Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
L’analyse sensorielle instrumentée : un pont entre physique et sensation
Les formulations jouent un rôle essentiel dans les fonctions du produit tant par les ingrédients utilisés que par les interactions intrinsèques entre les macromolécules alors formées et par les interactions extrinsèques avec la peau. De manière concomitante, l’ensemble de ces interactions influe sur les propriétés texturales du produit et donc la sensation perçue lors de son usage. Ainsi le contrôle de ces interactions doit-il permettre le contrôle de la sensorialité. Du fait des caractéristiques quasi-métrologiques des panelistes, il est théoriquement possible de relier les mesures effectuées par ces derniers avec des mesures instrumentales, à condition de choisir les bons instruments de mesure, c’est-à-dire les bonnes grandeurs physiques aux échelles appropriées. C’est ce que nous appelons l’analyse sensorielle instrumentée. Le Tableau 3 donne des exemples de techniques de mesures envisageables pour relier physique et sensation.
L’un des premiers à s’y essayer est B. A. Twigg en 1963 dans le domaine agroalimentaire [21]. Il combine différentes mesures de pression pour qualifier la fermeté et le juteux du maïs cru et en conserve, et introduit d’entrée de jeu la notion de multimodalité des sens dans l’évaluation instrumentale. D’autres études plus récentes sur la viande montrent qu’il est possible de relier les propriétés mécaniques et de texture aux analyses sensorielles [22], [23]. En outre, les études sur le fromage corrèlent la prise en main aux microstructures du fromage et à ses caractéristiques rhéologiques et texturales.
En cosmétique, les caractéristiques rhéologiques des produits ont largement été étudiées pour ensuite être corrélées aux sensations lors de l’étalement [24]–[27]. L’application d’une crème sur la peau ne dépendant pas uniquement des propriétés rhéologiques du produit, ces mesures peuvent être complétées par d’autres mesures instrumentales impliquant des propriétés physico-chimiques comme la tension de surface [28], ou les forces de pénétration et d’extrusion d’une sonde dans une crème (par le biais de la texturométrie), voire les phénomènes de friction (impliquant les propriétés tribologiques) sur des surfaces imitant la peau [29]. À l’image des analyses en agroalimentaire, toutes ces techniques n’analysent que les propriétés du produit intrinsèques, elles ne tiennent donc pas compte des interactions produit/peau. La complexité de mesure de ces interactions dynamiques justifie certainement le faible nombre d’études dans la littérature qui permettrait de les intégrer pour obtenir des analyses plus complètes [30], [31].
Par ailleurs, l’échelle d’investigation est un facteur encore peu étudié en analyse sensorielle instrumentée. Hormis une comparaison structurale par microscopie optique, les études menées restent focalisées sur l’échelle macroscopique, alors que la structure des émulsions et ses interactions avec la peau sont le résultat d’interactions à différentes échelles : du microscopique au macroscopique. Les phénomènes physico-chimiques prédominants en sensorialité dépendent des échelles et de la portée de leurs interactions. La sensation appréhendée par l’humain est alors le résultat d’une intégration cognitive de tous ces phénomènes. Cela justifie en soit la nécessité d’une mesure multi-échelle et multimodale (dans le sens de mesures simultanées de différentes grandeurs physiques évoluant dans le temps). À notre connaissance, les quelques travaux s’en approchant appliqués aux évaluations sensorielles cosmétiques combinent généralement les techniques de mesures sus-citées de façon monadique [32], [33].
Outre la complexité instrumentale, ces approches supposent un traitement statistique des données plus complet que de simples analyses des moments statistiques de premiers ordres (variance ou régressions linéaires par exemple). En sensoriel, il est usuel de réaliser des analyses multiparamétriques telles que les analyses en composantes principales (ACP) à partir d’un échantillon supposé significatif [34]. Ces analyses ont pour objectif de réduire le nombre de paramètres d’influence par changement de base. Dans l’absolu, si l’on souhaite obtenir un espace sensoriel optimal, c’est-à-dire dont le noyau de l’espace vectoriel est de dimension minimale et qui est représentatif des grandeurs sensorielles pertinentes, il serait nécessaire d’utiliser une base d’apprentissage importante et diversifiée. Lors de l’étude d’une gamme de produits, il convient donc d’introduire une population supplémentaire de référence. On peut par exemple avoir recours à des émulsions dont l’analyse sensorielle est déjà connue pour compléter l’ACP [35]. L’idéal serait d’avoir des produits de référence communs à toutes les études sensorielles afin de compléter la base d’apprentissage à chaque nouvelle caractérisation. Il faudrait de plus tenir compte de la non linéarité de la perception et de l’ensemble des paramètres pris en compte par le cerveau lors de l’intégration sensorielle qui introduisent un biais [36], [37] sur les résultats obtenus par ces techniques fondamentalement linéaires dans leurs formalismes mathématiques. Outre la possibilité de linéariser les variables lorsqu’on connaît les lois de stimuli [38], il serait alors intéressant d’utiliser des techniques d’apprentissage plus complexes telles que celles faisant appel à des réseaux de neurones pour réduire ce biais.
