« C’est vivre, ça, se battre pour ses idées. » Yves Thériault .
Vivre des moments exceptionnels, connaître des sensations fortes, du bien-être, nous épanouir font souvent partie de nos rêves ou aspirations. Nous choisissons des moyens très divers pour y arriver : par exemple, pour certains, ce sera l’ascension de l’Everest ou la traversée à la rame des océans, pour d’autres la lecture d’un bon livre ou l’écoute d’un morceau de musique ou bien encore la contemplation d’un paysage, la méditation, la dégustation d’un mets, le partage, la réussite professionnelle, la création. Chacun adopte, opte pour une voie qui lui convient, qui lui est propre, en fonction de ses aspirations. Paul-Henry Chombart de Lauwe (1964) exprime ce fait. « Les aspirations liées aux désirs les plus personnels ne sont pas sans rapports avec la situation et le rôle social de celui qui les ressent. De même les grandes aspirations collectives qui semblent parfois entraîner des groupes étendus, voire des sociétés entières, sont vécues d’une façon originale par chacun des acteurs en fonction de son caractère, de sa personnalité, de son histoire, de sa vocation. Les aspirations sont à la charnière du personnel et, du social. Il est impossible de les étudier sans situer les hommes qui les expriment dans l’ensemble des structures sociales, dans leur culture particulière et dans le mouvement historique dans lesquels ils sont impliqués ».
Chaque expérience est ainsi individuelle, plus ou moins impactée par le contexte dans lequel elle se déroule, le vécu et le ressenti. L’environnement tout comme la culture apparaissant au cœur de la compréhension, du comportement de l’homme auront une influence sur les différentes interactions qu’il aura avec le monde et vice-versa. Cette dimension nous accompagnera dans nos recherches.
Pour les besoins de l’étude et par choix, nous avons retenu le domaine des jeux. Jouer pour se divertir, prendre du plaisir, s’évader, apprendre, sont aussi des alternatives pour atteindre nos aspirations, quelles que soient nos quêtes. Dans le jeu et à travers notre perception sensorielle, nous recherchons des émotions. Nous désirons vivre des moments singuliers qu’ils soient liés à la compétitivité, la coopération, la fantaisie, la curiosité, le divertissement, le défi, ou à n’importe quelle autre sollicitation. Comme dit le psychiatre Serge Tisseron « Le jeu a toujours existé, il est aussi ancien que l’être humain » ou encore » Ça nous aide à faire face à l’imprévu en nous donnant la capacité d’inventer de nouvelles réponses. En somme, le jeu permet à l’espèce humaine de rester en vie ».
Emotions, des explications et notre position
Différentes approches des émotions
Les émotions sont partout, nous dictent et influencent nos actions à chaque instant. Elles ne sont pas nouvelles. Il en est déjà fait mention chez les grecs par Epicure, philosophe grec, 342 ou 341 av. J.-C., – 270 av. J.-C, « chez la plupart des hommes le calme est léthargie, l’émotion fureur ». Au travers d’une lettre à Ménécée, il dit également « quand nous parlons du plaisir comme d’un but essentiel, nous ne parlons pas des plaisirs du noceur irrécupérable ou de celui qui a la jouissance pour résidence permanente, mais d’en arriver au stade où l’on ne souffre pas du corps et où l’on n’est pas perturbé de l’âme ». Il s’agit de se trouver dans un équilibre de l’être dans son entier, corps et âme. Pour plus de détails, on pourra se référer à « la mesure des affections dans l’épicurisme » de Prost (2012). L’évaluation des « affections » est déjà un sujet de recherche dans l’antiquité. Jean Frère (2009) explique la place importante des émotions dans la vie quotidienne des sages Grecs comme Platon, Aristote, Epicure ou Sénèque, philosophes, et comment ils cherchent à transmettre les moyens de les apprivoiser (apaiser, canaliser …).
Toutes les périodes de la vie, sont ponctuées par la recherche de bien-être. Beaucoup ont compris cette quête et surfent sur tout ce qui pourrait répondre à celle-ci. Avec l’évolution des technologies et la montée en puissance des neurosciences, l’émotion est devenue le centre de démarches diverses ou de projets d’envergure tant dans le domaine de la justice , du marketing que, bien sûr, en neurosciences ou dans l’art de soigner . Connaître les émotions d’un individu offre des perspectives de toucher l’Animal dans son être, de l’attirer, de répondre à ses désirs. Les gens du marketing, de la politique, de la publicité, les chasseurs de tête … l’ont bien saisi, en usent et en abusent. Le n°20 de la revue INFLUENCIA titré « L’émotion fiction ou réalité » présente un ensemble de points de vue tant marketing qu’artistique sur la question. Il est aussi abordé et mis sous forme d’équation ce que l’on nomme l’intelligence émotionnelle, le quotient émotionnel comme le quotient intellectuel ou encore le quotient technique dont parle un des auteurs, Phillipe Beucler (2015) relativement à notre industrie et qu’il formule comme « La manière dont nous saurons créer de la valeur à partir de l’équation des temps qui viennent (IQ, EQ + TQ) BQ décidera largement de l’issue. Cela se passera là exactement où intelligence, émotion et technologie se rencontrent, et à la vitesse de la lumière. C’est bien l’émotion qui sera le facteur déterminant » . Cela laisse à penser que l’émotion est considérée comme une recette et non simplement comme un ingrédient.
