ยซย J’appelle entier ce qui a un commencement, un milieu et une fin. Le commencement est ce qui ne suppose rien avant soi, mais qui veut quelque chose aprรจs.ย ยป Aristote .
Les cristaux ont toujours รฉtรฉ considรฉrรฉs comme des solides particuliers en raison de leur forme gรฉomรฉtrique et pour certains de leur transparence. Cette transparence a mรชme valu aux cristaux de gypse dโรชtre utilisรฉs par les Romains pour fermer les embrasures des fenรชtres avant lโinvention des techniques de fabrication du verre plat. Si lโutilisation des cristaux est trรจs ancienne, leur fabrication ne lโest pas moins. Par exemple, depuis lโAntiquitรฉ les hommes cristallisent le sel dans les marais salants.
L’opรฉration permettant dโobtenir des cristaux est appelรฉe cristallisation. Elle correspond au passage dโun รฉtat dรฉsordonnรฉ de la matiรจre ร un รฉtat ordonnรฉ et solide. Il existe cependant diffรฉrents types de cristallisation. Lโeau qui gรจle forme des cristaux de glace lors du passage de lโรฉtat liquide ร lโรฉtat solide, on parle de cristallisation en bain fondu. Pour la cristallisation du sel dans les marais salants, on parle de cristallisation en solution. Ce second type de cristallisation permet le passage dโun solutรฉ de lโรฉtat dissout ร lโรฉtat de solide cristallin. Dans ce travail, nous รฉtudierons spรฉcifiquement la cristallisation en solution.
La cristallisation en solution met en jeu plusieurs phรฉnomรจnes qui gouvernent diffรฉrentes propriรฉtรฉs des cristaux obtenus. Ainsi, la croissance des cristaux dรฉtermine leur faciรจs (formes extรฉrieures des cristaux), leur morphologie (faces) et leur taille, alors que la nuclรฉation (lโapparition de nouveaux cristaux) dรฉtermine la phase cristalline. Ces diffรฉrents paramรจtres (faciรจs, morphologie, taille et phase cristalline) vont faire varier les propriรฉtรฉs des cristaux et donc les propriรฉtรฉs du produit fabriquรฉ ร partir de ces cristaux. La cristallisation en solution est utilisรฉe dans de trรจs nombreux procรฉdรฉs et dans des domaines variรฉs : cristallisation du sel ou du sucre dans lโagroalimentaire, cristallisation du savon dans lโindustrie lessivielle, cristallisation de cristaux de grandes tailles et de grande qualitรฉ pour lโoptique, cristallisation de nombreux principes actifs dans lโindustrie pharmaceutiqueโฆ Mais tous ces domaines nโont pas les mรชmes exigences quant ร lโรฉtape de cristallisation en solution. Dans certains domaines, elle nโest pas une รฉtape critique (cristallisation du sel par exemple), dans dโautres domaines, cette รฉtape peut avoir des consรฉquences majeures (cristallisation de principes actifs).
Dans lโindustrie pharmaceutique, une รฉtape de cristallisation mal contrรดlรฉe (en termes de reproductibilitรฉ) peut mettre en danger la vie des patients. En effet, le changement de faciรจs, de taille ou de phase cristalline des cristaux obtenus peut modifier radicalement leurs propriรฉtรฉs de dissolution. Cela a pour consรฉquence de modifier la biodisponibilitรฉ du principe actif, le rendant toxique ou inefficace. Si la taille moyenne des cristaux peut รชtre modifiรฉe aprรจs la cristallisation (par broyage, granulationโฆ), la phase cristalline elle, est totalement dรฉpendante du procรฉdรฉ de cristallisation et plus particuliรจrement de lโรฉtape de nuclรฉation. Cela a dรฉjร conduit ร des incidents par le passรฉ, comme dans le cas du Ritonavir . Ces incidents ont poussรฉ les autoritรฉs ร exiger des laboratoires pharmaceutiques une รฉtude approfondie du processus de cristallisation afin de rรฉduire au maximum ce risque. Cela va รฉgalement dans le sens de lโintรฉrรชt des laboratoires puisque ces derniers peuvent breveter chaque phase cristalline dรฉcouverte et donc protรฉger davantage leurs produits contre la fabrication de contrefaรงons.