Dans tous les cas, et compte tenu de la complexité de l’étude, il est nécessaire de choisir judicieusement les paramètres de l’approche instrumentale dès sa conception : les grandeurs physiques considérées comme pertinentes, leurs échelles d’influences caractéristiques, les produits de référence permettant d’identifier les bornes sensorielles en lien avec les descripteurs visés… En effet, cette approche hypothético-déductive cherche à intuiter quelles sont les grandeurs physiques utiles pour signer les mesures sensorielles, à partir des phénomènes mis en jeu en théorie. Une fois les grandeurs et instruments de mesure choisis, il est nécessaire de caractériser un certain nombre de produits, notamment ceux servant de référence, afin de construire des indicateurs imageant les propriétés sensorielles des produits utilisés. La pertinence de ces indicateurs est à sanctionner par la suite en fonction de leurs capacités à prédire le profil sensoriel d’une gamme de validation. Dans ces conditions, il est alors envisageable de discriminer des familles significativement différentes et, par itération, d’affiner les liens entre descripteurs sensoriels et indicateurs physiques.
Dans le cadre de cette thèse, le choix s’est porté sur l’optimisation des mesures de grandeurs rhéologiques impliquées dans le plus grand nombre de descripteurs du Tableau 3, hors essais clinique. Compte tenu des produits considérés (crèmes, émulsions, gels…) et des échelles microscopiques et mésoscopiques en jeu, mais aussi pour tenir compte des interactions intrinsèques et extrinsèques avec la peau, nous avons opté pour l’adaptation et l’optimisation d’un système microrhéologique mis au point au laboratoire [39].
Une mesure physique adaptée : introduction à la microrhéologie ultrasonore
La microrhéologie ultrasonore est une technique de mesure vibratoire haute-fréquence particulièrement adaptée à la mesure des propriétés viscoélastiques des fluides complexes. Elle permet ainsi de caractériser à l’échelle mésoscopique les interactions entre les phases dispersée et continue de ces fluides. Elle donne accès à des informations complémentaires à celles obtenues en rhéologie plus communément utilisée en cosmétiques, dont les échelles d’investigation sont plus macroscopiques (Rhéologie de Couette par exemple). Elle repose sur la transduction électromécanique par effet piézoélectrique d’un substrat de quartz. Grâce à cet effet, le transducteur piézoélectrique peut être utilisé comme actionneur et comme capteur lorsqu’il est excité. Utilisé en tant que résonateur, il permet de générer des ondes de cisaillement dans un matériau déposé dessus. À partir des modifications des propriétés de résonance du couple transducteur/milieu en contact, il est possible de remonter aux propriétés viscoélastiques du matériau [39].
La réponse locale d’un volume mésoscopique d’un matériau à une sollicitation mécanique de faible amplitude est donnée par la loi de Hooke généralisée. Elle fait intervenir le tenseur des constantes élastiques dont les termes diagonaux sont liés aux mouvements de compression et les termes extra diagonaux, aux mouvements de cisaillement. Lors de l’application d’un produit cosmétique sur la peau, ce sont les mouvements de cisaillement qui sont principalement mis en jeu. Ce type de mouvement est caractérisé par deux grandeurs : le gradient de la déformation de cisaillement notée ̇et la contrainte de cisaillement notée σ. Si seul le cisaillement du matériau est considéré, la loi tensorielle de Hooke généralisée peut s’écrire comme l’Eq. 1 ( ) = ( ) Eq. 1
Dans le cas d’un matériau homogène et isotrope, il est possible de réduire le problème au cas uniaxial : le comportement élastique du matériau, modélisé par le tenseur d’ordre 4 et de dimension 3, se ramène à un simple coefficient. En conséquence, pour un solide parfaitement élastique, l’Eq. 2 lie la contrainte et la déformation par ce module de cisaillement. ( ) = ( ) Eq. 2
Si le matériau est un fluide parfaitement visqueux, il convient de considérer la loi de Newton (Eq. 3), qui fait intervenir la viscosité η. ( ) = ( ) Eq. 3
Les fluides complexes ont un comportement intermédiaire à ces extrêmes, ils sont qualifiés de viscoélastiques : leur comportement fluide est lié à ceux de différentes phases mais aussi au mouvement d’ensemble de la phase dispersée (les macromolécules) ; leur élasticité est due aux liaisons structurelles : agencement polymérique ou interactions inter-macromolécules. En conséquence, la valeur de viscosité mesurée (considérée comme constante dans le volume d’investigation) va dépendre de l’ensemble des interactions à l’échelle considérée. De même la vitesse de cisaillement n’est pas une constante indépendante du volume considéré et doit être envisagée dans un continuum de déplacements interdépendants. Une mesure faite à l’interface entre le piézoélectrique et le fluide complexe introduit de fait un biais spatio-temporel sur l’évaluation des vitesses au sein de ce dernier.
Effet de rigidité ajoutée associé aux propriétés diélectriques du milieu à caractériser
Outre l’effet d’inertie associé à l’état de surface, de nombreuses études relatent un couplage électromécanique de la branche statique sur la branche motionnelle sous le nom de rigidification piézoélectrique, ou piezoelectric stiffening [48]. Ce phénomène est lié aux forces électromagnétiques qui s’exercent sur les électrodes du quartz et apportent une charge supplémentaire qui s’oppose à la vibration de ce dernier. Il est d’autant plus important à prendre en compte que le fluide à caractériser est conducteur. En effet, pour un fluide non conducteur, l’effet de rigidification piézoélectrique reste faible et surtout constant lors de l’expérience : il est donc possible d’en faire abstraction par la différence entre les mesures à vide et en charge. Par contre, lorsque le fluide est porteur de charges, les lignes du champ d’induction sont modifiées et il n’est plus possible de considérer l’effet comme constant. Les différentes situations sont représentées aux Figure VI et Figure VII. Ce phénomène implique une mésestimation des propriétés viscoélastiques du fluide s’il n’est pas pris en compte.
