En France, nous comptions au 4 Juillet 2016 plus de 16 millions de sportifs licenciés auprès des fédérations agréées par le ministère. (1) Le sport prend une place de plus en plus grande au sein de la société française, avec la promotion d’un esprit sain dans un corps sain. En médecine libérale, on observe une recrudescence des demandes de licence avec une croissance de 11% en 10 ans entre 2001 et 2011 du nombre de licences. (2) Pour acquérir cette licence, les sportifs doivent présenter un certificat médical de non contre-indication, conformément au code du sport. (3) Art. L231-2 : « L’obtention d’une licence d’une fédération sportive est subordonnée à la présentation d’un certificat médical » Cette rédaction du certificat est complexe, et d’une importance primordiale pour protéger le sportif des risques liés à la pratique sportive, dont celui de la mort subite. Les médecins se trouvent alors dans une situation difficile, dans laquelle ils engagent leur responsabilité, sachant qu’ils contractent, en droit une obligation de moyen. Ce certificat est difficile à élaborer pour le praticien, qui se doit d’effectuer un examen complet et d’éventuels examens complémentaires, sans réel consensus délivré par les sociétés savantes. Le médecin doit donc se baser sur sa propre expérience et sa libre appréciation pour rédiger celui-ci. Il est vrai que, au cours des différents stages effectués pendant l’internat, notamment en libéral, on remarque que le Certificat Médical de Non Contre-Indication (CMNCI) à la pratique sportive est trop souvent négligé. Il n’est pas rare d’entendre des patients demander au médecin en fin de consultation de remplir le certificat sans examen préalable. Le patient en bonne santé, pense souvent à tort, que le certificat n’est qu’un simple document, une simple formalité. Le fait que le certificat ne soit pas pris en charge par la sécurité sociale dévalorise un peu plus celui-ci.
On observe une dépréciation du CMNCI malgré ses fonctions principales de dépistage et prévention. Parallèlement, on constate un développement des maladies chroniques (plus de 3 millions de diabétiques en 2013). (4) S’y associe une augmentation de l’obésité : en 2007, 49,3 % des adultes sont en surpoids (IMC ≥ 25 kg/m2), dont 16,9 % en situation d’obésité (IMC ≥ 30 kg/m2), pour les enfants en 2014, 18,1 % sont en surpoids et 3,6 % sont obèses. (5) Dans ce contexte de nécessité de nouvelles mesures de santé publique dans le domaine sportif, paraît au Journal Officiel de la République Française (JORF), le 26 Janvier 2016, la loi sur la modernisation du système de santé, portée par Marisol Touraine (Ministre des Affaires sociales et de la Santé de Mai 2012 à Mai 2017) et Patrick Kanner (Ministre de la ville, de la jeunesse et des sports d’Août 2014 à Mai 2017). Cette loi a pour objectif d’améliorer l’accès aux soins, de renforcer la prévention et de créer de nouveaux droits pour les patients. En effet, il a été constaté qu’il fallait répondre à l’allongement de la durée de vie, à la progression des maladies chroniques, et la persistance des inégalités de santé. C’est ainsi que l’on voit apparaitre des articles visant à faciliter l’accès au sport et encourager la pratique sportive, notamment pour le CMNCI, dont les modalités sont simplifiées. Nous avons donc décidé d’effectuer une étude qualitative, avec des entretiens de 12 médecins exerçant en milieu libéral, sur l’appréciation de ce nouveau CMNCI. Notre objectif est d’évaluer comment le praticien libéral appréhende les changements, suite aux nouvelles dispositions relatives au CMNCI. Il est intéressant en effet de relever les différences de comportement, de réactions ou de ressentis, entre les médecins généralistes et les autres médecins possédant une formation complémentaire dans le domaine du sport.
Une revue de la littérature sera effectuée préalablement, nous permettant un rappel historique de l’évolution de la médecine du sport. En effet, la législation a également évolué parallèlement et nous la citerons en ces dispositions principales. On abordera la nouvelle réforme parue en 2016, concernant ce certificat. On dressera ensuite un état des lieux sur les différentes recommandations actuelles concernant le CMNCI.
Historique
Jusqu’au XXème siècle
Depuis la nuit des temps, l’activité sportive existe, même avant la Grèce antique, où apparaissent les premiers Jeux olympiques en – 776 avant Jésus-Christ. (6) On retrouve ainsi sur des peintures murales de l’époque de l’Ancien Empire de l’Egypte antique (- 3150 avant Jésus- Christ), des traces d’affrontements physiques entre hommes, s’apparentant à une pratique sportive. Sans peine, on imagine l’existence en parallèle de personnes détenant le savoir de la guérison, s’occupant des blessures mais aussi des conseils pour gagner en puissance et en efficacité. C’est avec la naissance du sport moderne et les différents progrès en science que l’on voit apparaitre progressivement une médecine s’intéressant à l’activité physique. On voit ainsi émerger en France des études de plus en plus nombreuses notamment sur la physiologie du mouvement avec Etienne Jules Marey et Georges Demeny au laboratoire du Collège de France entre 1882 et 1895 et avec Claude Bernard sur la physiologie respiratoire en 1865. Les médecins militaires vont utiliser ces connaissances de physiologie, notamment sur le mouvement pour adapter au mieux les entrainements et créer des examens d’aptitude et surveillance physique.
