Les problèmes de la mécanique introduisent des entités aux échelles très diverses telles que : atome, molécule, grain, inclusion, fibre, …, outil et pièce. Pour une majorité de problèmes une analyse considérant un comportement moyenné sur l’ensemble du système isolé à l’échelle du système est suffisante. Cependant, certains problèmes soulevés par les avancées dans la technologie de l’élaboration des matériaux, ou bien de façon plus classique dans le domaine des procédés de fabrication, nécessitent une analyse plus fine avec une prise en compte du couplage fort entre le comportement des entités à l’échelle inférieure (que nous désignerons dorénavant par l’échelle microscopique), et la réponse globale du système (que nous désignerons dorénavant par l’échelle macroscopique). Ainsi, par exemple, dans le cadre de la simulation du processus de coupe, nous sommes particulièrement intéressés par la prévision de l’usure des outils. Ce genre de prévision, nécessite des modèles macroscopiques impliquant la description microscopique de la transformation thermomécanique dans la zone de contact entre l’outil et la pièce usinée. Aussi, pour être pertinents, ces modèles micro/macro doivent permettre une description des phénomènes et des conditions à l’interface de l’outil et de la pièce usinée à l’échelle microscopique dans cette zone.
Les problèmes nécessitant une analyse multi-échelles
La première étape dans la modélisation multi-échelles est d’identifier les propriétés du problème posé, à partir desquelles on pourrait tirer profit pour concevoir des stratégies adaptées. Ainsi, il est utile de trouver une classification des problèmes introduisant la notion de multi-échelles selon leurs propriétés communes. On rencontre dans la littérature [59] la classification suivante :
• Problèmes de type A : Ce sont les problèmes qui contiennent des défauts ou des singularités isolées tels que des fissures, dislocations, chocs ou lignes de contact. Pour ces problèmes, un modèle macroscopique adéquat est suffisant dans la majeur partie du domaine, le modèle microscopique est seulement nécessaire dans le voisinage des défauts ou des singularités.
• Problèmes de type B : Ce sont les problèmes pour lesquels un modèle macroscopique approprié existe pour un ensemble de variables macroscopiques correctement choisis, mais ce modèle macroscopique n’est pas assez explicite pour être directement employé de façon efficace. Un exemple est le problème d’homogénéisation pour des équations du type : (un problème de conduction thermique par exemple) −∇(a(x)∇u(x)) = f(x) .
Si le coefficient est de la forme a ε (x) = a(x, x/ε) où ε est le facteur d’échelle, alors il existe une équation effective, l’équation homogénéisée, qui prend la forme −∇(A H (x)∇U(x)) = f(x) .
où A H(x) est le coefficient homogénéisé qu’on ne peut explicitement formuler, excepté pour des problèmes très spéciaux (par exemple, si la dépendance de a ε (x) vis-à-vis de la variable rapide y = x/ε a une certaine forme comme la périodicité). Par conséquent il est difficile de se servir de l’équation homogénéisée dans le cas général directement comme outil de calcul. Dans ce type de problèmes, le rôle de la modélisation multi-échelle est d’effectuer des simulations macroscopiques sans faire l’utilisation des relations constitutives à cette échelle. Au lieu de cela, l’information macroscopique nécessaire est extraite à partir de modèles microscopiques sous-jacents.
Les philosophies courantes de la modélisation multi-échelle
Une façon d’obtenir une réponse macroscopique d’un système à partir d’une description microscopique du comportement est d’utiliser une technique d’homogénéisation. Ce sont souvent des approches analytiques, on retrouve principalement deux grandes familles :
• Les approches asymptotiques : les méthodes asymptotiques sont issues de la communauté des mathématiques appliquées et consistent essentiellement en l’étude de l’influence de petits paramètres sur la solution de problèmes mathématiques. Dans ce type d’approche on fait l’hypothèse que les échelles sont parfaitement séparées, que le milieu est périodique. De plus, on considère les champs microscopiques comme une perturbation des champs macroscopiques. Ceci permet de réécrire les équations du problème sur les deux échelles, pour obtenir la solution en résolvant ce jeu d’équations.
• La théorie du champ moyen : cette approche a été initialement proposée par les mécaniciens. Tout comme pour l’approche asymptotique on fait l’hypothèse que les échelles sont infiniment séparées, mais en introduisant un niveau intermédiaire, le Volume Elémentaire Représentative « ‘VER »’. Le VER doit être suffisamment grand pour être statistiquement représentatif du milieu et assez petit pour qu’à l’intérieur les variations des champs macroscopiques soient négligeables. On utilise le VER pour avoir une approximation des champs de déformation et de contrainte sous des conditions aux bords adéquates. Ceci nous permet de remonter à un comportement effectif du milieu homogène.
L’homogénéisation a fait preuve de son efficacité pour un comportement élastique linéaire. Cependant, son extension aux problèmes non linéaires n’est pas triviale. Aussi, les hypothèses de la séparation des échelles et de milieu infini, font que cette approche ne convient pas pour traiter des problèmes complexes nécessitant une description microscopique de la frontière du système.