En conclusion : relier l’instrumentation à l’analyse sensorielle, l’enjeu de la thèse
L’analyse sensorielle permet d’obtenir des données de qualité proches de celles de la métrologie quant à l’évaluation des propriétés organoleptiques des produits cosmétiques. Ceci dit, elle ne permet pas de prédire la sensation générée à l’application chez le consommateur. À ce jour, les études menées se basent sur une analyse statistique alors qu’il serait sûrement possible de suivre un raisonnement hypothético-déductif à partir du sens physique de grandeurs sélectionnées pour leur pertinence quant aux descripteurs à évaluer.
L’ambition de cette thèse est précisément de mettre au point une instrumentation multimodale tenant compte des interactions produit/peau à différentes échelles. L’approche choisie doit rester humble et méthodique face à l’ampleur de cette tâche. Plusieurs étapes ont été fixées. La première consiste à compléter les analyses rhéologiques des produits seuls et leurs corrélations sensorielles déjà réalisées par d’autres partenaires à l’aide de mesures microrhéologiques dans une approche multi-échelle. Dans une seconde étape, plus prospective, il s’agit de mettre en place un nouvel instrument incluant un biocapteur dédié à l’étude microrhéologique ex vivo des interactions produit/peau à partir d’explants de peau maintenus en survie [64]. Cette étape suppose d’abord une adaptation de la technique de mesure et du développement d’un système fluidique de maintien en survie pour l’étude temporelle de l’évolution viscoélastique de la peau avant et après application. Plusieurs limites sont à prévoir pour borner le travail à effectuer. Tout d’abord l’universalité des résultats obtenus est conditionnée par les références utilisées dans les études sensorielles : si les panels, bien que différents, sont formés de la même façon et évaluent des descripteurs similaires dans un référentiel identique, alors les résultats sont comparables d’un panel à un autre. Malheureusement, si les organismes de normalisation tendent à améliorer la répétabilité des panels et le maintien de leurs performances dans le temps, la dynamique de travail ne va pas dans le sens de l’universalisation des résultats d’un panel à un autre, ceci pour des raisons de propriété industrielle. Par ailleurs, il faut noter que les panelistes sont sélectionnés sur leurs performances sensibles mais sans critères quant à leurs phototypes ou la physiologie de leurs peaux de manière générale, puisque l’entrainement écrase cette variabilité inter-panelistes. La mesure instrumentale ne permet pas ce lissage, il est donc possible que nos mesures soient porteuses de plus d’informations que nécessaire pour les relier aux données sensorielles. C’est d’ailleurs peut-être un élément qui explique les différences de résultats entre panel expert et panel naïf. Dans notre cas, il est possible de se rassurer en se rappelant que la sensation est modulée par la culture du sujet : le référentiel d’étude sensoriel étant défini par des personnes de culture occidentale, et les mesures sur explants de peau étant majoritairement réalisées sur des explants de phototype I à III, donc supposément de la même culture, il y a une chance non négligeable pour que les mesures instrumentales et sensorielles soient correspondantes. Enfin, même notre approche qui prétend se démarquer des statistiques est bien obligée d’y recourir pour trouver des corrélations entre données instrumentales et sensorielles. Les résultats que nous obtiendrons par la suite seront donc à relativiser en fonction du nombre de produits testés pour le nombre de données à corréler.
Caractériser la structure des cosmétiques : la rhéologie multi-échelle
Comme le montre le chapitre précédent, accéder à des informations sensorielles, donc macroscopiques, à partir de mesures instrumentales n’est pas chose aisée, notamment par l’échelle d’investigation qui est incontestablement limitée. De plus, lorsqu’on souhaite corréler ces données à une perception cognitive, l’intégration faite par le cerveau pour qualifier un produit à partir des informations multiphysiques dont il dispose (en lien avec la vision, le toucher, l’odorat) est en toute rigueur incontournable. D’un point de vue sensorialité par exemple, la texture est définie par l’ensemble des propriétés géométriques et mécaniques perceptibles par le système sensoriel, hors gustatif. La caractérisation microrhéologique des propriétés structurelles des produits cosmétiques peut alors apporter des informations complémentaires mais qui restent insuffisantes. Quand bien même elles sont complétées par l’utilisation de plusieurs instruments de nature différente, l’information multimodale récupérée reste discrétisée quel que soit l’espace considéré (temporel, dimensionnel, visuel, olfactif, tactile, etc.). D’un point vue méthodologique et obligatoirement simpliste, la démarche consiste à : (i) récupérer par le nouvel instrument le maximum de points dans un espace vectoriel dont le noyau est mal défini (l’intégration multiphysique faite par le cerveau n’étant pas connue) ; (ii) trouver des liens entre ces mesures instrumentales et les mesures sensorielles pour en déduire des qualificatifs intrinsèques des produits.