Dans le même temps, le sport moderne évolue avec la création de clubs, fédérations nationales et internationales durant la deuxième partie du XIXème siècle, amenant les médecins non militaires à s’intéresser également à la pratique du sport. C’est ainsi que la médecine du sport voit le jour à la fin du XIXème siècle.
Au XXème siècle
En 1900, l’année qui a connu l’exposition Universelle à Paris a été aussi le lieu des Jeux Olympiques et du congrès international d’éducation physique portant sur la physiologie des exercices du corps. Ces différents évènements ne font qu’accroitre l’intérêt des médecins pour la pratique sportive.
. En 1910, au cours du congrès international d’hygiène scolaire de Paris est décidé la mise en place d’un dossier médical permettant de surveiller l’apparition de pathologies liées au sport.
. En 1921, est créée la Société médicale française d’éducation physique et de sport(7)
. En 1928, création de la fédération internationale de la médecine du sport.
– Arrêté du 2 Octobre 1945
. En 1945, l’arrêté du 2 octobre 1945 pose les règlementations du contrôle médical des activités physiques et sportives.
On voit ainsi apparaitre, pour la première fois dans le domaine du sport, le certificat d’aptitude.
Le but était déjà à l’époque de développer la médecine préventive. Ainsi dans l’article 2 on retrouve cette notion : « aider à orienter rationnellement vers une activité d’éducation physique et sportive concourant à développer leur état de santé et leur équilibre en général » « surveiller la santé des sportifs et sportives, titulaires de licence, en dehors des périodes de délivrance ou renouvellement de celle-ci » On demandait au médecin de rechercher des contre-indications médicales à la pratique sportive, de surveiller les conséquences des entrainements sur la santé et de rediriger les patients en fonction d’éventuelles anomalies constatées à l’examen.
. En 1946, l’arrêté du 2 Février, règlemente le certificat d’aptitude aux sports ne concernant que certains sports et certaines catégories d’âge.
. En 1949, est institué dans les facultés de médecine, un certificat d’études spéciales ou CES de « biologie appliquée à l’éducation physique et aux sports ». (7)
. En 1953, le décret du 24 Mars 1953, souligne la nécessité pour les groupements sportifs « d’organiser un contrôle médical destiné à vérifier l’aptitude de leurs membres à pratiquer les exercices physiques qu’ils leur proposent ».
. En 1959, l’arrêté 4 février 1959 augmente le délai de validité du certificat d’aptitude à 120 jours.
. En 1962, l’assurance sportive devient obligatoire
Loi du 29 octobre 1975
En 1975, la loi du 29 octobre 1975 dite loi Mazeaud, relative au développement de l’éducation physique et du sport, est la première loi rendant le certificat médical d’aptitude obligatoire pour participer à une compétition. (9) « Art.13 : La participation aux compétitions sportives est subordonnée à la présentation d’un certificat médical d’aptitude. L’inobservation de cette obligation peut entrainer le retrait temporaire ou définitif de la licence sportive. » A cette époque, seuls les médecins titulaires du CES de biologie et médecine du sport, sont estimés qualifiés pour délivrer ce certificat.
Loi du 16 Juillet 1984
. En 1984 et 1987, la loi du 16 juillet 1984 ainsi que le décret du 1er juillet 1987 relatifs à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, vont apporter des modifications importantes. (7) Pour les non licenciés voulant prendre part à une compétition, ces derniers doivent également fournir un certificat. « Art. 1 : Pour prendre part aux activités physiques et sportives inscrites au calendrier officiel des compétitions des fédérations sportives…les licenciés et non licenciés doivent subir un contrôle médical. » Le certificat d’aptitude au sport est remplacé par le certificat de non contre-indication au sport, impliquant une obligation de moyen quant à la recherche de contreindications. « Art. 2 : Le contrôle médical donne lieu à la délivrance d’un certificat de non contreindication à la pratique en compétition d’une ou plusieurs activités sportives. »
On retrouve ainsi une extension du droit à la délivrance du certificat à l’ensemble des médecins et non plus uniquement aux détenteurs du CES. De plus, le contrôle médical devient annuel, au lieu de 120 jours auparavant. « Art. 3 : Le contrôle médical est annuel… le certificat est établi par tout médecin suivant les règles de la profession »
. En 1988, le CES est remplacé par la Capacité de « médecine et biologie du sport »
Loi du 23 Mars 1999
. En 1999, la loi du 23 mars 1999, relative à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, apporte de nouvelles modifications. (11) Cette loi insiste sur le fait que le certificat ne concerne que les disciplines mentionnées, sur le fait de la nécessité de connaître, pour le médecin, l’ensemble des contreindications de chaque type d’activité. On observe également l’apparition de la notion de disciplines à risques particuliers. « Art. 5 : La première délivrance d’une licence sportive est subordonnée à la production d’un certificat médical attestant l’absence de contre indication à la pratique des activités physiques et sportives, valable pour toutes les disciplines, à l’exception de celles mentionnées par le médecin et de celles pour lesquelles un examen plus approfondi est nécessaire et dont la liste est fixée par arrêté conjoint du ministre chargé des sports et du ministre chargé de la santé. La délivrance de ce certificat est mentionnée dans le carnet de santé… »
La validité maximale d’un certificat sera de un an. « Art. 6 : La participation aux compétitions sportives organisées ou agréées par les fédérations sportives est subordonnée à la présentation d’une licence sportive portant attestation de la délivrance d’un certificat médical mentionnant l’absence de contre- indication à la pratique sportive en compétition, ou, pour les non-licenciés auxquels ces compétitions sont ouvertes, à la présentation de ce seul certificat ou de sa copie certifiée conforme, qui doit dater de moins d’un an. » .