Notion de cristallisation en solutionย
La cristallisation en solution est un changement dโรฉtat au cours duquel un corps va passer de lโรฉtat dissout ร lโรฉtat de solide cristallin. Malgrรฉ la simplicitรฉ de mise en ลuvre de la cristallisation en solution, utilisรฉe depuis de nombreux siรจcles dans les marais salants, ce phรฉnomรจne repose sur des principes physiques qui peuvent รชtre complexes. Il convient donc de prendre un peu de temps pour dรฉfinir les bases de la cristallisation en solution. Lโobjet de cette partie est de dรฉfinir les diffรฉrents aspects de la cristallisation en solution qui seront abordรฉs dans ce manuscrit. Tout d’abord, quelques gรฉnรฉralitรฉs sur les notions de solubilitรฉs, de sursaturation et de faciรจs cristallins seront exposรฉes succinctement. Puis le concept de phases cristallines sera dรฉfini en cherchant ร mettre en lumiรจre les possibilitรฉs de caractรฉrisation dans un but de criblage de phase. Enfin, une revue bibliographique de la nuclรฉation sera rรฉalisรฉe afin de voir comment les diffรฉrentes notions vues prรฉcรฉdemment interagissent au cours de cette รฉtape.
Gรฉnรฉralitรฉsย
Cette premiรจre partie sโattachera ร dรฉfinir quelques notions fondamentales de la cristallisation en solution telle que la solubilitรฉ, la sursaturation, la croissance cristalline et le faciรจs. Une solution se dรฉfinit comme la dispersion dโun composรฉ, le solutรฉ, dans un second composรฉ, le solvant. On dit alors que le solutรฉ est dissout par le solvant. On peut avoir une idรฉe rapide du pouvoir de dissolution dโun solvant sur un solutรฉ donnรฉ par la rรจgle du ยซ like dissolve like ยป, cโest ร dire qui se ressemble (chimiquement) se dissout . Cependant, il existe une quantitรฉ maximale de solutรฉ qui peut รชtre dissoute dans un volume donnรฉ de solvant, elle correspond ร lโรฉquilibre cristal/solution. Cette quantitรฉ maximale est appelรฉe solubilitรฉ C* et sera exprimรฉe en mg/ml dans ce manuscrit. Lorsque la quantitรฉ maximale de solutรฉ a รฉtรฉ dissoute dans le solvant, la solution est dite saturรฉe. La solution satisfait alors ร lโรquation 1.
C = C *
รquation 1
C : Concentration en solutรฉ de la solution, ici la solution est saturรฉe (mg/mL)
C* : Solubilitรฉ (mg/mL) .
Diffรฉrents paramรจtres peuvent faire varier la solubilitรฉ dโune molรฉcule dans un solvant. Il sโagit le plus souvent de la nature du solvant et de la tempรฉrature. Cependant pour des molรฉcules plus complexes, comme les protรฉines, la solubilitรฉ peut dรฉpendre รฉgalement du pH, de la force ionique de la solution, de la nature des autres ions en solutions, etc. La notion de solubilitรฉ, รฉgalement appelรฉe concentration ร saturation, qui vient dโรชtre vue permet de dรฉterminer lโรฉtat dโรฉquilibre thermodynamique dโun systรจme cristal/solution. Cependant, il existe des รฉtats hors รฉquilibre et lโun dโentre eux est la sursaturation.
