Les malformations artério-veineuses cérébrales(MAVc) anciennement dénommées « angiomes cérébraux » constituent une pathologie neurovasculaire congénitale complexe qui se développe entre la quatrième et huitième semaines de la vie intra-utérine de l’embryon.Elles consistent en la persistance d’une connexion entre artères et veines reliés par un lit capillaire anormal appelé « nidus » [74]. Les malformations artérioveineuses peuvent également comporter des shunts artérioveineux directs faisant communiquer directement les artères afférentes et les veines de drainage sans nidus interposé. A l’extrême, on peut rencontrer des fistules artérioveineuses directes isolées.Les MAVc ne semblent pas avoir une origine héréditaire bien que de rares cas familiaux aient été rapportés [51-139].
La fréquence des MAV est de 14 cas/10000, d’après une série autopsique [73]. Certaines données dans la population générale sur cette pathologie telle que la prévalence ne sont pas bien connues.Cependant deux études épidémiologiques ont apporté d’importantes informations épidémiologiques sur les MAVc symptomatiques dans la population générale,il s’agit de la New York Island AVM Study [118] ainsi qu’une étude parallèle indépendante : la Scottish Intracranial Vascular malformation Study [3].Dans un cas sur deux [44] à deux cas sur trois [5] révélées par un syndrome hémorragique intracrânien (hématome intracérébral, hémorragie cérébro meningée),les MAVc sont surtout découvertes chez l’adulte jeune[59-103-116]. En dehors d’une présentation hémorragique, l’expression clinique se fait par une crise d’épilepsie (29%), des céphalées (13%), un déficit neurologique transitoire (7%) ou découverte fortuite (6%) [117].Le diagnostic est évoqué sur le scanner et/ou l’IRM [116] mais le diagnostic final repose sur l’artériographie cérébrale qui reste l’examen de référence pour caractériser l’angioarchitecture de ces MAV.L’unique traitement d’une MAV est celui qui entraîne sa disparition totale.Dans cette dynamique, la chirurgie est l’option la meilleure mais elle ne se conçoit qu’avec un risque inférieur à ce que l’on connait de l’histoire naturelle de ces lésions [55-75- 87].L’arsenal thérapeutique comporte également l’embolisation endovasculaire et/ou la Radiothérapie stéréotaxique d’où la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire pour adopter l’attitude thérapeutique convenable.Un consensus existe en ce qui concerne les MAV rompues, cependant la prise en charge des MAV non rompues reste encore un sujet de controverse[6-43]. L’évolution la plus grave est la rupture d’une MAV menant à une hémorragie intracranienne.Cette rupture peut être favorisée par différents mécanismes physiopathologiques[95], cependant seuls 3 facteurs de saignement ont été identifiés comme étant statistiquement significatifs d’après des études prospectives monocentriques comme celle de da Costa et al[20],Stapf et al[119].Ces facteurs sont : l’antécédent hémorragique, le drainage veineux profond et la localisation cérébrale profonde ,d’où l’importance pour une MAV cérébrale donnée, de pouvoir appréhender son potentiel hémorragique pour mieux évaluer la balance bénéfice risque des différents traitements.
En Afrique,les études portant sur ces pathologieset notamment sur une longue durée restent rares.Parmi ces expériences,le travail réalisé par Gueye et al[37] à Dakar portant et les MAVc.
RAPPEL D’EMBRYOLOGIE ET D’HISTOGENESE
A l’état actuel des choses, il est bien admis que les MAVc correspondent à des malformations congénitales, survenant vraisemblablement précocement au cours de la vie embryonnaire.Les rares associations de malformations vasculaires chez un même patient viennent conforter cette hypothèse .
Notion d’embryologie du système vasculaire cérébral
Les principaux travaux concernant le développement des artères cérébrales ont été effectués par Streeter (1915-1918), Congdon en 1922 et Padget en 1948[29- 61]. La circulation cérébrale est ébauchée très tôt, dès la 3ème semaine, alors que la gouttière neurale n’est pas formée.
-Avant la 3ème semaine apparaissent des vaisseaux primitifs qui ne sont pas encore différenciés en artères ou veines mais qui forment plutôt un lit endothélial germinal à la base de l’encéphale. Ce lit endothélial s’étend pour venir recouvrir les structures neurologiques. Une sorte de « maille capillaire » précède ainsi l’apparition d’un système vasculaire systématisé. Puis les veines, les artères et les capillaires se distinguent : certains canaux vasculaires primitifs se réunissent pour former les plus grosses veines et artères, les autres disparaissent. La portion des plexus vasculaires au contact de l’encéphale se développe et se ramifie pour former un fin réseau capillaire et un début de circulation cérébrale est ainsi établi [52].