La connaissance des « émotions » est ainsi de plus en plus convoitée pour prendre dans ses filets et faire consommer, sélectionner … Heureusement il existe également d’autres champs où cette recherche est purement altruiste comme dans certaines médecines, le travail sur la pleine conscience ou encore dans la méditation. Notre positionnement est de proposer une nouvelle façon d’interagir avec l’utilisateur en nous adaptant à lui, à ses « émotions », tout en respectant ses envies.
Approcher les émotions ou tout autre état s’y référant requiert intuition, compréhension, exploration et analyse. Notre démarche cherche à mettre au jour un moyen de détecter des états émotionnels afin d’adapter le contexte à l’utilisateur dans la mesure où celui-ci le désire. L’adaptation peut se faire par la communication de différents types d’informations selon les impacts souhaités et les réponses apportées. Encore faut-il comprendre ce que sont les émotions ? Les parties suivantes proposent un état de l’art et une présentation anatomique et biologique nécessaires à cette compréhension auxquelles se grefferont le processus de perception et une conclusion.
Etat de l’art
Homéostasie
L’humain est un système élaboré d’une grande précision. Il est constitué d’un ensemble d’atomes, de molécules, d’assemblages de différents composants reliés par des systèmes de communications chimiques, électriques, magnétiques… Ce système essaie en permanence de se maintenir en équilibre malgré les modifications intérieures et les sollicitations extérieures. C’est ce que l’on nomme l’homéostasie. L’humain est aussi doué de raison et d’intelligence émotionnelle (Salovey et Mayer, 1990). Comme dit Antonio Damasio (1995) « Sans émotions, nos raisonnements sont biaisés et nos choix les plus simples peuvent déboucher sur des décisions aberrantes ».
En biologie et selon la définition du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales (CNRTL), l’homéostasie est la « tendance de l’organisme à maintenir ou à ramener les différentes constantes physiologiques (température, débit sanguin, tension artérielle, etc.) à des degrés qui ne s’écartent pas de la normale ».
Tout tend en permanence à l’harmonie et l’équilibre quel que soit le niveau macroscopique ou microscopique. Le corps est en recherche perpétuelle de cet état. Tout événement impactant cet équilibre est régulé, dans la mesure du possible, par des réactions biologiques, par exemple, afin de ne pas développer de pathologie. Les processus des émotions comme la perception et l’expression font partie des données de régulation de l’organisme. C’est grâce aux variations constatées pour retrouver l’équilibre que notre étude est possible.
Le récepteur capte les changements d’équilibre et envoie l’information au centre de régulation. Le centre de régulation détermine le point appelé état contrôlé ou régulé qui doit être maintenu. L’effecteur produit une réaction en réponse au centre de régulation. Les changements d’état du corps peuvent être mesurés par l’intermédiaire de différents indicateurs.
Définitions
Depuis la nuit des temps, la notion d’émotion fait couler beaucoup d’encre. Différents concepts comme humeur, passions, états émotionnels, sentiments, affects, états d’âme, pensées, sensations et autres sont utilisés pour désigner des phénomènes générés intérieurement avec ou sans expression extérieure, issus d’objets , au même titre que les émotions. Quelques explications s’imposent car chacune de ces expressions peut avoir un sens différent. Nous donnons ci-après plusieurs définitions qui ont retenu notre attention, qui ont été utiles à la compréhension des textes et échanges variés et qui sont ou ne sont pas toujours totalement en adéquation avec notre pensée. Nous indiquerons celles qui nous paraissent les plus appropriées à notre contexte de recherche. Anna Tcherkassof dans son ouvrage sur les émotions et leurs expressions (2008) donne un englobant qu’elle nomme états affectifs. Les états affectifs comprendraient les sentiments, l’humeur, les affects, les émotions. Une caractéristique simplifiée commune à chacun de ces états affectifs retrouvée dans toute la littérature est leur bitonalité : positif et négatif ou agréable et désagréable ou bénéfique et nocif ou bon et mauvais… La bivalence est bien connue des informaticiens que nous sommes, mais nous savons que le monde de l’affect est bien plus complexe que cela. Nous nous devons donc de donner des définitions des mots ou concepts, que nous avons utilisés sans toujours bien cerner leurs limites, parfois restant flous ou sans réel consensus même auprès des personnes de métier. Pour les profanes, certains de ces mots sont employés dans des sens très différents des initiés du monde de la psychanalyse ou de celui de la psychologie ou encore plus largement celui des sciences humaines et sociales. Comme le dit JeanMarie Barbier dans « Affects, émotions, sentiments, quelles différences ? » (2018) « la terminologie en usage pour décrire la vie affective/émotionnelle se révèle relativement confuse, et mêle par exemple dans un même ensemble indistinct affects, émotions et sentiments ». Il évoque également le fait que les émotions sont parfois vues comme un obstacle « Dans les échanges de la vie quotidienne, la vie émotionnelle est également souvent considérée comme susceptible d’entraver les dynamiques d’activité des sujets et de compromettre les résultats de leurs actions. Invitation est faite notamment, sinon injonction, à gérer ses émotions ». On peut constater ici que le mouvement, l’action sont mis en avant dans un sens négatif alors que le contraire est aussi possible.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 QUE L’EMOTION SOIT !
