NOTION DE LA LIAISON HALOGENE
LIAISONS HALOGENE
Lโรฉtude des interactions non covalentes, dont les liaisons halogรจne, a รฉtรฉ abordรฉe depuis longtemps car la connaissance approfondie de ces interactions est dโune importance cruciale pour la comprรฉhension de lโempilement molรฉculaire et de la cristallisation des matรฉriaux molรฉculaires, comprรฉhension fondamentale pour la maรฎtrise dโรฉventuelles applications [1]. Les interactions intermolรฉculaires non covalentes sont dโune importance capitale en chimie en raison de leur implication dans la stabilisation de nombreux รฉdifices molรฉculaires. Elles sont รฉgalement trรจs utilisรฉes en ingรฉnierie cristalline pour diriger les structures et moduler les propriรฉtรฉs physiques des matรฉriaux (Optique Non Linรฉaire, magnรฉtisme, propriรฉtรฉs รฉlectroniques). Parmi ces interactions faibles non covalentes, on peut citer la liaison hydrogรจne, les interactions ฯ- ฯ ou encore la liaison halogรจne. O. Hassel fut un des premiers ร รฉtudier des complexes du type base de Lewis/dihalogรจne dans les structures cristallines et a montrรฉ que les halogรจnes peuvent former des interactions attractives directionnelles [4]. Le terme de liaison halogรจne dรฉsigne une interaction entre un halogรฉnure X- ou un halogรจne X liรฉ de faรงon covalente (acide de Lewis) notรฉ Y-X (Y=C, N, O, halogรจneโฆ) et une base de Lewis anionique ou neutre notรฉe B, la distance intermolรฉculaire X- —B ou Y-X—B รฉtant infรฉrieure ร la somme des rayons de van der Waals. Par analogie avec la liaison hydrogรจne, le groupement Y X, accepteur de densitรฉ รฉlectronique, est appelรฉ donneur de liaison halogรจne et la base de Lewis donneur dโรฉlectron, est dite accepteur de liaison halogรจne. Des รฉtudes thรฉoriques [5] et expรฉrimentales [6] ont montrรฉ que la densitรฉ รฉlectronique est distribuรฉe de faรงon anisotropique autour des atomes dโhalogรจne liรฉs de faรงon covalente. Ainsi, le rayon atomique de lโatome dโhalogรจne est plus petit selon lโaxe polaire de la liaison C-X (Rmin) que dans la direction perpendiculaire ร cet axe (Rmax). Ceci sโexplique par lโimplication dans la liaison C-X, de lโorbitale p de lโhalogรจne, co-axiale ร la liaison et de la non implication des orbitales perpendiculaire ร cet axe [2]. Il en rรฉsulte lโexistence dโune rรฉgion de potentiel รฉlectrostatique positif le long de la liaison covalente appelรฉ ยซ ฯ-hole ยป . Ce potentiel positif augmente avec la polarisabilitรฉ de lโatome dโhalogรจne, autrement dit selon lโordre suivant : F < Cl< Br < I. Le fluor est un cas particulier puisque le potentiel รฉlectrostatique autour de cet atome est nรฉgatif. Dans les trois autres cas, la rรฉgion positive est entourรฉe dโun anneau neutre รฉlectroniquement puis dโune zone chargรฉe nรฉgativement .
GEOMETRIE DE LA LIAISON HALOGENE
Cas des nuclรฉophiles organiquesย
La liaison halogรจne est une interaction fortement linรฉaire et directionnelle du fait du potentiel รฉlectrostatique positif prรฉsent ร lโextrรฉmitรฉ de lโaxe de la liaison C-X. Des รฉtudes thรฉoriques appuyรฉes par des รฉtudes statistiques ร partir des structures cristallines rรฉpertoriรฉes ont en effet montrรฉ que lโapproche du nuclรฉophile a lieu selon lโextension de la liaison covalente C-X ((C-XโธฑโธฑโธฑB)=180ยฐ) . En outre, plus la liaison sera courte et plus elle sera linรฉaire .
Par ailleurs, la liaison halogรจne sโรฉtablit prรฉfรฉrentiellement selon la direction des paires libres de la base de Lewis [8]. Autrement dit, lโangle C-X—B est proche de 180ยฐ tandis que lโangle ฯ correspondant ร lโangle R-B—X (oรน R correspond au groupement liรฉ au nuclรฉophile terminal) est proche de lโangle dรฉfini par le ou les doublets non liants de la base de Lewis avec lโaxe de liaison R-B (Figure 4). Ce type de gรฉomรฉtrie a effectivement รฉtรฉ constatรฉ pour des interactions fortes du type N—I C ou O—I-C [9]. Dans le cas dโinteractions faisant intervenir un atome de brome en tant que donneur de liaison halogรจne, la gรฉomรฉtrie sโรฉloigne lรฉgรจrement de ce modรจle. Cette tendance est accentuรฉe dans le cas du chlore [7].
