Depuis la fin des années 1950 durant lesquelles les premières études à la fois théoriques [Basov ’54-Schawlow ’58] et expérimentales [Maiman ’60] ont été menées sur les lasers, cette « simple curiosité scientifique » comme l‟appelait Theodore Maimann au moment de sa découverte, n‟a cessé d‟envahir notre quotidien (DVD, «Blu-Ray® », lecteurs de codes barres…). Les exemples d‟applications concrètes dans le domaine scientifique, militaire ou encore industriel sont innombrables : le laser est l‟exemple même de « l‟outil » qui créée son propre « besoin ».
Les diodes lasers de puissance
Le système de prédilection des industriels est celui qui sera le moins consommateur d‟énergie. Pour cela, les diodes lasers dont les performances sont en constante évolution présentent les meilleures efficacités : le rapport entre la puissance optique obtenue et la puissance électrique consommée dépasse les 50 %. Les gammes de puissances de ces systèmes sont de plusieurs centaines de watts en régime continu couplés dans des fibres multimodes dont la taille varie entre 100 µm et 400 µm de diamètre de cœur et d‟ouverture numérique égale à 0,22. On parle alors de système de forte « luminance», puisqu‟elle atteint plusieurs centaines de kW/cm²/sr.
Cependant, ces systèmes fonctionnent préférentiellement en régime continu ce qui limite l‟interaction lumière/matière à un effet purement thermique : l‟échauffement local mène alors à la rupture du matériau. De plus, la qualité de faisceau en sortie de ces systèmes reste limitée, ce qui impose des contraintes sur la distance et la taille de la tâche de focalisation.
Afin de remédier à ces limitations, l‟idée est alors d‟utiliser un système jouant le rôle de « convertisseur de propriétés optiques ». C‟est ainsi que l‟on peut qualifier de façon générique la famille des lasers solides pompés par diodes. La conversion se fait d‟un point de vue temporel (émission laser impulsionnelle), spatiale (émission de bonne qualité) et spectrale (en longueur d‟onde d‟émission) préférentiellement autour de 1 µm pour les systèmes les plus performants. Cette gamme de longueur d‟onde correspond en effet, à la bande d‟émission principale des ions terres rares comme le néodyme et l‟ytterbium qui sont les plus répandus. Une étape supplémentaire de conversion spectrale peut également être envisagée par des effets non-linéaires comme le doublement ou la somme de fréquence.
Les lasers solides pompés par diodes
Parmi les lasers solides pompés par diodes, des systèmes dépassent actuellement la dizaine de kilowatts avec une excellente qualité de faisceau. C‟est le cas par exemple des systèmes à fibres de plus de 10 kW avec un faisceau monomode [Gaspontsev ’09] ou de systèmes à disques minces émettant plus de 25 kW avec un faisceau multimode [Boeing ’08].
Le principal avantage des lasers solides réside surtout dans la possibilité de contrôler temporellement le faisceau de sortie. En effet, parvenir à concentrer la lumière sur une durée courte, permet d‟atteindre d‟importantes puissances crêtes (supérieures à quelques kW). Avec des impulsions allant d‟une durée de quelques femtosecondes à plusieurs centaines de picosecondes, l‟usinage peut se faire par ablation : il n‟y a aucun échauffement qui est mis en jeu, et la découpe est précise et peu profonde. Cette technique est très utilisée pour le micro-usinage par exemple.
De plus, avec les lasers solides pompés par diode, il est possible de combiner les deux procédés d‟usinage (thermique et ablatif). Cela nécessite d‟atteindre à la fois une forte puissance crête (supérieure à 100 kW) et une forte énergie (supérieure à 1 mJ) à l‟aide d‟impulsions d‟une durée de l‟ordre de la nanoseconde. Les sources impulsionnelles à base de cristaux solides pompés par diode représentent actuellement le seul moyen pour répondre à ces besoins. Ces systèmes sont de toute évidence le meilleur compromis en termes de qualité de faisceau, d‟efficacité et de performances obtenues.
Milieu laser et effets thermiques
L‟étude et la conception d‟un système laser de forte puissance est indissociable de la compréhension et de la prise en compte de nombreux effets perturbateurs susceptibles de limiter le rendement global du système. Parmi eux, on peut citer la façon dont le milieu est capable de convertir la puissance de pompe apportée en puissance laser. On parlera alors de rendement optique-optique du système. L‟efficacité absolue accessible est liée à la différence d‟énergie entre un photon de pompe et un photon laser. Cette grandeur, appelée dans la suite de ce travail «défaut quantique » est égale à la différence d‟énergie entre un photon de pompe absorbé et un photon laser émis rapporté à l‟énergie d‟un photon de pompe .
