Les lasers solides pompés par diodes
Parmi les lasers solides pompés par diodes, des systèmes dépassent actuellement la dizaine de kilowatts avec une excellente qualité de faisceau. C‟est le cas par exemple des systèmes à fibres de plus de 10 kW avec un faisceau monomode [Gaspontsev ’09] ou de systèmes à disques minces émettant plus de 25 kW avec un faisceau multimode [Boeing ’08]. Le principal avantage des lasers solides réside surtout dans la possibilité de contrôler temporellement le faisceau de sortie. En effet, parvenir à concentrer la lumière sur une durée courte, permet d‟atteindre d‟importantes puissances crêtes (supérieures à quelques kW). Avec des impulsions allant d‟une durée de quelques femtosecondes à plusieurs centaines de picosecondes, l‟usinage peut se faire par ablation : il n‟y a aucun échauffement qui est mis en jeu, et la découpe est précise et peu profonde. Cette technique est très utilisée pour le micro-usinage par exemple. De plus, avec les lasers solides pompés par diode, il est possible de combiner les deux procédés d‟usinage (thermique et ablatif). Cela nécessite d‟atteindre à la fois une forte puissance crête (supérieure à 100 kW) et une forte énergie (supérieure à 1 mJ) à l‟aide d‟impulsions d‟une durée de l‟ordre de la nanoseconde. Les sources impulsionnelles à base de cristaux solides pompés par diode représentent actuellement le seul moyen pour répondre à ces besoins. Ces systèmes sont de toute évidence le meilleur compromis en termes de qualité de faisceau, d‟efficacité et de performances obtenues.
Cadre de l’étude bibliographique
Au cours de ce premier chapitre, nous proposons une étude bibliographique sur les solutions développées pour la réalisation de « sources laser de puissance ». Au regard de ce qui est présenté dans ce chapitre, nous limiterons notre étude à des systèmes dits « tout solides », qui ne seront donc ni des diodes lasers, des lasers à gaz, ni des lasers à colorants, car les problématiques technologiques dans de tels systèmes sont très différentes des concepts étudiés ici. Nous nous concentrons ici sur les résultats obtenus avec des matériaux dopés à l’ion ytterbium. Des résultats typiques obtenus avec des cristaux dopés à l‟ion néodyme seront présentés en début de partie II. Nous présentons brièvement les résultats en régime de fonctionnement continu et nous insistons davantage sur le régime impulsionnel qui constitue un fonctionnement très attractif pour les applications industrielles. Pour cela, la gamme de durées d‟impulsions que nous étudions est dans une plage de plusieurs nanosecondes (au-delà de 1 ns). Nous excluons ainsi les systèmes complexes par exemple basés sur le « verrouillage des modes en phase » qui atteignent des impulsions d‟une durée comprise entre une à quelques dizaines de picosecondes. Nous excluons également la gamme de durées d‟impulsions femtosecondes qui se fait dans des systèmes beaucoup plus complexes utilisant par exemple la technique d‟amplification à dérive de fréquence [Strickland ’85]. Nous ne traitons pas non plus des systèmes constitués d‟une combinaison de plusieurs sources laser entre elles. En effet, cette famille de systèmes, pouvant être réalisés selon des techniques variées, nécessite a priori le contrôle précis de la phase de chacun des n sous-systèmes afin d‟obtenir une combinaison cohérente de puissance n fois plus importante. Enfin, pour chaque géométrie, nous présentons dans la mesure du possible les performances obtenues en tant qu‟amplificateur de puissance dans une configuration de type MOPA (de l‟anglais Master Oscillator Power Amplifier). Cette technologie est très répandue car elle permet de décorréler les propriétés de l‟émission (durée d‟impulsions, qualité de faisceau…) de la problématique de la génération de forte puissance/énergie. Nous verrons ainsi quels sont les principaux avantages et inconvénients des solutions existantes en s‟intéressant en particulier aux trois problématiques fondamentales que sont la qualité du faisceau, la gestion de l‟échauffement thermique au sein de la structure amplificatrice et le rendement d‟efficacité.