-Au 30ème jour (stade 1 de Padget), la carotide interne s’est développée. Dans la région du cerveau postérieur, on reconnaît les deux artères neurales longitudinales. Ces deux artères fusionnent au 31ème jour (stade 2 de Padget) pour former le tronc basilaire.
-Au 33ème jour (stade 3 de Padget) on peut reconnaître l’ébauche des artères choroïdiennes antérieures et postérieures, des cérébrales postérieures et des cérébrales moyennes.
-Du 36ème au 45ème jour (stade 4 à 6 de Padget) le développement se poursuit et tous les éléments de la disposition définitive apparaissent. Le polygone de Willis devient identifiable.
-Aux stades ultérieurs, il n’existe que des modifications relatives aux calibres des troncs. La partie distale des artères s’achève et ainsi apparaissent les premières anastomoses corticales [61].
Histogenèse
D’après les données angiographiques et surtout anatomopathologiques, la plupart des auteurs [52] décrivent les MAV comme la persistance des communications artério-veineuses primitives qui normalement sont remplacées par un réseau capillaire. Il s’agit donc d’une anomalie survenant très tôt dans le développement embryonnaire, vraisemblablement pendant les 30 premiers jours. La vascularisation embryonnaire, dans les premières semaines de la vie, ignore le relatif isolement des différents systèmes carotidiens et vertébraux. Les artères se développent secondairement et vont irriguer un peloton vasculaire dont la persistance est anormale. On conçoit également que la MAV puisse dépendre de plusieurs pédicules artériels (cérébrale antérieure, cérébrale moyenne), s’étendre plus ou moins en profondeur, unissant des régions normalement bien séparées (carotide externe carotide interne) ou avoir même des pédicules artériels anormaux.
RAPPEL ANATOMIQUE
Vascularisation artérielle de l’encéphale
Quatre artères tendues verticalement, issues directement ou indirectement de l’arc aortique, forment les voies d’apport de sang au cerveau dont la finalité est la formation du système d’anastomoses du cercle (ou polygone) de Willis . Ces vaisseaux d’apport peuvent être séparés en deux groupes: antérieurement le système carotide commune-carotide interne et postérieurement le système vertébro-basilaire. Le premier irrigue la plus grande partie des hémisphères, tandis que le deuxième vascularise le contenu de la fosse postérieure du crâne (tronc cérébral) et la moelle épinière. Le polygone de Willis anastomose ces deux systèmes .
Artères carotides
La carotide commune droite naît du tronc brachiocéphalique alors que la carotide commune gauche naît directement de l’arc aortique. Ces deux vaisseaux cheminent médialement à la veine jugulaire interne et antérieurement au rachis puis bifurquent au niveau C4 pour donner les artères carotides externe et interne. La carotide externe vascularise la face tandis que la carotide interne vascularise le cerveau.
Carotide interne
Pour atteindre l’intérieur de la boîte crânienne, l’artère pénètre dans le rocher où elle parcourt le canal carotidien. Celui-ci présente deux segments : le premier, vertical est situé en avant et en dedans de la caisse du tympan, le deuxième segment horizontal oblique en avant et en dedans se termine au niveau du trou déchiré antérieur où l’artère pénètre dans la loge caverneuse. Chacune donne une collatérale, l’ophtalmique et se divise ensuite en dehors du chiasma optique en quatre branches terminales.
Principales branches collatérales de la carotide interne
– l’artère hypophysaire : irrigue l’hypophyse
– l’artère ophtalmique : naît au niveau du segment cérébral et vascularise l’œil et les autres structures de l’orbite.
Les 4 branches terminales de la carotide interne
l’artère cérébrale antérieure
Branche la plus antérieure de la carotide interne, elle passe au dessus du nerf optique et s’unit en avant du chiasma à celle du côté opposé par une courte anastomose transversale, appelée communicante antérieure. Elle donne naissance principalement à deux artères : l’artère pericalleuse et l’artère callosomarginale.
L’artère cérébrale moyenne
Connue sous le nom de l’artère sylvienne, c’est une branche principale de l’artère carotide interne. Ses branches collatérales se divisent en deux groupes :
❖les branches profondes.
❖les artères corticales.
L’artère choroïdienne antérieure
L’artère choroïdienne antérieure naît directement de la carotide interne, audessus de l’artère communicante postérieure. C’est la plus grêle des branches terminales de la carotide interne .
L’artère communicante postérieure
Elle se dégage en arrière et s’anastomose avec la cérébrale postérieure, branche du tronc basilaire.