Pour palier à certains inconvénients de l’homogénéisation analytique, des approches exploitant une discrétisation de la microstructure (généralement de type éléments finis) ont été développées et sont particulièrement intéressantes. Elles facilitent la modélisation de comportements non linéaires à l’échelle microscopique, la prise en compte des interactions entre les différentes phases et l’introduction de l’endommagement. Intégrées au calcul de structures, ces méthodes d’homogénéisation numérique donnent les méthodes multi-niveaux. Le problème du couplage entre effets de bord et évolution de la microstructure ainsi que de la précision de la solution sur le bord restent entier pour ce type de calcul de structures. Ces méthodes sont aussi limitées aux problèmes aux échelles complètement séparées.
Approches analytiques basées sur la théorie de l’homogénéisation
Les approches analytiques sont historiquement les plus anciennes, les formulations utilisées considèrent un comportement élastique linéaire. L’extension des formulations au domaine non linéaire n’est pas triviale et reste un domaine ouvert à la recherche. Globalement les approches analytiques de la théorie de l’homogénéisation se divisent en deux grandes familles :
Théorie du champ moyen
Cette approche s’applique aux milieux hétérogènes aléatoires, on trouve une bonne présentation et un état de l’art récent dans [10]. Cette approche s’appuie sur 3 étapes majeures : Représentation, Localisation, Homogénéisation.
Représentation : Travailler sur des milieux hétérogènes impose d’avoir une représentation d’une certaine forme de base de ces derniers, on définit alors un volume d’homogénéisation, le VER ou Volume Élémentaire Représentatif. Dans le cas idéal, le VER devrait être choisi pour être un volume élémentaire approprié, c’est un volume secondaire statistiquement représentatif de la géométrie microscopique du matériau. Son choix est conditionné par 3 paramètres :
• d : la taille caractéristique des hétérogénéités et des propriétés sujettes à l’analyse. Il est nécessaire de ne pas descendre inutilement à des niveaux plus fins que nécessaire et de toujours conserver la validité des outils de la mécanique des milieux continus si possible ( Dans certaines problèmes il est nécessaire d’aller vers l’échelle nanoscopique et d’utiliser les lois correspondantes : dynamique moléculaire … ) .
• L : la taille de la structure à analyser.
• l : la taille du VER proprement dit. Le rapport l/d doit être suffisamment grand pour permettre un échantillonnage significatif des champs microscopiques. Aussi un rapport l/d insuffisant entraîne une forte fluctuation du comportement global d’une particule macroscopique à l’autre, dû à sa dépendance vis a vis de ses constituants. Phénomène qui s’atténue lorsque l/d augmente. Le rapport L/l doit être suffisamment grand pour que l’influence des gradients macroscopiques soit négligeable. Il est aussi nécessaire pour que l’on puisse traiter la structure comme un milieu continu et y déterminer des champs continus (ou continus par morceaux). Cette condition est symboliquement dénotée : d << l << L .
A titre d’exemple pour un alliage poly-cristallin : la taille des grains d est de l’ordre de la dizaine de micromètres, le VER serait alors de taille l de l’ordre de la fraction du millimètre pour une structure de taille L de l’ordre au moins du centimètre.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Mise en contexte
1.1.1 Les problèmes nécessitant une analyse multi-échelles
1.1.2 Les philosophies courantes de la modélisation multi-échelle
1.2 Objectif
2 Les approches en calcul multi-échelles
2.1 Approches analytiques basées sur la théorie de l’homogénéisation
2.1.1 Théorie du champ moyen
2.1.2 Approche asymptotique
2.2 Approches numériques basées sur la théorie de l’homogénéisation
2.2.1 Simulation directe de la microstructure
2.2.2 Méthodes multi-niveaux
2.3 Autres approches
2.3.1 Discrétisation microscopique, décomposition de domaine
2.3.2 Méthode multigrille
2.3.3 Enrichissement de l’interpolation éléments finis
2.4 Conclusion
3 L’approche proposée
3.1 Modélisation, motivations
3.2 Extension du comportement
3.2.1 Influence des conditions aux bords sur la solution homogénéisée
3.2.2 L’approche proposée
3.3 Méthodes sans maillage
3.3.1 Motivations
3.3.2 Généralités sur les méthodes sans maillage, historique
3.3.3 Méthode des éléments naturels contraints CNEM
4 Validation, exemples
4.1 La C-NEM et les problèmes à haute hétérogénéité de densité nodale
4.1.1 Étude comparative FEM / C-NEM
4.1.2 Évaluation et optimisation de la C-NEM pour le traitement des problèmes multi-échelles
4.2 Validation du modèle d’extension du comportement
4.2.1 Validation du modèle d’extension du comportement
4.2.2 Analyse des limites du modèle d’extension du comportement, longueur de variation des propriétés du materiau
4.3 Exemples numériques
5 Stratégie de résolution
5.1 Présentation des concepts fondamentaux de l’approche
5.1.1 Les méthodes de base réduite
5.1.2 La décomposition de domaine
5.2 Présentation de la stratégie de résolution
5.2.1 Analyses et discussion sur la stratégie de résolution
6 Conclusion
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