Notions de pharmacologie médicale
La réponse à un médicament donné est variable entre deux individus (variabilité interindividuelle), et pour un même individu à plusieurs instants de sa vie (variabilité intraindividuelle). Un même médicament administré à deux patients différents n’aboutira pas à la même concentration plasmatique (variabilité pharmacocinétique), et une même concentration ne produira pas les mêmes effets chez deux patients différents (variabilité pharmacodynamique).
Les facteurs de variabilité inter-individuelle peuvent être classés en 2 catégories :
➤ Facteurs génétiques
➤ Facteurs acquis
Les facteurs génétiques impliqués sont essentiellement des polymorphismes induits par la substitution d’un nucléotide par un autre (Single Nucleotide Polymorphisms ou SNP), l’insertion ou délétion d’un ou plusieurs nucléotides, des variations du nombre de copies de régions entières du gène (Copy Number Variation ou CNV).
Parmi les facteurs acquis, on distinguera :
➤ Facteurs physiologiques : âge, sexe, poids…
➤ Facteurs environnementaux : tabac, alimentation, interactions médicamenteuses…
Ces derniers sont également des facteurs de variabilité intra-individuelle.
La pharmacocinétique est l’étude du devenir des médicaments dans l’organisme, ou encore de l’action de l’organisme sur les médicaments. Cette discipline permet d’ailleurs de faire un lien entre les posologies des médicaments et les concentrations plasmatiques de ceux-ci. Le rapport Concentration plasmatique du médicament / Dose administrée en mg/j (C/D) en est un le reflet.
Pharmacocinétique
Le devenir des médicaments peut être divisé en 4 étapes : l’absorption, la distribution, le métabolisme, l’excrétion.
Absorption
L’absorption est la 1ère étape à laquelle est soumise un médicament dans l’organisme. Elle s’intéresse aux phénomènes impliqués depuis son site d’administration jusqu’à la circulation sanguine.
Il existe différentes voies d’administration :
➤ Voie systémique : orale, intra-veineuse, intra-artérielle, sous-cutanée…
➤ Voie locale : intra-thécale, intra-articulaire, intra-oculaire…
On distingue les voies où les médicaments rejoignent la circulation générale directement (intra-veineuse, intra-artérielle) ou au travers de la paroi capillaire (sous-cutanée, intramusculaire), et celles où ils la rejoignent après un 1 er passage hépatique (voie orale). Le choix de la voie sera notamment dicté par la rapidité et la durée souhaitées pour l’effet. Une fois dans la lumière gastro-intestinale, le médicament administré par voie orale subit une dissolution, puis traverse la barrière digestive soit par diffusion passive soit par transport actif. La diffusion passive au travers de la barrière gastro-intestinale dépend essentiellement de la concentration de sa forme non ionisée et de sa liposolubilité. Un acide faible sera plus facilement absorbé au niveau gastrique alors qu’une base faible le sera plus au niveau intestinal du fait des différences de pH entre ces deux milieux. Les molécules de bas poids moléculaires traverseront plus facilement. A la différence de la diffusion passive qui ne consomme pas d’énergie et n’est pas spécifique d’un médicament, le transport actif fait intervenir des transporteurs de la barrière intestinale spécifiques, pouvant être inhibés ou induits par d’autres médicaments. Le transporteur le plus impliqué semble être la glycoprotéine P (PgP). Parfois, les médicaments peuvent subir une biotransformation intestinale de par l’action enzymatique des CYP450 entérocytaires, qui lorsqu’elle limite l’absorption est appelée effet de 1er passage intestinal. Lors de l’administration par voie orale, le médicament peut aussi subir des biotransformations hépatiques, qui seront abordées dans la partie « métabolisme des médicaments ».
Ainsi, l’absorption d’un médicament administré par voie orale va dépendre de :
➤ Sa forme galénique (libération, dissolution…)
➤ Ses propriétés physico-chimiques (masse moléculaire, liposolubilité, pKa)
➤ Des transporteurs entérocytaires
➤ D’un effet de 1er passage intestinal ou hépatique
➤ Des facteurs physiologiques, pathologiques ou médicamenteux modifiant le pH, la vidange gastrique ou la motilité intestinale.
Le reflet de cette absorption est la biodisponibilité, définie comme le rapport de la dose administrée sur la forme parvenant inchangée dans la circulation générale, et la vitesse à laquelle se réalise ce processus. Elle sera de 100% pour les médicaments administrés par voie intra-veineuse, et dépendante de l’absorption et des effets de 1er passage pour les médicaments administrés par voie orale. La vitesse est caractérisée par le Tmax, soit le temps nécessaire pour atteindre la concentration plasmatique maximale Cmax. Ainsi, les médicaments à faible biodisponibilité seront plus vulnérables aux interactions médicamenteuses.