Le pompage longitudinal
Le principe du pompage longitudinal est présenté sur la Figure 1-1. Le faisceau de pompe est focalisé à travers une des faces du cristal. Le mode laser est généré de façon copropagative au faisceau de pompe et imposé par une cavité extérieure. Cette géométrie est reconnue pour permettre d‟obtenir un faisceau limité par la diffraction et avec une excellente efficacité. En effet, le recouvrement spatial entre le mode laser et le volume du cristal laser excité par le pompage est optimal. Cependant, il nécessite également que la source de pompage soit de bonne qualité optique. Les développements actuels de diodes laser de puissance vont dans ce sens avec l‟augmentation des capacités de couplage de faisceaux issus de barrettes de diode dans des fibres multimodes grâce à des techniques propres à chaque intégrateur de ce genre de système (comme évoqué en introduction générale). La luminancei de ces systèmes de pompage s‟améliore d‟année en année. Cependant, la montée en puissance est rendue délicate par le fait qu‟il est tout de même nécessaire de focaliser un faisceau possédant un facteur M² très élevé dans le cristal laser. Le faisceau de pompe divergera fortement de part et d‟autre du point de focalisation. Par conséquent pour maximiser l‟absorption dans un cristal massif, celui-ci devra alors être caractérisé par un couple {dopage-longueur} adapté.
Les lasers à disques minces
Imaginé dans le but de s‟affranchir des problématiques liées aux effets de lentilles thermiques dans les cristaux, le concept du « disque mince » permet de générer des puissances lasers similaires à celles obtenues avec les lasers à fibres. La première démonstration de laser à disque mince (ou « thin-disk ») faisait déjà état des avantages considérables offerts par cette configuration pour la montée en puissance [Giesen ’94]. En effet, le milieu laser dont l‟épaisseur est typiquement de l‟ordre de quelques centaines de microns pour une surface de plusieurs millimètres carrés est placé sur un support thermalisé (cf. Figure 1-7). Ainsi, la puissance dissipée sous forme de chaleur est évacuée de façon très efficace par ce contact thermique dans le même sens que le sens de propagation du faisceau laser au sein du milieu. Le gradient thermique est donc orienté selon l‟axe de propagation et ne génère que très peu d‟effet de lentille thermique. Le mode laser est imposé par une cavité formée par un miroir hautement réfléchissant (HR) déposé sur la face arrière du disque laser et par un ou plusieurs miroirs externes.
Les systèmes à guide d’onde planaire (« planar waveguide »)
Parmi ces systèmes, nous pouvons discerner deux catégories : les structures guidantes pour le faisceau laser, et les structures guidantes pour le faisceau de pompe qui mèneront à la définition du concept de laser à fibre cristalline. Dans cette géométrie, la fonctionnalisation du milieu est très importante : les propriétés intrinsèques du milieu le rendent très proches des fibres dopées tant sur le plan de la gestion des phénomènes thermiques que sur le plan de la qualité spatiale de l‟émission. Le principe de ce type de structure réside dans l‟extension de la géométrie de slab par la réduction d‟une dimension transverse du milieu (au moins) de façon à ce que le profil spatial du signal susceptible de se propager soit alors imposé par le guide. On parle alors de guide planaire. Cette géométrie de guide selon une unique dimension engendre une émission intrinsèquement très dissymétrique. Dans le cas d‟un oscillateur fonctionnant en régime continu, la cavité laser est formée simplement par les facettes du guide sur lesquelles des traitements diélectriques ont été déposés. Pour la réalisation d‟oscillateurs impulsionnels où est ajouté un modulateur, une cavité plus longue est conçue de sorte que le mode laser soit couplé convenablement avec le mode fondamental du guide d‟onde. Comme dans le cas des slabs, on peut distinguer trois configurations de pompage : transverse par la tranche [Beach ’01-Li ’03], transverse par la surface [Baker ’03-Xu ’07] et longitudinal [Baker ’08-Mackenzie ’02]. Les travaux les plus performants en régime continu (en utilisant un guide de Nd:YAG pompé par la face) ont démontrés près de 175 W pour 430 W de pompe à 808 nm et avec un facteur de qualité M² inférieur à 6 [Xu ’07]. Au cours de ce même travail et à l‟aide d‟un modulateur acousto-optique introduit dans la cavité, des impulsions de 4,5 mJ à 5 kHz et de 15 ns ont été obtenues. Cela correspond à une puissance crête de 300 kW. Bien que l‟intérêt de guides avec un cœur dopé à l‟ytterbium ait été démontré très tôt [Pelenc ’95], les travaux faisant état de la réalisation de sources de fortes puissances sont plus récents. En premier lieu, une puissance laser de 12 W en régime continu pour une puissance de pompe de 40 W à 940 nm a été démontrée par pompage transverse [Beach ’01]. Plus récemment, 90 W ont été obtenus en régime continu à l‟aide d‟un système de pompage transverse dans le cœur dopé pour une puissance de pompe absorbée de 190 W à 940 nm [Baker ’08]. La pente d‟efficacité correspondante est de 60 % avec une émission multimode. Cependant, il n‟a jamais été rapporté de démonstrations d‟un système déclenché activement avec de tels guides. A ma connaissance, les seuls travaux en régime impulsionnel concernent le développement d‟un système de type « microlaser » : une puissance moyenne de près de 3 W a été obtenue à 80 kHz et avec des impulsions de l‟ordre de 1,5 ns dans un guide pompé longitudinalement.
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Table des matières
Introduction générale
PARTIE I : Etude et réalisation de sources de fortes puissances à base de fibres cristallines dopées ytterbium