Liaison halogรจne entre deux halogรจnes
La prรฉsence dโun pรดle ฮด+ et ฮดconfรจre ร lโhalogรจne un caractรจre amphotรจre du point de vue de la liaison halogรจne, autrement dit une liaison halogรจne peut รฉgalement sโรฉtablir entre deux atomes dโhalogรจne, lโun jouant le rรดle de base de Lewis et le second celui dโacide de Lewis. Les travaux de G. Jeffrey et ses collaborateurs ont montrรฉ que deux gรฉomรฉtries pouvaient alors รชtre rencontrรฉes [10] puis le groupe de G. Desiraju les a classรฉes en gรฉomรฉtrie de type I ou de type II [11]. Selon cette dรฉfinition, dans le cas dโune gรฉomรฉtrie de type I, lโangle ฮธ1, dรฉfini par lโaxe de la liaison C-X et celui de la liaison halogรจne est รฉgal ou trรจs proche de lโangle ฮธ2 dรฉfini par lโaxe de la seconde liaison C-X et la liaison halogรจne. Dans le cas de la gรฉomรฉtrie de type II, lโangle ฮธ1 est proche de 90ยฐ et lโangle ฮธ2 de 180ยฐ .
Les contacts de type I, moins forts que les contacts de type II, sont gรฉnรฉralement considรฉrรฉs comme une consรฉquence de la symรฉtrie cristalline, les atomes dโhalogรจne รฉtant situรฉs de part et dโautre du centre dโinversion [12]. Les contacts de type II renvoient ร la dรฉfinition premiรจre de la liaison halogรจne oรน les deux atomes dโhalogรจne ont des rรดles distincts, lโun jouant le rรดle de base de Lewis (perpendiculaire ร la liaison halogรจne) et le second celui dโacide de Lewis. Il existe รฉgalement des contacts intermรฉdiaires dits de quasi-type I, intermรฉdiaire ร la gรฉomรฉtrie de type I, oรน (ฮธ1- ฮธ2) < 20ยฐ [13]. On retrouve ce type de gรฉomรฉtrie dans le cas dโinteractions Cl—Cl et plus rarement dans le cas dโinteractions Br—Br. Les contacts I—I sont quant ร eux exclusivement de type I ou II. Ceci sโexplique par le fait que les effets de polarisation sont plus importants dans les contacts I—I tandis que les contacts Cl—Cl sont dโorigine anisotropique. Les contacts Cl—Cl ont dโailleurs longtemps รฉtรฉ source de dรฉbats. Lโexistence de deux types de gรฉomรฉtrie a suscitรฉ de nombreuses interrogations concernant leur nature. Deux idรฉes se confrontent, lโune considรฉrant que les contacts sont gouvernรฉs par des forcesattractives [11] et lโautre que lโinteraction est liรฉe ร la minimisation des forces des rรฉpulsions [14]. En effet, lโanisotropie de la distribution รฉlectronique autour de lโhalogรจne peut laisser penser que ces deux hypothรจses sont cohรฉrentes .
Il semble que la gรฉomรฉtrie de type I soit induite par une minimisation des rรฉpulsions intermolรฉculaires ou par des interactions attractives trรจs faibles puisquโau point dโinteraction, les potentiels รฉlectrostatiques sont quasi-identiques. De maniรจre gรฉnรฉrale, la gรฉomรฉtrie de type I est vue comme la consรฉquence dโune compacitรฉ dโempilement (close-packing) รฉtroitement liรฉe ร lโanisotropie de la distribution รฉlectronique autour de lโhalogรจne. Une รฉtude rรฉcente prรฉsente lโinteraction de type I comme รฉtant รฉlectrostatique et attractive pour des angles ฮธ1 = ฮธ2 compris entre 140ยฐ et 160ยฐ [16]. En dehors de cette rรฉgion angulaire, lโinteraction รฉlectrostatique est rรฉpulsive. La gรฉomรฉtrie de type II, en revanche, rรฉsulte dโune attraction รฉlectrostatique entre la rรฉgion de potentiel รฉlectrostatique positif dโun halogรจne et la rรฉgion de potentiel รฉlectrostatique nรฉgative du second halogรจne (par analogie au doublet non liant de la base de Lewis). Dans le cas de liaisons halogรจne dissymรฉtriques du type C-X Xโ (i.e. X โ Xโ), les contacts sont trรจs majoritairement de type II. Lโhalogรจne le plus lourd (notรฉ XL= I) adopte le plus souvent le rรดle dโacide de Lewis et lโatome le plus lรฉger (notรฉ Xl= Cl, Br) celui de base de Lewis. Autrement dit, si on considรจre ฮธ1 comme lโangle entre la liaison C-XL et la liaison halogรจne et ฮธ2 lโangle entre la liaison C-Xleger et la liaison halogรจne, la gรฉomรฉtrie privilรฉgiรฉe correspond ร ฮธ1=180ยฐ et ฮธ2=90ยฐ par opposition ร ฮธ1=90ยฐ et ฮธ2=180ยฐ .
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
I. NOTION DE LA LIAISON HALOGENE
1. LIAISONS HALOGENE
2. GEOMETRIE DE LA LIAISON HALOGENE
a. Cas des nuclรฉophiles organiques
b. Liaison halogรจne entre deux halogรจnes
II. FORCE DE LA LIAISON HALOGENE ET FACTEUR INFLUENCANT CETTE FORCE
1. Dรฉtermination de la force dโune liaison halogรจne
2. Paramรจtre influenรงant lโรฉlectrophilie de lโhalogรจne
III. ETUDE DE LA DENSITE ELECTRONIQUE EXPERIMENTALE ET THEORIQUE SUR LโINTERACTION HALOGENE
โ Modรฉlisation de la densitรฉ รฉlectronique
IV. ETUDES CRISTALLOGRAPHIQUES DES LIAISONS HALOGENES DANS LES COMPOSES DE COORDINATION
โ Rรดle de la liaison halogรจne dans le contrรดle de lโassemblage et de lโorganisation des complexes de coordination ร base du Cu(II)-Acac
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES