Nouvelle excitation hybride dans les matériaux fortement corrélés: l’électromagnon

Il est aujourd’hui établi que les corrélations électroniques sont à l’origine de bien des propriétés remarquables dans de nombreux systémes en physique des solides. En effet lorsque l’on introduit suffisamment de corrélations entre électrons, le systéme s’écarte du comportement métallique et ne peut plus être décrit par la théorie de Landau des liquides de Fermi. Parmi les propriétés qui en résultent, on peut notamment citer la supraconductivité ou encore la magnétorésistance géante. Ces matériaux présentent un intérét tant du point de vue fondamental et théorique qu’au niveau des applications technologiques potentielles. La liste de ce type de composés ne cesse de s’allonger comme le démontre la découverte récente des pnictides supraconducteurs à base de Fer [1, 2].

Des matériaux fonctionnels…

Parmi les multiples matériaux fonctionnels, c’est à dire potentiellement utilisables dans une application, je m’intéresse à trois grand types. Utilisés un siècle avant J.C. dans les boussoles, les composés ferromagnétiques sont les premiers à avoir été découverts. Ceux-ci présentent une aimantation spontanée ?, dont l’orientation dépend du champ magnétique extérieur ?. La présence de cette aimantation est favorisée dans les éléments possédant des électrons ? non appariés, tels que le fer. Le rôle du spin électronique y joue un rôle prépondérant. Une seconde classe de matériaux est liée aux ferroélectriques, dans lesquels la polarisation électrique ? peut être contrôlée par un champ électrique ?. L’origine microscopique de la polarisation peut être simplement expliquée par un barycentre des charges négatives différent du barycentre des charges positives tel que dans le cas de ?????3 [3]. Ces matériaux sont utilisés dans les condensateurs ou dans les mémoires ferroélectriques. La troisième et dernière propriété est la ferroélasticité. Une contrainte ? sur ces matériaux (?????3 par exemple) permet alors de contrôler la déformation ? à l’instar du champ magnétique sur l’aimantation des ferromagnétiques. Les alliages à mémoire de forme en sont des exemples.

aux matériaux multifonctionnels…

Plus intéressant encore, les matériaux multiferroïques présentant plusieurs de ces propriétés ferroïques (et antiferroïques par extension) ont un potentiel d’application énorme [5]. Le composé ????1−?????3 (PZT) en est un exemple: la ferroélasticité et ferroélectricité sont simultanément présentes [6]. Le couplage entre ces deux propriétés donne lieu à la piézoélectricité: l’application d’une contrainte ? agit sur la polarisation électrique ? et inversement l’application d’un champ électrique ? induit une déformation ?. Les applications sont nombreuses, parmi lesquelles les capteurs de pression, les sonars, ou les microphones. On peut envisager également la présence simultanée de (anti)ferromagnétisme et de ferroélectricité. Cela permettrait par exemple de stocker l’information sous forme quaternaire (?↑?↑-?↑?↓-?↓?↑-?↓?↓) et non plus binaire (?↑-?↓) comme actuellement dans les disques durs magnétiques [7]. D’autre part, le couplage entre l’aimantation ? et la polarisation électrique ? autoriserait un contrôle de ? par un champ magnétique ?. Cette possibilité a été démontrée dans les composés ? ??2?5 et ? ???2?5 [5] où la polarisation est totalement renversée sous l’action d’un champ magnétique . La réciproque, c’est à dire le contrôle de l’aimantation par l’application d’un champ électrique, s’avère particuliérement intéressante pour l’électronique de spin et l’amélioration des caractéristiques des disques de stockage (réduction du temps d’accès, augmentation de la vitesse d’écriture, diminution de la puissance électrique nécessaire à l’écriture). C’est pour ces raisons que cette interaction fait l’objet d’intenses recherches [8–10]. On peut classer les multiferroïques en deux grands types :

• les multiferroïques propres (type I): les différents ordres ont chacun une origine différente. C’est le cas de ?????3 où le magnétisme est porté par les électrons 3? des ions ??3+ tandis que la polarisation électrique est induite par le déplacement des ions ??3+ . Ces matériaux présentent par conséquent un faible couplage [8, 11].
• les multiferroïques impropres (type II): un des ordres est induit par l’autre. Le couplage magnéto-électrique y est par conséquent plus fort [12]. Les composés que je propose d’étudier dans cette thèse correspondent à des ferroélectriques induits par le magnétisme et appartiennent par conséquent à ce second type de multiferroïques.

