Actuellement en France, on estime que le mรฉsusage dโalcool touche un homme sur quatre et une femme sur dix [1]. Chez la personne รขgรฉe de plus de 65 ans, aucune รฉtude รฉpidรฉmiologique fiable nโexiste. Plusieurs explications ร cela existent: faible dโintรฉrรชt pour le repรฉrage dans cette tranche de la population oรน les consรฉquences socioprofessionnelles sont moins visibles, pas de seuil ni de questionnaire court validรฉ chez la personne รขgรฉe, sujet tabouโฆ Aux Etats-Unis, la prรฉvalence des problรจmes liรฉs ร lโalcool aprรจs 65 ans est situรฉe entre 2 et 15% [2]. Dans une expertise collective de lโINSERM, la consommation quotidienne dโalcool est la plus frรฉquente dans la tranche 65-75 ans (arrรชt de lโรฉtude ร 75 ans) ; elle concerne alors 65% des hommes et 33% des femmes, majoritairement du vin [3]. Le nombre brut de personnes รขgรฉes ayant un mรฉsusage dโalcool est donc probablement รฉlevรฉ.
La population franรงaise comprend actuellement 16,8% de personnes รขgรฉes de plus de 65 ans. Les estimations prรฉvoient quโen 2050 un franรงais sur trois aura plus de 60 ans contre un sur cinq en 2005 [4]. On peut donc sโattendre ร une augmentation du nombre de personnes รขgรฉes ayant un mรฉsusage dโalcool et donc des consรฉquences de celui-ci. Chez la personne รขgรฉe, il ne sโagit pas de prendre en compte uniquement la dose dโalcool consommรฉe. En effet dโautres aspects sont essentiels ร prendre en compte : lโรฉtat de santรฉ dรฉclinant, lโexistence de pathologies chroniques, le nombre de traitements et notamment les psychotropes, lโaltรฉration des capacitรฉs fonctionnelles,โฆ
De par ses compรฉtences et sa disponibilitรฉ, le mรฉdecin gรฉnรฉraliste est un acteur privilรฉgiรฉ de la prise en charge globale du patient et donc du repรฉrage du mรฉsusage dโalcool, en particulier chez la personne รขgรฉe. Il a de plus de nombreuses occasions durant lesquelles il peut aborder le sujet. En effet, une personne รขgรฉe de plus de 60 ans consulte son mรฉdecin traitant en moyenne 6 fois par an ; ce chiffre grimpant jusquโร 9 chez les plus de 75 ans .
Notion de verre standardย
Un verre standard ou UIA (Unitรฉ Internationale dโAlcool) correspond ร la quantitรฉ d’alcool contenue dans un verre d’alcool tel qu’il est servi dans un bar soit 10g d’alcool pur. Cette quantitรฉ est celle retenue en France et par l’Organisation Mondiale de la Santรฉ (OMS), mais elle peut รชtre diffรฉrente dans d’autres pays (12,4g aux Etats-Unis, 8g au Royaume-Uni). A titre dโexemple, un verre de 10 cl de vin ร 12ยฐ contient autant dโalcool quโune biรจre de 25 cl ร 5ยฐ ou quโun verre de 2,5 cl de whisky ร 45ยฐ. Le volume des verres d’alcool pris ร la maison est gรฉnรฉralement plus important, la consommation d’alcool doit alors รชtre calculรฉe en fonction du volume et de la concentration (0,8 ร degrรฉ dโalcool ร volume en ml / 100 = nombre de grammes dโalcool). Il peut รชtre utile dโavoir un certain nombre de repรจres en terme de quantitรฉ dโalcool par bouteille, notamment pour lโรฉvaluation de la consommation dรฉclarรฉe dโalcool. Par exemple, une bouteille de 75 cl de vin ou de champagne ร 12ยฐ contient 7 verres, une bouteille de 70 cl de whisky ร 40ยฐ contient 22 verres, une bouteille de 70 cl de pastis ร 45ยฐ contient 25 verres.
Seuils
Les seuils retenus par l’OMS et repris par la Sociรฉtรฉ Franรงaise d’Alcoologie (SFA), pour un adulte en dehors de situations particuliรจres, sont les suivants :
– pas plus de 3 verres par jour soit 21 verres par semaine pour les hommes
– pas plus de 2 verres par jour soit 14 verres par semaine pour les femmes
– pas plus de 4 verres lors d’une occasion
– au moins un jour par semaine sans consommer d’alcool
– zรฉro alcool pendant la grossesse .
Ces seuils doivent รชtre adaptรฉs en fonction des รฉventuelles comorbiditรฉs, de l’utilisation d’autres substances psychoactives et de l’รขge.
