Nouveaux modèles d’éléments finis de poutres enrichies

Poutre d’Euler-Bernoulli

     La théorie d’Euler-Bernoulli est probablement une des plus anciennes théories de poutres connues. Elle est basée sur les trois hypothèses suivantes :
– Les sections droites restent perpendiculaires à la ligne moyenne après déformation. H1
– Les sections planes restent planes après déformation. H2
– Les sections sont indéformables dans leurs plans. H3
Les hypothèses ci-dessus permettront de définir la cinématique de la poutre, qui définit la forme générale du déplacement de la poutre, quel que soit le chargement auquel elle sera soumise. On analyse donc l’effet de chacune de ces hypothèses sur le comportement de la poutre, mais pour cela il est nécessaire de définir au préalable deux notions importantes qui seront utilisées/analysées dans tout ce qui suit, le gauchissement et la déformation transversale (distorsion) des sections.
Définition 1 : on appelle gauchissement d’une section droite, tout déplacement dans le sens longitudinal de la poutre (hors plan de la section), autre que les mouvements rigides longitudinaux, de déplacement uniforme et de rotation de flexion.
Définition 2 : on appelle déformation transversale d’une section  droite, tout déplacement de la section dans son plan, autre que les mouvements de corps rigide (déplacement vertical/horizontal et rotation de torsion).
Les hypothèses H2 et H3 impliquent donc que la poutre ne subira ni gauchissement ni déformation transversale. Quant à l’hypothèse H1, elle implique que la rotation de flexion de la section est proportionnelle à la dérivée de la déformée de la poutre.

Discussion générale et analyse des résultats

     Dans les trois articles présentés ici, la construction du modèle de poutre enrichi est effectuée en deux étapes principales. La première est la détermination de la cinématique qui va régir le mouvement de la poutre. Cette étape est importante puisque quelles que soient les charges auxquelles sera soumise la poutre plus tard (forces, poids propre, fluage…), elle ne pourra se déformer que selon la cinématique adoptée initialement. Le choix de cette dernière doit se faire donc en fonction des chargements que va subir la poutre, pour qu’il soit le plus optimal possible. La deuxième étape est l’obtention et la résolution des équations d’équilibre pour construire la matrice de raideur de l’élément. Deux choix s’offrent à nous dans cette étape, le premier consiste à utiliser des fonctions d’interpolations (polynômes de Lagrange, Spline…) pour l’approximation des degrés de libertés, le deuxième consiste à résoudre les équations d’équilibre d’une manière exacte. C’est ce second choix qui a été adopté dans ce travail. Cependant la solution exacte ne peut être obtenue (du moins à notre connaissance) que pour le cas linéaire élastique avec des sections constantes, un cas plus général complique considérablement les équations d’équilibres pour qu’elles puissent encore être résolues d’une manière exacte. Dans ces cas, l’utilisation des fonctions d’interpolations s’impose. La solution exacte est relativement facile à obtenir dans l’article 1 (section infiniment rigide dans leur plan mais pouvant gauchir), mais pour le cas général de l’article 2 et 3 (section pouvant se déformer dans son plan et gauchir) elle n’est atteinte qu’après un long processus de résolution des équations d’équilibre. La solution exacte permet de s’affranchir d’un maillage trop fin et des problèmes de verrouillage numérique pouvant apparaître. Ce qui en fait, malgré sa difficulté, une approche élégante, qui doit toujours être adoptée quand elle est possible. La méthode des développements asymptotiques (AEM) offre une approche efficace et générale pour déterminer une base réduite adaptée pour enrichir la cinématique de la poutre. Elle peut être considéré comme une approche plus simple que les méthodes de réduction de modèle, tels que la PGD (proper generalized decompostion) ou la POD (proper orthogonal decompostion), voir Ryckelynck & al [16]. Ces approches ont pour point de départ les équations d’équilibre 3D de la poutre, seulement pour la AEM seule une pré-analyse de la section est nécessaire pour déterminer les modes de déformations, au lieu d’un calcul 3D global de la poutre pour les autres approches. La AEM suppose que la poutre est infiniment longue, et utilise une séparation de variables pour les efforts, variant longitudinalement selon une fonction infiniment dérivable. En considérant toutes ces hypothèses, la forme générale du déplacement de la structure est obtenue. Pour l’usage qu’on fait de la AEM, l’expression exacte de la fonction représentant la variation longitudinale des efforts ne nous intéresse pas, puisque la AEM nous sert seulement à déterminer des modes de déformations associés à chacune des dérivées de ladite fonction. Cependant, parmi les cas de charges usuels qui se présentent à l’ingénieur, certains sont ponctuels (fonction delta de Dirac) ou bien répartis sur une longueur réduite de la poutre (fonction porte). On serait donc en droit de supposer, que pour ces types de fonctions, il faut pousser le développement asymptotique à un ordre très élevé pour obtenir de bons résultats. Cependant dans tous les cas tests proposés dans l’article 3 où le chargement est ponctuel, on obtient de très bon résultats en comparaison avec ceux obtenus avec des modèles de référence en éléments de coques ou volumiques, et cela en s’arrêtant aux modes liés à la dérivée cinquième de la fonction de répartition longitudinale des efforts. On a donc, même pour le cas de comparaison extrême d’une force ponctuelle, de très bons résultats avec très peu de modes. Il faut noter ici un point de différence important entre les résultats des deux premiers articles avec ceux du dernier. Dans les exemples proposés dans les deux premiers articles, la comparaison est faite sur la distribution des contraintes normales ou tangentielles au voisinage de l’encastrement des poutres, qui représente la zone de perturbation. Les résultats sont comparés à des modèles de références, et montrent une très bonne concordance. Ces résultats ne peuvent pas être reproduits en utilisant les modes provenant de la AEM, puisque une des hypothèses de la méthode est qu’on est dans une poutre infinie (et donc très loin des zones de perturbations). Malheureusement ici pas de miracle, les résultats concernant les contraintes deviennent médiocres en s’approchant des appuis. Ces résultats peuvent néanmoins être améliorés en incorporant les modes de gauchissement obtenus par la méthode développée dans l’article 1, ce qui peut être observé dans la figure 11 de l’article 3. Une remarque dans l’article 2 précisait que l’effet Poisson allait être négligé à cause de l’apparition du verrouillage incompressible, et que par conséquent dans tous les exemples proposés, un coefficient de Poisson nul a été considéré. Pour résoudre ce problème, il faut, comme expliqué dans la remarque, inclure des modes de déformations d’une manière à compenser (ou représenter) les déformations créées par l’effet Poisson. En utilisant la AEM, l’effet Poisson sera naturellement pris en compte dans les modes qui seront déterminés, ce qui résout le problème du verrouillage incompressible.