1. Etat de l’art des sources de fortes puissances à base de matériaux dopés ytterbium
1.1 Cadre de l’étude bibliographique
1.2 Les sources à cristaux massifs : architecture classique
1.2.1 Le pompage longitudinal
1.2.2 Le pompage transverse
1.3 Les sources à fibres amorphes dopées
1.3.1 Les fibres à structures double gaine
1.3.2 Les fibres à cristaux photoniques
1.3.3 Nouvelles fibres dopées pour la montée en énergie
1.3.4 Bilan sur les fibres amorphes
1.4 Les sources à cristaux à géométrie avancée
1.4.1 Les lasers à disques minces
1.4.2 Les slabs lasers
1.4.3 Les systèmes à guide d‟onde planaire (« planar waveguide »)
1.4.4 Vers les lasers à fibres cristallines
1.5 Conclusions sur l’état de l’art
1.6 Présentation du concept utilisé
2. Méthodes d’élaboration des fibres cristallines
2.1 La méthode Czochralski
2.2 Les céramiques lasers en forme de fibre
2.3 La méthode « Laser Heated Pedestal Growth » (LHPG)
2.4 La méthode micro-pulling down (µPD)
2.5 Conclusions sur les voies de réalisations
3. Etude théorique pour le dimensionnement de fibres cristallines dopées ytterbium
3.1 Propriétés et modélisations des grandeurs liées au matériau
3.1.1 Propriétés spectroscopiques de l‟ion ytterbium
3.1.2 Définition du gain linéique et de l‟intensité de transparence
3.1.3 Importance des effets thermiques
3.2 Modélisation des grandeurs liées au laser
3.2.1 Modélisation de la propagation de la pompe
3.2.2 Modélisation du faisceau laser
3.2.3 Intérêt de la zone de propagation libre de la pompe
3.3 Validation expérimentale des simulations
3.3.1 Premiers choix techniques effectués
3.3.2 Quel critère d‟optimisation choisir ?
3.3.3 Résultats des calculs pour 60 W de pompe
3.3.4 Détermination expérimentale du gain petit signal
3.3.5 Comparaison des résultats
3.4 Dimensionnement à forte puissance de pompe
3.4.1 Quel système de pompe choisir ?
3.4.2 Spécifications de la fibre cristalline et influence des effets thermiques
3.4.3 Définition du faisceau de pompe
3.4.4 Définition du faisceau laser
3.4.5 Influence du diamètre des fibres cristallines
3.5 Conclusions
4. Caractérisations des fibres cristallines
4.1 Caractérisations physico-chimiques
4.1.1 Caractérisations structurelles du matériau
4.1.2 Observations et état de surface des faces
4.1.3 Caractérisations spectroscopiques
4.1.4 Localisation du dopant
4.2 Caractérisations des propriétés optiques intrinsèques
4.2.1 Transmission intrinsèque
4.2.2 Evaluation des pertes par dépolarisation
4.2.3 Propriétés de guidage
4.2.4 Absorption
4.3 Caractérisations optiques avancées
4.3.1 Répartition spatiale de l‟excitation
4.3.2 Etude du comportement thermique
4.4 Conclusions sur les caractérisations des fibres cristallines
5. Réalisations expérimentales d’oscillateurs lasers à fibres cristallines dopées ytterbium
5.1 Choix de la cavité laser
5.1.1 Simulations de la lentille thermique
