L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est l’une des techniques les plus couramment utilisées en imagerie clinique grâce à de nombreux avantages. Cette technique n’est pas invasive et permet d’obtenir des images en trois dimensions avec une résolution de l’ordre du millimètre. L’IRM est non seulement la technique d’imagerie donnant les informations anatomiques les plus riches mais elle permet également d’obtenir des informations sur l’organisation spatiale des vaisseaux sanguins (angiographie IRM), sur l’architecture fine du tissu neuronal et ses changements à l’échelle microscopique (IRM de diffusion), ou la distribution du sang dans le cerveau (IRM fonctionnelle). L’IRM est basée sur le temps de relaxation des protons de l’eau présents dans les tissus biologiques, soumis à un champ magnétique. En dépit de ces avantages, la faible sensibilité de l’IRM nécessite dans la plupart des examens, l’injection d’un agent de contraste dans 30 à 40% des examens cliniques. Ces composés paramagnétiques permettent d’accélérer la vitesse de relaxation des protons de l’eau et ainsi augmenter le contraste des images.
L’imagerie optique est une technique largement utilisée pour imager en temps réel et de façon non invasive le cheminement d’une molécule luminescente dans les tissus. Elle présente une excellente sensibilité, mais ne possède pas la résolution spatiale de l’IRM. Coupler un agent de contraste avec une sonde luminescente permet d’obtenir un composé bimodal alliant la haute résolution spatiale de l’IRM à la très bonne sensibilité de l’imagerie optique. Les propriétés optiques et magnétiques des ions lanthanides en font d’excellents candidats pour ces deux types d’imagerie. En effet, la luminescence des ions lanthanides est particulièrement adaptée grâce à ses fines bandes d’émission allant du visible jusqu’au proche infrarouge. De plus, les propriétés magnétiques du gadolinium (sept électrons non appariés et un long temps de relaxation électronique) sont notamment exploitées pour l’IRM. L’efficacité d’un agent de contraste est définie par sa relaxivité. La relaxivité est donnée par l’inverse du temps de relaxation des protons de l’eau normalisé par la concentration en espèce paramagnétique.
La tendance actuelle est d’obtenir des informations au niveau moléculaire en augmentant la précision des images, on parle alors d’imagerie moléculaire. L’imagerie moléculaire consiste à visualiser et ainsi mieux comprendre les processus moléculaires fondamentaux à l’intérieur d’un organisme sans le perturber en utilisant des sondes connues comme biomarqueurs pour imager une cible ou un processus particulier. Ainsi elle permet un diagnostic plus précoce et plus précis de certaines maladies comme les cancers, les maladies cardiovasculaires et neurologiques et contribue à améliorer le traitement de ces maladies grâce à une meilleure compréhension et une optimisation des essais précliniques et cliniques.
Les lanthanides
Propriétés fondamentales
Les lanthanides sont les 15 éléments du tableau périodique allant du lanthane au lutétium de numéros atomiques respectifs 57 et 71. Ils appartiennent à la première période du bloc f et se caractérisent par une configuration électronique de type [Xe]5d0 6s2 4fn+1, n allant de 0 à 5 ou [Xe]5d1 6s2 4fn , n allant de 7 à 14 sauf le lanthane qui présente une configuration de type [Xe]5d1 6s2 4f0 . La perte d’un électron 4f et de deux électrons 6s conduit à l’ion lanthanide trivalent (Ln3+) qui est le degré d’oxydation le plus stable de la série. Quelques éléments de la série ont la possibilité d’être stabilisés au degré d’oxydation +II (samarium, europium, ytterbium) ou au degré d’oxydation +IV (cérium, praséodyme, terbium).
La très forte proximité des propriétés physiques et chimiques de l’yttrium et du scandium fait que ces deux éléments sont souvent regroupés avec les lanthanides. L’ensemble de ces 17 éléments constitue ainsi la famille des « terres rares ».
La particularité des lanthanides réside dans le fait qu’ils présentent des propriétés chimiques relativement proches. Le rayon de l’ion évolue lentement du début à la fin de la période. L’effet d’écran est légèrement moins efficace tout au long de la série que celle de la charge du noyau dû au nombre d’électrons de la sous couche f. Il en résulte une faible augmentation de la charge nucléaire et donc une diminution lente du rayon atomique, liée à la contraction progressive des orbitales 5s et 5p. Ce phénomène est appelé « contraction des lanthanides ».