Un moyen dโobtenir une solution sursaturรฉe est de dissoudre le solutรฉ dans des conditions permettant dโaccroitre C*, par exemple en augmentant la tempรฉrature. Puis en diminuant la tempรฉrature, la solubilitรฉ est rรฉduite jusqu’ร ce que cette derniรจre soit infรฉrieure ร la concentration de la solution. Une solution sursaturรฉe possรจde donc un excรจs de solutรฉ en solution par rapport ร lโรฉquilibre thermodynamique cristal/solution. Cet รฉcart ร lโรฉquilibre thermodynamique constitue la force motrice de la cristallisation. La cristallisation nโest que la manifestation de ce retour ร lโรฉquilibre. Le retour ร lโรฉquilibre thermodynamique dโune solution sursaturรฉe passe nรฉcessairement par la cristallisation des molรฉcules de solutรฉ prรฉsentes en excรจs dans la solution. La sursaturation conduit ces molรฉcules ร intรฉgrer un cristal de solutรฉ. Elles peuvent soit conduire ร la formation de nouveaux cristaux (cet aspect sera dรฉveloppรฉ dans la partie 1.3) soit intรฉgrer un cristal dรฉjร existant. On parle dans ce cas de croissance cristalline puisque le cristal va croรฎtre en intรฉgrant de nouvelles molรฉcules via sa surface. Selon la structure chimique de cette surface, il va รชtre plus ou moins facile dโintรฉgrer un nouvel รฉlรฉment dans le cristal. Cela va donc se traduire au niveau macroscopique par une diffรฉrence dans la vitesse de croissance de chaque face du cristal. Les diffรฉrentes faces du cristal ne se dรฉveloppant pas ร la mรชme vitesse, le cristal prendra un faciรจs (forme extรฉrieure du cristal) qui dรฉpendra de la vitesse de croissance relative des faces. Le faciรจs peut รชtre en aiguille trรจs fine, en baguette plus รฉpaisse, en plaquette ou mรชme en cube.
Polymorphisme et phases cristallinesย
Dโaprรจs sa dรฉfinition, un cristal est caractรฉrisรฉ par une rรฉpartition rรฉguliรจre et pรฉriodique des atomes qui le composent. Cette pรฉriodicitรฉ est liรฉe ร la faรงon dont les รฉlรฉments (atomes ou molรฉcules) qui intรจgrent le cristal lors de sa croissance vont sโempiler pour former la structure dense du cristal.
Les deux types dโempilement sont en effet des empilements denses, rรฉguliers et pรฉriodiques de sphรจres identiques. Ils rรฉpondent donc ร la dรฉfinition que lโon donne du cristal, mais prรฉsentent cependant deux structures bien diffรฉrentes. Dans le cas dโun cristal, un phรฉnomรจne similaire peut se produire lors de lโempilement des molรฉcules ou des atomes qui le constitue. Chaque type dโempilement caractรฉrisera alors une phase solide appelรฉe polymorphe cristallin. On dira alors que ce solide prรฉsente plusieurs polymorphes. Mais le polymorphisme nโest pas la seule possibilitรฉ pour un solide dโexister sous diffรฉrentes phases cristallines. Un cristal peut รชtre formรฉ de plusieurs types de molรฉcules dans des proportions dรฉfinies. On parle alors selon les cas : dโhydrates si lโune des espรจces chimiques est lโeau, de solvates si lโune des espรจces chimiques est un solvant organique ou de cocristaux si toutes les espรจces sont des solides ร tempรฉrature ambiante . Chacun de ces mรฉlanges en quantitรฉ dรฉfinie constitue alors une nouvelle phase cristalline, qui peut ร son tour prรฉsenter ou non du polymorphisme. Pour un produit chimique donnรฉ, il peut exister un grand nombre de phases cristallines diffรฉrentes.
