Nouvelles stratégies vers une nano-structuration maîtrisée

Nouvelles stratégies vers une nano-structuration maîtrisée

Cette problématique d’intégration directe de couche de matériau nanométrique « designée » est un vrai challenge technologique car elle n’est pour l’heure toujours pas maitrisée alors qu’elle adresse des applications multiples porteuses de développements majeurs : nous pouvons par exemple citer les couches d’oxydes ultraminces nécessaires au développement des technologies MOSFET [21–23], les couches d’oxydes aux interfaces abruptes pour la spintronique [24], des couches d’oxyde de fonctionnalisation de surface [25, 26], des couches intégrées de métallisation pour réaliser des contacts [27], etc. . .

Plusieurs approches et stratégies doivent être menées de concert pour accéder à la nano-structuration :
• il est nécessaire d’améliorer les procédés de dépôt déjà existants ou encore d’explorer de nouvelles méthodes de croissance de matériaux en couches minces relevant le défi de précision et de contrôle (homogénéité, pureté chimique) de la croissance à une échelle atomique. Dans la suite, nous présentons quelques unes des techniques de dépôt en phase vapeur en présentant leurs avantages et leurs inconvénients.
• il est primordial d’accompagner les développements technologiques par une compréhension fondamentale des mécanismes impliqués dans la nano-structuration, c’est-à-dire dans les mécanismes de croissance des couches et d’étudier l’impact des paramètres des procédés utilisés sur le déroulement de ces mécanismes. Un des verrous principaux est le manque de compréhension fondamentale sur la structure exacte que ce soit à l’échelle macroscopique mais aussi et surtout aux échelles micro et nanoscopique du matériau une fois qu’il est élaboré. Ce manque de connaissance sur la structure exacte du matériau vient d’un manque de contrôle du procédé de fabrication alors que les structures et les propriétés finales du matériau dépendent des conditions dans lesquelles ils ont été synthétisés [14, 15]. Au final, cela empêche l’optimisation des propriétés macroscopiques.

C’est dans ce deuxième axe que ce travail de thèse est développé : il s’intègre dans le contexte large de l’intégration de matériaux nano-structurés selon les dépôts en phase vapeur en proposant un outil de modélisation support pour l’ingénieur dédié à la simulation prédictive du dépôt. Il sera ainsi possible d’établir le lien entre la micro structure des matériaux et leurs propriétés macroscopiques dans le but de maîtriser les procédés de fabrication. L’objectif à terme du projet envisagé est d’obtenir un code prédictif afin d’orienter le procédé de fabrication pour des applications visées grâce à un meilleur contrôle à l’échelle nanométrique des couches de matériaux tel un outil de Conception Assistée par Ordinateur (CAO). Cela permettra d’optimiser les propriétés des objets développés [28–31]. Nous proposons la modélisation prédictive comme accompagnement des technologies par la mise à disposition d’un outil simple d’utilisation doté d’une granularité à l’échelle atomique, développé au cours de cette thèse, afin de l’assister lors de la fabrication du matériau, par la mise en oeuvre de simulations prédictives du procédé.

Nous le verrons plus en détails à la fin de ce chapitre, mais l’application choisie pour mener ce travail de thèse se concentre sur le dépôt de couches de matériaux énergétiques déposés en feuillets multicouches d’épaisseur nanométrique. Nous ne discuterons donc dans la suite que des méthodes d’élaboration disponibles pour ce type de dépôt multicouches ultra-minces, en particulier sur les méthodes de dépôt en phase vapeur.

Les méthodes de dépôt en phase vapeur existantes

Il existe deux grandes familles de procédés de dépôt pour élaborer des couches minces : les procédés chimiques ou physiques.

Les procédés de dépôt chimique

Le Dépôt Chimique en phase Vapeur 

La Chemical Vapor Deposition ou CVD, est un procédé de dépôt de couches minces sous vide, qui utilise des précurseurs gazeux [32]. Il permet de fabriquer des matériaux de bonne qualité par une méthode dite « douce » : le substrat est exposé à différents précurseurs en phase gaz, qui vont réagir et/ou se décomposer sur la surface du substrat. De cette manière, seule la surface va être modifiée par les réactions chimiques qui s’y produisent [33]. Cependant, les précurseurs peuvent réagir entre eux dans la chambre, créant de nouvelles espèces qui peuvent à leur tour réagir avec la surface et créer ainsi des défauts.