Difficultés pour la stabilisation de la multiferroicité

Les origines physiques très différentes du magnétisme et de la ferroélectricité peuvent expliquer la difficulté de les trouver au sein d’un même composé. Le magnétisme provient généralement de la mise en ordre des spins des électrons ? non appariés des éléments de transition. La présence même de ces électrons défavorise l’hybridation avec le ligand. Or cette hybridation (liaison covalente) est nécessaire au déplacement cationique à l’origine de la ferroélectricité [14, 15]. C’est ce qu’on appelle le « d0ness ». C’est pour cette raison qu’une des pistes suivies pour obtenir des propriétés magnéto-électriques est la fabrication d’hétéro structures, alternances de couches ferromagnétiques et ferroélectriques. Ces multiferroïques artificiels dit « extrinséques » font l’objet de nombreuses études [16]. Outre cette difficulté liée à leur coexistence, le couplage entre ferroélectricité et magnétisme requiert pour des raisons théoriques un ordre magnétique complexe. En effet, les équations de Maxwell n’autorisent un couplage linéaire entre aimantation et polarisation électrique (statiques) que lorsqu’ils varient à la fois dans l’espace et le temps[17]. Considérer un couplage quadratique (quatrième ordre du développement de Landau) apparait défavorable à l’apparition de la ferroélectricité car le terme en ?2 sera bien supérieur au gain en énergie du terme -?2?2 . Il reste alors le terme au troisième ordre (????), nécessitant une variation spatiale de la structure magnétique. Parmi les propositions théoriques répondant à ces critéres, je ne citerai que les 3 mécanismes de mécanismes suivants :

• L’interaction de Dzyaloshinskii-Moriya [18] s’écrit sous la forme ??,?+1.?? ⊗ ??+1, avec ?? le moment magnétique sur l’ion i, ??,?+1 ∝ ?.??,?+1, ? le déplacement du ligand et ?? la distance entre deux ions magnétiques. Lorsque la frustration géométrique induit par exemple un ordre magnétique spiral, le produit ?? ⊗ ??+1 conserve un signe constant pour toutes les paires d’ions magnétiques. Afin de minimiser l’énergie, le déplacement du ligand situé entre ces deux ions se fera toujours dans le même sens: le système relaxe. Ce déplacement des charges négatives portées par le ligand perpendiculairement à la chaine de spin est responsable de la ferroélectricité. Ce mécanisme semble être à l’origine du couplage magnéto-électrique dans les multiferroïques ????3 hexagonaux. Cependant, il ne peut s’appliquer aux ordres magnétiques colinéaires tels que celui présent dans les composés ???2?5.

• La Magnétostriction. Lorsque les interactions ou la géométrie provoquent un ordre magnétique frustré, de petits déplacement des ions magnétiques peuvent permettre de relaxer cette frustration. Ces petits déplacements altèrent alors la répartitions des charges positives et négatives, potentiellement responsable de l’apparition d’une polarisation macroscopique et donc de la ferroélectricité: c’est l’effet magnétostrictif [19, 20].La dimerisation de cette chaine permet de minimiser l’énergie d’échange, brisant ainsi la symétrie d’inversion et provoquant l’apparition de la polarisation électrique. Nous verrons que c’est la magnétostriction qui est le mécanisme à l’origine de la multiferroicité dans les composés ???2?5.

• L’hybridation dépendante du spin. Ce scénario plus exotique suppose que les orbitales 2p du ligand se délocalisent vers les orbitales 3d vides de l’atome magnétique, créant une polarisation d’origine purement électronique .

Cette interaction entre le réseau (polarisation) et le spin (aimantation) révèle donc un intérét fondamental tout aussi important que l’enjeu technologique présenté jusqu’alors. Cette problématique du couplage spin-réseau est bien un sujet central de la matiére condensée, mettant à contribution aussi bien les expérimentateurs que les théoriciens. Ainsi que nous l’avons montré, les systèmes multiferroïques s’avérent des matériaux de choix pour l’étude de cette problématique, où les fortes corrélations électroniques favorisent l’apparition de telles propriétés. Le coeur de mon travail de thèse concerne le couplage magnéto-électrique dynamique dans les multiferroiques de type II et plus précisément dans la série RMn2O5.

