Notions de neuromorphismeย
Dรจs les annรฉes 1950, diffรฉrents travaux de recherche (29, 68) ont initiรฉ le dรฉveloppement du concept de neuromorphisme. Il a ensuite รฉtรฉ approfondi par Carver Mead ร la fin des annรฉes 1980. En sโinspirant du fonctionnement du cerveau, il a รฉmis lโidรฉe de le reproduire sur silicium ร lโaide dโune intรฉgration ร trรจs grande รฉchelle (VLSI) (53). Dans cette optique, une approche bottom-up du cerveau est logiquement privilรฉgiรฉe. Ainsi, on รฉtudie le fonctionnement de la cellule de base, cโest ร dire un neurone qui sera caractรฉrisรฉ, modรฉlisรฉ puis implรฉmentรฉ, ร grande รฉchelle, pour former un rรฉseau.
Quelques rappels de biologie
Une cellule est un organisme de structuration et de rรฉgulation pour tout รชtre vivant. Chaque cellule est spรฉcifique ร son environnement mais partage cependant quelques รฉlรฉments en commun avec lโensemble des cellules, comme par exemple, une membrane. Contrairement aux cellules procaryotes, les cellules eucaryotes possรจdent toutes un noyau. La membrane sert ร isoler les milieux intra et extra cellulaire. Le noyau contient des informations nรฉcessaires au bon fonctionnement de la cellule ainsi quโร sa reproduction. En constant รฉchange avec lโextรฉrieur et entre elles, les cellules interagissent ร lโaide de messagers chimiques, de contraintes mรฉcaniques ou encore de signaux รฉlectriques. Nous nous intรฉresserons maintenant plus particuliรจrement aux cellules nerveuses.
Neurone biologique
Le neurone est une des cellules de base du systรจme nerveux. Il transmet une activitรฉ รฉlectrique appelรฉe influx nerveux sous forme de sรฉquences de potentiels dโaction.
– lโarbre dendritique : il est constituรฉ des dendrites du neurone. Les signaux en provenance des diffรฉrentes terminaisons axonales des prรฉcรฉdents neurones y sont regroupรฉs. Ces signaux sont appelรฉs potentiels dโaction ou plus simplement impulsions.ย Le transfert dโun potentiel dโaction se fera donc toujours dโun neurone prรฉsynaptique ร un neurone postsynaptique.
– le soma : la membrane du neurone est constituรฉe dโune bicouche lipidique. Elle sert ร isoler mรฉcaniquement et รฉlectriquement lโintรฉrieur du neurone (noyau et cytoplasme). Les espรจces dโions nรฉcessaires ร la propagation des potentiels dโaction sont majoritairement potassiques (K+) ร lโintรฉrieur du neurone et sodiques (Na+) ร lโextรฉrieur. On peut noter la prรฉsence dโun courant de fuite responsable du retour au potentiel de repos du soma. En effet la membrane nโest pas un diรฉlectrique parfait et contient des sites dโรฉchanges passifs spรฉcifiques ร un type dโion que lโon appelle canaux ioniques.
– lโaxone : il permet la propagation du signal vers les diffรฉrents neurones destinataires par ses terminaisons axonales. La propagation du potentiel dโaction peut รชtre accรฉlรฉrรฉe par lโintermรฉdiaire des nลuds de Ranvier, endroits situรฉs le long de lโaxone oรน sโamincit la paroi isolante appelรฉe gaine de myรฉline. Les รฉchanges dโions y sont localement favorisรฉs et permettent la rรฉgรฉnรฉration du signal impulsionnel. En sautant de nลud en nลud, la propagation du potentiel dโaction est accรฉlรฉrรฉe.
Dโun point de vue fonctionnel, le neurone combine plusieurs entrรฉes au niveau du soma. Le rรฉsultat, la gรฉnรฉration dโun potentiel dโaction, se propage via lโaxone, vers dโautres neurones par lโintermรฉdiaire de synapses.
La synapse
La synapse a pour rรดle la transmission de lโinformation du neurone prรฉsynaptique au postsynaptique et nรฉcessite par consรฉquent au moins deux neurones. En outre, il a รฉtรฉ montrรฉ par (19) que lโenvironnement extra-cellulaire joue un rรดle sur les capacitรฉs dโune synapse.