L’approche la plus simple, proposée dans ce chapitre, pour relever en partie ce défi est d’accéder à des mesures spatio-temporelles les plus fiables possibles décrivant des caractéristiques mécaniques directement liées au toucher. Compte tenu des produits cosmétiques à étudier, une caractérisation
macroscopique monomodale rendant compte des mouvements d’ensemble, telle que la rhéologie usuellement pratiquée, ne peut suffire à décrire leur structure par exemple. Ce sont en effet des matériaux complexes7 composés de macromolécules immergées dans un ou plusieurs fluides. Ces macromolécules agissent les unes avec les autres ainsi qu’avec les différentes phases au travers d’interactions d’origine mécanique, électrique et chimique. À défaut d’une approche multimodale, l’étude multi-échelle des milieux complexes par la mécanique des fluides et la théorie de l’élasticité peut s’avérer particulièrement adaptée pour extraire quelques signatures rhéologiques pertinentes [1]–[3]. L’analyse des contraintes et déformations sous sollicitation mécanique contrôlée doit rendre compte de l’interdépendance des propriétés d’écoulement et de rigidité, qui sont les propriétés mises en jeu lors de l’application de cosmétiques sur la peau, de l’ensemble fluide complexe-structures immergées. Une mesure à différentes échelles de ces interactions permet alors une caractérisation structurelle et comportementale plus complète [4].
C’est pourquoi le présent chapitre est consacré à cette caractérisation multi-échelle, l’accent étant porté sur l’utilisation de la technique de mesure microrhéologique ultrasonore présentée précédemment. L’enjeu est d’accéder, dans un premier temps, aux propriétés viscoélastiques à une échelle mésoscopique complémentaire à celles classiquement utilisées, pour enfin extraire une loi d’échelle allant jusqu’au sensoriel. Pour y parvenir, nous utiliserons des produits fournis par différents partenaires (Laboratoires URCOM8, SEPPIC, EBI9) et qui ont fait l’objet d’études sensorielles instrumentées.
Les produits cosmétiques : des milieux complexes évolutifs
Hormis les poudres, les produits cosmétiques sont généralement des fluides complexes qui peuvent être sous la forme de solutions, de gels, d’émulsions ou de suspensions comme le montre la Figure X [5]. Du fait des interactions faibles qui permettent leur structuration et qui sont comparables à l’agitation thermique, ces matériaux sont sensibles aux sollicitations du milieu extérieur. Le caractère instable de ces systèmes colloïdaux justifie l’utilisation d’additifs tels que des polymères ou des tensioactifs modifiant leurs propriétés physico-chimiques et structurales finales. Ainsi, tous ces milieux sont constitués de macromolécules dont la dispersion et les interactions engendrent un milieu multiphasique. La phase majoritaire de ce dernier est appelée phase continue.
D’un point de vue physico-chimique les solutions en cosmétiques ne sont pas des mélanges homogènes à l’échelle moléculaire. Du fait de la faible solubilité des solutés incorporés, elles sont composées d’au moins deux phases distinctes dont l’une joue le rôle de phase dispersante : le solvant. Il n’est pas rare d’avoir recours à des excipients, tels que des tensioactifs ou des cyclodextrines10 pour faciliter la solubilisation par formation de micelles ou de complexes ioniques ou moléculaires servant d’hôtes à ces solutés. Les solutions peuvent servir soit de produit intermédiaire à intégrer à une formulation, soit de produits finis, notamment pour des fonctions détergentes. Les solutions moussantes sont particulièrement utilisées pour nettoyer les surfaces rugueuses/poreuses dans lesquelles les salissures sont incrustées.
Ces produits en phase sol sont différents des suspensions qui contiennent généralement des dispersions de particules fines solides et insolubles dans un liquide. Il est nécessaire, de même que pour les émulsions, de stabiliser ces systèmes par l’ajout de gélifiant. Comme les autres structures de produits cosmétiques, la phase dispersée (les particules) se distingue d’une phase continue (le liquide gélifié). Ces produits se retrouvent dans les fonds de teint, les vernis, mais aussi les gommages et les anti-transpirants.
Les gels sont faits d’un réseau tridimensionnel de polymères plongé dans une phase généralement aqueuse. La phase continue liquide empêche la condensation de la partie dispersée en masse compacte et la phase dispersée permet de contenir la phase liquide. Les gels peuvent être structurés par différents types de liaisons : les gels chimiques mettent en œuvre des liaisons covalentes, tandis que les gels physiques mettent en œuvre des liaisons faibles. Ces composés peuvent eux aussi être utilisés sous forme de produit intermédiaire ou fini. Dans le premier cas, ils servent à modifier la texture en jouant sur la notion de consistance et à améliorer la stabilité des produits dans lesquels ils sont incorporés. Sous forme de produits finis, ils servent de gelée démaquillante, de gel de rasage, etc.
