Notion de services écosystémiques et socio-écologiques
L’approche écosystémique est associée au cadre opérationnel des services écosystémiques, popularisé par la sphère de prise de décision de l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire, et définissant l’écosystème comme « … a dynamic complex of plant, animal, and microorganism communities and the non living environment interacting as a functional unit » (MEA, 2005 ; BAILLY et al., 2011). Autrement dit, un écosystème est comme une dynamique complexe de la faune, la flore, des microorganismes et d’un environnement inerte interagissant en une entité fonctionnelle (LAMARQUE, 2012). Alors, les services écosystémiques sont définis comme étant les bénéfices tirés des écosystèmes par l’Homme pour son bien-être (MEA, 2003). De plus, DIAZ et al. en 2014 ajoutent que les services écosytèmiques par le terme de « Nature’s benefits to people » se référent à tous les avantages que les individus, communautés, sociétés, nations ou l’humanité dans son ensemble dans les zones rurales et urbaines paramètres obtiennent de la nature y compris les biens et services de l’écosystème, l’approvisionnement, la réglementation et les services culturels.
En effet, le complexe écosystémique et social se trouve depuis des millions d’années lié étroitement. LAMARQUE (2012) et MEA (2003 et 2005) soulignent la dépendance du bienêtre humain à l’écosystème. De plus, la répartition des valeurs de la biodiversité fait appel à l’inter connectivité des variables écologiques et sociales. La valeur socio-écologique de la biodiversité est regroupée dans le concept de système socio-écologique (SSE). Selon OSTROM (2009), le SSE est un système complexe faisant interagir plusieurs sous-systèmes séparables pour produire des services au niveau du SSE . Dès lors, l’intégration du bien-être humain évolue la compréhension des services écosytémiques et du système socio-écologique (HOSSAIN et al., 2015).
Services écosystémiques des mangroves
MARIUS (1985) définit la mangrove comme l’ensemble des formations végétales, arborescentes et buissonnantes, qui colonisent les atterrissements intertidaux marins ou fluviaux des côtes tropicales. Les forêts de mangroves sont caractérisées principalement par les palétuviers. De ce fait, les mangroves sont classifiées dans le groupe des zones humides estuariennes (RAMSAR, 2006). L’Article premier de la Convention RAMSAR définit effectivement les zones humides comme « des étendues de marais, de fagnes, de tourbières ou d’eaux naturelles ou artificielles, permanentes ou temporaires, où l’eau est stagnante ou courante, douce, saumâtre ou salée, y compris des étendues d’eau marine dont la profondeur à marée basse n’excède pas 6 mètres » (GAUDIN , 2006). Les écosystèmes des mangroves remplissent plusieurs fonctions telles que la réduction des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), dues à leur grande capacité de stockage de carbone que les autres forêts, une réserve pour la biodiversité en constituant l’habitat, le lieu de reproduction et d’alimentation de nombreuses espèces végétales et animales, l’amélioration de la qualité de l’eau, la protection des zones côtières contre les inondations et une source de revenu pour les communautés locales (RABOTEUR et DIVIALLE, 2007 ; TIEGA et OUEDRAGO, 2011 ; TEEB, 2013). Donc, les services écosystémiques offerts par les mangroves sont multiples et complexes pour les communautés locales. D’ailleurs, le TEEB en 2013 expose que les valeurs des services écosystémiques des zones humides côtières et intérieures comme les mangroves sont généralement supérieures à celles d’autres types d’écosystèmes.
Notion de changement climatique
Le changement climatique est souvent réduit au réchauffement climatique. L’Article Premier de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) entend par changements climatiques « des changements de climat qui sont attribués directement ou indirectement une activité humaine altérant la composition de l’atmosphère mondiale et qui viennent s’ajouter à la variabilité naturelle du climat observée au cours de périodes comparables » (NATIONS UNIES, 1992). Autrement dit, c’est la variation statistiquement significative de l’état moyen du climat ou de sa variabilité, persistant pendant une période prolongée d’après le Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC, 2014). La CCNUCC établit ainsi une distinction entre les changements climatiques attribuables aux activités humaines altérant la composition de l’atmosphère et la variabilité du climat imputable à des causes naturelles. La variabilité climatique est la variation de l’état moyen et d’autres variables statistiques (écarts types, phénomènes extrêmes, etc.) du climat à toutes les échelles temporelles et spatiales au-delà de la variabilité propre à des phénomènes climatiques particuliers. La variabilité peut être due à des processus internes naturels au sein du système climatique (variabilité interne) ou des variations des forçages externes anthropiques ou naturels (variabilité externe) (GIEC, 2007).