La synapse prรฉsente une forme et un fonctionnement รฉlectrico-chimique particulier. Un potentiel dโaction รฉlectrique stimule le bouton prรฉsynaptique qui relรขche des messagers chimiques. Ces derniers vont venir modifier lโouverture des canaux ioniques au niveau de lโarbre dendritique du neurone postsynaptique. En laissant passer des ions calciques (Ca2+), sodiques (Na+) ou potassiques (K+), le potentiel de membrane du neurone postsynaptique est alors modifiรฉ. En parallรจle, les stocks de messagers chimiques consommรฉs se reconstruisent progressivement.
La synapse peut ainsi รชtre plus ou moins inhibitrice ou excitatrice, ce qui dรฉfinit son poids synaptique. Dans le premier cas, elle va diminuer le potentiel de membrane et donc retarder la gรฉnรฉration du prochain potentiel dโaction. A lโinverse, une synapse excitatrice provoque lโaugmentation du potentiel de membrane et permet รฉventuellement la gรฉnรฉration immรฉdiate dโun potentiel dโaction. Les synapses sont de vรฉritables mรฉmoires รฉvolutives. Au cours du temps, elles sโaffirment dans un caractรจre inhibiteur ou excitateur ร long terme : LTD pour Long Term Depression ou LTP pour Long Term Potentiation. Ceci leur permet de renforcer ou dโaffaiblir la transmission dโinformations au sein dโun rรฉseau de neurones. La STDP (Spike Time-Dependent Plasticity) (77) est une thรฉorie expliquant lโรฉvolution sur le long terme du poids synaptique. Elle repose sur un ajustement du poids synaptique en fonction de la rรฉponse du neurone . Lorsquโune synapse excitรฉe contribue ร la gรฉnรฉration dโun potentiel dโaction dans une fenรชtre de temps, ฮดt> 0, son poids est incrรฉmentรฉ de ฮดw. A contrario la stimulation dโune synapse excitatrice aprรจs la gรฉnรฉration dโun potentiel dโaction du neurone postsynaptique diminue son poids (ฮดt< 0 et dรฉcrรฉmentation de ฮดw). Ces รฉvolutions semblent รชtre ร la base du dรฉveloppement cรฉrรฉbral et des phรฉnomรจnes dโapprentissage.
Le cerveau, rรฉseau de neurones
Grรขce aux synapses, les neurones forment un rรฉseau fortement connectรฉ au sein du cerveau. En effet, on estime quโun cerveau humain est constituรฉ de 10ยนโฐ neurones et 10ยนโด synapses (53). Dโune part, ceci induit le traitement dโun grand nombre dโinformations.
Ceci permet dโautre part une certaine redondance du traitement de donnรฉes dans les diffรฉrents cortex, et par consรฉquent induit une robustesse lorsquโune cellule sโaltรจre ou meurt. On peut รฉgalement constater lโefficacitรฉ รฉnergรฉtique du cerveau. Celui-ci consomme seulement une vingtaine de watts (53) alors quโil traite parallรจlement des informations en provenance de nombreux capteurs (ouรฏe, vue, …). A celles-ci viennent sโajouter la pensรฉe ou les rรฉflexes qui ajoutent ร la complexitรฉ du systรจme. ย On y retrouve les diffรฉrentes rรฉgions spรฉcialisรฉes du cerveau et leurs interconnexions. En contenant plusieurs accรฉlรฉrateurs spรฉcifiques, le fonctionnement de certains circuits intรฉgrรฉs est finalement assez similaire. Lโimplรฉmentation dโaccรฉlรฉrateurs optimisรฉs pour une tรขche puis interconnectรฉs permet la rรฉalisation de fonctions plus complexes. Les capacitรฉs hors-normes du cerveau ont suscitรฉ lโintรฉrรชt de nombreux chercheurs qui ont tentรฉ de comprendre son fonctionnement en modรฉlisant son unitรฉ de base : le neurone.
|
Table des matiรจres
I Introduction
A. Notions de neuromorphisme
B. Le neuromorphique, une approche more-than-Moore
C. Objectifs de cette thรจse
II Intรฉgration dโun neurone robuste pour des applications computationnelles
A. Quelques notions de conception en microรฉlectronique
B. Conception dโun neurone LIF robuste
C. Circuits rรฉalisรฉs
III รtudes sur les technologies avancรฉes
A. Quel avenir pour un neurone analogique ?
B. Notions de mรฉmoire rรฉsistive
C. Cลur du neurone : รฉlรฉment capacitif
D. Implรฉmentation des connexions synaptiques
IV Conclusion
perspectives
A. Contributions de cette thรจse
B. Des perspectives ร court terme
C. Les architectures neuromorphiques, une technologie en devenir
Rรฉfรฉrences