Pour obtenir des crèmes, des laits, ou toute autre structure à base de liquides non miscibles (typiquement de l’eau et de l’huile), il est nécessaire de former des émulsions. C’est la viscosité de l’émulsion qui modifie sa dénomination : un lait est une émulsion fluide, alors qu’une crème est une émulsion épaisse, consistante. Ce sont des dispersions de gouttelettes, que nous nommerons micelles11 par abus de langage, qui ont une taille caractéristique de l’ordre du micromètre dépendante du procédé d’émulsification. Les différentes phases sont qualifiées d’aqueuse ou de grasse en fonction de leur composition. Ce sont des systèmes thermodynamiquement instables. Afin de prolonger leur longévité avant démixtion, il convient d’utiliser des tensioactifs qui sont dénommés émulsionnants et permettent de limiter les forces de répulsions entre molécules de polarités différentes grâce à leurs propriétés amphiphiles. Ce sont eux qui permettent de maintenir la phase dispersée sous forme de gouttelettes. Lorsque la phase continue est faite d’eau, on parle d’émulsion huile-dans-eau, sinon on parle d’émulsion eau-dans-huile. Pour une application commerciale, il est par ailleurs nécessaire de stabiliser ces systèmes et d’en modifier la texture par l’ajout de gélifiants, mais aussi d’y incorporer des conservateurs. Il existe des types d’émulsions plus complexes : les émulsions multiples, qui sont des systèmes colloïdaux dans lesquels les micelles sont eux-mêmes des émulsions, les émulsions foisonnées qui contiennent en plus une phase dispersée d’air, et les émulsions de Pickering, dont les micelles sont stabilisées par des particules solides plutôt que des tensioactifs. Ce dernier type d’émulsion présente l’avantage d’être moins agressifs pour la peau et permet un meilleur relargage d’actifs. Ces émulsions sont plus stables et la taille de leurs macromolécules peut atteindre jusqu’à un millimètre. Notons enfin que les microémulsions, qui sont obtenues par des procédés de formulation assez particuliers, sont quant à elles thermodynamiquement stables. Cette particularité est due à la taille des gouttelettes formées qui, contrairement à ce que leur nom laisse penser, est de l’ordre de la dizaine de nanomètres. La Figure XI représente les différents types d’émulsions qu’il est courant de rencontrer.
Nouvelle approche multi-échelle en microrhéologie pour étudier la viscoélasticité de la matière molle
Lorsque l’on souhaite modéliser le comportement dynamique d’un volume infinitésimal du matériau lors d’une sollicitation mécanique, les équations locales de conservation de la quantité de mouvement font apparaître un terme de non linéarité par phénomène de convection [7], [8]. Ce terme traduit la variation de vitesse locale due aux changements de position du volume investigué et ses interactions avec l’élément de volume voisin. Ce formalisme mathématique impliquant des équations différentielles entières supposent que le milieu est homogène à l’échelle considérée. D’un point de vue instrumental, même si par essence elle n’est pas valide pour les milieux et produits complexes de notre quotidien, l’hypothèse d’homogénéisation par effet d’intégration reste acceptable si l’échelle d’investigation choisie est bien adaptée. La question de son choix dans un objectif d’identification des grandeurs rhéologiques est donc cruciale dans la mesure où l’on cherche à caractériser le rapport entre contraintes et vitesses de cisaillement en tout point à partir de mesures à la surface du milieu (à l’interface quartz/matériau). Cette vision d’évaluation à partir d’un même référentiel est idéaliste car plusieurs fluides peuvent coexister même dans un espace confiné. La résolution du problème inverse à partir de mesures au cours du temps introduit un biais sur l’évaluation des vitesses localisées dans le volume du fait des dérivées partielles entières dans le temps et dans l’espace.
Dans le cas d’une étude harmonique, changer de fréquence d’excitation revient à changer l’échelle d’investigation et donc le volume d’intégration. Afin de tenir compte au mieux du biais sur les vitesses de cisaillement, une étude multifréquence associée à un formalisme mathématique introduisant des dérivées fractionnaires est alors nécessaire [9], [10]. Elle permet de mieux évaluer les signatures mécaniques caractéristiques du milieu et ses interactions dans une approche multi-échelle. Les propos qui suivent présentent les paramètres viscoélastiques accessibles par microrhéologie en introduisant un formalisme mathématique de dérivation fractionnaire, la rectification de l’évaluation de l’effet de masse, et la validation de l’utilisation de ce formalisme avec le suivi d’un processus de gélification par procédé sol-gel.
Formalisme fractionnaire pour la rhéologie ultrasonore multifréquence
Dans le premier chapitre, il a été démontré que la réponse temporelle d’un matériau peut être modélisée par l’Eq. 5, similaire à celle d’un système linéaire, et qui renvoi au modèle de Maxwell généralisé de Figure I. Chacune des branches de ce modèle, composée d’un ressort d’élasticité et d’un piston de viscosité , est associée à un temps de relaxation du matériau. Ce modèle étant discret, le nombre de branches à prendre en compte dans ce modèle dépend du degré de complexité de la structure et de la précision souhaitée pour la caractérisation du matériau : plus les interactions entre les macromolécules sont de petite échelle, plus les temps de relaxation considérés sont faibles ; plus la caractérisation se veut globale, plus il faut de branches pour rendre compte de chacun des temps de relaxation. Ainsi, une étude exhaustive ne peut se faire qu’en considérant une infinité de temps de relaxation, et donc une infinité de branches au modèle de Maxwell généralisé. Ceci se traduit par le passage d’une somme discrète à un produit de convolution qui se retrouve dans Eq. 7, et qui fait intervenir la fonction de distribution des temps de relaxation ( ) définie par une somme continue d’exponentielles décroissantes comme l’indique l’Eq. 64. On notera que l’élasticité ( ) introduite dans cette expression peut être elle-même une fonction qui dépend du temps de relaxation et donc de l’échelle considérée. t ( ) = ∫ ( )e− Eq. 64 τ
Ce formalisme suppose que les vitesses de déformation soient identiques dans le volume étudié, ce qui n’est pas valide pour les fluides complexes. De fait, ce formalisme introduit un biais non négligeable lorsqu’on cherche à identifier une structuration du matériau à l’aide de mesures multi-échelle. Notre technique utilisant la propagation d’une onde de cisaillement dans le matériau pour le caractériser, les mesures de son évolution à une fréquence donnée revient à moyenner les grandeurs mesurées dans une échelle d’investigation donnée. Des mesures du rapport contraintes/déformations à différentes fréquences permet alors une analyse multi-échelle. De nombreuses études expérimentales ont mis en évidence les dépendances fréquentielles en loi de puissance des grandeurs viscoélastiques, en particulier lors de caractérisation à haute fréquence [11]–[16]. Ceci peut s’expliquer par des modèles statistiques rendant compte des mouvements particulaires [17]–[19]. Dans notre approche temps-fréquence, ce biais peut être pris en compte par le formalisme mathématique fractionnaire [10]. En rhéologie, ce formalisme permet d’introduire un nouveau composant élémentaire représentatif du comportement viscoélastique dont la dénomination anglo-saxonne est spring-pot 12 [9], [10], [20]–[22]. Ce formalisme a notamment été utilisé pour l’étude des polymères [23], [24] et des tissus biologiques [25], [26].