Notion de vulnérabilité au changement climatique
Le concept de vulnérabilité est une notion complexe. Or cette notion est souvent réduite au degré d’exposition au risque. WINSER et al., (2003) font référence à la vulnérabilité comme « les caractéristiques d’une personne ou d’un groupe et leur situation qui influencent leur capacité à anticiper, à faire face, à résister et à se remettre de l’impact d’un aléa naturel (un événement ou un processus naturel extrême) ». De plus, la vulnérabilité dépend du caractère, de l’ampleur, et du rythme des changements climatiques auxquels un système est exposé, ainsi que de sa sensibilité, et de sa capacité d’adaptation (MARTIN et al., 2007). DECAMPS (2007) ajoute : « Une analyse élargie de la vulnérabilité se doit donc de prendre en compte le concept de résilience à côté de ceux d’exposition et de sensibilité ». D’ailleurs, MAGNAN (2009) renforce que la nature de la vulnérabilité est d’une part la «fragilité»d’un système face à une perturbation et d’autre part la capacité de ce dernier à absorber la crise et à retrouver un équilibre, autrement défini comme la résilience. Et selon TURNER II et al. (2003), les influences extérieures humaines et environnementales sont à l’origine de perturbations dont les effets sont déterminés par des conditions d’exposition, de sensibilité du système socioécologique et de résilience propres au site .
Logique des acteurs face aux risques
Le risque est souvent réduit au catastrophe, or le premier se réfère à la survenue probable d’une perturbation et le dernier à sa conséquence réelle (BLAIKIE et al, 1994 ; MAGNAN, 2009). En règle générale, le risque est perçu comme négatif. Cependant, en sciences économiques, il peut être associé à des effets négatifs, comme des accidents potentiels, et à des bénéfices tels que l’innovation issue de la recherche (CONCINA , 2014). Mais d’un point de vue social, la notion de risque est ici comprise comme étant un construit social qui combine à la fois le risque objectif en désignant un événement indésirable et son impact négatif dans le monde physique et les représentations qui lui sont associées (GUILLEMOT et al., 2014). Spécifiquement, la logique d’un individu face à un risque renvoie au comportement souvent incompatible en présence d’une situation risquée (MAICHANOU, 2014) .
Acceptabilité et acceptation sociale
Etymologiquement, l’acceptabilité dérive du mot « acceptable » ce qui conduit à la question « est-ce acceptable ? ». De même, acceptation émane du verbe «accepter». Le concept de l’acceptabilité sociale se distingue de celui de l’acceptation sociale. L’étude de l’acceptabilité sociale et de l’acceptation sociale des AMP est encore peu explorée quant à d’autres domaines comme les projets d’extraction minière. Par rapport aux expertises de THOMASSIN en 2010 et 2011, l’auteur énonce que « l’acceptabilité sociale se limite à la mesure d’un assentiment accordé à un outil, une réglementation, un risque ou encore un organisme, par un individu ou par un groupe d’individus réunis sur des critères géographiques, sociaux, économiques et/ou culturels, l’acceptation intègre également l’appropriation réelle et le respect par les actes de la mesure ». Par contre, d’après DAVID (2011), l’acceptabilité est « une probabilité d’adhésion donnée par le module de pilotage aux flux d’information qu’il émet sous la forme de décisions puis d’actions en direction soit des usagers (actifs ou passifs) de l’AMP, soit d’acteurs relevant de l’environnement du système AMP ». Ainsi, cet auteur appuie que « l’acceptation sociale correspond à l’adhésion de ces acteurs au flux d’information, de décision ou d’action émanant du module de pilotage dont ils étaient la cible ». De plus, l’acceptation est symétrique à l’acceptabilité suite à sa transformation par la population cible et c’est en aucun cas deux concepts à relation réciproque. En effet, l’acceptation sociale est le consentement aux systèmes de pilotage, aux décisions et aux actions entreprises, soit le concept émis par DAVID (2011). Dans la présente étude, ces deux théories de THOMASSIN et de DAVID sont combinées à la compréhension de l’acceptation et de l’acceptabilité sociale d’une AMP.