Chaque phase cristalline possรจde un arrangement des molรฉcules qui lui est propre, il sโagit donc de solides diffรฉrents qui possรจdent des propriรฉtรฉs physiques diffรฉrentes. Un exemple bien connu est celui du graphite et du diamant, deux solides composรฉs exclusivement de carbone, mais qui prรฉsentent des propriรฉtรฉs physiques diffรฉrentes: rรฉsistance mรฉcanique, conductivitรฉโฆ De la mรชme faรงon, diffรฉrentes phases cristallines dโun mรชme produit auront des densitรฉs, des solubilitรฉs, des faciรจs ou encore des propriรฉtรฉs optiques diffรฉrentes suivant la phase cristalline.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : BIBLIOGRAPHIE
1 NOTION DE CRISTALLISATION EN SOLUTION
1.1 GENERALITES
1.2 POLYMORPHISME ET PHASES CRISTALLINES
1.3 NUCLEATION
1.3.1 Nuclรฉation primaire homogรจne
1.3.2 Nuclรฉation primaire hรฉtรฉrogรจne
2 MICROFLUIDIQUE
2.1 SYSTEMES MICROFLUIDIQUES DE CRISTALLISATION
2.1.1 Systรจmes microfluidiques pour la cristallisation des protรฉines
2.1.2 Systรจmes microfluidiques pour lโรฉtude de la cristallisation
2.2 FABRICATION DE SYSTEMES MICROFLUIDIQUES
2.2.1 Systรจmes microfluidiques en verre
2.2.2 Systรจmes microfluidiques en PDMS
2.2.3 Systรจmes microfluidiques en THV
2.2.4 Systรจmes microfluidiques ร base de capillaires
CHAPITRE 2 : MATERIELS ET METHODES
1 PRINCIPES ACTIFS ET PREPARATION DES SOLUTIONS
1.1 LE LYSOZYME
1.2 LA CAFEINE
1.3 LโISONICOTINAMIDE
2 MATERIEL
2.1 LโALIMENTATION DU SYSTEME MICROFLUIDIQUE EN SOLUTION
2.2 LE CONTROLE DE TEMPERATURE
2.3 LโOBSERVATION DES GOUTTES ET DES CRISTAUX
3 METHODES
3.1 COURBES DE SOLUBILITE
3.2 ENCADREMENT DE SOLUBILITE PAR LA TEMPERATURE
3.3 FREQUENCE DE NUCLEATION
CHAPITRE 3 : RESULTATS ET DISCUSSIONS
1 รTUDE DE LA NUCLEATION EN PHASE AQUEUSE
1.1 LE SYSTEME MICROFLUIDIQUE
1.2 MESURE DE LA LIMITE DE ZONE METASTABLE (LZM) (ARTICLE 1)
1.3 MISE EN EVIDENCE DE DIFFERENTES PHASES CRISTALLINES (ARTICLE 1)
1.4 FREQUENCE DE NUCLEATION PRIMAIRE (ARTICLE 2)
1.4.1 Choix de la tempรฉrature de croissance
1.4.2 Choix des concentrations
1.4.3 Choix des temps de nuclรฉation
1.4.4 รvolution de la frรฉquence de nuclรฉation
1.5 ARTICLE 1
1.6 ARTICLE 2
2 VERS LโETUDE DE LA NUCLEATION EN PHASE ORGANIQUE (ARTICLE 3)
2.1 SYSTEME POLYVALENT DE STOCKAGE DES GOUTTES
2.1.1 Mรฉthode de stockage de gouttes dans des capillaires en Tรฉflon
2.1.2 Limite de Zone Mรฉtastable
2.1.3 Frรฉquence de nuclรฉation
2.2 VERS UN SYSTEME MICROFLUIDIQUE UNIVERSEL, COMPATIBLE TOUT SOLVANT ET TOUTE MOLECULE
2.2.1 โPlug factoryโ ร base de capillaire
a) โPlug factoryโ basรฉe sur lโinsertion dโune aiguille dans un capillaire
b) โPlug factoryโ basรฉe sur les techniques HPLC
c) Choix de lโhuile injectรฉe dans la โplug factoryโ
d) Outil dโinjection dans la โplug factoryโ
2.2.2 Validation de la nouvelle โplug factoryโ
a) Validation de la formation des gouttes de divers solvants
b) Validation du stockage des gouttes de divers solvants
c) Validation des expรฉriences de cristallisation dans divers solvants
2.2.3 Faisabilitรฉ de la mesure de la LZM de la cafรฉine
2.3 ARTICLE 3
CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
1 CURRICULUM VITAE
2 CRISTALLISATION DU KDP
3 NANOTECHNOLOGIES DEDIEES AU CONTROLE DE LA NUCLEATION
BIBLIOGRAPHIE