Le Dépôt par Couches Atomiques 

La CVD a été améliorée avec l’Atomic Layer Deposition (ALD), capable de déposer des couches minces avec une maîtrise de la structure des matériaux couche par couche, par l’évaporation d’une cible solide dans une chambre de dépôt sous ultra-vide [34]. C’est un procédé qui se déroule en plusieurs étapes, qui peuvent se répéter à volonté :
• Précurseur métallique gazeux déposé en une mono-couche contrôlée
• Purge des produits présents dans la chambre de dépôt, par l’introduction de gaz inertes
• Refonctionnalisation de la surface par un précurseur oxydant, H2O
• Nouvelle purge .

Cette méthode présente de nombreux avantages avec des phases de croissance autolimitées, et des purges permettant une bonne pureté chimique des couches déposées ainsi qu’un contrôle avancé sur leur épaisseur. Cependant, elle présente des limites, avec notamment le non contrôle de ces réactions se déroulant au niveau de la surface [35, 36] et des contaminants non évacués lors des différentes purges.

Les procédés de dépôt physique

La pulvérisation cathodique 

La première observation du dépôt par pulvérisation cathodique a été observée en 1852 avec Grove [37]. Lors d’une expérience, il relève un dépôt de métal sur les parois en verre d’un tube, identique à celui constituant l’électrode placée dans un tube à décharge. Durant le dépôt par pulvérisation cathodique, la cible (qui contient l’élément à déposer) est pulvérisée par des ions positifs issus d’un plasma d’argon présent dans la chambre, sous vide [38]. Pour un tel dépôt, un fort courant parcourt la chambre de dépôt afin de créer un plasma froid composé de diverses espèces chargées. Sous l’effet du champ magnétique, les espèces positives vont se retrouver attirées vers la cathode et arracher des atomes de la cible par collisions. Les atomes arrachés deviennent alors des espèces neutres qui vont aller se condenser sur le substrat grâce à des forces d’interaction entre le substrat et le film en train de se former. Il s’agit ici du procédé utilisé au LAAS pour l’élaboration de feuillets énergétiques déposés en multi-couches d’épaisseur nanométriques. Nous reviendrons plus en détail ensuite sur les matériaux énergétiques [39]. Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéressons au cas de l’oxyde de cuivre, dont la phase gazeuse se trouve plus complexe, avec la présence de deux espèces à déposer au même moment. Il va donc y avoir des réactions dans la chambre donnant lieu à de nouvelles espèces, avant le dépôt sur le substrat. À cause du courant présent dans la chambre, des espèces dissociées avec différents niveaux de charges vont naître (pour le cuivre et l’oxygène atomiques). Il y aura aussi des réactions qui amèneront à la formation de molécules de CuO et O2 [40, 41]. L’atmosphère est volontairement saturée en O2 afin de former les molécules de CuO plutôt que Cu2O, ces dernières étant plus stables [42, 43]. Entre chaque dépôt, une pompe à vide permet le nettoyage de la chambre, afin d’avoir un dépôt toujours propre et sans espèces indésirables [18]. La plupart de ces méthodes de pulvérisation présentent des difficultés pour contrôler les réactions qui se produisent en surface du substrat [44, 45], menant à des interfaces de mauvaise qualité, voire même de nature différente [46], où l’épaisseur de la couche déposée n’est pas homogène [47], ou avec une homogénéité chimique approximative [48, 49].

L’Épitaxie par Jet Moléculaire (MBE) 

L’épitaxie par Jet Moléculaire est une méthode lourde à mettre en place, à cause de l’ultravide à faire dans la chambre de dépôt (10⁻⁸ 10⁻¹² Torr). Les cibles contenant les éléments à déposer sont placées dans des fours et sont chauffées de manière à les faire passer en phase gazeuse. Le four contenant l’élément à déposer va ensuite s’ouvrir et laisser le faisceau d’atomes sortir. Ces derniers ne vont réagir qu’avec la surface de dépôt. Plusieurs cibles peuvent être placées dans la chambre de dépôt, avec des ouvertures successives en fonction du dépôt désiré. Cette technique de dépôt est très lente (<3000 nm/h), mais permet une croissance épitaxiale du film. Pendant le fonctionnement, la Diffraction d’Électrons de Haute Énergie en incidence rasante (ou RHEED en anglais) est souvent utilisée pour contrôler la croissance des couches de cristaux, avec un ordinateur qui contrôle l’ouverture des volets en face de chaque four [50, 51]. Cependant, l’insertion d’espèces oxydantes dans le dépôt va perturber la stoechiométrie de l’oxyde dans la couche déposée [49], mais aussi certaines espèces réactives à l’oxygène qui pourraient venir s’oxyder à l’interface [52]. De plus, ce procédé est lent, avec une faible vitesse de croissance de l’oxyde et des conditions de dépôt strictes nécessitant un environnement sous ultra-vide.

