Nouvelles briques de conception de systèmes intégrés pour la vision infrarouge

État de l’art : vers une rupture de la conception optique classique

Problématique liée à l’intégration des systèmes optiques au plus près du détecteur

Un effort important de recherche est actuellement mené par les industriels pour intégrer les systèmes optiques au plus près des détecteurs. J’entends par intégration d’un système optique au plus près d’un détecteur, le résultat d’une miniaturisation et/ou d’une simplification d’un tel système. La miniaturisation consiste à diminuer le volume d’un système optique, en réduisant par exemple la longueur focale ou le diamètre du système optique, ou bien en réalisant une architecture optique dont l’encombrement est inférieur à la longueur focale du système. La simplification d’un système optique consiste à diminuer le nombres d’optiques contenues dans ce système. Dans le cas d’imageurs classiques comme les caméras des téléphones mobiles, la contrainte de la miniaturisation est évidemment de limiter les pertes en terme de rendu visuel pour l’utilisateur tandis que dans le cas des senseurs spécialisés, nous chercherons la caméra qui répond au mieux à l’application visée sans pour autant essayer d’obtenir une « belle » image. Par exemple, les différents industriels de la téléphonie mobile recherchent les meilleures performances tout en limitant l’utilisation de lentilles à trois au maximum pour la conception de leur caméra.

Une première solution pour miniaturiser les systèmes optiques consiste à diminuer le pas d’échantillonnage du détecteur et donc la dimension des pixels. L’équation 2.10 page 15 montre bien que dans la configuration où la résolution angulaire du système est limitée par le pas d’échantillonnage du détecteur, réduire d’un facteur M la longueur focale du système tout en maintenant un IF OV constant consiste à diminuer aussi d’un facteur M ce pas d’échantillonnage. La diminution de la taille des pixels est un domaine très actif aussi bien dans le domaine du visible que dans le domaine de l’infrarouge. Par exemple, dans le secteur de la téléphonie mobile, la dimension minimale des pixels a diminué d’un facteur 4 en l’espace de 6 ans : en 2002 elle valait 5, 6 µm et en 2008 elle ne valait plus que 1.4 µm (source STMicroelectronics) ! De même, dans le domaine infrarouge, la taille des pixels détectant le MWIR est passé de 30 µm à 15 µm et des détecteurs de 384 × 288 au pas de 15 µm sont proposés pour réaliser des micro-caméras pouvant être embarquées dans des microdrones [4]. Ces détecteurs ont d’ailleurs une consommation réduite de plus de la moitié par rapport à un détecteur au pas de 30µm car ces derniers sont plus rapides à refroidir.

Cependant, la miniaturisation de la taille des pixels se heurte de plus en plus aux limites physiques du système optique. Des problèmes de diffusion de la lumière dans le pixel entraînant des risques de « cross talk » entre les pixels apparaissent lorsque la taille de ces derniers diminue fortement, dégradant ainsi fortement les performances du détecteur. De plus, l’équation 2.12 page 16 montre que lorsque la taille du pixel diminue fortement, la résolution angulaire IF OV n’est plus limitée par la taille des pixels mais par la tache de diffraction du système optique. Il faut alors diminuer le nombre d’ouverture N, si l’on souhaite profiter d’un IF OV accru grâce à la diminution de la taille des pixels. On a vu que les systèmes miniaturisés sont moins sensibles aux aberrations, on peut donc facilement diminuer un peu N sans dégrader pour autant la qualité optique du système. Cependant, une forte diminution de N augmentera nécessairement l’amplitude des aberrations du système et par conséquent un système à la limite de diffraction devra être plus complexe et plus encombrant comme nous l’avons vu précédemment. Enfin l’équation 2.17 page 17 montre qu’une diminution de la taille des pixels entraine une diminution de l’étendue géométrique du système. De cette manière, les systèmes miniaturisés sont donc de moins en moins sensibles. Cette baisse de sensibilité peut être en partie compensée en diminuant le nombre d’ouverture N. Cependant, N ne peut diminuer indéfiniment (la limite théorique étant de 0, 5 [21]). Ainsi, la diminution continue de la taille des pixels ne pourra donc pas à terme assurer la miniaturisation et la simplification toujours plus poussée des systèmes optiques. Cette course à la miniaturisation doit donc s’appuyer sur une rupture de la conception optique classique.