L’équation de comportement Eq. 4 fait en réalité appel au principe de superposition de Boltzmann13 pour les matériaux à mémoire [27]. Il s’exprime par l’Eq. 65 qui rend compte de la réponse ( ) d’un matériau soumis à une perturbation externe ( ) par le produit de convolution de cette sollicitation avec un noyau d’intégration dépendant du problème considéré. Dans le cas de la viscoélasticité, la réponse est la contrainte, la sollicitation s’identifie à la déformation, et le noyau d’intégration est défini par l’Eq. 66 [23], [28]. Le choix de ce noyau est motivé par les résultats des travaux de Rouse qui a été l’un des premiers à faire apparaitre la notion d’ordre fractionnaire pour l’étude des polymères en solution. À l’aide d’une approche probabiliste, sa modélisation du mouvement de ces fluides complexes par des chaînes moléculaires gaussiennes (assemblages de masses ponctuelles et de ressorts) met en évidence un opérateur fractionnaire d’ordre ½ lié à la distribution des temps de relaxation des plus petits éléments de ces chaînes gaussiennes [17]. Le noyau d’intégration choisi revient à redéfinir la fonction de distribution des temps de relaxation en loi de puissance. En injectant cette dernière dans l’Eq. 65, il est possible de faire apparaitre une dérivée fractionnaire au sens de Caputo dans l’Eq. 67 [29]. De nombreuses définitions existent pour les dérivées fractionnaires (Riemann-Liouville, Marchaud, Weyl, Grunwald-Letnikov…), mais celle de Caputo est plus adaptée pour l’étude des phénomènes physiques, en partie car elle donne une valeur nulle de la dérivée pour une fonction constante et car les conditions aux limites qu’elle requiert pour la résolution des équations différentielles fractionnaires sont des conditions classiques de type Dirichlet ou Neumann14. Elle respecte ainsi le principe de causalité et permet des changements de base temps-fréquences usuels, y compris dans le plan complexe (de type Fourier).
Validation du modèle fractionnaire complet par suivi d’un procédé sol-gel
La validation du modèle fractionnaire pour l’étude des fluides complexes peut se faire à l’aide du suivi de la formation d’un gel par procédé sol-gel. Ce procédé, qui relève de la chimie douce, permet d’obtenir des gels organiques et/ou inorganiques à température ambiante [36]–[38]. Ces matériaux ont été un enjeu pour l’obtention de verres, notamment optiques, ou pour la fonctionnalisation de surfaces, par exemple par encapsulation de principes actifs et de biomolécules. Le matériau complexe obtenu, à partir d’un précurseur, d’un réactif et d’un catalyseur, passe d’une phase initiale en solution (phase sol) à un gel élastique (phase gel) qui présente une structure auto-similaire à toute échelle d’investigation au moins au temps de gélification. Ce temps correspond à celui pour lequel le matériau passe de la phase sol à la phase gel (il est dénommé temps de gel). Il correspond au moment de percolation où le réseau de polymères s’agrège de façon significative par réactions concertées d’hydrolyse et de condensation. Le contrôle des conditions initiales et des précurseurs influe sur le milieu de formation (acide ou basique) et sur le réseau polymérique ou d’agrégats obtenu, donc sur les propriétés finales du matériau constitué. Les propriétés viscoélastiques de ce matériau, ainsi que la dépendance des temps de gel aux conditions expérimentales, ont été particulièrement étudiées dans la littérature [39]–[44]. Tous ces articles, bien que travaillant avec des fréquences plus basses que celles présentées pour la microrhéologie, font état d’une dépendance fréquentielle des modules élastiques et visqueux selon une loi de puissance dont l’exposant varie entre 0,5 et 1.
Les matériaux utilisés pour la validation du formalisme fractionnaire en microrhéologie sont des gels de silice obtenus à partir de TétraMéthylOxiSilane (TMOS) en solution dans du méthanol (CH3OH).