Les orbitales de valence ont une faible extension radiale et sont enfouies dans le nuage électronique. De ce fait ils sont très peu sensibles à leur environnement chimique et ne peuvent pas former de liaisons covalentes. L’interaction métal ligand dans les complexes de Ln(III) est décrite par un modèle purement ionique. Les lanthanides sont des acides très durs selon la classification de Pearson (théorie HSAB des acides et bases durs et mous) et interagiront de préférence avec des ligands durs contenant notamment des atomes d’oxygènes donneurs (eau, carboxylate, phosphonate…). Les lanthanides sont des acides forts au sens de Lewis, ce qui conduit à l’activation des protons présents des molécules d’eau coordonnées aux cations métalliques, donnant lieu à la formation d’espèces Ln(OH)3 insolubles à partir d’un pH de 6.5. Une autre conséquence de l’enfouissement des orbitales f dans le nuage électronique est le faible effet du champ cristallin comparé au couplage spin-orbite : 500 cm-1 contre 5000 à 30000 cm-1 pour les métaux de transition. Ainsi, contrairement aux métaux de transition, les niveaux d’énergie des complexes de Ln(III) sont très proches de ceux de l’ion libre. Il en est de même pour leurs propriétés spectroscopiques et magnétiques. Cette faible influence du champ cristallin explique également la grande diversité des complexes de lanthanides que ce soit en terme de nombre de coordination ou de géométrie des complexes, puisqu’elle ne sera pas imposée par la direction des orbitales. Les ligands s’organisent donc autour du centre métallique de façon à minimiser l’énergie électrostatique et les interactions stériques répulsives. Le nombre de coordination le plus souvent observé est de 8 ou 9 mais il peut varier de 6 à 12. On observe souvent une décroissance du nombre de coordination sur la série (10 pour La3+, 8 pour Lu3+) qui est associée à la contraction des lanthanides.
Propriétés spectroscopiques et magnétiques
Tous les ions lanthanides sont luminescents exceptés le lanthane et le lutétium de configurations respectives 4f0 et 4f14. Les transitions f-f sont théoriquement interdites par les règles de sélection électronique dipolaire (règle de Laporte et règle de spin). En pratique, le couplage des états électroniques avec les états vibrationnels et les mélanges de fonctions d’onde de différents nombres quantiques J ou de différentes parités atténuent cette interdiction. Les ions lanthanides ont de ce fait un faible coefficient d’extinction molaire (entre 1 et 10 M 1cm-1), ce qui rend difficile leur excitation directe. L’excitation à basse énergie des ions lanthanides se fait le plus souvent grâce à un chromophore qui va transmettre l’énergie via un processus appelé l’effet d’antenne. Le champ cristallin ayant une faible influence sur les orbitales 4f, le ligand organique ne modifie pas la longueur d’onde d’émission spécifique de chaque ion. De plus, les longueurs d’onde d’absorption et d’émission sont quasi monochromatiques. La différence d’énergie entre le niveau excité et le niveau fondamental de l’ion Ln(III) conditionne l’efficacité du phénomène de luminescence. Plus l’écart d’énergie est grand et moins les processus de désexcitations non radiatifs sont probables.
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Table des matières
Introduction générale
Introduction
1. Les lanthanides
a) Propriétés fondamentales
b) Propriétés spectroscopiques et magnétiques
2. IRM et complexes de gadolinium
a) Principe de l’IRM
b) Agents de contraste
c) Relaxivité des complexes de gadolinium
d) Paramètres influençant le mécanisme de sphère interne
e) Systèmes macromoléculaires, nanoobjets
f) Agents ciblés, sondes intelligentes
3. Imagerie optique
a) Principe
b) Les complexes de lanthanides luminescents
c) Les quantum dots
4. Objectif du travail
5. Références
Synthèse et étude des complexes
1. Conception des ligands
a) Couplage des espaceurs sur les complexes de lanthanides
b) Complexes cibles
2. Synthèse du dérivé du DOTA
3. Synthèse des dérivés de l’ebpatcn
4. Etude des complexes
a) Caractérisation
b) Relaxivité
c) Luminescence
5. Conclusion
6. Références
Greffage de complexes de lanthanides sur les quantum dots
1. Introduction
a) Sondes bimodales IRM/Optique
b) Transferts d’énergie
c) Travaux antécédents conduits au laboratoire
d) Choix des complexes et des quantum dots
2. Synthèse et caractérisation d’architectures nanométriques multimodales basées sur les quantum dots
a) Greffage des complexes de gadolinium sur les quantum dots
b) Caractérisation des quantum dots
3. Etude de la relaxivité
4. Etude de la luminescence des complexes de lanthanides greffés
5. Conclusion
6. Références
Greffage de complexes de lanthanides sur les oligonucléotides
1. ADN
a) Généralités
b) Sondes ADN-complexes de lanthanides
c) Objectifs et travaux antérieurs
2. Dérivés de la dpaa
a) GddpaarU
b) GddpaarUdT
3. Dérivés de l’ebpatcn
a) Synthèse
b) Relaxivité
4. Conclusion
5. Références
Incorporation de complexes de lanthanides dans les billes de silice
1. Introduction
a) Fonctionnalisation de nanoparticules de silice par des complexes de Gd(III)
b) Incorporation non covalente de complexes de Gd(III) dans des nanoobjets
c) Travaux antécédents conduits au laboratoire
d) Objectifs
e) Choix des complexes
2. Synthèse et caractérisation de billes de silice
a) Méthode de synthèse
b) Caractérisation des nanoparticules
c) Choix d’étude des nanoparticules de 25 et 55 nm
3. Relaxivité
a) Dans l’eau
b) En milieu biologique : Sérum, BSA, Anions
4. Optimisation des systèmes [Gd(dhqNSO3)(H2O)3]3-@Si25NPs et [Gd(dhqNSO3)(H2O)3]3-@Si55NPs
a) Stabilité cinétique
b) Greffage des chaînes PEG
c) Images IRM in vitro
5. Nanoparticules bimodales
a) Avantages des sondes bimodales IRM/optique
b) Synthèse
c) Luminescence
d) Relaxivité
6. Conclusion
7. Références
Conclusions