Les multiferroiques ???2?5

Intérêt des RMn2O5? 

La famille RMn2O5 (R = Y, Bi, Re) a été découverte en 1964 [16]. Cependant, ses propriétés multiferroiques n’ont été mises en évidence que récement dans TbMn2O5 [4], où un fort couplage magnétoelectrique a été observé. Il a été par la suite établi la présence de comportements multiferroiques pour la quasi intégralité des composés de la famille.

Le composé TbMn2O5 a été le premier à attirer l’attention de la communauté scientitifique car des mesures ont montré qu’il est possible de renverser la polarisation électrique par l’application d’un champ magnétique externe . Un fort effet magnéto-électrique a été également mesuré dans DyMn2O5 [5] puis dans GdMn2O5 [21] pour lequel une forte modification de la polarisation sous l’action d’un champ magnétique a été mesurée (Δ P = 5000 ?C / m2 ). Cet effet magnéto électrique de grande amplitude a rapidement été considéré comme prometteur pour de potentielles applications.

L’intérêt pour cette famille de composés réside également dans l’existence d’une excitation nouvelle, appelée électromagnon. Jusqu’au début de cette thèse cette excitation avait été observée uniquement dans les composés R=Y,Tb [22] sans être décrite en détail. Celle-ci est pourtant supposée jouer un rôle important dans l’effet magnéto-électrique. La compréhension détaillée de cette excitation est au coeur de mon travail de thèse.

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Table des matières

1 Remerciements
2 Introduction
2.1 Introduction
3 Les multiferroiques ???2?5
3.1 Intérêt des RMn2O5?
3.2 Propriétés multiferroiques des RMn2O5
3.2.1 Structure nucléaire
3.2.2 Couplages magnétiques et frustration
3.2.3 Polarisation électrique
3.2.4 Structure magnétique
3.3 Mécanismes microscopiques à l’origine de la ferroélectricité
3.4 Cas particulier de GdMn2O5
3.5 Effet Dynamique unique : l’électromagnon
4 Mesures de l’electromagnon par spectroscopie infrarouge
4.1 Introduction
4.1.1 Objectif
4.1.2 Principe de l’interféromètre de Michelson
4.1.3 Dispositif expérimental
4.2 Mesure des électromagnons
4.2.1 Mise en évidence d’une excitation de basse énergie
4.2.2 Mise en evidence de l’électroactivité de l’excitation
4.2.3 Mise en evidence d’un second electromagnon
4.2.4 Modélisation des excitations précédement mesurées
4.2.5 Polarisation dans le plan (a,b)
4.2.6 Règles de sélections complètes
4.3 Mesures des phonons
4.3.1 Effet isotopique
4.3.2 Détermination de l’ensemble des phonons
4.4 Mesures sous champ
4.4.1 Mesures sous champ électrique
4.4.2 Mesures sous champ magnétique
4.5 Conclusion du chapitre
5 Mesures des ondes de spins et de l’electromagnon par diffusion inélastique de neutrons
5.1 Mesures des dispersions
5.1.1 Introduction
5.1.2 La diffusion des neutrons
5.1.3 Mesures des ondes de spins de moyenne énergie
5.1.4 Mesures basses énergies
5.1.5 Conclusion partielle
5.2 Simulations des ondes de spins
5.2.1 Structure magnétique
5.2.2 Simulations de la dispersion d’une chaine 1D
5.2.3 Simulations de la dispersion des ODS dans GdMn2O5
5.2.4 Comparaison avec les mesures infra-rouge
5.2.5 Conclusion partielle
5.3 Mesures sous champ magnétique
5.3.1 Introduction
5.3.2 Diffusion de neutrons sous champ magnétique
5.3.3 Mesures XMCD
5.3.4 Mesures de diffusion inélastique sous champ
5.4 Conclusion
6 Conclusion
Liste des Figures
Bibliographie

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