Les artères vertébrales
Les deux artères vertébrales sont issues dans 90% des cas des artères sousclavières, elles-mêmes issues du tronc brachiocéphalique à droite et directement de l’aorte ascendante à gauche. Elles ont un rapport étroit avec les vertèbres cervicales puisqu’elles longent le rachis en traversant les foramina transversaires (de C6-C1) puis contournent les parties latérales de l’atlas avant d’entrer dans le crâne par le foramen magnum. À l’intérieur de la fosse crânienne postérieure, les deux artères vertébrales cheminent à la face antérieure du tronc cérébral et fusionnent au niveau de la jonction bulbo-pontique pour donner naissance à l’artère basilaire. Le système vertébro-basilaire assure la vascularisation du tronc cérébral et du cervelet.
Branches collatérales des artères vertébrales
– les artères spinales
– des rameaux perforants pour le bulbe
– l’artère cérébelleuse postéro- inférieure (PICA), destinée à la face latérale du bulbe et à la face inférieure du cervelet.
Branches collatérales du tronc basilaire
– des rameaux perforants destinés au bulbe et au pont.
– l’artère cérébelleuse antéro-inférieure (AICA)
– l’artère cérébelleuse supérieure (SCA).
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE :RAPPELS
I) DEFINITION
II) RAPPEL D’EMBRYOLOGIE ET D’HISTOGENESE
1) Notion d’embryologie du système vasculaire cérébral
2) Histogenèse
III-RAPPEL ANATOMIQUE
A-Vascularisation artérielle de l’encéphale
1. Artères carotides
1.1 Carotide interne
1.1.1 Principales branches collatérales de la carotide interne
1.1.2 Les 4 branches terminales de la carotide interne
2) Les artères vertébrales
2.1 Branches collatérales des artères vertébrales
2.2 Branches collatérales du tronc basilaire
2.3 Branches terminales du tronc basilaire
3) Le polygone de Willis
A. Drainage veineux de l’encéphale
1) Sinus veineux
2) Les veines superficielles
3) Les veines profondes
IV) RAPPEL ANATOMOPATHOLOGIQUE
A.Localisation
B. La taille
C. Données hémodynamiques
D. plan architectural
1) Pédicules artériels
2) Le nidus
3) Drainage veineux
E. Sur le plan histologique
F.Classification
V) CONSIDERATIONS HEMODYNAMIQUES ET PHYSIOPA-THOLOGIQUES
1.L’effet shunt
2. Hémodétournement
3. Théorie de la rupture vasculaire avec pression de perfusion normale
VI) Etiopathogénie
VII) L’histoire naturelle
VIII) EPIDEMIOLOGIE
IX) DIAGNOSTICS
1. Diagnostic positif
1.1) Les manifestations cliniques
1.1.1)Syndrome Hémorragique
1.1.2) Les crises convulsives
1.1.3) Céphalées
1.1.4) Autres manifestations cliniques
1.1.5) MAVc asymptomatiques
1.1.6) Le diagnostic en pédiatrie
1.1.6.1)les malformations de l’ampoule de Galien
1.1.6.2) les malformations parenchymateuses
1.2) Les examens paracliniques
1.2.1) TDM
1.2.2) L’ANGIOGRAPHIE CEREBRALE NUMERISEE
1.2.3) IRM
1.3) Evolution-pronostic
1.3.1) Eléments de surveillance
1.3.2) Modalités évolutives
2) Diagnostic différentiel
2.1) Hémorragies intracérébrales primaires
2.1.1) HTA
2.1.2)Angiopathie amyloïde
2.2) Hémorragies intracérébrales secondaires
2.2.1) Fistule durale
2.2.2) Anévrismes artériels intracrâniens
2.2.3) Cavernomes intracraniens
2.2.4) Angiome veineux
2.3) Autres
X) LE TRAITEMENT
1) Buts et principes
2) les moyens
3) Indications
Deuxième Partie : Notre étude
I.PATIENTS ET METHODES
1-Cadre d’étude
2- Critères d’inclusion et de non inclusion
4.- Analyse des données
III. RESULTATS
1. Aspects épidémiologiques
1.1. La fréquence
1.2. Répartition selon l’âge
1.3. Répartition selon le sexe
1.4. Antécédents
2. Les données cliniques
2.1. Le délai d’admission
2.2. Mode de révélation
2.3. Circonstances de survenue de la rupture hémorragique
2.4. Signes cliniques
3. Données paracliniques
3.1. TDM cérébrale
3.2.IRM et AngioIRM
4. Données thérapeutiques
4.1. Mesures de réanimation
4.2. Traitement médical
4.3. Traitement chirurgical
5. Evolution
5.1. Evolution immédiate
5.2. Evolution à moyen et long terme
CONCLUSION