Vers le développement de nouveaux procédés de fabrication : le procédé ALDO

Le procédé d’Atomic Layer Deposition and Oxidation (ALDO) permet la croissance d’oxydes ultra-minces, avec un contrôle de l’épaisseur et de la qualité des interfaces [53–55]. La méthode ALDO pourrait résoudre certains aspects de la problématique de la formation des oxydes ultra-minces que nous avons vus précédemment, en offrant un meilleur contrôle de la couche d’oxyde, notamment lors de la formation des interfaces.

Cette méthode repose sur l’alternance des différentes étapes de dépôt dans la chambre de dépôt, contrairement à la CVD où tous les précurseurs y sont placés simultanément. Un cycle de dépôt s’organise en trois étapes (i) Dépôt de l’espèce métallique de manière à former une mono-couche (ii) Oxydation de la mono-couche métallique avec du dioxygène, évitant ainsi l’introduction d’espèces non-voulues dans le dépôt (iii) Recuit, permettant l’homogénéisation de la surface, par les réactions d’oxydation auto-limitées à la mono-couche de surface. Les cycles peuvent se répéter autant de fois suivant l’épaisseur de l’oxyde désirée, avec un contrôle maximal sur la croissance des oxydes, couche par couche. Cette méthode est avantageuse par rapport au MBE car le dioxygène est introduit entre chaque couche de l’espèce métallique déposée (et pas en même temps), ce qui permet de limiter le nombre d’atomes d’oxygène par couche d’atomes métalliques, qui reste constant lors du recuit. De plus, le dépôt se fait à température ambiante, à faible pression d’oxygène, limitant les réactions à la couche de surface. Ainsi, on obtient un matériau d’une grande pureté chimique, obtenu dans des conditions d’ultra-vide. Ce matériau est composé de couches d’épaisseur et de composition très homogènes où la formation des interfaces est contrôlée grâce à un front de diffusion limité [53–55]. Ce nouveau procédé a déjà fait ses preuves en augmentant les performances de transistors à effet de champ (MOSFET) ou en améliorant la qualité de l’interface lors du dépôt de l’aluminium sur du silicium [54]. Des analyses par Spectroscopie à Électrons Auger (AES) ont montré que lors de ce dépôt, l’oxyde d’aluminium n’avait pas été formé. La performance du dépôt couche par couche a permis la formation d’un oxyde AlO, plutôt qu’Al2O3 qui est l’oxyde stable lors de la formation de couches d’alumine [53–55]. D’autres dépôts de matériaux ont aussi validé la méthode ALDO [54–57].