Il n’existe pas actuellement de seuils adaptรฉs ร la personne รขgรฉe. L’American Geriatric Society et d’autres auteurs ont proposรฉ un seuil infรฉrieur ou รฉgal ร 1 verre par jour (soit 7 verres par semaine) et pas plus de 3 verres lors d’une occasion. En France, un groupe de travail de la SFA essaye actuellement de dรฉfinir des seuils adaptรฉs aux sรฉniors. A noter que ces seuils doivent รชtre diminuรฉs chez la femme, lors de lโexistence de comorbiditรฉs et de la prise de certains traitements, notamment psychotropes.
Diffรฉrents types de consommationย
Non-usage
Il correspond ร l’absence de consommation de boissons alcoolisรฉes.
Il peut รชtre :
– primaire : non-usage initial, ou choix durable voire dรฉfinitif
– secondaire : aprรจs une pรฉriode de mรฉsusage, gรฉnรฉralement appelรฉ abstinence .
Usage simple
Il correspond ร toute conduite d’alcoolisation oรน la consommation est infรฉrieure ou รฉgale aux seuils dรฉfinis par l’OMS et prise en dehors de toute situation ร risque.
Mรฉsusage
Usage ร risqueย
Il correspond ร toute conduite d’alcoolisation oรน la consommation est supรฉrieure aux seuils dรฉfinis par l’OMS et non associรฉe ร un quelconque dommage mรฉdical, psychique ou social, mais susceptible d’en induire ร court, moyen ou long terme. Cet usage ร risque inclut รฉgalement les consommations รฉgales ou infรฉrieures aux seuils mais associรฉes ร une situation ร risque (grossesse, comorbiditรฉs, traitements psychotropes,โฆ) .
Usage nocifย
Il correspond ร toute conduite d’alcoolisation caractรฉrisรฉe par :
– l’existence d’au moins un dommage d’ordre mรฉdical, psychique ou social induit par l’alcool (quels que soient la frรฉquence et le niveau de consommation)
– l’absence de dรฉpendance ร l’alcool.
Dรฉpendance
Elle correspond ร toute conduite d’alcoolisation caractรฉrisรฉe par la perte de la libertรฉ de s’abstenir de consommer. Elle ne se dรฉfinit donc pas par rapport ร un seuil ou une frรฉquence ni par l’existence de dommages.
Il existe deux types de dรฉpendance qui ne sont pas toujours associรฉs :
– alcoolo-dรฉpendance psychique : constante, dรฉfinie par un comportement d’auto-administration rรฉpรฉtรฉe d’alcool malgrรฉ la connaissance de ses effets indรฉsirables
– alcoolo-dรฉpendance physique : concernant seulement la moitiรฉ des malades dรฉpendants, dรฉfinie par l’existence d’un syndrome de sevrage ร l’arrรชt de la consommation et par un phรฉnomรจne de tolรฉrance (augmentation de la dose prise pour obtenir les mรชmes effets).
La dรฉpendance rรฉpond ร certains critรจres selon la DSM IV.
La dรฉpendance ne concerne quโune minoritรฉ des personnes en danger avec lโalcool. [9] Ainsi selon la pyramide de Skinner [12], les diffรฉrents types de mรฉsusage se rรฉpartissent de la faรงon suivante :
– usage ร risque : 45%
– usage nocif : 35%
– alcoolo-dรฉpendance : 20%.