Notion d’analyse coûts avantages
L’Analyse Coûts Avantages (ACA) est un outil d’évaluation fondé sur des principes liés au problème d’allocation de ressources dont les économistes ont fait leur champ d’étude (ROY & DAMART, 2002). L’ACA prend appui sur les théories du bien-être et du surplus. Elles visent à attribuer un prix à tous les biens, qu’ils soient marchands ou non. Ces prix expriment et rendent possible une totale compensation entre tous ces biens. L’évaluation économique est menée, la plupart du temps, pour justifier des projets ou des politiques et non à choisir entre plusieurs possibilités. L’évaluation ne sert pas à aider à la prise de décision mais à justifier la décision (MÉRAL, 2005). Ainsi, l’incorporation de la valeur économique totale (VET) de l’environnement ou des écosystèmes est nécessaire pour l’application de cet outil méthodologique. La VET est subdivisée en deux grandes parties (Cf. Figure 2) dont :
➤ La valeur d’usage composée de la valeur d’usage direct et indirect
➤ La valeur de non usage divisée en valeur d’option, valeur de legs et valeur d’existence .
Etude de la vulnérabilité au changement climatique de l’AMP Ambodivahibe
Cette étude a été effectuée par WWF en 2014. Sur le plan écologique, l’analyse de vulnérabilité a démontré une bonne santé globale des récifs coralliens, auxquels les pêcheurs dépendent principalement. Une surpêche est signalée dans la zone à cause du nombre de captures de juvéniles. L’écosystème marin est résilient aux changements climatiques prévus mais certains risques sont associés à l’utilisation inappropriée de certains habitats comme les mangroves. Toutefois, ces écosystèmes seront probablement exposés aux impacts du changement climatique à l’avenir, en particulier en ce qui concerne l’augmentation de la température de la surface de la mer et la fréquence et l’intensité croissante des tempêtes tropicales et des phénomènes météorologiques extrêmes. La hausse des températures de la surface de la mer devrait avoir un impact légèrement plus élevé sur le littoral. Cette zone devrait aussi être légèrement plus exposée au risque de cyclones et de tempêtes tropicales que le côté ouest de l’île. En termes de vulnérabilité sociale, l’étude a montré que les villages moins vulnérables sont ceux qui ne pêchent pas ou ne peuvent pas pêcher dans les mangroves. En revanche, les villages qui dépendent fortement de la pêche sur les récifs ou les eaux libres sont particulièrement vulnérables. Les communautés ayant des économies mixtes comprenant l’agriculture et l’élevage tendent à avoir une faible vulnérabilité même si la pêche de haute mer est une activité primaire. Les plus vulnérables aux effets des vents forts sont celles qui dépendent presque entièrement de la pêche hauturière. En ce qui concerne la sécheresse, tous les secteurs sont touchés dans une certaine mesure. Les pêcheurs affirment qu’il y a moins de matière organique déversée dans la mer, qui a un impact sur la distribution des poissons. Cependant, les impacts de la sécheresse sont les plus importants pour les communautés qui dépendent de l’agriculture et dans une moindre mesure de l’élevage extensif. Les options d’adaptation prioritaires pour soutenir la résilience écologique d’Ambodivahibe sont principalement la restauration des mangroves dans le but de planter des zones résilientes, de diversifier les revenus de la pêche à la mangrove et de renforcer les activités des réserves marines afin d’assurer des activités de pêche à long terme. Pour les communautés locales, il s’agit de construire des réserves d’eau (principalement pour l’usage domestique et des techniques agricoles améliorées), de promouvoir l’élevage de bétail en cycle court, de construire des infrastructures routières résilientes contre les fortes pluies pour aider les communautés locales à vendre leurs produits et de piloter l’élevage des moutons et des chèvres.
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Table des matières
INTRODUCTION
1 ETAT DES CONNAISSANCES
1.1 Notion de services écosystémiques et socio-écologiques
1.2 Services écosystémiques des mangroves
1.3 Notion de changement climatique
1.4 Notion de vulnérabilité au changement climatique
1.5 Logique des acteurs face aux risques
1.6 Acceptabilité et acceptation sociale
1.7 Notion d’analyse coûts avantages.
1.8 Etude de la vulnérabilité au changement climatique de l’AMP Ambodivahibe
1.9 Historique de l’AMP Ambodivahibe et intégration de l’adaptation au changement climatique
2 MATERIELS ET METHODES
3 RESULTATS
3.1 Analyse de la vulnérabilité des ménages face aux perturbations climatiques et socioéconomique
3.2 Facteurs d’acceptation sociale de l’AMP Ambodivahibe
3.3 Analyse de la contribution des stratégies d’adaptation à la conservation des mangroves
4 DISCUSSIONS
5 RECOMMANDATIONS
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES
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