Etat de l’art des sources de fortes puissances à base de matériaux dopés ytterbium
Cadre de l’étude bibliographique
Au cours de ce premier chapitre, nous proposons une étude bibliographique sur les solutions développées pour la réalisation de « sources laser de puissance ». Au regard de ce qui est présenté dans ce chapitre, nous limiterons notre étude à des systèmes dits « tout solides », qui ne seront donc ni des diodes lasers, des lasers à gaz, ni des lasers à colorants, car les problématiques technologiques dans de tels systèmes sont très différentes des concepts étudiés ici. Nous nous concentrons ici sur les résultats obtenus avec des matériaux dopés à l’ion ytterbium.
Nous présentons brièvement les résultats en régime de fonctionnement continu et nous insistons davantage sur le régime impulsionnel qui constitue un fonctionnement très attractif pour les applications industrielles. Pour cela, la gamme de durées d‟impulsions que nous étudions est dans une plage de plusieurs nanosecondes (au-delà de 1 ns). Nous excluons ainsi les systèmes complexes par exemple basés sur le « verrouillage des modes en phase » qui atteignent des impulsions d‟une durée comprise entre une à quelques dizaines de picosecondes. Nous excluons également la gamme de durées d‟impulsions femtosecondes qui se fait dans des systèmes beaucoup plus complexes utilisant par exemple la technique d‟amplification à dérive de fréquence [Strickland ’85]. Nous ne traitons pas non plus des systèmes constitués d‟une combinaison de plusieurs sources laser entre elles. En effet, cette famille de systèmes, pouvant être réalisés selon des techniques variées, nécessite a priori le contrôle précis de la phase de chacun des n sous-systèmes afin d‟obtenir une combinaison cohérente de puissance n fois plus importante.
Les sources à cristaux massifs : architecture classique
Bien que le marché et le secteur de la recherche dans le domaine des lasers à fibres dopées soit actuellement en pleine expansion, il n‟en reste pas moins que les lasers solides à cristaux massifs pompés par diode continuent d‟occuper une place prépondérante sous l‟impulsion notamment de géants industriels comme Coherent, Spectra Physics, Rofin ou encore Trumpf…
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Table des matières
Introduction générale
PARTIE I Etude et réalisation de sources de fortes puissances à base de fibres cristallines dopées ytterbium