Ils sont connus pour réagir à température ambiante avec l’eau lorsqu’ils sont mis en présence d’un catalyseur basique (le DiMéthylAminoPyridine – DMAP) ou acide (le chlorure d’hydrogène par exemple – HCl). Ces gels très simples ont largement été étudiés à différentes gammes de fréquences [41], [45], [46] et peuvent être utilisés comme référence pour l’étude de notre modèle. Les propriétés viscoélastiques et le temps de gel sont paramétrables en fonction de la teneur initiale en alcoolates (la concentration du précurseur), du taux d’hydrolyse (le rapport entre la quantité de précurseur et d’eau), du taux de catalyse (le rapport entre la quantité de précurseur et de catalyseur), et de la température. Pour cette thèse, il a été choisi de travailler avec des gels obtenus en milieu basique. Nous avons fixé la concentration du précurseur à [ ]0 = 1,6 . −1, et le taux de catalyse à = [ ]0⁄[ ]0 = 3.10−3 afin d’observer des cinétiques de formation d’au maximum quelques heures. Pour y parvenir, les taux d’hydrolyse étudiés ainsi que les températures de formation considérées concernent les gammes respectives suivantes : = [ 2 ]0⁄[ ]0 = [2,3, 4, 6, 8] et = [15° , 20° , 25° , 30° , 35° ]. Les mécanismes réactionnels qui ont lieu pendant le procédé sont donnés aux Eq. 77, Eq. 78 et Eq. 79. La première correspond à la réaction d’hydrolyse tandis que les suivantes rendent compte du phénomène de condensation qui produit le réseau macromoléculaire ainsi que de l’eau ou de l’alcool résiduel.
≡Si-OCH3 + H2O ⇌ ≡Si-OH + CH3OH Eq. 77
≡Si-OH + ≡Si-OH ⇌ ≡Si-O-Si≡ + H2O Eq. 78
≡Si-OH + ≡Si-OCH3 ⇌ ≡Si-O-Si≡ + CH3OH Eq. 79
Le suivi de l’impédance mécanique et le calcul des paramètres microrhéologiques ont été réalisés sur trois fréquences, ≅ [15 ; 25 ; 35 ], qui correspondent aux harmoniques de rang trois, cinq et sept du fondamental 0. Ces harmoniques sont parfois notées ℎ , = [3, 5, 7] par la suite sur les graphiques.
Application à l’analyse multi-échelle de produits cosmétiques
Les travaux rapportés dans ce manuscrit cherchent à s’inscrire dans une démarche constructive en apportant de nouveaux éléments de réponse quant à la question du lien entre sensation et instrumentation. C’est pourquoi le choix des produits auxquels nous allons nous intéresser s’est porté sur des produits pour lesquels des études sensorielles ont déjà été menées par des spécialistes du domaine. Leur formulation par des laboratoires experts assure que leur structure multi-échelle est maitrisée au mieux. En outre, les données sensorielles issues de ces études sont d’une qualité certaine. Enfin, la complétion, à l’aide de la microrhéologie ultrasonore, des caractérisations structurelles dont ces produits ont été le sujet, souvent par rhéologie basse fréquence ou analyse mécanique quasi-statique, doit permettre d’obtenir, à terme, une véritable description multi-échelle.
Quatre gammes de produits ont été sélectionnées.
• La première est issue d’un référentiel d’analyse descriptive quantitative assez répandue en industrie et développée par l’École de Biologie Industrielle (EBI) dans le cadre de formation à ce genre de profil. Les références issues du kit EBITouch® sont au nombre de huit et permettent de caractériser les descripteurs gras, facilité d’étalement, collant, pénétrant et frais. Un produit supplémentaire sera considéré dans cette gamme : il s’agit de l’huile d’amande douce, utilisée comme référence supérieure pour le descripteur émollience que l’on retrouvera dans certaines études sensorielles.
• La deuxième est la gamme de produits formulée par le laboratoire URCOM qui a servi à la mise en place d’une méthodologie reliant analyses sensorielles et instrumentales [49].
• Deux dernières gammes de produits viennent du monde industriel et ont été formulées par la société SEPPIC. Leurs caractérisations sensorielles ont été réalisées par profil descriptif quantitatif pour l’une et par profil Pivot® pour l’autre. Ces familles de produits seront respectivement dénommées Bornes Sensorielles, Gamme Urcom, Gamme Seppic et Gamme Pivot dans la suite de ce manuscrit.
Caractéristiques des produits et conditions expérimentales
Les produits sélectionnés ont été pensés, lors de leur formulation, pour être perçus de manière significativement différente par des panelistes. Leurs propriétés mécaniques sont donc censées être elles aussi significativement différentes. Pour des raisons de confidentialité, peu d’informations sont à disposition quant aux propriétés mécaniques des bornes sensorielles, et aux gammes Seppic et Pivot. Pour l’ensemble de ces études, la « base d’apprentissage » de l’espace produit est constituée de 32 individus pour notre étude.
Description des produits du SEPPIC
Les onze produits de la gamme Pivot, dont les formulations sont données dans le Tableau 5, sont des variantes d’un produit de référence dont on change les proportions et/ou la nature. D’un point de vue chimique, la majorité des constituants dont la quantité varie dans cette étude (émulsionnant, polymères, agents de texture) ne nous sont pas communiqués. Ils seront donc différentiés par une lettre. Parmi les ingrédients utilisés, il faut relever que l’émulsionnant 1 favorise l’apparition de cristaux liquides, que l’émulsionnant 2 est généralement utilisé pour des crèmes à texture fluide tandis que le 3 sert pour des crèmes consistantes. L’agent de texture est composé de microsphères. En outre, tous les polymères ont un rôle triple (épaississant, stabilisant et texturant), le 1 et le 3 formant des gels aqueux. Les quatre produits supplémentaires de la gamme Seppic sont peu documentés mais on y trouve un gel aqueux, une émulsion huile-dans-eau dite « compacte », un beurre huile-dans-eau et une émulsion eau-dans-huile, respectivement référencés par les numéros 801, 802, 803, et 804.
D’un point de vue instrumental, seule la viscosité dite « Brookfield » est disponible pour une comparaison entre les données microrhéologiques et les mesures instrumentales macroscopiques. Cette viscosité est donnée en Figure XXVIII.