Durant cette thèse, j’ai mené une réflexion sur la possibilité de développer de nouvelles briques de conception dans le but de miniaturiser et de simplifier les caméras infrarouges refroidies. J’ai pour cela exploré trois grands domaines illustrés à la figure 2.5 et qui sont l’apport du biomimétisme, l’apport du traitement d’images et l’apport de l’innovation technologique dans la conception de systèmes optiques infrarouges innovants. En effet, il est intéressant de se pencher sur la manière dont la nature a résolu ce problème dans le cas des invertébrés [12, 22]. Depuis la période de l’ère primaire il y a 500 millions d’années, la nature n’a cessé d’ »optimiser » les systèmes de vision du monde animal. Pour chaque type de créatures, la nature a donc trouvé le système de vision approprié qui donne à son hôte toute l’information visuelle dont il a besoin. Chaque œil animal constitue donc un système optimisé dont le concepteur en optique peut largement s’inspirer. De plus, les progrès récents en traitement d’images, ainsi que la montée en puissance et en rapidité du calcul informatique, nous invite à repenser l’architecture d’une caméra après quatre siècles de conception classique [23]. En effet, depuis la révolution apportée par les détecteurs numériques et les plans focaux infrarouges, on peut se demander pourquoi les caméras numériques ne sont pas plus numériques ! La course aux détecteurs mégapixels associée à une conception classique des systèmes optiques a permis d’acquérir de grandes quantités de données brutes sans pour autant augmenter de manière significative la quantité d’information utile contenue dans une image. Rendre plus numériques les caméras permettrait de combiner de nouveaux types d’architectures optiques avec les outils informatiques les plus avancés afin de réaliser des systèmes compacts sans pour autant sacrifier la sensibilité du système ni la quantité d’information utile contenue dans l’image. Enfin, l’innovation technologique contribue à élargir la boîte à outils du concepteur en rendant possible la réalisation de composants optiques plus complexes (grâce notamment à l’amélioration des techniques d’usinage diamant, des techniques d’usinage par laser femtoseconde et des processus de photolithographie). De cette manière, plusieurs fonctions optiques peuvent être intégrées dans un même composant autorisant la diminution du nombre de composants nécessaires dans un système optique. L’innovation technologique a aussi un impact sur la brique de détection. En effet, nous avons vu par exemple à la section 1.1 page 4 que de grands efforts sont menés pour réduire la dimension des pixels, améliorer la sensibilité des détecteurs, augmenter leur format. L’évolution des détecteurs doit être suivie de près car les architectures optiques dépendent très fortement de ces derniers. Ces trois approches ne sont évidemment pas fermées et peuvent interagir entre elles. Ainsi, un micro-système pourra avoir une architecture s’inspirant d’une structure existante dans la nature, être constitué de composants complexes, dont leur réalisation a été rendue possible par les récents progrès technologiques, et faire intervenir différents traitements d’images afin d’extraire les informations recherchées ! Nous développerons plus précisément ces différentes approches dans la suite de ce chapitre.

Le biomimétisme : l’apport de la vision des invertébrés

Une grande variété d’architectures optiques

L’architecture classique des caméras et des appareils photographiques se rapproche de l’architecture de l’œil des vertébrés. Ce sont des systèmes optiques à chambre ayant un seul axe optique sur lequel sont alignés les optiques, la pupille et le détecteur. L’étude de la vision des animaux met cependant en lumière une grande diversité d’yeux [12, 22, 24] se traduisant par une grande variété de tailles et d’architectures.

