Nouvelles tendances dans l’enseignement apprentissage de l’écriture
L’enseignement de l’écriture via la rédaction
Dans l’enseignement traditionnel, la didactique de l’écriture repose essentiellement sur un réinvestissement, dans des situations rédactionnelles, des savoirs précédemment acquis dans les différents cours de français. Autrement dit, l’apprenant, dans l’épreuve de production écrite, convoque puis intègre des connaissances relatives à d’autres enseignements et en particulier les sous-systèmes de la langue : syntaxe, orthographe, conjugaison, vocabulaire…Cependant, dans cet apprentissage, on ne prévoit pas d’exercice qui vise à acquérir la façon (ou les façons) dont ces sous-systèmes peuvent être intégrés lors de la production d’écrits. C’est pourquoi il appartient à l’apprenant d’apprendre, par lui-même, comment les intégrer. C’est dire que l’apprenant apprend à écrire rien qu’en rédigeant parce que le processus d’écriture n’a pas encore fait l’objet d’une quelconque analyse théorique.
D’ailleurs, l’analyse de J-F Halté est très significative dans ce sens : « Écrire revient à exploiter les connaissances hétérogènes dans des situations les impliquant toutes. Que l’écrit ne soit pas la résultante mécanique de l’apprentissage de l’orthographe, des temps verbaux et du complément d’objet direct n’est pas exactement ignoré, mais bien, par contre, passé sous silence. Le ‘’plus’’ intervenant dans la production forme un complexe inanalysé, au demeurant particulièrement efficace puisque c’est lui qui, en définitive, permet de faire la différence entre les ‘’doués’’ et les ‘’non doués’’. L’imprégnation et l’imitation, en quoi consiste ‘’le plus’’, directement issus du socle didactique littéraire, tiennent lieu d’enseignement spécifique de l’écriture. Dans cette conception didactique, l’écriture est un objet d’apprentissage mais n’est pas un objet d’enseignement »1. Il en résulte que, dans cette conception didactique, l’élément qui sous-tend l’acquisition de l’écriture reste ‘’la répétition’’. Autrement dit, l’apprenant, guidé par un enseignant qui veille au respect des normes et des bonnes manières, s’exerce à l’écriture par de multiples essais rédactionnels (plusieurs jets).
Le paradoxe de la situation de communication
Dans les activités de rédaction, les sujets apprenants, même s’ils s’adressent à leur enseignant, doivent faire mine d’écrire à quelqu’un d’autre – qui peut être désigné explicitement ou non – dans un objectif bien déterminé. « Il s’agit de s’adresser au professeur, en feignant de ne pas lui écrire et/ou d’écrire à quelqu’un d’autre […] tout en sachant que c’est bien à l’enseignant qu’on écrit dans le but d’être évalué »3, écrit Yves Reuter. C’est dire que la situation de communication de la rédaction est aussi paradoxale qu’artificielle. Par ailleurs, il serait également utile, d’évoquer, dans ce contexte, la notion de « malentendu communicationnel »4. D’une part, les consignes du professeur sollicitent souvent le côté affectif, subjectif et personnel de l’apprenant, d’autre part, il se trouve que les remarques formulées par ce même enseignant en évaluant la copie de l’apprenant portent surtout sur les règles, les codes et les manières de dire. Pour aller plus loin, Yves Reuter ajoute qu’ « on pourrait parler ici, sans trop forcer la note, de violence symbolique ».1 Effectivement, on ne peut que qualifier de paradoxal le fait de solliciter la subjectivité d’un sujet d’une part et d’aller, d’autre part, à son encontre en lui dictant les différents rituels et les bonnes manières de dire.
Le statut de l’évaluation
Des recherches2 portant sur l’analyse des corrections des copies d’élèves – notamment les remarques en marge – effectuées par des enseignants ont montré que l’évaluation dans la méthode traditionnelle n’est en rien formative et n’assure nullement la progression du processus d’apprentissage. Il semble que, dans les copies analysées, les remarques qui dominent sont celles qui portent sur la mise en texte et se limitent essentiellement à la correction grammaticale, orthographique…De ce fait, l’enseignant, au lieu d’évaluer un ‘’tissu textuel’’ se limite à l’évaluation d’une série de phrases détachées les unes des autres. Il a été constaté également que ces remarques ne contribuent point à l’analyse et au diagnostic des dysfonctionnements relevés et cela n’aide pas l’apprenant à développer une stratégie pour y remédier. Par ailleurs, les remarques qui peuvent motiver les apprenants à progresser davantage dans leur apprentissage sont rares, pour ne pas dire inexistantes, car ce sont les remarques négatives qui l’emportent sur les remarques positives. Cela démontre clairement que ces observations ne conduisent ni à la compréhension des erreurs ni à l’amélioration de la rédaction. Pis encore, l’évaluation censée être l’une des voies de la communication entre l’enseignant et son apprenant est devenue un facteur de risque pour cette même communication. C’est d’ailleurs ce que soutient Yves Reuter « la communication est en péril aussi bien par l’absence de coopération du récepteur et par l’image négative renvoyée au scripteur… »3. De ce fait, il n’est pas étonnant d’entendre dire que l’évaluation est non seulement inefficace mais ennuyeuse.