Étude de la caractérisation microrhéologique des produits
Le recours à une caractérisation multifréquence est particulièrement intéressant pour l’estimation du coefficient de structure et de l’effet de masse, mais les informations portées par les valeurs des modules élastique et visqueux aux différentes fréquences ne sont pas forcément significatives dans un objectif de corrélation avec les descripteurs sensoriels. En effet, au vu des matériaux caractérisés, de leur longueur caractéristique et des ordres de grandeur des longueurs d’ondes utilisées, le volume d’investigation reste, a priori, très similaire d’une fréquence à une autre.
Afin d’éviter la redondance d’information, et d’éviter de donner artificiellement plus de poids à des variables ayant la même signification dans les traitements statistiques de type ACP, il est important de limiter le jeu de données à celles qui sont indépendantes. L’usage de matrices d’autocorrélation des variables est un outil pertinent à cet effet pour évaluer l’indépendance des grandeurs mesurées. Cette matrice est donc dans un premier temps calculée à partir des mesures portant sur le jeu de données complet, comprenant à la fois les mesures de la gamme Urcom et Pivot pour les deux températures d’expérimentation et le groupe de mesures microrhéologiques des émulsions ( ’, » ()), y compris la valeur de l’effet de masse et les caractéristiques structurelles issues du modèle fractionnaire ( et à la viscosité apparente). Les Figure XXXI et Figure XXXII représentent les matrices d’autocorrélation typiques observées (ici à ℎ3 ≅ 15 ) aux deux températures de mesure.
Relations entre les propriétés rhéologiques macroscopiques et microscopiques
À partir des modules de cisaillement mesurés en microrhéologie et en rhéologie basse fréquence, toutes deux disponibles pour la gamme Urcom, il est intéressant de vérifier si le formalisme multi-échelle utilisé reste valide dans une large gamme de fréquence. Cette extension est d’autant plus importante qu’il s’agit en réalité de relier, pour une analyse sensorielle instrumentée, des propriétés
microscopiques et macroscopiques issues non seulement de mesures instrumentales, mais aussi résultant d’un processus cognitif sur panel humain.
Pour ce faire, nous avons donc tenté d’extraire, à partir des mesures du module de cisaillement en hautes fréquences (microrhéologie) et basses fréquences (rhéologie classique), un coefficient de structure apparent et une viscosité apparente.
Le coefficient obtenu à partir des lois de puissances fractionnaires est donné en Figure L et les comparaisons des viscosités apparentes (macroscopique et microscopique) le sont à lz Figure LI et à la Figure LII. Sur la première, il est clair que toutes les valeurs convergent autour d’une valeur moyenne = 0.5, proche de la théorie de Rouse17. Par ailleurs la répartition est similaire à ce qui a été présenté antérieurement, avec une séparation de la famille S par rapport aux autres produits. Si pour la plupart des émulsions considérées cette même famille est discernable quelle que soit l’échelle, on note néanmoins qu’une mesure microrhéologique est nécessaire pour mieux différencier l’effet de microstructures spécifiques (le produit HPM-Cell par exemple). Par ailleurs la plus grande sensibilité sur la viscosité apparente en microrhéologie au regard des variations des structures internes est de nature à améliorer l’identification de grandeurs significatives et utiles pour le sensoriel.
|
Table des matières
Chapitre 1 Accéder aux propriétés organoleptiques : des sens aux instruments
1.1 Les différentes épreuves de qualification sensorielle
1.1.1 Qualification par discrimination .
1.1.2 Qualification par répartition
1.1.3 Qualification par description
1.2 L’analyse de la texture par évaluation au toucher
1.3 L’analyse sensorielle instrumentée : un pont entre physique et sensation
1.4 Une mesure physique adaptée : introduction à la microrhéologie ultrasonore
1.4.1 Extraction des grandeurs microrhéologiques par impédancemétrie
1.4.2 Modélisation électrique à éléments localisés associée
1.4.3 Extraction des paramètres du modèle par ajustement complexe
1.5 En conclusion : Relier l’instrumentation à l’analyse sensorielle, l’enjeu de la thèse
Bibliographie du chapitre 1
Chapitre 2 Caractériser la structure des cosmétiques : la rhéologie multi-échelle
2.1 Les produits cosmétiques : des milieux complexes évolutifs
2.2 Nouvelle approche multi-échelle en µrhéologie pour étudier la viscoélasticité de la matière molle
2.2.1 Formalisme fractionnaire pour la rhéologie ultrasonore multifréquence
2.2.2 Effets de masse et effets viscoélastiques
2.2.3 Validation du modèle fractionnaire complet par suivi d’un procédé sol-gel
2.3 Application à l’analyse multi-échelle de produits cosmétiques
2.3.1 Caractéristiques des produits et conditions expérimentales
2.3.2 Étude de la caractérisation microrhéologiques des produits
2.3.3 Relations entre les propriétés rhéologiques macroscopiques et microscopiques
2.4 L’étude des produits seuls : une piste prometteuse mais sûrement incomplète
Bibliographie du chapitre
Chapitre 3 Rechercher la signature physique des propriétés organoleptiques
3.1 Caractéristiques organoleptiques des produits étudiés
3.1.1 Types des données sélectionnées pour l’objectivation
3.1.2 Données sensorielles issues d’analyse descriptive quantitative
3.1.3 Données sensorielles issue d’une analyse exploratoire
Télécharger le rapport complet