|
Table des matiรจres
CHAPITRE I – INTRODUCTION
CHAPITRE II – PREAMBULE
2.1 Notion de verres standards
2.2 Seuils
2.3 Diffรฉrents types de consommation
2.3.1 Non-usage
2.3.2 Usage simple
2.3.3 Mรฉsusage
2.3.3.1 Usage ร risque
2.3.3.2 Usage nocif
2.3.3.3 Dรฉpendance
2.3.4 Deux formes de mรฉsusage chez la personne รขgรฉe
2.3.4.1 Alcoolisation ร dรฉbut prรฉcoce
2.3.4.2 Alcoolisation ร dรฉbut tardif
2.4 Outils de repรฉrage
2.4.1 Biologie
2.4.1.1 Alcoolรฉmie
2.4.1.2 Gamma-glutamyl-transfรฉrase
2.4.1.3 Volume globulaire moyen
2.4.1.4 Carbohydrate Deficient Transferrin
2.4.2 Consommation dรฉclarรฉe dโalcool
2.4.3 Questionnaires standardisรฉs
2.4.3.1 Questionnaires non spรฉcifiques
2.4.3.1.1 CAGE
2.4.3.1.2 AUDIT et dรฉrivรฉs
2.4.3.1.3 FACE
2.4.3.1.4 MAST et dรฉrivรฉs
2.4.3.2 Questionnaires spรฉcifiques
2.4.3.2.1 MAST-G
2.4.3.2.2 ARPS
2.5 Consommation dโalcool chez la personne รขgรฉe
2.6 Pharmacodynamie chez la personne รขgรฉe
2.7 Sรฉmiologie chez la personne รขgรฉe
CHAPITRE III – MATERIEL ET METHODES
3.1 Crรฉation du questionnaire
3.2 Dรฉveloppement de lโoutil informatique de recueil des donnรฉes
3.3 Transmission du questionnaire
3.4 Outils statistiques
CHAPITRE IV – RESULTATS
4.1 Analyse statistique descriptive
4.1.1 Caractรฉristiques de lโรฉchantillon de mรฉdecins gรฉnรฉralistes
4.1.1.1 La rรฉpartition selon les rรฉgions et dรฉpartements
4.1.1.2 Fiche signalรฉtique des mรฉdecins gรฉnรฉralistes
4.1.2 Modalitรฉs de repรฉrage
4.1.2.1 Consommation dโalcool connue
4.1.2.2 Seuils
4.1.2.2.1 Seuil par semaine
4.1.2.2.2 Seuil par occasion
4.1.2.3 Prรฉvalence estimรฉe
4.1.2.4 Occasions de repรฉrage
4.1.2.5 Outils de repรฉrage
4.1.2.6 Difficultรฉs rencontrรฉes
4.1.2.7 Diffรฉrence entre le repรฉrage en population gรฉnรฉrale et chez la personne รขgรฉe
4.2 Analyse statistique univariรฉe
4.2.1 Repรฉrage selon les rรฉgions et dรฉpartements
4.2.2 Repรฉrage selon le sexe des mรฉdecins
4.2.2.1 Caractรฉristiques des mรฉdecins selon le sexe
4.2.2.2 Modalitรฉs de repรฉrage selon le sexe
4.2.3 Repรฉrage selon lโรขge des mรฉdecins
4.2.3.1 Caractรฉristiques des mรฉdecins selon lโรขge
4.2.3.2 Modalitรฉs de repรฉrage selon lโรขge
4.2.4 Repรฉrage selon le nombre dโannรฉes dโinstallation des mรฉdecins
4.2.4.1 Caractรฉristiques des mรฉdecins selon le nombre dโannรฉes dโinstallation
4.2.4.2 Modalitรฉs de repรฉrage selon le nombre dโannรฉes dโinstallation
4.2.5 Repรฉrage selon le suivi ou non dโune formation par les mรฉdecins
4.2.5.1 Caractรฉristiques des mรฉdecins selon le suivi ou non dโune formation
4.2.5.2 Modalitรฉs de repรฉrage selon le suivi ou non dโune formation
4.2.6 Repรฉrage selon la proportion de personnes รขgรฉes dans leur patientรจle
4.2.6.1 Caractรฉristiques des mรฉdecins selon la proportion de personnes รขgรฉes dans leur patientรจle
4.2.6.2 Modalitรฉs de repรฉrage selon la proportion de personnes รขgรฉes dans leur patientรจle
CHAPITRE V โ DISCUSSION
5.1 Une population peu รฉtudiรฉe dans la littรฉrature
5.2 Discussion du recueil
5.2.1 Un questionnaire bref
5.2.2 Des modalitรฉs de recueil ร lโorigine de biais de sรฉlection
5.3 Une analyse statistique limitรฉe
5.4 Discussion des rรฉsultats
5.4.1 Un รฉchantillon de mรฉdecins insuffisamment reprรฉsentatifs des mรฉdecins gรฉnรฉralistes franรงais
5.4.2 Modalitรฉs de repรฉrage
5.4.2.1 Une faible connaissance de la consommation dโalcool chez la patientรจle รขgรฉe
5.4.2.2 Des seuils OMS non adaptรฉs ร la personne รขgรฉe
5.4.2.3 Une prรฉvalence sous-estimรฉe
5.4.2.4 Des occasions de repรฉrage peu reconnues comme tel
5.4.2.5 Des outils de repรฉrage insuffisamment utilisรฉs
5.4.2.6 Des difficultรฉs rencontrรฉes diffรฉrentes selon les caractรฉristiques des mรฉdecins
5.4.2.7 Un repรฉrage avec des spรฉcificitรฉs chez la personne รขgรฉe
5.4.2.8 Des commentaires globalement positifs
CHAPITRE VI โ CONCLUSION
ANNEXES