Le médecin qui constate des signes de dopage devra dorénavant suivre un protocole précis.
« Art. 7 : Tout médecin qui est amené à déceler des signes évoquant une pratique de dopage est tenu de refuser la délivrance d’un des certificats médicaux définis aux articles 5 et 6 ; informe son patient des risques qu’il court et lui propose, soit de le diriger vers l’une des antennes médicales …soit, en liaison avec celles-ci et en fonction des nécessités, de lui prescrire des examens, un traitement ou un suivi médical ; transmet obligatoirement au médecin responsable de l’antenne médicale… les constatations qu’il a faites et informe son patient de cette obligation de transmission. Cette transmission est couverte par le secret médical. »
Le sportif aussi est concerné par cette loi, l’obligeant à faire part, lors des différentes consultations, de sa participation à des compétitions, permettant d’éviter des prescriptions involontaires de substance dopante. « Art. 10 : Tout sportif participant à des compétitions organisées ou agréées par les fédérations sportives fait état de sa qualité lors de toute consultation médicale qui donne lieu à prescription. »
Le code du sport
En 2004, le ministère de la jeunesse des sports et de la vie associative a rendu la loi plus intelligible et accessible en rédigeant un code du sport. (13) Le code du sport va ainsi regrouper plusieurs lois françaises, en particulier la loi du 16 juillet 1984, relative au développement des activités physiques et sportives. Il sera également à l’origine de modifications dans le code de l’éducation, pour le sport scolaire, et dans le code de la santé publique, pour le dopage.
Le code du sport, comprend ainsi quatre livres :
– Organisation des activités physiques et sportives.
– Acteurs du sport (sportifs, arbitres, entraîneurs, encadrement des clubs et enseignants hors éducation nationale).
– Les différents modes de pratique sportive, la sécurité et l’hygiène des lieux de pratique, ainsi que l’organisation et l’exploitation des manifestations sportives.
– Le financement du sport et l’application du code aux collectivités territoriales d’outre-mer.
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Table des matières
INTRODUCTION
REVUE DE LA LITTERATURE
I / Historique
A- Jusqu’au XXème siècle
B- Au XXème siècle
C- Arrêté du 2 Octobre 1945
D- Loi du 29 Octobre 1975
E- Loi du 16 Juillet 1984
F- Loi du 23 Mars 1999
G- L’arrêté du 28 Avril 2000
H- Le code du sport
II / Décret du 24 août 2016
III / Le CMNCI : les recommandations actuelles
A- L’interrogatoire
B- L’examen clinique
C- Les examens complémentaires
D- La rédaction du certificat
MATERIELS ET METHODE
I / Le choix d’une étude qualitative
II / La constitution de la population
III / L’élaboration de l’entretien
IV / L’analyse des entretiens
RESULTATS
I / LA POPULATION ETUDIEE
II / LES ENTRETIENS
III / ANALYSE DES ENTRETIENS
A- Les habitudes de prise en charge
a) Une consultation dédiée
b) L’auto-questionnaire
c) L’interrogatoire
d) L’examen clinique
e) Les examens complémentaires
B- La connaissance du décret du 24 Août 2016
a) La population concernée
b) Modification du délai entre deux CMNCI pour une même licence
c) La conduite à tenir entre deux CMNCI
C- Les conséquences sur la pratique future
a) Une nouvelle mesure déstabilisante
b) La modification de l’examen clinique
c) La modification des examens complémentaires
D- La Perception de cette nouvelle réglementation
a) Pour la pratique
b) Pour le patient
c) Pour le système de santé
DISCUSSION
I / Points forts et faiblesse de notre étude
A- La méthode
B- La confection de l’échantillon
C- Les entretiens
D- Le recueil et l’analyse des données
II / Analyse des résultats : arguments en faveur
A- Pour le praticien
B- Pour le patient
III / Analyse des résultats : réserves et critiques
IV / Décret 31 du Décembre 2016
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE