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Le code semi-empirique GEF
Ce modèle a été développé par K.-H. Schmidt et B. Jurado [GEF ] pour permettre de décrire les observables d’un grand nombre de systèmes fissionnant. En particulier les distributions iso-topiques post et pré-émissions de neutrons ainsi que les spectres de gammas et neutrons prompts sont calculés. Les principaux ingrédients du modèle sont repris ici.
Le principe de séparabilité
Ce principe s’appuie sur les conclusions des calculs de Mosel et al. (“two-center shell model”, [Scharnweber 71, Mosel 71]) qui montrent que les couches du système évoluent vers celles des fragments bien avant le point de scission. Cet effet est visible figure 6.1 : les niveaux d’énergie des neutrons se stabilisent (ne se croisent plus) rapidement au cours du chemin de fission, ce qui montre que le système évolue peu au-delà, car les couches fragments sont déja préformées.
En conséquence, il est possible de décomposer la surface d’énergie potentielle en deux parties : une propre au sys-tème fissionnant (potentiel macroscopique), et une propre aux couches des fragments (potentiel microscopique).
La partie macroscopique est déterminée par une pa-ramétrisation sur des distributions en masses mesurées [Schmidt 08]. La correction de couches microscopiques est en revanche la même pour l’ensemble des systèmes puis-qu’elle ne dépend que des nombres de neutrons et pro-tons des fragments. Cette universalité contient la force du principe de séparabilité. Les résultats des références [Schmidt 00] et [Böckstiegel 08] sont en particulier implé-mentés pour tenir compte de la stabilisation de la couche protons des fragments lourds proche de Z = 54, et pour tra-duire l’évolution des différentes voies de fission (SL, SI, SII et parfois un troisième mode très asymétrique SIII) qui sont FIGURE 6.1 : Niveaux d’énergie considérées comme indépendantes des neutrons dans l’236U calculés en fonction de l’évolution sur le chemin de fission [Scharnweber 71].
Effets quantiques
Oscillations de point zéro
De nombreuses observables de fission ont une distribu-tion quasi-gaussienne. Comme la température nucléaire des noyaux (< 1 MeV) est généralement trop faible pour atteindre les niveaux correspondant à l’émission d’une particule (5-10 MeV), les fluctuations autour de la moyenne peuvent s’ex-pliquer par des oscillations quantiques dites de point zéro, car le système est soumis au principe d’incertitude d’Heinsenberg [Nifenecker 80]. Pour les prendre en compte, le code GEF consi-dère que les excitations collectives du système fissionnant sont équivalentes à un oscillateur harmonique couplé à un thermostat.
Moment angulaire des fragments
La distribution de cette grandeur peut s’expliquer de la façon suivante : avec des fragments sans moment angulaire, si le temps était renversé après la scission, on verrait les deux frag-ments se rejoindre avec un paramètre d’impact nul. Cette conclusion est interdite par le principe d’incertitude, qui pousse ainsi les fragments à acquérir un moment angulaire.
Effet tunnel
Le passage de la barrière pour des énergies inférieures à sa hauteur est également inclus dans le code GEF. Elle est paramétrisée d’après une formule de Hill et Wheeler.
“Energy sorting”
Ce principe a été émis pour la première fois par les auteurs du code GEF. Il s’appuie sur la découverte récente de la température constante dans les noyaux pour une énergie d’excitation jusqu’à 20 MeV (au moins) [Voinov 09]. Historiquement, le manque de données expérimentales sur le sujet laissait penser qu’un noyau d’énergie d’excitation supérieure à son seuil de sépara-tion neutron se comportait comme un gaz de Fermi, et la description des densités de niveaux étaient alors décrites par le modèle associé. Pour des énergies inférieures au Sn, cette densité de niveaux était correctement décrite par le modèle de température constante de Gilbert et Cameron [Gilbert 65]. La découverte de l’augmentation de la capacité thermique des noyaux s’explique par l’exploration de nouveaux degrés de liberté que sont les brisures de paires. Ce constat a été appliqué à la fission, et pris en compte dans GEF.
Peu après le point selle, les fragments, de masse Ai, sont caractérisés par une température fonction de Ai− 23 [vonEgidy 05]. Le fragment léger est donc le plus chaud. Cependant, le mo-dèle de température constante indique que si l’énergie d’excitation de ce dernier est transférée au lourd, de nouveaux degrés de liberté apparaissent au lieu de simplement augmenter l’énergie moyenne des degrés de liberté déjà excités dans le fragment léger. L’entropie du système aug-mente en respectant le second principe de la thermodynamique. Cet effet est rendu possible car le fragment lourd possède, pour une même énergie d’excitation, d’avantage de degrés de liberté (et donc une densité d’états plus grande) que le léger .
Ce tri d’énergie peut être relié à la variation de l’effet pair-impair de la façon suivante. Après le transfert d’énergie d’excitation du fragment léger vers le lourd, l’entropie du système peut encore augmenter si le fragment léger capte des nucléons pour devenir un noyau pair-pair (car il sera plus lié). Ce mouvement de nucléons est de courte durée comparé à celui associé au transfert de l’énergie d’excitation. Or, le temps requis pour trier l’énergie (qui est concentrée dans le fragment léger au départ) augmente si :
– l’énergie d’excitation du système est importante, et donc si la masse du système diminue, car l’énergie dissipée du point selle à la scission décroit avec la masse du noyau considéré (fonction de ZA2 ) ;
– et si l’écart de température est faible (équation de diffusion de la chaleur : dTdt ∝ ∇2T ), c’est-à-dire si la division est plutôt symétrique.
Cependant, le transfert de protons par le col de scission est inhibé par la répulsion coulombienne lorsque la distance entre les fragments devient trop grande. Pour des systèmes de plus en plus légers, ou dont la division est de plus en plus symétrique, le temps nécessaire à l”’energy sorting” augmente et inhibe progressivement le transfert de protons. Ces prédictions sont généralement bien observées expérimentalement.
Présentation de l’expérience
L’expérience SOFIA a pour ambition de mesurer les rendements de production isotopiques des fragments de fission de nombreux actinides et pré-actinides. Cette expérience s’appuie sur celle réalisée en 1996 par K.-H. Schmidt et ses collaborateurs, qui a permis de mesurer pour la première fois et sur toute la gamme, les distributions en charge nucléaire des fragments issus de la fission de basse énergie de nombreux noyaux exotiques [Schmidt 00].
Cependant, la répartition des neutrons dans les deux fragments de fission n’a jamais été me-surée. Notons toutefois que les auteurs de [Schmidt 00] ont proposé une expérience (qui n’a pas pu être réalisée) dans cet objectif.
L’expérience présentée dans cette thèse montre la réalisation de telles mesures avec une grande résolution. Nous avons utilisé le séparateur de fragments (FRS, [Hans 92]) du GSI pour produire de nombreux actinides et pré-actinides, dont certains de très courte durée de vie. Leur fission de basse énergie est induite en vol dans le dispositif SOFIA. Les masses et les charges des deux fragments de fission sont alors mesurées par un spectromètre de recul développé par notre collaboration et positionné autour de l’aimant ALADIN fourni par le GSI.
Production et sélection du système fissionnant
Le faisceau du noyau d’intérêt est formé par la sélection isotopique d’un spectromètre de recul (FRagment Separator, FRS [Hans 92]) sur un large éventail de particules produites par la fragmentation d’238U à haute énergie dans une cible. Le FRS, propre au GSI, a déja été décrit dans de nombreuses publications et thèses et je ne l’ai pas analysé car mon étude porte sur la fission de l’238U, c’est-à-dire le faisceau primaire. En conséquence, seule une brève description en est donnée ici, de façon à pouvoir appréhender correctement l’ensemble de l’expérience.
Vue d’ensemble de l’accélérateur
Un faisceau d’238U est accéléré par l’ UNILAC (accélérateur linéaire) à 11 A.MeV environ puis injecté dans l’anneau synchrotron SIS où son énergie est portée à 1 A.GeV. Le faisceau fragmente ensuite dans une cible de béryllium, réaction au cours de laquelle sont produits de nombreux noyaux. Une sélection en masse et en charge est effectuée par le FRS sur l’ensemble de ces noyaux pour former le faisceau secondaire. Dans le cadre de notre expérience, les noyaux de ce faisceau secondaire constituent les systèmes fissionnant d’intérêt qui sont ensuite envoyés en Cave C où se trouve le dispositif SOFIA.
Le FRS est un spectromètre de recul qui permet de séparer les masses avec une résolution de l’ordre de 2 pour 1000. Il est principalement constitué de quatre dipôles magnétiques (champ maximal 1.6 T) qui permettent une sélection en rigidité magnétique du faisceau. Celle-ci se quantifie par un rayon de courbure (ρ) de la trajectoire qui est proportionnel au rapport de la masse (A) sur la charge (Q), ainsi qu’à la vitesse (v) du noyau considéré : B·ρ∝γ · v · A(7.1) avec γ le facteur de Lorentz. La relation 7.1 se vérifie pour les quatre aimants du FRS. À 1 GeV par nucléon, la très grande majorité des ions sont totalement débarrassés de leur cortège électronique d’où Q=Z.
La première section du FRS définie entre les points S0 (cible Be) et S2 (plan focal intermé-diaire) permet de faire une sélection en rigidité magnétique, donc en QA , des noyaux produits par la réaction de fragmentation. Ces noyaux passent ensuite à travers un dégradeur épais situé à S2 (profilé pour assurer l’achromatisme) ce qui autorise une sélection supplémentaire en charge. Le temps de vol (d’où l’on tire v) et le rayon de courbure des noyaux sont donnés par deux scintilla-teurs plastiques situés en S2 et en cave C (∼165 m de distance). La charge Z est déduite de la perte d’énergie dans deux chambres d’ionisation successives (MUSIC pour MUltiple-Sampling-Ionization-Chamber) en entrée de Cave C. Elle sont séparées par des éplucheurs en niobium et permettent de s’affranchir en grande partie des problèmes liés aux fluctuations d’états de charge. Le faisceau secondaire est alors très bien identifié en A et en Z. Ceci a permis la sélection de nombreux systèmes fissionnant dans le dispositif SOFIA.
Pour la fission de l’238U, mon sujet de thèse, le trajet du faisceau est exactement le même, mais son identification est superflue car, pour le réglage du FRS approprié, il constitue 99.2% du total du faisceau (avec une pollution de 0.8 % en 237U). L’ensemble du principe de la sélection par le FRS est résumé dans la figure 7.1.
Notre expérience n’aurait pas pu avoir lieu ailleurs qu’au GSI où les énergies importantes facilitent la mesure précise de la charge nucléaire des fragments de fission. D’autre part, la grande intensité faisceau accessible (maximum 3×109 ions par paquet en sortie de SIS et 106-107 pour les faisceaux secondaires en entrée de Cave C) permet d’accumuler une statistique importante sur des durées relativement courtes.
Vue d’ensemble de l’expérience SOFIA en Cave C
Le faisceau secondaire (238U dans mon cas) choisi par le réglage du FRS est donc envoyé en Cave C, où sa fission est étudiée grâce au dispositif expérimental SOFIA.
La fission de basse énergie est induite par excitation coulombienne dans des matériaux de numéro atomique élevé (Pb ou 238U).
Les fragments de fission sont émis dans un cône centré sur l’axe faisceau et de faible ouverture angulaire (40 mrad maximum), dûe à la grande énergie du centre de masse de 620 A.MeV. Ceci permet d’avoir une acceptance géométrique très grande pour les deux fragments en simultané, et constitue un des grands avantages de la cinématique inverse aux énergies relativistes. En effet, dans la majorité des expériences de fission, un seul des deux fragments est détecté.
L’analyse isotopique, c’est-à-dire en masse et en charge, des deux fragments est ensuite réali-sée.
La mesure de la charge est déduite du dépôt d’énergie dans une double chambre d’ionisation (un coté par fragment) appelée Twin MUSIC. Celle de la masse est faite selon le même principe que celui utilisé par le FRS, en utilisant la méthode dite Bρ-ΔE−ToF qui s’appuie sur l’équation 7.1. En effet un puissant aimant (ALADIN) est mis à disposition par le GSI en Cave C. Le rayon de courbure de chaque fragment est donné par les mesures en positions horizontales de deux chambres MWPCs (Multi-Fils) placées juste avant et après ALADIN, ainsi que d’un angle donné par la Twin MUSIC. La vitesse des fragments est déduite d’une mesure de temps de vol, réalisée conjointement par un détecteur start placé un peu avant la cible active, et un détecteur stop, 7.5 m plus loin (derrière l’aimant). Toutes les variables sont alors connues et, la masse peut être calculée. Une vue d’ensemble est présentée figure 7.2.
Cette expérience est originale dans le sens où, d’une part elle tire profit de la cinématique inverse qui est une méthode relativement récente (1992) et d’autre part, car elle nécessite une excellente résolution sur toutes les variables. En effet, les grandes énergies, provoquent des différences de vitesses très faibles entre deux fragments de fission de masse voisines ce qui impose de mesurer les temps de vol, mais aussi les trajectoires, avec une excellente résolution. La base de vol est limitée à 7.5 m, car on aurait sinon, besoin de détecteurs plus grands. Ceci explique pourquoi cette expérience n’avait pas pu être faite avant. Elle a nécessité 5 ans de développement au total par notre équipe pour finalement atteindre les très bons résultats qui seront présentés dans les chapitres suivants.
L’aimant ALADIN
L’aimant de large acceptance ALADIN présent en cave C est utilisé à champ constant d’envi-ron 1.6 T. Pour le calcul du rayon de courbure, qui fait intervenir la longueur effective de champ (distance sur laquelle le champ reste supérieur au champ max divisé par e) nous avons utilisé la valeur de 140 cm comme recommandé dans [lawAdrich ]. Son pouvoir de déflection est donc d’environ 2.24 T.m.
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Table des matières
Introduction
Techniques expérimentales et modèles de fission
1 Revue des méthodes de mesure des rendements de fission
1.1 Méthodes radiochimiques
1.2 L’utilisation de chambres à fission
1.3 Mesures sur le spectromètre Lohengrin
1.4 Nouvelle génération d’expérience : la cinématique inverse
2 Premières avancées théoriques sur la fission
3 Modèle du point de scission de Wilkins et al
4 Modèle de Brosa
4.1 “Random neck rupture model”
4.2 Chemins de fission
5 Modèle de Bruyères-le-Châtel et SPY
5.1 Le modèle de Bruyères-le-Châtel
5.2 Le modèle SPY
6 Le code semi-empirique GEF
6.1 Le principe de séparabilité
6.2 Effets quantiques
6.3 “Energy sorting”
Dispositif expérimental
7 Présentation de l’expérience
7.1 Production et sélection du système fissionnant
8 Cible active
8.1 Principe
8.2 Situation réelle : subdivision pour la mesure de l’énergie cinétique (TKE) des fragments
8.3 Discrimination des différents cas
8.4 Dimensionnement
8.5 Excitation électromagnétique
9 Twin -MUSIC
9.1 Bref historique des chambres à ionisation au GSI
9.2 Principe de fonctionnement
9.3 Schéma et détails
10 MWPCs
10.1 Origine : chambres à fils d’ALICE
10.2 Principe de fonctionnement
10.3 Choix de la géométrie
10.4 Choix du gaz de remplissage
10.5 Électronique de lecture
10.6 Fonction de reconstruction pour la position
10.7 Mesure expérimentale de la résolution en position horizontale par des fibres
11 Temps de vol
11.1 Choix technique pour le système de détection
11.2 Choix des scintillateurs
11.3 Choix des PMTs
11.4 Chaîne électronique
Analyse
12 Détermination de la charge nucléaire
12.1 Signaux Twin MUSIC
12.2 MWPCs
12.3 Temps de vol (ToF)
12.4 Trajectographie
12.5 Accès à la charge nucléaire des fragments
13 Mesure de la masse
13.1 Discussion sur la méthode de reconstruction
13.2 Correction de l’effet de walk
13.3 Calibration absolue du nombre de masse A
13.4 Sélection des fissions d’origine électromagnétiques
13.5 Spectres isotopiques
Résultats et interprétations
14 Charges
14.1 Rendements
14.2 Effet pair-impair proton global (Gp,e−o)
14.3 Effet pair-impair local
14.4 Charge lourde moyenne
15 Rendements isotopiques
15.1 Comparaison aux données
15.2 Comparaison au code GEF
16 Rendements isobariques
16.1 Comparaison aux données
16.2 Rapport contributions asymétrique / symétrique
17 Rendements isotoniques
17.1 Rendements
17.2 Effet pair-impair neutrons
18 Émission neutrons
18.1 Émission moyenne
18.2 Émission en fonction de la partition en charge
Conclusion et perspectives
Annexes
A Dispositif d’ensemble de l’expérience
B Rendements isotopiques
Bibliographie
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