Distribution
Après avoir atteint la circulation générale, le médicament est transporté par le sang jusqu’aux différents tissus cibles pour y subir l’étape de diffusion tissulaire. Le transport sanguin est réalisé en partie par les protéines plasmatiques sur lesquelles elles peuvent se fixer de manière réversible. Seule la part sous forme libre (ou non liée) est pharmacologiquement active, la forme liée pouvant être considérée comme une réserve. Les principales protéines impliquées sont l’albumine, l’α1-glycoprotéine, les gobulines. Il est important de noter que les interactions médicamenteuses au niveau des transporteurs plasmatiques et les situations d’hypoalbulinémie n’ont que peu de conséquences sur le plan clinique, les modifications des concentrations n’étant que transitoires (Benet & Hoener, 2002). La diffusion tissulaire va être dépendante de la fraction liée aux protéines plasmatiques, du débit sanguin, de son affinité pour les protéines tissulaires, de sa liposolubilité, de la participation de transporteurs membranaires. Il existe des transporteurs membranaires d’influx assurant l’entrée du médicament dans la cellule (dans le foie par exemple) et ainsi sa concentration dans certains organes en particulier, alors que les transporteurs membranaires d’efflux (exemple de la glycoprotéine P) vont limiter la diffusion de médicaments dans certains organes.
Au niveau cérébral, la distribution est plus importante pour les molécules liposolubles. La glycoprotéine P y est particulièrement impliquée au niveau de la barrière hématoencéphalique (Crettol et al., 2006). Le reflet de cette distribution est le volume de distribution, caractérisé par le rapport de la quantité de médicament dans l’organisme sur la concentration plasmatique du médicament. Bien que les concentrations médicamenteuses différent entre les tissus, il est considéré à l’état d’équilibre que la concentration sanguine est le reflet de la concentration tissulaire. De plus, le rapport forme liée sur forme totale étant le plus souvent constant la mesure de la concentration plasmatique totale est suffisante pour le suivi thérapeutique pharmacologique.
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Table des matières
INTRODUCTION
Partie 1 : Notions de pharmacologie médicale
I. Pharmacocinétique
A. Absorption
B. Distribution
C. Métabolisme des médicaments
D. Excrétion
II. Cytochrome P450
A. Histoire
B. Nomenclature
C. Localisation
D. Fonctions
E. Polymorphismes
F. Induction et inhibition
G. Focus sur le CYP1A2
III. Réponse thérapeutique
A. Aspects pharmacologiques
B. Des psychotropes
IV. Suivi thérapeutique pharmacologique
A. Intérêt-recommandations
B. En psychiatrie
C. Des antipsychotiques
Conclusion
Partie 2 : Clozapine
I. Histoire
A. Histoire des neuroleptiques
B. Histoire de la clozapine
II. Antipsychotiques
A. Antipsychotiques de 1ère génération
B. Les antipsychotiques de 2nde génération
III. Indications
IV. Résistance aux traitements dans la schizophrénie
A. Schizophrénie résistante
B. Schizophrénie ultra-résistante
V. Pharmacodynamie
VI. Pharmacocinétique
A. Absorption
B. Distribution
C. Métabolisme
D. Elimination
VII. Suivi thérapeutique pharmacologique
A. Relation concentration – efficacité
B. Relation concentration – tolérance
C. Rapport Concentration/Dose (C/D)
VIII. Tolérance
A. Sédation
B. Hypersialorrhée
C. Effets indésirables cardio-vasculaires
D. Constipation
E. Prise de poids et effets indésirables métaboliques
F. Convulsions
G. Effets indésirables hématologiques
IX. Clozapine et Norclozapine
A. Pharmacocinétique
B. Réponse
C. Tolérance
Conclusion
Partie 3 : Pharmacogénétique
I. En médecine
A. Médecine personnalisée
B. Notions de génétique
C. Recommandations
D. Aspect pratique
II. En psychiatrie
A. Pharmacocinétique
B. Pharmacodynamie
C. Tolérance
D. Exemple du CYP2D6
E. Exemple des antidépresseurs
III. De la schizophrénie
A. Pharmacocinétique
B. Réponse
C. Tolérance
D. Recommandations
IV. De la clozapine
A. Pharmacocinétique – CYP1A2
B. Réponse
C. Tolérance
D. En France
E. Au total
Conclusion
CONCLUSION