On peut distinguer deux grandes classes : les systèmes mono-voie caractérisés par une rétine concave et les systèmes multi-voies caractérisés par une rétine convexe. Alors que  les mammifères ne possèdent que l’architecture C, d’où l’importance d’étudier la vision de cette catégorie d’animaux. Tous ces types d’architectures se sont développés afin de permettre à son hôte de réaliser toutes sortes de tâches visuelles plus ou moins complexes. Land et Nilson [22] ont proposé une classification  de ces différentes tâches visuelles que peut réaliser un être vivant. Il les ont classés suivant la complexité à les mettre en œuvre. Plus la tâche est complexe, plus les exigences demandées aux systèmes visuels en terme de performances optiques, de traitement de l’information et de ressources énergétiques seront importantes. La capacité visuelle la plus simple consiste à détecter la direction et l’intensité d’une source de lumière. La seconde capacité consiste à estimer les distances et à se déplacer dans un environnement en s’aidant par exemple du paysage ou des étoiles et en interagissant avec des objets inanimés. Cette interaction leur permet d’éviter des obstacles et de s’orienter vers la zone voulue. La troisième capacité visuelle est l’interaction avec d’autres organismes comme la détection d’une proie, d’un prédateur ou d’un partenaire sexuel. Enfin la dernière capacité visuelle qui est la plus complexe permet de manipuler des objets et d’apprendre des informations visuelles. Il est bon de noter que ces capacités visuelles se rapprochent de celles qu’un concepteur en optique cherche à développer pour ses caméras. Le rapport de l’OTAN [25, 26] classe en effet les capacités visuelles d’une caméra en quatres catégories : détection, reconnaissance, identification et analyse technique, chacune d’elles demandant des performances optiques différentes. La compréhension de l’acquisition et du traitement de l’information visuelle par les différents organismes est le travail mené par les neuro biologistes. Cette étude est très précieuse pour un concepteur en optique désirant réaliser le plus simplement possible une fonction visuelle. Il ne s’agit pas cependant dans le cadre de cette thèse de faire une description exhaustive de toutes les architectures que l’on peut trouver dans le nature mais de sélectionner quelques exemples remarquables qui peuvent donner des pistes intéressantes pour la miniaturisation et la simplification des systèmes optiques.

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Table des matières

Chapitre 1 Introduction
1.1 Enjeux et contextes
1.2 Objectif et démarche de la thèse
Chapitre 2 État de l’art : vers une rupture de la conception optique classique
2.1 Définition des différents paramètres d’un système optique
2.2 Problématique liée à l’intégration des systèmes optiques au plus près du détecteur
2.3 Le biomimétisme : l’apport de la vision des invertébrés
2.3.1 Une grande variété d’architectures optiques
2.3.2 Les systèmes s’inspirant des téléobjectifs
2.3.3 Les systèmes multivoies
2.3.4 Les systèmes spécialisés
2.3.5 Les premiers systèmes optiques s’inspirant de la vision des insectes
2.4 Le traitement d’images : vers une approche de co-conception des systèmes optiques
2.4.1 Imagerie combinée
2.4.2 Codage de front d’onde
2.4.3 Imagerie comprimée (compressed sensing)
2.4.4 Imagerie « sans lentille »
2.4.5 Systèmes adaptés à la mesure du flot optique
2.5 Les progrès technologiques : un vecteur d’innovation
2.5.1 Innovations en optique
2.5.2 Innovations en détection
2.6 Description de la méthodologie pour caractériser et comparer les différents microconcepts optiques
2.7 Conclusion
Chapitre 3 Les objets continûment auto-imageants au service d’une simplification des systèmes optiques
3.1 Introduction
3.2 Démonstration de l’intérêt du sténopé pour la vision infrarouge
3.2.1 Aménagement du sténopé dans le cryostat
3.2.2 Etude des performances optiques du sténopé suivant l’axe optique
3.2.3 Etude des performances optiques du sténopé dans le champ d’observation
3.2.4 Règles de conception d’une camera obscura
3.2.5 Conception d’une camera obscura à lentille fish-eye
3.2.6 Etude expérimentale de la camera obscura à lentille fish-eye
3.2.7 Conclusion
3.3 Généralisation aux objets continûment auto-imageants
3.3.1 Propriétés fondamentales des objets continûment auto-imageants
3.3.2 Tolérance angulaire : cas du CSIG
3.3.3 Tolérance angulaire : cas de l’objet J0
3.3.4 Impact de la binarisation des objets continûment auto-imageants
3.3.5 Impact de l’ouverture des objets continûment auto-imageants
3.3.6 Démonstration des propriétés d’imagerie
3.3.7 Conclusion
Chapitre 4 Les systèmes multivoies au service d’une miniaturisation des systèmes optiques
4.1 Introduction
4.2 La chambre obscure à lentille intégrée
4.3 Réflexion sur la conception de systèmes multivoies intégrés au plus près du détecteur
4.3.1 Conception d’un téléobjectif multivoie
4.3.2 Conception d’un système multivoie superrésolu
4.4 Mise en œuvre d’une caméra multivoie appelée MULTICAM
4.4.1 Caractérisation de la caméra MULTICAM
4.4.2 Acquisition d’une image superrésolue à partir de la caméra MULTICAM
4.4.3 Élargissement du champ de la caméra MULTICAM
4.4.4 Etude des images parasites du système MULTICAM
4.4.5 Réalisation d’une caméra MULTICAM multispectrale
4.5 Conclusion
Chapitre 5 Conclusion

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