Conclusion et perspective future

    En couplant la AEM pour la détermination de la cinématique de la poutre, présentée en détail dans l’article 3, avec la résolution exacte des équations d’équilibres développée dans l’article 2, on obtient une procédure efficace pour la construction d’un modèle de poutre enrichie, basée sur une résolution analytique des équations d’équilibre, capable de rivaliser avec des modèles en éléments de coques ou briques. Dans l’article 3, la AEM a été utilisée pour déterminer des modes spécifiques aux forces extérieures appliquées à la poutre. La procédure peut être aussi adaptée, sans trop de difficultés, pour déterminer des modes spécifiques à des déformations imposées (gradient thermique, fluage…). Le modèle présenté dans ce travail ne concerne pour l’instant que des poutres à sections constantes. Pour le cas des sections variables, une solution générale exacte n’est plus possible. Il faut donc utiliser des fonctions d’interpolations (Spline, Nurbs…) pour approximer la géométrie arbitraire de la poutre, ainsi que la variation des différents degrés de libertés pour construire la matrice de raideur de l’élément. Cependant, pour des poutres à section variable, courbes, biaises, ou plus généralement initialement déformées d’une manière quelconque, la différence avec les poutres à sections constantes ne réside pas seulement dans le fait que la solution exacte n’est plus possible, mais surtout dans le fait que la géométrie initiale quelconque de la poutre, produit des effets non négligeable sur la déformation de la poutre, qui de la même manière que pour le chargement extérieur, nécessitent de déterminer des modes de déformations (gauchissements et transversaux) spécifiques pour pouvoir les représenter. Le traitement des non linéarités géométriques pour ce type de poutre enrichie est, comme on peut s’y attendre, un sujet complexe. Ici aussi, comme pour la prise en compte de la géométrie initiale, il faudrait imaginer qu’à chaque itération d’un processus de résolution d’équations non-linéaires (Newton-Raphson…), on détermine des modes spécifiques à l’état de déformation atteinte par la poutre. Cette première idée laisse entrevoir la complexité de cette problématique, qui reste un des axes de recherche à poursuivre. La prise en compte des non linéarités matérielles dans le cadre de la méthode des développements asymptotiques, est tout autant, si ce n’est plus difficile que celle des non linéarités géométriques. Plusieurs pistes sont envisageables, mais pour l’instant ce sujet est encore à l’état embryonnaire, et représente un axe de développement futur en cours. Des sujets pouvant paraître moins théoriques au premier abord, sont en réalité tout aussi difficiles et importants que les problématiques de non linéarités géométriques et matérielles, puisqu’ils sont essentiels pour l’usage pratique de cet élément de poutre enrichi. On peut notamment citer la question de la prise en compte l’effet des raidisseurs transversaux, présents généralement dans la grande majorité des tabliers de ponts. Celle de savoir comment connecter une poutre venant se raccorder latéralement à une autre poutre (par des boulons, des soudures…) et quel est l’effet de cette connexion sur la cinématique à choisir. La liste des sujets de développement futurs, détaillée ci-dessus, est loin d’être exhaustive. La résolution de tous les problèmes liés aux poutres enrichies nécessite certainement des années recherches. Mais qui nous le croyons, ouvre la voie à une nouvelle génération des logiciels de calcul de structures, offrant ainsi des outils modernes aux ingénieurs pour une meilleure compréhension du comportement de leurs ouvrages.

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Table des matières

Préambule
1 Introduction 
2 Les théories de poutres les plus courantes et leur domaine de pertinence
2.1 Poutre d’Euler-Bernoulli
2.2 Poutre de Timoshenko
2.3 Poutre de Vlassov
2.3.1 Gauchissement uniforme
2.3.2 Modèle de Vlassov
2.4 Poutre de Benscoter
3 Résumé de l’article 1 [7]
3.1 Détermination des modes de gauchissement de 1er ordre
3.2 Détermination des modes de gauchissement d’ordre supérieur
4 Résumé de l’article 2 [8]
4.1 Equations d’équilibre
5 Résumé de l’article 3 [9] 
5.1 Exemple d’introduction à la méthode des développements asymptotiques
5.2 Problème d’une poutre 3D
5.3 Solution du problème et forme du déplacement
6 Discussion générale et analyse des résultats 
7 Conclusion et perspective future

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