1. EMOTIONS, DES EXPLICATIONS ET NOTRE POSITION
1.1. INTRODUCTION – DIFFERENTES APPROCHES DES EMOTIONS
1.2. ETAT DE L’ART
1.2.1. Introduction – Homéostasie
1.2.2. Définitions
1.2.3. Théories des émotions
1.2.4. Rôle, déclenchement et reconnaissance des émotions – communications verbale et non verbale ou orale et non orale
1.2.5. Psychophysiologie des émotions
1.3. EMOTIONS, ANATOMIE ET BIOLOGIE
1.3.1. Perception et processus de perception
1.3.2. Le système nerveux et les relations avec les émotions : anatomie, fonctionnement et techniques de mesures
1.3.3. Le cœur et les relations avec les émotions : anatomie, fonctionnement et techniques de mesures
1.3.4. Les poumons et les relations avec les émotions : anatomie, fonctionnement et techniques de mesures
1.3.5. La peau et les relations avec les émotions : anatomie, fonctionnement et techniques de mesures pour GSR et T° de surface
1.4. CONCLUSION
1.5. BIBLIOGRAPHIE
1.6. SITOGRAPHIE
CHAPITRE 2 INTERACTION
2. DE L’INTERACTION, DES DISPOSITIFS ET DES TECHNOLOGIES
2.1. INTRODUCTION
2.2. DE L’INTERACTION, DES DISPOSITIFS ET TECHNOLOGIES : AU PLUS PRES DE L’HUMAIN TOUT EN ETANT DISTANT
2.2.1. Définitions, terminologie, théories
2.2.2. Des dispositifs et technologies
2.3. AFFECTIQUE
2.3.1. Définition
2.3.2. Les voies de l’informatique affective
2.4. CONCLUSION
2.5. BIBLIOGRAPHIE
2.6. SITOGRAPHIE
CHAPITRE 3 MISE EN RESEAUX
3. RESEAUX ET MISE EN PLACE DES DISPOSITIFS DE COMMUNICATION
3.1. INTRODUCTION
3.2. PLATE-FORME SANS FIL
3.2.1. Les capteurs – nos capteurs
3.2.2. Les réseaux de capteurs sans fil
3.3. ARCHITECTURE SELECTIONNEE
3.3.1. Matériel
3.3.2. Logiciel
3.3.3. Fonctionnement
3.4. CONCLUSION
3.5. BIBLIOGRAPHIE
3.6. SITOGRAPHIE
CHAPITRE 4 DES DONNEES, NOS MODELES
4. METHODES DE COLLECTE, D’ANALYSE DE DONNEES DE TYPE PHYSIOLOGIQUE ET NOS PROPOSITIONS TECHNIQUES
4.1. INTRODUCTION
4.2. METHODES DE COLLECTE ET DONNEES QUALITATIVES ET QUANTITATIVES
4.2.1. Introduction et définitions
4.2.2. Collecte des données
4.3. LES TECHNIQUES DE STATISTIQUES
4.4. COLLECTE, CHOIX DES TECHNIQUES ET METHODES
4.4.1. Collecte de nos données et choix
4.4.2. Méthodologie et choix
4.5. NOS DONNEES PHYSIOLOGIQUES, ANALYSES, NOS DEMARCHES, NOS MODELES
4.5.1. Notre prétraitement des données
4.5.2. Méthodes factorielles appliquées
4.5.3. Méthodes de classification utilisées
4.5.4. La technique SOM appliquée à nos données
4.5.5. Notre technique hybride EMDeep
4.5.6. Conclusion
4.6. BIBLIOGRAPHIE
4.7. SITOGRAPHIE
CHAPITRE 5 EN PARTANCE POUR LE JEU
5. JEU ET PLATE-FORME
5.1. INTRODUCTION
5.2. DEFINITIONS ET REFERENCES : JEU, PERVASIF ET UBIQUITAIRE, JEU PERVASIF, JEU UBIQUITAIRE, JEU VIDEO
5.3. UNIVERS TECHNIQUE
5.4. CONCEPTION D’UN JEU ET MODELES
5.4.1. Conception
5.4.2. Modèles
5.5. PLATE-FORME DE JEU PERVASIF PRESSENTIE
5.6. CONCLUSION
5.7. BIBLIOGRAPHIE
5.8. SITOGRAPHIE
CONCLUSION