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Table des matières

Introduction
1 Contexte, Positionnement et Objectifs
1.1 Pour des dispositifs de plus en plus performants : la course à la miniaturisation et à la multi-fonctionnalité
1.2 Le recours aux matériaux multi-couches d’épaisseur nanométrique nanostructurés : intérêts et verrous
1.3 Nouvelles stratégies vers une nano-structuration maîtrisée
1.3.1 Les méthodes de dépôt en phase vapeur existantes
1.3.1.1 Les procédés de dépôt chimique
1.3.1.2 Les procédés de dépôt physique
1.3.1.3 Vers le développement de nouveaux procédés de fabrication : le procédé ALDO
1.3.2 Les Outils de Conception Assistée par Ordinateur (CAO)
1.3.2.1 Un peu d’histoire
1.3.2.2 Les méthodes de simulation
1.3.2.3 Applications et limites actuelles de la CAO dans le contexte de la microélectronique
1.4 Le cas applicatif de la thèse : Les matériaux énergétiques de type thermites Al/CuO déposés en feuillets multi-couches d’épaisseur nanométrique
1.4.1 Les thermites Al/CuO
1.4.2 Les interfaces naturelles comme couches barrières : verrou scientifique et technologique des matériaux énergétiques multi-couches
1.5 Objectifs, originalité et mise en oeuvre de la thèse
1.5.1 Une vision atomistique des matériaux intégrés, originalité du simulateur
1.5.2 Le dépôt de matériaux énergétiques AlCuO
1.5.3 Vers la mise à disposition d’une plateforme de simulation générique pour les procédés de dépôt en phase vapeur
1.5.4 Mise en oeuvre à l’aide d’une approche multi-échelles
2 Vers la conception d’une plateforme de simulation atomistique : approche multi-niveaux
2.1 Stratégie employée : une approche multi-niveaux
2.2 Les calculs quantiques
2.2.1 L’équation de Schrödinger
2.2.2 La Théorie de la Fonctionnelle de la Densité
2.2.3 Les paramètres de simulation
2.2.3.1 VASP, l’outil de simulation
2.2.3.2 La caractérisation de la cinétique de diffusion des atomes : recherche et calcul des barrières d’activation
2.2.3.3 Les boites de simulation pour représenter notre système
2.2.4 Description de la surface d’aluminium
2.2.4.1 La surface propre
2.2.4.2 La surface avec des défauts
2.3 La méthodologie Monte Carlo cinétique
2.3.1 Une évolution temporelle du système grâce à la connaissance de la mobilité des atomes
2.3.2 Calcul des probabilités d’occurrence et des temps de résidence
2.4 L’approche multi-échelles
2.4.1 Vers un outil pour l’ingénieur
2.4.2 Le passage de l’exploration fondamentale à l’aide de la DFT à la simulation du procédé par kMC
3 Les calculs à l’échelle atomique : Chimie des interfaces
3.1 Les premières étapes de la simulation du dépôt de CuO sur Al(111) : Adsorption de CuO moléculaire
3.2 Dépôt de l’espèce oxygène
3.2.1 Comportement de l’oxygène sur la surface d’Al(111)
3.2.1.1 Adsorption de la molécule de dioxygène
3.2.1.2 Etude statique des sites d’adsorption et de la cinétique de diffusion de l’oxygène atomique
3.2.1.3 Augmentation du recouvrement : Migration aux abords des îlots d’oxygène
3.2.2 Comportement de l’oxygène sur une surface Al(111) comportant une lacune
3.2.2.1 Adsorption de la molécule de dioxygène
3.2.2.2 Adsorption de l’oxygène atomique
3.2.3 Comportement de l’oxygène sur la surface avec une sous-lacune
3.2.3.1 Adsorption de la molécule de dioxygène
3.2.3.2 Adsorption de l’oxygène atomique
3.2.4 Comportement de l’oxygène au pied d’une marche
3.2.5 Comportement de l’oxygène sur la surface avec un ad-atome
3.2.5.1 Adsorption de la molécule de dioxygène
3.2.5.2 Stabilité de l’oxygène atomique au voisinage d’un adatome
3.2.6 L’extraction, le premier stade de formation de l’alumine
3.3 Dépôt du cuivre
3.3.1 Comportement de l’atome de cuivre sur la surface propre
3.3.1.1 Sites d’adsorption et cinétique de l’atome de cuivre isolé
3.3.1.2 Augmentation du recouvrement : les îlots d’atomes de cuivre
3.3.2 Comportement de l’atome de cuivre sur la surface avec une lacune
3.3.3 Comportement de l’atome de cuivre sur la surface avec une souslacune
3.3.4 Comportement de l’atome de cuivre sur un bord de marche
3.3.5 L’insertion du cuivre dans la couche de surface d’un substrat d’aluminium
3.3.5.1 L’insertion du cuivre dans la couche de surface d’un substrat d’aluminium
3.3.5.2 La diffusion en profondeur
3.4 Dépôt de l’oxyde de cuivre sur des surfaces avec défauts
3.4.1 Dépôt de la molécule d’oxyde de cuivre sur la surface avec une lacune
3.4.2 Dépôt sur la surface avec une sous-lacune
3.5 Dépôt de l’oxyde de cuivre et interactions inter-espèces
3.5.1 Qu’en est-il de la répulsion entre Cu et O si des îlots sont présents en surface ?
3.5.1.1 Diffusion à proximité des îlots
3.5.1.2 Comportement après adsorption sur un îlot
3.5.2 Dépôt sur zone oxydée : Adsorption sur une couche d’alumine
3.5.2.1 Dépôt d’oxyde de cuivre
3.5.2.2 Dépôt de l’atome de cuivre
3.5.2.3 Dépôt de l’atome d’oxygène
3.5.3 Dépôt sur zone riche en cuivre
3.5.3.1 Dépôt de la molécule d’oxyde de cuivre sur une monocouche de cuivre adsorbée “1 pour 1” et discussion
Conclusion

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