Autres pratiques d’écriture
Pour les apprenants, la pratique de l’écriture ne se limite pas seulement au cours de français : histoire, biologie, philosophie…sont autant de situations qui peuvent donner lieu à d’autres pratiques scripturales. L’apprenant est, le plus souvent, amené à prendre des notes, résumer des textes, informer sur un sujet donné ou encore argumenter et soutenir un point de vue. Cependant, faute d’être préparés auparavant à la technique de ces genres d’écrits, la majorité des apprenants n’arrivent pas à tirer leur épingle du jeu. Et le constat est souvent accablant. Il apparaît qu’à l’origine de ces dysfonctionnements l’absence d’une réelle prise en charge par l’enseignement de l’écriture d’une grande partie des genres textuels. Autrement dit, la pratique de l’écriture dans l’enseignement classique a fait du texte littéraire son cheval de bataille et, de ce fait, elle a occulté les autres formes textuelles (texte informatif, texte argumentatif…).
De plus, les enseignants d’autres disciplines ne se sentent guère interpellés par certaines difficultés de leurs apprenants –notamment celles ayant trait à la rédaction- et les renvoient automatiquement au professeur de français. En guise de conclusion de cette partie, on peut dire que l’enseignement classique de l’écriture est fortement influencé par la méthodologie traditionnelle de l’enseignement des langues anciennes parce qu’il a tendance à prendre un caractère grammatical (encore les soussystèmes). L’expression écrite est considérée dans la classe comme un moment venant couronner les apprentissages de la grammaire, de la conjugaison et de l’orthographe. De plus, les textes littéraires, qui constituent le modèle de compétence à imiter, font rappeler, dans l’apprentissage du latin par exemple, ces textes de Cicéron donnés comme modèle. C’est dire qu’à cette époque-là, on perçoit une filiation directe entre didactique des langues dites mortes et didactique des langues vivantes étrangères.
Apprendre à écrire en ‘’projets’’ Ce pôle pédagogique, baptisé ‘’pédagogie du projet ‘’, tente une synthèse des différentes propositions alternatives en matière d’enseignement – apprentissage de diverses disciplines. Le père fondateur de ce pôle pédagogique reste KilPatrick. Ce dernier, influencé par les théories de Dewey, il lance une méthode d’enseignement active basée sur la résolution de problèmes par le moyen d’un projet divisé en plusieurs étapes. On appellera projet, comme l’affirme Michel Huber : « une action se concrétisant dans la fabrication d’un produit socialisable valorisant, qui en même temps qu’elle transforme le milieu, transforme aussi l’identité de ses auteurs en produisant des compétences nouvelles à travers la résolution des problèmes rencontrés »2. Cela signifie qu’apprendre en projets nécessite un investissement de la part des apprenants pour réaliser un produit concret. Ce même produit sera destiné à un public extérieur au groupe qui le réalisera. Cela pourrait suffire à mobiliser toutes les énergies des apprenants et toutes leurs compétences. C’est dire que le travail en projet contribue à répondre à la construction de la motivation par sa réalisation collective à l’intérieur du groupe.
On peut dire, selon Michel Huber, que « la réalisation du projet se heurtera à des situation-problèmes successives, générera des conflits cognitifs internes et socio-cognitifs, dont le dépassement favorisera l’acquisition de savoirs, savoir-faire, savoir-être, savoir devenir nouveaux »3. Autrement dit, le travail en projet est un moyen qui permet de transformer les acteurs qui penchent sur sa réalisation. Effectivement, les efforts déployés par l’apprenant pour surmonter les problèmes auxquels il fait face – lors de l’élaboration du projet – contribuent à sa transformation car il se construit de nouveaux savoirs.
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Table des matières
Introduction générale
Chapitre 1 : L’enseignement / apprentissage de l’écriture
1.La didactique de l’écriture dans l’enseignement traditionnel
1.1 L’enseignement de l’écriture via la rédaction
1.1.1- Le paradoxe de la situation de communication
1.1.2- Le statut de l’évaluation
1.1.3- L’enseignement / apprentissage de la rédaction : quelques principes
1.2- Le texte littéraire comme modèle
1.2.1 L’écriture comme talent
1.2.2 Les pratiques de l’écriture littéraire
1.2.3 Autres pratiques d’écriture
2.Nouvelles tendances dans l’enseignement -apprentissage de l’écriture
2.1. L’apport de Célestin Freinet
2.2. Apprendre à écrire en ‘’projets’’
2.3. Une autre pratique de l’écrit : les ateliers d’écriture
3.Apprendre à écrire en langue étrangère
Conclusion
Chapitre 2 : L’écriture journalistique : quelques aspects techniques
Introduction
1.La lisibilité rédactionnelle
1.1. Une écriture dense
1.2. L’intérêt humain
1.3. Ecrire court
1.4. Un vocabulaire simple
2.L’article de presse
2.1. La forme technique d’un article de presse
2.1.1. Titre et titraille
2.1.1.1 Les composants de la titraille
2.1.1.2 Les différentes fonctions du titre
2.1.1.3. Les types de titres
2.1.1.3.1 Le titre informatif
2.1.1.3.2 Le titre incitatif
2.1.2. Le chapeau
2.1.2.1. Les fonctions du chapeau
2.1.2.2 Les types de chapeaux
2.1.3. L’attaque
2.1.4. L’intertitre
2.1.5. La chute
Conclusion
Chapitre 3 : L’analyse des besoins
Introduction
1.Les compétences requises
1.1 Collecte des données
1.2 Analyse des données et identification des compétences requises
2.Les compétences acquises
2.1.L’enseignement du français au département des sciences de l’information et de la communication
2.2. Présentation du questionnaire
2.3. Analyse des résultats du questionnaire
Conclusion
Chapitre 4 : Initiation à l’écriture journalistique : propositions didactiques
Introduction
1.Produire une nouvelle brève
2.Rédiger une nécrologie
2.1. Produire une nécrologie sous forme d’un article très court
2.2. Produire une nécrologie sous forme d’un article court
3.Rédiger un fait divers
Conclusion
Conclusion générale
Bibliographie
Annexes
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