5.1.2 Simulations des cavités laser
5.2 Oscillateurs en régime continu
5.2.1 Comparaison entre une fibre µPD et un barreau Czochralski à 60 W de pompe
5.2.2 Montée en puissance : performances pour 200 W de pompe
5.2.3 Premier laser à fibre cristalline de 400 µm de diamètre
5.3 Oscillateurs en régime déclenché
5.3.1 Le régime déclenché : principe de fonctionnement et moyens de réalisation
5.3.2 Résultats pour 60 W de pompe
5.3.3 Vers la montée en puissance
5.4 Bilan des résultats obtenus en configuration laser
6. Conclusions et perspectives sur les sources laser à fibres cristallines
6.1 Une technique de croissance rapide et maîtrisée
6.2 Comparaison à l’état de l’art et perspectives envisageables
6.3 Futurs développements des sources à fibres cristallines
6.3.1 Concept d‟amplificateur à fibre cristalline
6.3.2 Intérêt d‟une fonctionnalisation de la fibre cristalline
6.3.3 Des fibres cristallines avec d‟autres matériaux
PARTIE II : Pompage direct de cristaux dopés néodyme dans la bande d’émission
1. Etat de l’art du pompage direct de l’ion néodyme
1.1 Propriétés laser de l’ion néodyme et cadre de l’étude
1.2 Le pompage classique à 808 nm
1.3 Le pompage direct par laser : faisabilité et premières démonstrations
1.4 Le pompage direct par diode
1.5 Bilan de l’état de l’art
2. L’absorption : un paramètre clé pour le pompage direct
2.1 Propriétés spectroscopiques
2.1.1 Absorption du Nd:YAG
2.1.2 Absorption du Nd:YVO4
2.1.3 Récapitulatif
2.2 Comment favoriser l’absorption en pompage direct ?
2.2.1 Augmenter le coefficient d‟absorption
2.2.2 Augmenter la longueur du cristal
2.3 Conclusions sur l’absorption
3. Etude expérimentale du Nd:YAG pompé par diode laser à 938 nm
3.1 Etude de l’absorption
3.1.1 Recouvrement spectral
3.1.2 Influence de la température moyenne
3.2 Réalisation laser en régime continu
3.3 Comparaison de l’échauffement thermique entre un pompage à 808 nm et à 938 nm
3.4 Peut-on faire mieux ?
3.5 Conclusions sur le Nd:YAG
4. Etude expérimentale du Nd:YVO4 pompé par diode laser à 914 nm
4.1 Etude de l’absorption
4.1.1 Recouvrement spectral
4.1.2 Polarisation de l‟absorption
4.1.3 Augmentation de la température moyenne
4.2 Réalisation laser en régime continu
4.2.1 Choix de la cavité
4.2.2 Résultats obtenus
4.3 Etude des effets thermiques
4.3.1 Evaluation du gradient thermique sur la face pompée
4.3.2 Evaluation de la lentille thermique
4.3.3 Comparaison avec un pompage à 808 nm
4.4 Conclusions sur le Nd:YVO4
5. Conclusions et perspectives
Conclusions générales et perspectives
Annexes
Annexe A Particularités du fonctionnement à quasi-trois niveaux dans une fibre cristalline
Annexe B Copie de l’article sur la croissance et les caractérisations des fibres cristallines en Yb:LuAG
Liste des publications et conférences de l’auteur sur ces travaux de thèse
Références bibliographiques
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