1. Etat de l’art des sources de fortes puissances à base de matériaux dopés ytterbium
1.1 Cadre de l’étude bibliographique
1.2 Les sources à cristaux massifs : architecture classique
1.2.1 Le pompage longitudinal
1.2.2 Le pompage transverse
1.3 Les sources à fibres amorphes dopées
1.3.1 Les fibres à structures double gaine
1.3.2 Les fibres à cristaux photoniques
1.3.3 Nouvelles fibres dopées pour la montée en énergie
1.3.4 Bilan sur les fibres amorphes
1.4 Les sources à cristaux à géométrie avancée
1.4.1 Les lasers à disques minces
1.4.2 Les slabs lasers
1.4.3 Les systèmes à guide d‟onde planaire (« planar waveguide »)
1.4.4 Vers les lasers à fibres cristallines
1.5 Conclusions sur l’état de l’art
1.6 Présentation du concept utilisé
2. Méthodes d’élaboration des fibres cristallines
2.1 La méthode Czochralski
2.2 Les céramiques lasers en forme de fibre
2.3 La méthode « Laser Heated Pedestal Growth » (LHPG)
2.4 La méthode micro-pulling down (µPD)
2.5 Conclusions sur les voies de réalisations
3. Etude théorique pour le dimensionnement de fibres cristallines dopées ytterbium
3.1 Propriétés et modélisations des grandeurs liées au matériau
3.1.1 Propriétés spectroscopiques de l‟ion ytterbium
3.1.2 Définition du gain linéique et de l‟intensité de transparence
3.1.3 Importance des effets thermiques
3.2 Modélisation des grandeurs liées au laser
3.2.1 Modélisation de la propagation de la pompe
3.2.2 Modélisation du faisceau laser
3.2.3 Intérêt de la zone de propagation libre de la pompe
3.3 Validation expérimentale des simulations
3.3.1 Premiers choix techniques effectués
3.3.2 Quel critère d‟optimisation choisir ?
3.3.3 Résultats des calculs pour 60 W de pompe
3.3.4 Détermination expérimentale du gain petit signal
3.3.5 Comparaison des résultats
3.4 Dimensionnement à forte puissance de pompe
3.4.1 Quel système de pompe choisir ?
3.4.2 Spécifications de la fibre cristalline et influence des effets thermiques
3.4.3 Définition du faisceau de pompe
3.4.4 Définition du faisceau laser
3.4.5 Influence du diamètre des fibres cristallines
3.5 Conclusions
4. Caractérisations des fibres cristallines
4.1 Caractérisations physico-chimiques
4.1.1 Caractérisations structurelles du matériau
4.1.2 Observations et état de surface des faces
4.1.3 Caractérisations spectroscopiques
4.1.4 Localisation du dopant
4.2 Caractérisations des propriétés optiques intrinsèques
4.2.1 Transmission intrinsèque
4.2.2 Evaluation des pertes par dépolarisation
4.2.3 Propriétés de guidage
4.2.4 Absorption
4.3 Caractérisations optiques avancées
4.3.1 Répartition spatiale de l‟excitation
4.3.2 Etude du comportement thermique
4.4 Conclusions sur les caractérisations des fibres cristallines
5. Réalisations expérimentales d’oscillateurs lasers à fibres cristallines dopées ytterbium
5.1 Choix de la cavité laser
5.1.1 Simulations de la lentille thermique
5.1.2 Simulations des cavités laser
5.2 Oscillateurs en régime continu
5.2.1 Comparaison entre une fibre µPD et un barreau Czochralski à 60 W de pompe
5.2.2 Montée en puissance : performances pour 200 W de pompe
5.2.3 Premier laser à fibre cristalline de 400 µm de diamètre
5.3 Oscillateurs en régime déclenché
5.3.1 Le régime déclenché : principe de fonctionnement et moyens de réalisation
5.3.2 Résultats pour 60 W de pompe
5.3.3 Vers la montée en puissance
5.4 Bilan des résultats obtenus en configuration laser
6. Conclusions et perspectives sur les sources laser à fibres cristallines
6.1 Une technique de croissance rapide et maîtrisée
6.2 Comparaison à l’état de l’art et perspectives envisageables
6.3 Futurs développements des sources à fibres cristallines
6.3.1 Concept d‟amplificateur à fibre cristalline
6.3.2 Intérêt d‟une fonctionnalisation de la fibre cristalline
6.3.3 Des fibres cristallines avec d‟autres matériaux
PARTIE II Pompage direct de cristaux dopés néodyme dans la bande d’émission
1. Etat de l’art du pompage direct de l’ion néodyme
1.1 Propriétés laser de l’ion néodyme et cadre de l’étude
1.2 Le pompage classique à 808 nm
1.3 Le pompage direct par laser : faisabilité et premières démonstrations
1.4 Le pompage direct par diode
1.5 Bilan de l’état de l’art
2. L’absorption : un paramètre clé pour le pompage direct
2.1 Propriétés spectroscopiques
2.1.1 Absorption du Nd:YAG
2.1.2 Absorption du Nd:YVO4
2.1.3 Récapitulatif
2.2 Comment favoriser l’absorption en pompage direct ?
2.2.1 Augmenter le coefficient d‟absorption
2.2.2 Augmenter la longueur du cristal
2.3 Conclusions sur l’absorption
3. Etude expérimentale du Nd:YAG pompé par diode laser à 938 nm
3.1 Etude de l’absorption
3.1.1 Recouvrement spectral
3.1.2 Influence de la température moyenne
3.2 Réalisation laser en régime continu
3.3 Comparaison de l’échauffement thermique entre un pompage à 808 nm et à 938 nm
3.4 Peut-on faire mieux ?
3.5 Conclusions sur le Nd:YAG
4. Etude expérimentale du Nd:YVO4 pompé par diode laser à 914 nm
4.1 Etude de l’absorption
4.1.1 Recouvrement spectral
4.1.2 Polarisation de l‟absorption
4.1.3 Augmentation de la température moyenne
4.2 Réalisation laser en régime continu
4.2.1 Choix de la cavité
4.2.2 Résultats obtenus
4.3 Etude des effets thermiques
4.3.1 Evaluation du gradient thermique sur la face pompée
4.3.2 Evaluation de la lentille thermique
4.3.3 Comparaison avec un pompage à 808 nm
4.4 Conclusions sur le Nd:YVO4
5. Conclusions et perspectives
Conclusions générales
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