème de Leech
2.6 Le théorème d’Aleman, Hartz, McCarthy et Richter
2.7 Les espaces de fonctions analytiques avec la propriété de Pick complète
3 Le théorème de Gleason–Kahane–Zelazko
Conclusion
Bibliographie
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